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décrypt'art - Page 20

  • René Guiffrey (par Sylvie)

    René Guiffrey est un artiste exigeant. Il ne cherche pas à séduire. Il oeuvre dans le blanc et la transparence, le géométrique et la superposition. Pas facile! Les oeuvres exposées actuellement à la galerie Gimpel et Müller sont l'occasion de constater encore une fois qu'une émotion peut naitre de ces abstractions où l'ego n'a pas de place et la répétition est de mise. N'ayant jamais perdu, depuis ses débuts dans les années 60, le goût de la blancheur du papier (et sa texture) Guiffrey en perpétue l'usage et poursuit avec cette non-couleur, qu'elle soit de peinture acrylique, de verre industriel ou de miroir, sa quête de l'insaisissable.

    115 Guiffrey, la mouche.jpgIl oeuvre par séries, ce qui met en lumière les variations du procédé. Le titre de la première, "La mouche" ( série de trois), acrylique et verre, 80x80 cm, 2005, pourrait trouver son origine dans la légèreté de son apparence, quelque chose de fragile et de délicat comme l'aile d'un d'insecte. Elle est constituée de carrés concentriques en fines plaques de verre transparent, cernées d'un liseret de miroir. Le carré de surface, le plus petit, est peint en blanc. Cette forme carrée et ses emboitements nous rappellent bien sûr l'Abstraction géométrique et l'Art cinétique. Elle en a la forme rassurante et silencieuse, cette carrure qui l'ancre dans le réel. Elle en a les déclinaisons internes qui fractionnent l'espace clos. Mais si tout se jouait par la couleur posée chez Albers ou Vasarely, Guiffrey laisse agir la neutralité du  materiau  qui, imprévisible, modifie le support par sa seule présence, prend relief et couleur - il devient tout à fait vert - au fil des couches, crée des lignes, accroche et subit la lumière, réfléchit le regardeur et introduit son empreinte éphémère dans l'oeuvre. La bordure de miroir prend sa part de reflets et finalement l'oeuvre, si rigoureuse dans sa construction, si ouverte dans son champ de blanc qui cerne le carré, si plate en surface et si immatérielle dans sa gamme pâle, bouscule sa propre ordonnance par les effets qu'elle suscite.

    174 Guiffrey, Blanc et débords..jpgAvec "Blanc et débords", acrylique et verre, 80x120 cm (série de deux) on comprend mieux la technique chère à Guiffrey des fixés sous verre. La peinture, appliquée au dos du matériau, apparait, par transparence, brillante et subtilement crémeuse dans un grand rectangle où s'en inscrit un autre, séparé par un vide. Dans cette échancrure elle déborde de son périmètre, festonne de façon aléatoire et se profile en ombres changeantes sur le fond selon le cheminement du regardeur, laissant voir en dessous une bande argentée qui fait passer la lumière et un double trait noir, péremptoire comme l' affirmation d'un tangible dans cet " interstice du doute" (in Bernard Privat:" René Guiffrey ou l'effroi du beau").

    175 Guiffrey, retour sur 76..jpgLa plus troublante des oeuvres exposées est pour moi "Retour sur 76". Deux trapèzes blancs, verticaux, peints sous verre,  occupent, dans un équilibre parfait, le centre de l'oeuvre et forment un carré brillant de surface et d'une blancheur lustrée qui contraste avec celle du fond. Des traits noirs, tracés à la plume, semble t'il, soulignent, prolongent, encadrent les côtés et portent en eux des notations chiffrées. Ce pourrait être un croquis d'architecte avec ses lignes fugitives, ses doublements, ses orientations flèchées. Un effet de perspective, né du décallage entre forme et lignes, entre verre et fond, entraine le regard, encouragé ici par les reflets obliques de l'éclairage, vers une fenêtre aveugle, une profondeur invisible, un espace de méditation.  

    René Guiffrey, galerie Gimpel et Müller, 12 rue Guénégaud, 75006 Paris. jusqu'au 10 avril.                           

     

     


  • JAN DIBBETS - "Horizons" (par Régine)

    Pourquoi ai-je trouvé l'exposition de Jan Dibbets, intitulée "Horizons", si belle et si stimulante ? serait-ce parce que son thème permet d'allier les contraires ? (Rien en effet n'est plus réel et en même temps plus abstrait que l'horizon") ; elle m'est apparue à la fois conceptuelle et visuelle, abstraite et figurative, minimaliste et romantique.

    Qu'est-ce que l'horizon si ce n'est cette ligne imaginaire, mais bien visible, qui sépare la terre ou la mer du ciel, qui se modifie en fonction de notre position et s'éloigne lorsqu'on s'en rapproche. Il est aussi cette convention à partir de laquelle un peintre dit "réaliste" construit la perspective et donc la profondeur de la scène qu'il veut représenter. C'est une ligne que l'on voit dans la nature, dans l'art, mais qui, comme l'équateur, n'a pas d'existence.

    En Hollande, patrie de Jan Dibbets, étrange pays où la terre et la mer sont au même niveau, sa présence est obsédante ; elle a imprégné tout l'art du XVIIème au XXème siècle, et après Ruysdaël et Mondrian, il en poursuit la quête.

    L'exposition montre deux temps de réflexion de l'artiste sur ce thème : le premier dans les années 1970, le deuxième à partir de 2005.

    La première oeuvre exposée, prémonitoire de tout ce qui va suivre, date de 1969. Intitulée "Five island trip" (photo n°1) elle se présente sous la forme d'un montage associant une carte de la Hollande avec le tracé de 6 parcours, les 6 photos prises lors de ces déplacements et une description manuscrite des trajets effectués. Ce travail est très proche de ceux réalisés à la même époque par des artistes du Land art, notamment par Richard Long auquel Dibbets s'était lié lors de son séjour à Londres au St Martin College.

    Sur chaque photo tirée en noir et blanc jan dibbets 014.JPG(photo n° 1), la mer, légèrement moutonnante, est gris foncé, le ciel est gris clair. Il s'assombrit et disparaît presque complètement sur le dernier cliché. La variation de la hauteur de la ligne d'horizon, différente sur chacune d'elle, donne le sentiment de voir la mer se soulever, redescendre, se soulever à nouveau comme le mouvement des marées, celui des vagues, comme une respiration. Bien que minimaliste dans sa forme, l'idée de l'éternel retour, si chère aux romantiques m'a semblé ici sous-jacente.

    Avec les oeuvres suivantes effectuées vers 1972/1974, Dibbets va se livrer à une série d'expérimentations autour du même sujet ; ce sont des montages de photos dans lesquels la ligne d'horizon est si malmenée que le principe même d'horizontalité s'en trouve offensé. Elle se bombe ("Dutch Mountains"), prend la forme d'une vague ("Negative mountain sea") (photo n° 2)jan dibbets 030.JPG ou, renversant terre et mer, d'un rapporteur de géomêtre ("Universe-world's platform") (photo n° 3)jan dibbets 026.JPG. En dessinant un petit schéma en bas de chaque oeuvre, qui en indique la structure formelle, l'artiste nous dit précisément comment il a organisé le montage des photos qui les compose et nous donne à voir l'image et son concept ; avec les "Comets"jan dibbets 020.JPG, (photo n° 4) la taille des photos et de leur encadrement blancs sans bords, leur agencement dans l'espace transforme l'ensemble en une fusée verte ou bleue qui s'élance vers l'infini. Cette trajectoire obtenue à partir d'innombrables horizontales est si parfaite qu'elle semble faite de carreaux de faience scellés à même le mur.

    L'horizon serait-il flexible ? Quelle étrange sensation !

    Trente ans plus tard, Dibbets va reprendre une oeuvre de 1972 : "Section aurea" pour la soumettre à d'innombrables variations ; elle est composée de deux photographies, l'une représentant la ligne d'horizon prise en étau entre ciel et terre, l'autre entre ciel et mer, accolées de manière à ce qu'elle travers les deux panneaux de façon continue.

    Avec cette nouvelle série commencée en 2005, intitulée "Land see : Horizon", l'artiste va agencer ces deux images de multiples manières. Dans la plupart des oeuvres exposées, la perturbation du spectateur naît de la variation des orientations infligées alors que l'horizon reste constamment parallèle au sol (photos 5, 6, 7)jan dibbets 022.JPGjan dibbets 025.JPGjan dibbets 035.JPG. Comme le liquide d'un récipient que l'on pencherait dans différents sens, l'horizontalité de sa ligne reste imperturbable et telle une clepsydre dont l'eau ne s'écoulerait plus, le temps semble suspendu dans un espace immuable. Cette ligne qui sépare un ciel uniformément bleu clair d'une mer bleu sombre légèrement agitée et d'une prairie verte ne creuse pas l'espace. Tout reste sur le même plan. Cela, si simple et si complexe, est bien troublant.

    Avec un  minimum de moyens et une obstination comparable à celle du peintre R. Ryman qui ne peint qu'avec la couleur blanche, Yan Dibbets, depuis plus de quarante ans, s'évertue à percer le mystère d'une ligne à la fois invisible et s'offrant au regard.

    La question qu'il me semble inlassablement poser est "Que voit-on quand on voit ?"

     

    Jan DIBBETS "Horizons", Musée d'Art Moderne de la Ville de Paris - 11, Avenue du Président Wilson, 75016-Paris. 01 53 67 40 00.  Jusqu'au 2 Mai de 10h à 18h sauf lundi.

     

  • Gregory Markovic (par Sylvie)

    nuage2.jpgnuage2 Markovic.jpgCe n'est probablement pas parce que Soulages et son "outrenoir" sont à la une à la grande exposition de Beaubourg mais le fait est que le noir, de nos jours, se porte bien. Il a acquis toutes les noblesses. Voyez l'uniformité vestimentaire des foules et le col roulé obligatoire de ces messieurs. Mais là n'est pas mon propos. Parlons dessin.

    Je viens de voir l'exposition de Gregory Markovic à la Galerie Particulière. Elle m'a enchantée. Surtout le grand triptyque de 2008 dont chacun des éléments atteint 164x282 cm. Il est noir, d'un noir puissant, mat, envahissant, qui laisse entrevoir des espaces blancs, du blanc éclatant au gris sourd, se déployant en nuées. Pourquoi nous emporte t'il ainsi ? Est-ce le mouvement de ces masses vaporeuses ou la profondeur du noir? Avons-nous sous les yeux un tirage photographique ou son négatif ?

    Rien de tout cela.Gregory Markovic (né en 1972) utilise la photo comme point de départ certes, pour la mise en place de ces formes aléatoires que sont les nuages mais son objectif est un travail sur la lumière, l'espace, le vide et le silence. Son médium ? Le fusain, ce gros bâton de charbon végétal brut, réputé pour ses qualités de tendresse et de friabilité, avec lequel des milliers d'étudiants en art se sont exercés au modelé des plâtres antiques. On se rappellera que, dans sa recherche des fondus et dégradés qui a culminé avec le pointillisme, Georges Seurat, au XIX ème siècle, s'en est fait un outil de choix.

    Markovic le passe et le repasse en grands gestes horizontaux. Accrochant d'abord le grain du papier- celui-ci étant choisi parce que fragile, résistant et porteur de lumière- le fusain se fait de plus en plus couvrant, unifié et lisse avec des plages satinées, presque joyeuses dans des étendues d'une opacité inquiétante. Il y a quelque chose d'opiniâtre à vouloir ainsi tout salir, et dans quelle poussière! Le geste d'un tourmenté s'abîmant dans la noirceur du monde ?  

     Après cette addition, des soustractions au doigt, au chiffon, à la gomme, au calque, à la paille de fer, au papier de verre à la recherche d'une sorte de salut, patiemment, obstinément. A force de frottements la clarté advient. "Je creuse jusqu'à la lumière". Le noir s'enfonce, le blanc renait de la cendre après l'avoir absorbée. De sa subtilité et de sa richesse vient l'éclat. Les nébulosités prennent chair et avec elles la dynamique du mouvement. Il n'est pas sûr qu'elles  soient le résultat d'une observation  stricte ou romantique de la nature comme chez les anglais Constable ou Turner. Elles ont plus à voir avec les paysages mentaux des peintres nuagistes des années 50-60, avec la même liberté.

    Enveloppé dans le grand format l'oeil se perd, entrainé dans deux dimensions, les gouffres d'un espace sans limites et les méandres des motifs engendrés. De près, les gestes inscrits sur la surface en multiples fines griffures, horizontales ou circulaires, l'animent de façon spectaculaire comme le tramage d'une soierie et participent de la vibration ressentie lorsqu'il s'en éloigne. Rien ne s'arrête, tout flotte, tout est possible. l'imaginaire s'envole.

    Gregory Markovic "Dessins", Galerie Particulière, 16 rue du Perche, 75003. Paris. 01 48 74 28 40. Jusqu'au 28 mars 2010.

  • Claire Morgan (par Sylvie)

    05022010_001.jpgFaut-il les appeler sculptures? leur volumétrie s'y prête mais il y a tant de transparence, de légèreté et d'air qui circule entre les composants qu'on serait tenté de qualifier les oeuvres de Claire Morgan, présentées à la galerie Karsten Greve, d'univers. Des univers flottants et fragiles comme des bulles de savon coloré de grande dimension où "la perfection et le désastre fusionnent" selon l' expression de l'artiste, une jeune irlandaise née à Belfast en 1980.

    Pourquoi la perfection? parce que de près, les formes réalisées sont linéaires - parallélépipèdes, cubes, sphères; elles ont cette qualité de précision propre à la 05022010_003.jpggéométrie. Suspendues et maintenues régulièrement espacées par des fils de nylon à peine visibles, que la lumière transforme en pluie arachnéenne, leur présence a quelque chose de magique. Dans ce subtil entrelacs, les délicates pièces, plus ou moins translucides et dentelées, qui font l'étoffe des oeuvres, sont insérées ponctuellement comme des pierres précieuses aux tons parfois éblouissants: fraicheur du bleu de "The blues II" (photo 3), blancheur immaculée de "Part of the seam" (photo 1).

    Alors pourquoi le désastre? Parce que de près le spectacle révèle sa véritable 05022010_004.jpgnature, faite d' insectes ou de multiples petits morceaux du plastique le plus ordinaire - le polyéthylène des sacs poubelles ("Clearing",photo 2) - déchiquetés et assemblés. Et dans ces sortes de cages en déchets il y a toujours un animal mort ou piégé, un oiseau, un renard, des papillons... Aussi beau soit-il, le poids de ce cadavre semble d'autant plus lourd que le piège est gracile et aérien.

    Dépouillées et mysterieuses ces installations ambivalentes nous émerveillent et nous questionnent. La beauté et l'émotion m'ont gagnée devant cette combinaison silencieuse d'organique et d'inorganique qui pointe la fragilité et la brutalité du monde, le drame de l'humaine condition et l'impact de notre mode de vie sur la planète: une réflexion de moraliste et d'écologiste qui frappe par l'art rigoureux, complexe et habile, de lier la beauté du monde du vivant aux éléments les plus représentatifs de la pollution humaine.

    "Life blood" de Claire Morgan, galerie Karsten Greve, 5 rue Debelleyme, 75003 Paris. 01 42 77 19 37. Jusqu'au 25 février 2010.

  • Fauves et expressionnistes (par Régine et Sylvie)

    L'exposition "Fauves et expressionnistes" a été l'occasion d'un retour au Musée Marmottan, somptueux hôtel particulier du XIXème siècle devenu en quelque sorte "le" musée Monet de Paris.

    Malgré l'attrait que représente pour nous la peinture contemporaine, revoir, en passant, ces "Nymphéas" (1917-1919) a été un choc. Nous avions oublié à quel point Monet avait pris de la distance par rapport au réel et retenu la leçon de Turner. Et combien ce tableau,fait de  multiples traits horizontaux inscrits en all-over dans un vaste format très horizontal (100x300cm)  était abstrait et  avait pu influencer les américains dans leur désir d'espace. Jackson Pollock et Joan Mitchell ne sont pas loin.

    Mais venons en aux oeuvres expressionnistes de l'exposition temporaire. Il est toujours passionnant de revenir aux sources de la modernité. Là, elles sont représentatives du renouveau artistique en Allemagne avant la 1ère guerre mondiale regroupé autour des mouvements Die Brucke à Dresde et Der Blaue Reiter à MUnich. Bousculant les codes de la peinture, elles traduisent, en harmonies dissonantes, un réel sans fard et le Moi intérieur de l'artiste. Elles ont profondément modifié notre vision du monde.

    Une toile nous a parue esquisser cette nouvelle tendance, elle est signée Emile Nolde. "Le pont" (1910) est encore dans la thématique campagnarde chère aux impressionnistes et les roses, les violets, les jaunes et les verts se mêlent en touches enlevées et chatoyantes. Ce pourrait être du Monet, une impression figitive peinte sur le motif, avec déjà quelque chose de fiévreux avant coureur de conflit. Comme les autres membres du mouvement Die Brucke, Node évoluera vers plus de primitivisme et de couleurs fortes.

    Les yeux noirs, Jawlensky 03-02-2010 14;09;05.jpg

    Nous avons choisi trois portraits pour illustrer l'expressionnisme en ce qu'ils ont de frontal et mettent l'accent sur les yeux. La "jeune fille au chapeau rouge" (1905) d'Edvard Munch les expressionnistes 001.jpg(photo n° 2), d'un noir et rouge sur fond jaune saturés, nous fixe de son regard inquiet où passe toute l'angoisse de la destinée humaine. La rapidité de la touche semble vouloir saisir au plus prêt la détresse de l'enfant ; le quadrillage noir de sa robe l'emprisonne dans son mal-être. Avec "Les yeux noirs" (1912) Jawlensky (photo n° 1) cerne les formes d'un trait sombre. Fini le modelé, tout se joue sur le contraste des couleurs chaudes et froides. Dépourvu de tout souci naturaliste, le visage est jaune, vert, rouge, les cheveux sont bleux et la force du regard des immenses yeux noirs ne vous lâche pas. otto-dix-leonie-litho_1262732668.jpg"Léonie" (1923) d'Otto Dix (photo 3)est caricaturale. Sous son grand chapeau peu flatteur, ridiculement ornementé, et ses joues trop peintes, elle a le visage cabossé par la vie. Voilà bien la férocité de la Nouvelle Objectivité. Plusieurs autoportaits figurent dans l'exposition, tel celui de Kokoschka les expressionnistes 007.jpg(photo 4) de 1917 dont la nervosité de touches en larges virgules traduit souffrance et instabilité et sont à rapprocher de ceux, sans complaisance, de Lucian Freud. Eric Heckel, quant à lui, nous fait entrevoir Bernard Buffet.

     

    Et la nature dans tout cela? Les expressionnistes la jouent primitiviste, comme le montre le paysage tout en sauvagerie et mystère d'Adolf Erbslöh.les expressionnistes 011.jpg(photo 5) Les arbres, traités en larges éventails, dans une gamme de vert et de bleu sombres envahissent une maison mauve dont les fenêtres sont comme deux yeux apeurés.

    kees-van-dongen_1262732846.jpgAu milieu de ces oeuvres tourmentées qui renvoient à l'intériorité et à ce que Kandinsky appelle la "nécessité intérieure", le "Nu de jeune fille " (1906) de Van Dongen (photo 6) a la grâce d'une sensualité assumée. L'audace des couleurs ne fait qu'en confirmer la liberté insolente et souligner la distance qui sépare les Fauves de la douceur de l'impressionnisme d'une part et de la critique sociale et morale de l'expressionnisme de l'autre.

     

    "Fauves et expressionnistes, de Van Dongen à Otto Dix" - Musée Marmottant Monet, 2 rue Louis Boilly, 756016-Paris.  01 44 96 50 33. Tous les jours sauf lundi de 11 à 18 h. Jusqu'au 20 février.

     

     

     

     

  • Josef Nadj (par Sylvie)

    Josef Nadj, les corbeaux 23012010_006.jpgLes artistes complets sont rares. Josef Nadj en est un. Ses chorégraphies m'enchantent toujours. Les arts plastiques. l'architecture, la matière y sont mêlés comme si le corps seul n'y suffisait pas. Si vous avez vu "Paso doble" vous ne pouvez pas avoir oublié cette performance réalisée avec Miguel Barcelo.

     Allez savoir ce qui l'a le plus marqué, son père charpentier, son grand-père paysan dans sa hongrie natale ou ses études d'histoire de l'art, de théatre et de musique. Nadj n'est pas que chorégraphe même s'il dirige le Centre Chorégraphique National d'Orléans.Il est également photographe et dessinateur. Ceux qui ne connaissent pas cette part de son travail devraient filer très vite à la galerie Vieille du Temple qui en expose des exemples pour quelques jours encore. 

    Ce qui m'a le plus intéressée ? les dessins à la mine de plomb. On y voit guère de "corbeaux" malgré le titre de la série mais une nature vivante, toute frissonnante du vol de ces oiseaux. Ils passent, semble-t'il, groupés en nuage; les arbres plient, leur feuillage se brouille dans le mouvement et leur tronc compact se densifie plus encore. Tout est noir, un noir puissant, riche de valeurs et de matière, opaque ou brillant d'un reflet de lumière ou diaphane dans les turbulences. Le dessin est précis, aux traits multiples longuement travaillés en vue d'une surface lisse et pleine ou au contraire alvéolée ou ramifiée. La nature balayée, acculée, dit sa force en touffes et en mailles serrées et sa souplesse en enchevêtrements savants déliés et suaves. Il en émane une douceur et une sensualité qui va bien au delà de la simple représentation. Nadj fait corps avec son crayon: "je suis à la fois l'observateur, le pinceau, la peinture et le danseur".

    Josef Nadj, galerie Vieille du Temple, 23 rue Vieille du Temple, 75004 Paris. Jusqu'au 30 janvier 2010.

  • Boltanski au Grand Palais (par Sylvie)

    Boltanski, vue générale 014.jpgSans attendre, craignant les foules qui d'ordinaire forment une queue interminable Boltanski, mur de boites, 15012010_007-001.jpglors des grandes expositions, je suis allée au Grand Palais voir" Personnes" de Christian Boltanski.  La précipitation a parfois du bon. C'était loin d'être la bousculade. Nous verrons dans les semaines à venir si le public a eu envie de se laisser toucher par cet artiste français de renommée mondiale, né en 1944, comme il a été séduit par ses prédécesseurs de Monumenta 2008 et 2009,l'allemand Anselm Kiefer et l'américain Richard Serra. Pas si sûr.

    Passé le mur de boites métalliques, empilées et numérotées comme au crematorium, dont on ne voit pas le contenu mais seulement la magnifique façade grise et rouille, passé ce mur de secrets ou de cendres, réalisé dans les années 60/80, on pénètre au coeur de l'exposition "Personnes". Il s'agit d'une installation, d'une immersion, faite pour être vue à la nuit tombante ou tombée afin que la majesté, la finesse de la coupole disparaisse au profit d'un espace noir, anonyme et sans repaire: des vêtements multicolores, des fripes dirons-nous, sont étalés au sol en groupes quadrilatéraux bornés aux angles par des poutres verticles d'acier noir. Soutenus par des filins, des tubes de néon éclairent assez bas ces natures mortes. Toute la nef centrale est ainsi tapissée, comme une mosquée. Dans un coin, au dessus d'une gigantesque pyramide d'autres vêtements, s'active une redoutable griffe de chantier en métal rouge. Cette grosse araignée descend, empoigne une quantité des étoffes, les soulève et, d'un coup, lâche sur le monticule ses " proies" comme autant de corps de damnés. Tout cela dans un grand vacarme qui tient de battements de coeur ou de trains en mouvement. On est assourdis. "..Au Grand Palais, j'ai..(eu)..la sensation de réaliser un opéra." confie Boltanski.

    Ajoutez qu'il n'y a volontairement pas de chauffage. Il fait glacial, la lumière est froide. On grelotte physiquement et psychiquement. Il y a là tant de tragique que l'indifférence est impossible. Tout ramène à la Shoah, à la brutalité (la griffe), à l'élimination systématique et massive (accumulation et gigantisme), à l'individu perdu dans la masse (innombrables vestiges), à l'absence (vêtements vides), à la mémoire. C'est impressionnant et spectaculaire. La couleur des vêtements est subtilement choisie: au sol, les aplats terreux sont réveillés par des taches vives, comme un tableau de Poliakoff mais ils font figures de corps rigidifiés; et malgré sa polychromie, la pyramide de chiffons mous évoque un charnier. Le visiteur diurne ne peut s'empêcher d'observer la contraste entre la coupole, archétype de civilisation et ce à quoi renvoie l'exposition, la barbarie et la mort.

    On se promène entre ses plate-bandes comme dans un jardin du Moyen Age, un espace de méditation. N'empêche que ce retour sur les catastrophes de l'Histoire et sur notre inexorable finitude, fussent-elles magistralement interprêtées entre oeuvre d'art plastique et oeuvre théatrale, m'a donné la nausée. Il y a si peu d'espoir, de perspectives d'un avenir meilleur, pas d'humour; c'est absolument sans issue et s'inscrit parfaitement dans le climat d'inquiétude générale. Reste à savoir s'il faut rabâcher toujours le même discours mortifère pour tenter d'en sortir. Et que pensent les plus jeunes? Vous me direz que les artistes n'en n'ont rien à faire et que les obsessions font les meilleurs thèmes.

    Monumenta 2010, "Personnes" de Christian Boltanski au Grand Palais, avenue Winston Churchill, 75008 Paris. Tous les jours sauf mardi. Jusqu'au 21 février.

  • Petites merveilles de fin d'année (par Sylvie)

    Il reste peu de temps pour les voir mais entre shopping de Noêl et festivités courrez au Musée de l'Art Moderne de la Ville de Paris et à la galerie Templon.

    Au Musée, 11 av. du Président Wilson, 75116 Paris, deux expositions  ménagent de bonnes surprises.

                               luxe_edition_oehlen_artwork dessin.jpgD'Albert Oehlen, un peintre allemand, est présentée une série de grandes toiles récentes, très colorées dans des tons hardis et d' une gestuelle un peu sauvage, très enlevée, faite de balafres et de gribouillages  qui rappellent l'Action Painting sans communiquer tout à fait la même densité psychique.  Des demi-tons crayeux "écrasés" par du blanc ou du gris m'ont fait songer à certaines oeuvres de Cy Twombly, comme un moment de réflexion dans cette peinture rapide.   Mais le plus interessant,ce me semble, reste les dessins de petit format exposés dans la dernière salle. Ce sont des compositions abstraites, essentiellement en noir et blanc où se superposent avec délicatesse collages et médiums divers, créant des dégradés et des contrastes subtils. Ici l'encre de chine, la gouache, le crayon et le Tipp-ex; là l'encre de chine, le crayon sur papier et celluloïd contrecollés; ou là le crayon, l'encre et l'acrylique sur papier. On est pas loin des dessins surréalistes. Quel plaisir de les scruter. Vous avez Jusqu'au 3 janvier 2010.

    A côte, "Deadline" se consacre aux derniers travaux de douze artistes contemporains avant leur mort, de maladie ou de vieillesse. C'est émouvant bien sûr, pas trop morbide pour autant du fait de cette vitalité, cette urgence à achever qui est très présente. Certains, regardent la mort en face et la montrent, tel le photographe Robert Mapplethorpe, atteint du sida; d'autres font oeuvre de la dégradation de leur corps  comme Hannah Villiger, Jörg Immendorff ou chen Zen, et c'est à la limite du supportable. Plus souvent les artistes poursuivent juqu'au bout leurs expérimentations plastiques. Certains y perdent de leur puissance ( Willem de Kooning atteint de la maladie d'Alzheimer), d'autres exploitent de nouveaux thèmes ou de nouveaux outils ( Gilles Aillaud, Hans Hartung). Fidèle à ses recherches, l'israelien Absalon, atteint du sida, perpétue dans ses vidéos un univers clinique. La perspective de la mort développe chez lui une révolte 007.JPGet une violence magistralement transmise à travers une vidéo en noir et blanc: tel un danseur, Absalon ferraille, boxe dans le vide, indéfiniment, contre un adversaire ou des murs invisibles. Cette "Bataille" (1993) semble une lutte contre le monde et contre la maladie. Graphique, dépouillée, poignante: je suis restée collée à l'écran (on peut voir des extraits de cette video sur paris.fr; voir le lien) retrouvant la même sensation d'impasse et de captivité traduite par Pierre Rigal dans son sepectacle "Press" (hélas terminé) au théatre de la Cité Universitaire                     Jusqu'au 10 janvier 2010.

    Dernière étape - mais le champ est ouvert - l'exposition Philippe Cognée 19-12-2009 19;31;12.jpgPhilippe Cognée à la galerie Templon. Sous le titre "Passages" voilà quelques très grands formats, toujours aussi troublés et troublants d'univers urbains. Interessé par l'architecture et les lieux de transit, Cognée déstructure et transforme les motifs en images-souvenirs, approximatives, embuées, presque abstraites. Sa technique est bien connue maintenant. Elle continue à surprendre: oeuvrant à partir de photos ou de films-vidéo, il utilise une peinture à l'encaustique (cire d'abeilles et pigments) qu'il passe au pinceau, recouvre d'un film plastique et repasse - oui, au fer à repasser. La cire fond, se déforme et floutte l'image qui apparait dans une richesse de matière presque voluptueuse. Est-ce une apparition ou une disparition?

    galerie Daniel Templon, 30 rue Beaubourg, 75003 Paris. Jusqu'au 31 décembre 2009.

  • Locus Solus (par Sylvie)

    Coup de chapeau à l'exposition de groupe organisée par le galeriste Yvon Lambert sous le titre un peu mystérieux de "Locus Solus": lieu solitaire, en référence au roman de Raymond Roussel.

    Il s'agit d'une bonne vingtaine d'oeuvres récentes de différents artistes, pas tous connus du grand public mais très inventifs. Une exposition réjouissante par la diversité des démarches, des techniques et des effets qui met en lumière l'originalité de chacun.                                 Sans voulo306.JPGir être exhaustive, voilà celles qui m'ont le plus emballée.

    Peu de peinture mais de la photo pour des paysages très épurés où le gris domine.

    Le cliché de Olafsur (ou Olafur) Eliasson, un artiste danois né en 1967, est d'un gris bleuté, comme vu derrière un filtre. (Sans titre, 1996, 22,5x33,5cm, impression couleur). Par delà un vaste plan d'eau vaporeux, tranquille et miroitant, avec baigneurs en premier plan, on aperçoit la côte et une sombre usine dont les cheminées crachent une épaisse fumée blanche. Le temps y est suspendu, certes, mais un trouble nous saisit: le lac parfaitement lisse et les bâtiments sombres et massifs semblent plombés A son regard nostalgique le photographe ajoute un réquisitoire contre l'homme et l'exploitation destructrice qu'il fait de la nature.(1)

    304.JPGGris ouaté, presque blanc, tel est le large espace que nous soumet Tacita Dean, britannique née en 1965. Dans la campagne enneigée, déserte, pleine de mélancolie atmosphérique, se détache, très noire, comme une apparition soudaine, la silhouette d'un homme, probablement ivre, perdu dans l'immensité ( Man with jenevar bottle, 2001, 47,5x 60cm ). En accentuant le contraste, le tirage couleur développe l'impression de solitude.

    Ce sont, il me semble, les vibrations de l'air qui se se font sentir ches la finlandaise, née en 1973, Salla Tykka (White, 2009, 110x135cm). L'image parait très construite ( mais la nature sait le faire): les horizontales du lac, des reflets et de la barque vide défient les verticales des arbres. Le tirage à jets d'encre montre un paysage en négatif, rendu brumeux par tramage. On ne sait plus si c'est le jour ou la nuit, comme dans un rêve éveillé. Silense et mystère règnent. (2)

    Je signale305.JPGrai un tableau tout de même, un tableau coup de poing de Christian Vetter né en 1970,(Framework, Gestel, 2009, 180x200cm). Sur le fond noir de cette huile sur toile, un graphisme blanc et gris fait d'horizontales et de verticales discontinues converge vers le centre, un centre un peu brouillé dans lequel pourraient figurer des silhouettes humaines. De l'interaction architecturée des lignes nait une profondeur. Elle entraine le regard dans une sorte de corridor à la fois balisé et flottant. Tout ce noir sème l'inquiétude, l'angoisse d'être coincé, "coincé dans un présent" selon l'artiste. (3)

    Avec le viennois, né en 1973, Markus Schinwald et son Adornorama(14) de 2009, on s'amuse. Dans une boite (bois, verre, miroir et écran vidéo) se profile, toute blanche, la silhouette d'un petit personnage faisant des contorsions incroyables. C'est magique, très vif, très drôle. Ce n'en n'est pas moins un questionnement sur la 308.JPGmétamorphose du corps. Et le processus participe de la pensée du philosophe Théodore Adorno selon laquelle les sciences de l'information et de la communication entrent dans le champ des industries culturelles.(4)

    A l'appui de la même idée, l'installation de Zilvinas Kempinas, lituanienne née en 1969, est cocasse. Focus 2009photos Y. Lambert 014.jpg se compose au sol d'une bande magnétique en cercle mise en mouvement par le souffle d'un ventilateur. la bande bouge mollement comme un serpent. On sursaute presque...(5)

    Bien d'autres artistes se côtoient dans cette promenade hétéroclite qui induit une réflexion constante. A vous de choisir.

     

    Locus Solus, galerie Yvon Lambert, 108 rue Vieille du Temple 75003, Paris. jusqu'au 23 décembre 2009.

     

  • Marie Morel (par Régine)

    Le nom même de Marie Morel m'était totalement inconnu lorsqu'un proche m'a persuadée d'aller voir son exposition à la Halle Saint Pierre à Montmartre. J'aime ce lieu, je m'y suis donc rendue avec plaisir et aucun a priori.

    L'originalité, la vérité, l'impudeur, la minutie et la beauté de ce travail m'ont sidérée. N'est-ce pas jubilatoire de découvrir une oeuvre totalement cohérente et belle ?

    La plupart des tableaux exposés sont grands, ce qui m'a incitée à les regarder d'abord de loin ; l'harmonie de leur couleur presque monochrome m'a enchantée. Leur surface, rythmée et vibrante - gris perle, vert sombre, bleu océan rose mauve, rouille ou noir ténébreux - est brillante comme de l'émail (*). Séduite, je me suis approchée, la couleur s'est diversifiée, puis, comme sous l'effet d'une loupe, j'ai découvert un monde insoupçonné, tout bruissant de mille motifs : oiseaux, arbres, femmes... Je me suis rapprochée encore et j'ai constaté que le thème choisi était répété à l'infini avec une minutie, une profusion de détails impossible à énumérer de façon exhaustive et une variété inépuisable de matériaux. L'encombrement était extrême - Pas de centre pour drainer mon regard, tous les morceaux des tableaux ayant une importance égale, je cheminais à ma guise devant leur surface -.

    On se sent une âme d'entomologiste pour explorer ce monde grouillant de mille tableautins, d'oiseaux, d'arbres ou de tout autre thème décliné à satiété, eux-mêmes plongés dans un environnement fait d'une multitude de petites choses. Tous ces motifs s'agrègent en foule : l'oiseau est en horde, l'arbre en forêt, les femmes en habitantes d'une immence cité qui fait penser à la photo qu'Andreas Gursky a prise de la barre Montparnasse, et ainsi de suite... Lorsqu'on s'étonne de cette incroyable minutie, elle répond : "Il n'y a qu'à regarder la vie. Cela parait étonnant aux gens quand ils voient mes tableaux, alors qu'ils sont dans leur vie constamment devant l'infini. L'infini petit et l'infini grand. Et chaque chose que l'on regarde est ainsi" (1).

    Dans cet univers foisonnant l'artiste intègre des petites phrases toutes simples, autant de commentaires, questions ou devises. Elles s'échappent des becs des oiseaux, commentent le contenu de petites cases, soulignent l'attitude des femmes... Ce sont par exemple : "Linvisible se cache dans le visible". Ma pensée reste le centre du monde. Pourquoi la vie ? Je crois en la nature. Que de morts hantent ma vie. La mort guette. Le délice de tes baisers Le mur du désir, etc...". Ce n'est pas tant leur contenu qui est important, que le fait qu'elles contribuent à l'animation de l'ensemble.

    Chaque oeuvre, dont le titre est toujours explicite, se construit sur un thème donné : la nature, la femme, les oiseaux, l'amour, la jouissance, la mort et la disparition. La vie y circule avec fièvre et c'est elle qui, à travers ces thèmes, passionne Marie Morel. La femme est au coeur de cette création. Elle est toujours représentée de face, nue, seins rebondis et vulve offerte ; l'homme est souvent réduit  son appareil génital. Aucune convenance n'entrave son imaginaire. On sent que l'artiste ne peint que ce qu'elle a physiquement resenti et devant chaque tableau on assiste à la recréation d'une émotion "Il faut, dit-elle, re re-sentir cette sensation première... pour arriver à la traduire dans un espace peint avec ses couleurs, ses rythmes, ses mystères" (1)

    Cette sensation elle la recrée à l'aide de la couleur bien sûr, mais aussi d'une multitude de petits objets glanés ici ou là : cordelettes, perles, plumes, bâtonnets, dentelles, autant de reliques qui, incrustées dans la peinture sont transfigurées et créent une captivante animation. Avec cette attention aux toutes petites choses, l'artiste nous fait pénétrer dans une réalité qui trop souvent nous échappe.

    Une longue toile m'a particulièrement bouleversée. Elle s'intitude "La Shoah". Elle mesure 6 m de long et est entièrement noire. Enfermés dans des cases, des cadavres ou des squelettes blancs, décharnés, yeux clos, bouches ouvertes sont seuls ou entassés, encerclés d'ossements, de détritus divers ; chacun comporte un léger commentaire "Les bébés aussi sont tués" ; "Les morts sont empilés", "En route vers le néant", "Qu'avez-vous fait pour les sauver ?"... Ce tableau terrible, exposé à l'écart, est comme un contrepoint à tous ceux qui, dans les autres salles, éclatent de vitalité.

    Cette oeuvre, qui nécessite un travail acharné, me parait d'un sincérité absolue et je ne saurais trop vous recommander d'aller la découvrir.

     

    (1) : Christian lux, entretien avec Marie Morel.

     

    * P.S. : Les photos étant interdites, je vous recommande d'aller en voir la galerie des photos sur le site de Marie Morel  www.mariemorel.net ou sur celui de la Halle St Pierre www.hallesaintpierre.org

     

    Halle St Pierre, 2 rue Ronsard, 75018-Paris. Métro Anvers ou Abbesses. Tél : 01 42 58 72 89. Ouvert tous les jours de 10 à 18 h. Jusqu'au 7 mars