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décrypt'art - Page 20

  • Claire Morgan (par Sylvie)

    05022010_001.jpgFaut-il les appeler sculptures? leur volumétrie s'y prête mais il y a tant de transparence, de légèreté et d'air qui circule entre les composants qu'on serait tenté de qualifier les oeuvres de Claire Morgan, présentées à la galerie Karsten Greve, d'univers. Des univers flottants et fragiles comme des bulles de savon coloré de grande dimension où "la perfection et le désastre fusionnent" selon l' expression de l'artiste, une jeune irlandaise née à Belfast en 1980.

    Pourquoi la perfection? parce que de près, les formes réalisées sont linéaires - parallélépipèdes, cubes, sphères; elles ont cette qualité de précision propre à la 05022010_003.jpggéométrie. Suspendues et maintenues régulièrement espacées par des fils de nylon à peine visibles, que la lumière transforme en pluie arachnéenne, leur présence a quelque chose de magique. Dans ce subtil entrelacs, les délicates pièces, plus ou moins translucides et dentelées, qui font l'étoffe des oeuvres, sont insérées ponctuellement comme des pierres précieuses aux tons parfois éblouissants: fraicheur du bleu de "The blues II" (photo 3), blancheur immaculée de "Part of the seam" (photo 1).

    Alors pourquoi le désastre? Parce que de près le spectacle révèle sa véritable 05022010_004.jpgnature, faite d' insectes ou de multiples petits morceaux du plastique le plus ordinaire - le polyéthylène des sacs poubelles ("Clearing",photo 2) - déchiquetés et assemblés. Et dans ces sortes de cages en déchets il y a toujours un animal mort ou piégé, un oiseau, un renard, des papillons... Aussi beau soit-il, le poids de ce cadavre semble d'autant plus lourd que le piège est gracile et aérien.

    Dépouillées et mysterieuses ces installations ambivalentes nous émerveillent et nous questionnent. La beauté et l'émotion m'ont gagnée devant cette combinaison silencieuse d'organique et d'inorganique qui pointe la fragilité et la brutalité du monde, le drame de l'humaine condition et l'impact de notre mode de vie sur la planète: une réflexion de moraliste et d'écologiste qui frappe par l'art rigoureux, complexe et habile, de lier la beauté du monde du vivant aux éléments les plus représentatifs de la pollution humaine.

    "Life blood" de Claire Morgan, galerie Karsten Greve, 5 rue Debelleyme, 75003 Paris. 01 42 77 19 37. Jusqu'au 25 février 2010.

  • Fauves et expressionnistes (par Régine et Sylvie)

    L'exposition "Fauves et expressionnistes" a été l'occasion d'un retour au Musée Marmottan, somptueux hôtel particulier du XIXème siècle devenu en quelque sorte "le" musée Monet de Paris.

    Malgré l'attrait que représente pour nous la peinture contemporaine, revoir, en passant, ces "Nymphéas" (1917-1919) a été un choc. Nous avions oublié à quel point Monet avait pris de la distance par rapport au réel et retenu la leçon de Turner. Et combien ce tableau,fait de  multiples traits horizontaux inscrits en all-over dans un vaste format très horizontal (100x300cm)  était abstrait et  avait pu influencer les américains dans leur désir d'espace. Jackson Pollock et Joan Mitchell ne sont pas loin.

    Mais venons en aux oeuvres expressionnistes de l'exposition temporaire. Il est toujours passionnant de revenir aux sources de la modernité. Là, elles sont représentatives du renouveau artistique en Allemagne avant la 1ère guerre mondiale regroupé autour des mouvements Die Brucke à Dresde et Der Blaue Reiter à MUnich. Bousculant les codes de la peinture, elles traduisent, en harmonies dissonantes, un réel sans fard et le Moi intérieur de l'artiste. Elles ont profondément modifié notre vision du monde.

    Une toile nous a parue esquisser cette nouvelle tendance, elle est signée Emile Nolde. "Le pont" (1910) est encore dans la thématique campagnarde chère aux impressionnistes et les roses, les violets, les jaunes et les verts se mêlent en touches enlevées et chatoyantes. Ce pourrait être du Monet, une impression figitive peinte sur le motif, avec déjà quelque chose de fiévreux avant coureur de conflit. Comme les autres membres du mouvement Die Brucke, Node évoluera vers plus de primitivisme et de couleurs fortes.

    Les yeux noirs, Jawlensky 03-02-2010 14;09;05.jpg

    Nous avons choisi trois portraits pour illustrer l'expressionnisme en ce qu'ils ont de frontal et mettent l'accent sur les yeux. La "jeune fille au chapeau rouge" (1905) d'Edvard Munch les expressionnistes 001.jpg(photo n° 2), d'un noir et rouge sur fond jaune saturés, nous fixe de son regard inquiet où passe toute l'angoisse de la destinée humaine. La rapidité de la touche semble vouloir saisir au plus prêt la détresse de l'enfant ; le quadrillage noir de sa robe l'emprisonne dans son mal-être. Avec "Les yeux noirs" (1912) Jawlensky (photo n° 1) cerne les formes d'un trait sombre. Fini le modelé, tout se joue sur le contraste des couleurs chaudes et froides. Dépourvu de tout souci naturaliste, le visage est jaune, vert, rouge, les cheveux sont bleux et la force du regard des immenses yeux noirs ne vous lâche pas. otto-dix-leonie-litho_1262732668.jpg"Léonie" (1923) d'Otto Dix (photo 3)est caricaturale. Sous son grand chapeau peu flatteur, ridiculement ornementé, et ses joues trop peintes, elle a le visage cabossé par la vie. Voilà bien la férocité de la Nouvelle Objectivité. Plusieurs autoportaits figurent dans l'exposition, tel celui de Kokoschka les expressionnistes 007.jpg(photo 4) de 1917 dont la nervosité de touches en larges virgules traduit souffrance et instabilité et sont à rapprocher de ceux, sans complaisance, de Lucian Freud. Eric Heckel, quant à lui, nous fait entrevoir Bernard Buffet.

     

    Et la nature dans tout cela? Les expressionnistes la jouent primitiviste, comme le montre le paysage tout en sauvagerie et mystère d'Adolf Erbslöh.les expressionnistes 011.jpg(photo 5) Les arbres, traités en larges éventails, dans une gamme de vert et de bleu sombres envahissent une maison mauve dont les fenêtres sont comme deux yeux apeurés.

    kees-van-dongen_1262732846.jpgAu milieu de ces oeuvres tourmentées qui renvoient à l'intériorité et à ce que Kandinsky appelle la "nécessité intérieure", le "Nu de jeune fille " (1906) de Van Dongen (photo 6) a la grâce d'une sensualité assumée. L'audace des couleurs ne fait qu'en confirmer la liberté insolente et souligner la distance qui sépare les Fauves de la douceur de l'impressionnisme d'une part et de la critique sociale et morale de l'expressionnisme de l'autre.

     

    "Fauves et expressionnistes, de Van Dongen à Otto Dix" - Musée Marmottant Monet, 2 rue Louis Boilly, 756016-Paris.  01 44 96 50 33. Tous les jours sauf lundi de 11 à 18 h. Jusqu'au 20 février.

     

     

     

     

  • Josef Nadj (par Sylvie)

    Josef Nadj, les corbeaux 23012010_006.jpgLes artistes complets sont rares. Josef Nadj en est un. Ses chorégraphies m'enchantent toujours. Les arts plastiques. l'architecture, la matière y sont mêlés comme si le corps seul n'y suffisait pas. Si vous avez vu "Paso doble" vous ne pouvez pas avoir oublié cette performance réalisée avec Miguel Barcelo.

     Allez savoir ce qui l'a le plus marqué, son père charpentier, son grand-père paysan dans sa hongrie natale ou ses études d'histoire de l'art, de théatre et de musique. Nadj n'est pas que chorégraphe même s'il dirige le Centre Chorégraphique National d'Orléans.Il est également photographe et dessinateur. Ceux qui ne connaissent pas cette part de son travail devraient filer très vite à la galerie Vieille du Temple qui en expose des exemples pour quelques jours encore. 

    Ce qui m'a le plus intéressée ? les dessins à la mine de plomb. On y voit guère de "corbeaux" malgré le titre de la série mais une nature vivante, toute frissonnante du vol de ces oiseaux. Ils passent, semble-t'il, groupés en nuage; les arbres plient, leur feuillage se brouille dans le mouvement et leur tronc compact se densifie plus encore. Tout est noir, un noir puissant, riche de valeurs et de matière, opaque ou brillant d'un reflet de lumière ou diaphane dans les turbulences. Le dessin est précis, aux traits multiples longuement travaillés en vue d'une surface lisse et pleine ou au contraire alvéolée ou ramifiée. La nature balayée, acculée, dit sa force en touffes et en mailles serrées et sa souplesse en enchevêtrements savants déliés et suaves. Il en émane une douceur et une sensualité qui va bien au delà de la simple représentation. Nadj fait corps avec son crayon: "je suis à la fois l'observateur, le pinceau, la peinture et le danseur".

    Josef Nadj, galerie Vieille du Temple, 23 rue Vieille du Temple, 75004 Paris. Jusqu'au 30 janvier 2010.

  • Boltanski au Grand Palais (par Sylvie)

    Boltanski, vue générale 014.jpgSans attendre, craignant les foules qui d'ordinaire forment une queue interminable Boltanski, mur de boites, 15012010_007-001.jpglors des grandes expositions, je suis allée au Grand Palais voir" Personnes" de Christian Boltanski.  La précipitation a parfois du bon. C'était loin d'être la bousculade. Nous verrons dans les semaines à venir si le public a eu envie de se laisser toucher par cet artiste français de renommée mondiale, né en 1944, comme il a été séduit par ses prédécesseurs de Monumenta 2008 et 2009,l'allemand Anselm Kiefer et l'américain Richard Serra. Pas si sûr.

    Passé le mur de boites métalliques, empilées et numérotées comme au crematorium, dont on ne voit pas le contenu mais seulement la magnifique façade grise et rouille, passé ce mur de secrets ou de cendres, réalisé dans les années 60/80, on pénètre au coeur de l'exposition "Personnes". Il s'agit d'une installation, d'une immersion, faite pour être vue à la nuit tombante ou tombée afin que la majesté, la finesse de la coupole disparaisse au profit d'un espace noir, anonyme et sans repaire: des vêtements multicolores, des fripes dirons-nous, sont étalés au sol en groupes quadrilatéraux bornés aux angles par des poutres verticles d'acier noir. Soutenus par des filins, des tubes de néon éclairent assez bas ces natures mortes. Toute la nef centrale est ainsi tapissée, comme une mosquée. Dans un coin, au dessus d'une gigantesque pyramide d'autres vêtements, s'active une redoutable griffe de chantier en métal rouge. Cette grosse araignée descend, empoigne une quantité des étoffes, les soulève et, d'un coup, lâche sur le monticule ses " proies" comme autant de corps de damnés. Tout cela dans un grand vacarme qui tient de battements de coeur ou de trains en mouvement. On est assourdis. "..Au Grand Palais, j'ai..(eu)..la sensation de réaliser un opéra." confie Boltanski.

    Ajoutez qu'il n'y a volontairement pas de chauffage. Il fait glacial, la lumière est froide. On grelotte physiquement et psychiquement. Il y a là tant de tragique que l'indifférence est impossible. Tout ramène à la Shoah, à la brutalité (la griffe), à l'élimination systématique et massive (accumulation et gigantisme), à l'individu perdu dans la masse (innombrables vestiges), à l'absence (vêtements vides), à la mémoire. C'est impressionnant et spectaculaire. La couleur des vêtements est subtilement choisie: au sol, les aplats terreux sont réveillés par des taches vives, comme un tableau de Poliakoff mais ils font figures de corps rigidifiés; et malgré sa polychromie, la pyramide de chiffons mous évoque un charnier. Le visiteur diurne ne peut s'empêcher d'observer la contraste entre la coupole, archétype de civilisation et ce à quoi renvoie l'exposition, la barbarie et la mort.

    On se promène entre ses plate-bandes comme dans un jardin du Moyen Age, un espace de méditation. N'empêche que ce retour sur les catastrophes de l'Histoire et sur notre inexorable finitude, fussent-elles magistralement interprêtées entre oeuvre d'art plastique et oeuvre théatrale, m'a donné la nausée. Il y a si peu d'espoir, de perspectives d'un avenir meilleur, pas d'humour; c'est absolument sans issue et s'inscrit parfaitement dans le climat d'inquiétude générale. Reste à savoir s'il faut rabâcher toujours le même discours mortifère pour tenter d'en sortir. Et que pensent les plus jeunes? Vous me direz que les artistes n'en n'ont rien à faire et que les obsessions font les meilleurs thèmes.

    Monumenta 2010, "Personnes" de Christian Boltanski au Grand Palais, avenue Winston Churchill, 75008 Paris. Tous les jours sauf mardi. Jusqu'au 21 février.

  • Petites merveilles de fin d'année (par Sylvie)

    Il reste peu de temps pour les voir mais entre shopping de Noêl et festivités courrez au Musée de l'Art Moderne de la Ville de Paris et à la galerie Templon.

    Au Musée, 11 av. du Président Wilson, 75116 Paris, deux expositions  ménagent de bonnes surprises.

                               luxe_edition_oehlen_artwork dessin.jpgD'Albert Oehlen, un peintre allemand, est présentée une série de grandes toiles récentes, très colorées dans des tons hardis et d' une gestuelle un peu sauvage, très enlevée, faite de balafres et de gribouillages  qui rappellent l'Action Painting sans communiquer tout à fait la même densité psychique.  Des demi-tons crayeux "écrasés" par du blanc ou du gris m'ont fait songer à certaines oeuvres de Cy Twombly, comme un moment de réflexion dans cette peinture rapide.   Mais le plus interessant,ce me semble, reste les dessins de petit format exposés dans la dernière salle. Ce sont des compositions abstraites, essentiellement en noir et blanc où se superposent avec délicatesse collages et médiums divers, créant des dégradés et des contrastes subtils. Ici l'encre de chine, la gouache, le crayon et le Tipp-ex; là l'encre de chine, le crayon sur papier et celluloïd contrecollés; ou là le crayon, l'encre et l'acrylique sur papier. On est pas loin des dessins surréalistes. Quel plaisir de les scruter. Vous avez Jusqu'au 3 janvier 2010.

    A côte, "Deadline" se consacre aux derniers travaux de douze artistes contemporains avant leur mort, de maladie ou de vieillesse. C'est émouvant bien sûr, pas trop morbide pour autant du fait de cette vitalité, cette urgence à achever qui est très présente. Certains, regardent la mort en face et la montrent, tel le photographe Robert Mapplethorpe, atteint du sida; d'autres font oeuvre de la dégradation de leur corps  comme Hannah Villiger, Jörg Immendorff ou chen Zen, et c'est à la limite du supportable. Plus souvent les artistes poursuivent juqu'au bout leurs expérimentations plastiques. Certains y perdent de leur puissance ( Willem de Kooning atteint de la maladie d'Alzheimer), d'autres exploitent de nouveaux thèmes ou de nouveaux outils ( Gilles Aillaud, Hans Hartung). Fidèle à ses recherches, l'israelien Absalon, atteint du sida, perpétue dans ses vidéos un univers clinique. La perspective de la mort développe chez lui une révolte 007.JPGet une violence magistralement transmise à travers une vidéo en noir et blanc: tel un danseur, Absalon ferraille, boxe dans le vide, indéfiniment, contre un adversaire ou des murs invisibles. Cette "Bataille" (1993) semble une lutte contre le monde et contre la maladie. Graphique, dépouillée, poignante: je suis restée collée à l'écran (on peut voir des extraits de cette video sur paris.fr; voir le lien) retrouvant la même sensation d'impasse et de captivité traduite par Pierre Rigal dans son sepectacle "Press" (hélas terminé) au théatre de la Cité Universitaire                     Jusqu'au 10 janvier 2010.

    Dernière étape - mais le champ est ouvert - l'exposition Philippe Cognée 19-12-2009 19;31;12.jpgPhilippe Cognée à la galerie Templon. Sous le titre "Passages" voilà quelques très grands formats, toujours aussi troublés et troublants d'univers urbains. Interessé par l'architecture et les lieux de transit, Cognée déstructure et transforme les motifs en images-souvenirs, approximatives, embuées, presque abstraites. Sa technique est bien connue maintenant. Elle continue à surprendre: oeuvrant à partir de photos ou de films-vidéo, il utilise une peinture à l'encaustique (cire d'abeilles et pigments) qu'il passe au pinceau, recouvre d'un film plastique et repasse - oui, au fer à repasser. La cire fond, se déforme et floutte l'image qui apparait dans une richesse de matière presque voluptueuse. Est-ce une apparition ou une disparition?

    galerie Daniel Templon, 30 rue Beaubourg, 75003 Paris. Jusqu'au 31 décembre 2009.

  • Locus Solus (par Sylvie)

    Coup de chapeau à l'exposition de groupe organisée par le galeriste Yvon Lambert sous le titre un peu mystérieux de "Locus Solus": lieu solitaire, en référence au roman de Raymond Roussel.

    Il s'agit d'une bonne vingtaine d'oeuvres récentes de différents artistes, pas tous connus du grand public mais très inventifs. Une exposition réjouissante par la diversité des démarches, des techniques et des effets qui met en lumière l'originalité de chacun.                                 Sans voulo306.JPGir être exhaustive, voilà celles qui m'ont le plus emballée.

    Peu de peinture mais de la photo pour des paysages très épurés où le gris domine.

    Le cliché de Olafsur (ou Olafur) Eliasson, un artiste danois né en 1967, est d'un gris bleuté, comme vu derrière un filtre. (Sans titre, 1996, 22,5x33,5cm, impression couleur). Par delà un vaste plan d'eau vaporeux, tranquille et miroitant, avec baigneurs en premier plan, on aperçoit la côte et une sombre usine dont les cheminées crachent une épaisse fumée blanche. Le temps y est suspendu, certes, mais un trouble nous saisit: le lac parfaitement lisse et les bâtiments sombres et massifs semblent plombés A son regard nostalgique le photographe ajoute un réquisitoire contre l'homme et l'exploitation destructrice qu'il fait de la nature.(1)

    304.JPGGris ouaté, presque blanc, tel est le large espace que nous soumet Tacita Dean, britannique née en 1965. Dans la campagne enneigée, déserte, pleine de mélancolie atmosphérique, se détache, très noire, comme une apparition soudaine, la silhouette d'un homme, probablement ivre, perdu dans l'immensité ( Man with jenevar bottle, 2001, 47,5x 60cm ). En accentuant le contraste, le tirage couleur développe l'impression de solitude.

    Ce sont, il me semble, les vibrations de l'air qui se se font sentir ches la finlandaise, née en 1973, Salla Tykka (White, 2009, 110x135cm). L'image parait très construite ( mais la nature sait le faire): les horizontales du lac, des reflets et de la barque vide défient les verticales des arbres. Le tirage à jets d'encre montre un paysage en négatif, rendu brumeux par tramage. On ne sait plus si c'est le jour ou la nuit, comme dans un rêve éveillé. Silense et mystère règnent. (2)

    Je signale305.JPGrai un tableau tout de même, un tableau coup de poing de Christian Vetter né en 1970,(Framework, Gestel, 2009, 180x200cm). Sur le fond noir de cette huile sur toile, un graphisme blanc et gris fait d'horizontales et de verticales discontinues converge vers le centre, un centre un peu brouillé dans lequel pourraient figurer des silhouettes humaines. De l'interaction architecturée des lignes nait une profondeur. Elle entraine le regard dans une sorte de corridor à la fois balisé et flottant. Tout ce noir sème l'inquiétude, l'angoisse d'être coincé, "coincé dans un présent" selon l'artiste. (3)

    Avec le viennois, né en 1973, Markus Schinwald et son Adornorama(14) de 2009, on s'amuse. Dans une boite (bois, verre, miroir et écran vidéo) se profile, toute blanche, la silhouette d'un petit personnage faisant des contorsions incroyables. C'est magique, très vif, très drôle. Ce n'en n'est pas moins un questionnement sur la 308.JPGmétamorphose du corps. Et le processus participe de la pensée du philosophe Théodore Adorno selon laquelle les sciences de l'information et de la communication entrent dans le champ des industries culturelles.(4)

    A l'appui de la même idée, l'installation de Zilvinas Kempinas, lituanienne née en 1969, est cocasse. Focus 2009photos Y. Lambert 014.jpg se compose au sol d'une bande magnétique en cercle mise en mouvement par le souffle d'un ventilateur. la bande bouge mollement comme un serpent. On sursaute presque...(5)

    Bien d'autres artistes se côtoient dans cette promenade hétéroclite qui induit une réflexion constante. A vous de choisir.

     

    Locus Solus, galerie Yvon Lambert, 108 rue Vieille du Temple 75003, Paris. jusqu'au 23 décembre 2009.

     

  • Marie Morel (par Régine)

    Le nom même de Marie Morel m'était totalement inconnu lorsqu'un proche m'a persuadée d'aller voir son exposition à la Halle Saint Pierre à Montmartre. J'aime ce lieu, je m'y suis donc rendue avec plaisir et aucun a priori.

    L'originalité, la vérité, l'impudeur, la minutie et la beauté de ce travail m'ont sidérée. N'est-ce pas jubilatoire de découvrir une oeuvre totalement cohérente et belle ?

    La plupart des tableaux exposés sont grands, ce qui m'a incitée à les regarder d'abord de loin ; l'harmonie de leur couleur presque monochrome m'a enchantée. Leur surface, rythmée et vibrante - gris perle, vert sombre, bleu océan rose mauve, rouille ou noir ténébreux - est brillante comme de l'émail (*). Séduite, je me suis approchée, la couleur s'est diversifiée, puis, comme sous l'effet d'une loupe, j'ai découvert un monde insoupçonné, tout bruissant de mille motifs : oiseaux, arbres, femmes... Je me suis rapprochée encore et j'ai constaté que le thème choisi était répété à l'infini avec une minutie, une profusion de détails impossible à énumérer de façon exhaustive et une variété inépuisable de matériaux. L'encombrement était extrême - Pas de centre pour drainer mon regard, tous les morceaux des tableaux ayant une importance égale, je cheminais à ma guise devant leur surface -.

    On se sent une âme d'entomologiste pour explorer ce monde grouillant de mille tableautins, d'oiseaux, d'arbres ou de tout autre thème décliné à satiété, eux-mêmes plongés dans un environnement fait d'une multitude de petites choses. Tous ces motifs s'agrègent en foule : l'oiseau est en horde, l'arbre en forêt, les femmes en habitantes d'une immence cité qui fait penser à la photo qu'Andreas Gursky a prise de la barre Montparnasse, et ainsi de suite... Lorsqu'on s'étonne de cette incroyable minutie, elle répond : "Il n'y a qu'à regarder la vie. Cela parait étonnant aux gens quand ils voient mes tableaux, alors qu'ils sont dans leur vie constamment devant l'infini. L'infini petit et l'infini grand. Et chaque chose que l'on regarde est ainsi" (1).

    Dans cet univers foisonnant l'artiste intègre des petites phrases toutes simples, autant de commentaires, questions ou devises. Elles s'échappent des becs des oiseaux, commentent le contenu de petites cases, soulignent l'attitude des femmes... Ce sont par exemple : "Linvisible se cache dans le visible". Ma pensée reste le centre du monde. Pourquoi la vie ? Je crois en la nature. Que de morts hantent ma vie. La mort guette. Le délice de tes baisers Le mur du désir, etc...". Ce n'est pas tant leur contenu qui est important, que le fait qu'elles contribuent à l'animation de l'ensemble.

    Chaque oeuvre, dont le titre est toujours explicite, se construit sur un thème donné : la nature, la femme, les oiseaux, l'amour, la jouissance, la mort et la disparition. La vie y circule avec fièvre et c'est elle qui, à travers ces thèmes, passionne Marie Morel. La femme est au coeur de cette création. Elle est toujours représentée de face, nue, seins rebondis et vulve offerte ; l'homme est souvent réduit  son appareil génital. Aucune convenance n'entrave son imaginaire. On sent que l'artiste ne peint que ce qu'elle a physiquement resenti et devant chaque tableau on assiste à la recréation d'une émotion "Il faut, dit-elle, re re-sentir cette sensation première... pour arriver à la traduire dans un espace peint avec ses couleurs, ses rythmes, ses mystères" (1)

    Cette sensation elle la recrée à l'aide de la couleur bien sûr, mais aussi d'une multitude de petits objets glanés ici ou là : cordelettes, perles, plumes, bâtonnets, dentelles, autant de reliques qui, incrustées dans la peinture sont transfigurées et créent une captivante animation. Avec cette attention aux toutes petites choses, l'artiste nous fait pénétrer dans une réalité qui trop souvent nous échappe.

    Une longue toile m'a particulièrement bouleversée. Elle s'intitude "La Shoah". Elle mesure 6 m de long et est entièrement noire. Enfermés dans des cases, des cadavres ou des squelettes blancs, décharnés, yeux clos, bouches ouvertes sont seuls ou entassés, encerclés d'ossements, de détritus divers ; chacun comporte un léger commentaire "Les bébés aussi sont tués" ; "Les morts sont empilés", "En route vers le néant", "Qu'avez-vous fait pour les sauver ?"... Ce tableau terrible, exposé à l'écart, est comme un contrepoint à tous ceux qui, dans les autres salles, éclatent de vitalité.

    Cette oeuvre, qui nécessite un travail acharné, me parait d'un sincérité absolue et je ne saurais trop vous recommander d'aller la découvrir.

     

    (1) : Christian lux, entretien avec Marie Morel.

     

    * P.S. : Les photos étant interdites, je vous recommande d'aller en voir la galerie des photos sur le site de Marie Morel  www.mariemorel.net ou sur celui de la Halle St Pierre www.hallesaintpierre.org

     

    Halle St Pierre, 2 rue Ronsard, 75018-Paris. Métro Anvers ou Abbesses. Tél : 01 42 58 72 89. Ouvert tous les jours de 10 à 18 h. Jusqu'au 7 mars

     

  • Claude GEORGES (par Régine)

    Quelle émotion en découvrant, après une si longue absence des cimaises parisiennes, une exposition entièrement consacrée à Claude Georges. Ce peintre, qui est mort prématurément des suites d'un accident de voiture, a laissé une oeuvre rare. Rare parce qu'elle a été brutalement interrompue, parce qu'elle est d'une extrême complexité technique et n'a pas pris une ride, enfin parce qu'elle n'a pas été exposée à Paris depuis 20 ans. En effet, hormis une grande rétrospective au Musée de Montauban au printemps 2000, cette oeuvre, connue des initiés, ne l'est pas du grand public.

    La puissance de déflagration des six toiles accrochées dans la petite galerie "L'or du temps", rue de l'Echaudée, m'a laissée interdite. Que donnent-elles à voir ? A la fois un ailleurs et un nulle part ; elles nous entraînent dans des contrées totalement inconnues où la menace d'un cataclysme n'est jamais loin. On peut bien sûr y voir des paysages intersidéraux, le relief de planètes inconnues, ou des fragments d'univers en dérive, mais aussi et surtout de purs espaces mentaux où s'affrontent tout un jeu de contradiction.

    Je me suis attardée sur deux d'entre elles. Le sentiment général qui se dégage de la première claudegeorges_1963.jpg(Huile sur toile, sans titre, 1963, 97 x 130) (Photo n° 1) est celui d'un choc, d'un écrasement brutal entre deux mondes : minéral ? animal ? Des masses ovoïdes, blanchâtres, soulignées d'un léger trait noir, maculées de jaune, situées dans les deux tiers inférieurs de la toile filent et s'étirent horizontalement jusqu'à dépasser le cadre ; elles heurtent et brisent violemment une "chose" qui explose en taches rouge sang et giclures noires dans le bas du tableau. Un graphisme fin et ferme s'échappe de ce magma. Serait-ce un immense insecte ou un brasier que ces blocs blancs comme la glace auraient allumé ? Cette collision provoque à gauche de larges traînées noires éclairées de jaune, à droite des espaces blancs maculés de beige, mais ne repose sur rien. Au dessus et au dessous c'est le vide, un vide gris et transparent traversé de lueurs vaporeuses et blanches.

    Une tension intense se dégage de cette toile, partagée entre la maitrise du graphisme et du maniement de la couleur et un climat lyrique et poétique. En 1962 Claude Georges abandonne l'acrylique pour revenir à l'huile ce qui lui permet d'obtenir une grande transparence de la couleur. Voyez le gris allumé de lueurs blanches qui forme le fond de la toile, les beiges dilués, et l'utilisation du jaune éclairant les blancs et les noirs de lueurs sulfureuses : tout un jeu de forces contraires entre le chaud et le froid, la lourdeur et la légèreté notamment.

    Sur un fond gris très sombre, telle une météorite ou un grand vaisseau spatial, une grande forme ovoïde occupe horizontalement tout le champ du deuxième tableau claudegeorges_1964.jpg(huile sur toile, sans titre, 1964, 114 x 162). (Photo n° 2). Couleur de pierre sur les bords elle s'ouvre sur un vide dont la blancheur est rehaussée de quelques traces noires (mais est-ce un vide ?). Cette masse qui semble si lourde frôle à peine un sol noir d'encre et le fracasse, provoquant une série de fissures blanches qui s'illuminent de jaune, rouge, bleu profond.

    Comme dans la toile précédente, le conflit est extrême entre les forces contradictoires mises en présence et qui s'affrontent. Mais quelles sont-elles et quel est ce spectacle menaçant auquel nous assistons ? N'est-ce pas magnifique et terriblement angoissant ?

    Dans ces deux tableaux, comme dans ceux de Matta, les espaces, bousculent la perspective classique et s'imposent selon des rapports de poids, de forces, de vitesses simultanées. Celui de l'espace et du temps est exploré de façon totalement neuve. Claude Georges nous met face à des contrées jamais vues, ni même imaginées.

    De formation scientifique, l'artiste était très sensible aux découvertes de son époque ; la conquête de l'espace, les premiers pas de l'homme sur la lune, l'avaient fortement marqués. Grand amateur de science fiction et de bandes dessinées, son imagination puisait aux sources modernes du fantastique. Mais qu'on ne s'y trompe pas, si la tentation d'établir des analogies est inévitable, Claude Georges n'illustre rien, il nous montre des espaces émotionnellement neufs où de multiples forces antagonistes s'affrontent, où les formes, les lignes, les couleurs sont à la fois autonomes et liées à l'ensemble de la toile pour former un tout extrêmement cohérent.

    En conclusion je reprendrai ce que dit Geneviève Bonnefoi (1) citant Roger Caillois "Mais peut-on vraiment longtemps échapper à l'homme, échapper à la nature ? Ces feux, ces glaces, ces forces antagonistes, sont-ils rien d'autre que ceux que nous portons en nous et que l'artiste souvent exprime à son insu".

    (1) Geneviève Bonnefoi, "Claude Georges". Artistes d'aujourd'hui. Collection de Beaulieu.

    Galerie d'Or du temps, 25 rue de l'Echaudé, 75006-Paris. 01 43 25 66 66. du mardi au samedi de 14 h 30 à 19 h. Jusqu'au 27 juin 2009.

  • Gérard Titus Carmel (par Sylvie)

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    Titus Carmel aux Bernardins 002.jpgTitus Carmel aux Bernardins 005.jpg

    A bâtiment religieux peinture métaphysique ? Le Collège des Bernardins, à Paris, bâtiment du XIII ème siècle nouvellement restauré, accueille les 159 dessins et une grande peinture de l'artiste Gérard Titus Carmel. Une suite autour de la crucifixion du retable d'Issenheim peint au 16 ème siècle par Grunewald et conservé au musée de Colmar.

    Reprenant chacun des principaux motifs de cette scène, GTC développe, selon son habitude, des séries. On regrettera l'absence d'une photo en couleur du retable qui permettrait à ceux qui ne le connaissent pas de saisir la source d'inspiration et ses "figurants", le Christ entouré de la vierge Marie, de Marie-Madeleine et de saint Jean Baptiste, tous d'un réalisme stupéfiant qui traduit l'horreur et la beauté, la violence et la joie mystique dans une palette éblouissante. 

    Regardons, par exemple, cette Marie-Madeleine qui nous est montrée pour débuter. Dans un des premiers dessins, sa silhouette  apparait au fusain, juste crayonnée de pastel rose et vert. Très nettement dessinées, au contraire, et cadrées serré sur un papier de soie rectangulaire verdâtre, figurent, en haut à droite ses mains; et son corps  se détache sur un autre rectangle, noir celui-là bordé à gauche de diagonales autoritaires rouges, une sorte de non-peint  que l'artiste appelle "bloc de hachures" et pratique souvent. Quelle façon libre d'équilibrer une composition par des traits, des superpositions et des effets de contraste!  Seconde image : Marie-Madeleine et une vierge Marie sans tête, sont en noir et blanc - fusain, encre ou mine de plomb ? - comme le fond, figures schématisées et, si l'on peut dire, malmenées. Des taches rouges soulignent la courbure du corps de Marie proche de l'évanouissement, un trait blanc retranscrit la blancheur du voile, virginal et mortuaire. Les mains, toujours d'une grande précison graphique sont mises en exergue en un point où se cristallise l'intensité de l'émotion, amour charnel et mystique, déchirement et espérance. Quant à la troisième image, elle a complètement perdu sa référence initiale. Il ne reste que des couleurs, des triangles formés par les robes des deux femmes et qui composent ainsi une oeuvre totalement abstraite. Cette trilogie montre à quel point GTC, à travers des variations, décompose et épuise son motif, et se joue des éléments formels. Est-ce que son travail n'est pas une entreprise de déconstruction des formes ? Oui, mais pour en reconstruire les lignes de force. un chemin qui va de la figuration à l'abstraction.

    Titus Carmel aux Bernardins 003.jpgLa qualité graphique des séries de pieds du Christ où cohabitent vérité anatomique et torture, et celle des mains de Marie-Madeleine, concentrent une expressivité brutale à la limite du soutenable. L'entrecroisement des doigts, véritable buisson d'épines, fleur vénéneuse ou offrande, s'inscrit ostensiblement dans une géométrie colorée, sur ou sous des  Titus Carmel aux Bernardins 010.jpgaplats  de couleurs peintes ou en papier de soie transparent, rehaussés ou se chevauchant, éléments constructifs qui  sortent les motifs de leur pur naturalisme. Un  rapprochement s'impose avec les sérigraphies qu'Ernest Pignon Ernest a inscrites sur les murs délabrés de Naples, faisant de lieux choisis des espaces plastiques. Titus-Carmel travaille, lui, l'espace plastique pour renforcer la symbolique. Le motif cruciforme noir sous les pieds cloués du Christ, comme une seconde blessure, appelle une autre référence, l'espagnol Antoni Tapiès. Mais GTC ne veut-il pas simplement nous dire que la peinture est un art du sacré.

    Reste à contempler l'ensemble des dessins dans la magnifiscence de leurs couleurs chaudes. Et la nouvelle crucifixion, ce grand tableau vers lequel tend l'oeil du spectateur. Tous les éléments y GTC aux Bernardins 001.jpgfigurent. S'en dégage une dimension spirituelle dominée par la souveraineté tragique du Christ, structurée par le noir, l'unité tonale et le dépouillement.  

    S'attaquer à un tel tableau était une gageure. On ne peut pas reprocher à l'artiste de jouer les simples copistes. J'y vois une double méditation:  sur l'épreuve de la douleur et de la foi et sur les enjeux de la peinture et de la composition.   

    Gérard Titus Carmel "suite Grünewald", Collège des Bernardins, 20 rue de Poissy, 75005, Paris.   53 10 74 44. Tous les jours de 10h à 18h, le dimanche de 14h à 18h, nosturne le mardi jusqu'à 22h. Jusqu'au 7 juin 2009.

     

  • Herta Muller (par Sylvie)

    Italien - 30 Tage3.06.06, Herta Müller, technique mixte sur papier, 31 x 35 cm, 2006, Galerie Vieille du Temple, G024.JPG Les oeuvres de l'artiste allemande, Herta Müller, née en 1955 (à ne pas confondre avec son homonyme, femme de lettres allemande d'origine roumaine)  sont peu connues en France et peu montrées, mais elles ont, à chaque fois, accroché mon regard. Par la délicatesse du travail, la subtilité des couleurs et une sorte de quiétude qui en émane. Le travail sur papier reproduit ici (Italien-30 Tage 3 06 06, 2006), 35x31cm, figure dans une exposition consacrée au dessin à la galerie Vieille du Temple, à Paris et qui rassemble six autres artistes : Pierre Buraglio, Philippe Hélénon, Alexandre Hollan, Jeff Kowatch, Denis Martin et Beth Reisman. L'occasion était trop belle de parler de l'enchantement qu'elle procure.

    Des lignes essentiellement verticales, noires, sinueuses, de différentes qualité d'épaisseur et de médium - pastel, huile - s'entremèlent  au centre de la page, sur un fond blanc ombré çà et là de couleurs terreuses. Elles émergent d'un point de départ plus ou moins groupé au premier plan et que lient en botte trois taches crémeuses de couleur jaune et verte et se dispersent sur la surface du papier comme une fumée qui s'élève. Elles font le dos rond à gauche, se brisent en haut au bord d'une surface bleutée ou retombent mollement vers la droite, comme contrariées dans leur élan. Tout cela laisse supposer la nature, une nature du commencement des origines, forte de son devenir - elles s'orientent de gauche à droite -,  fragile de sa jeunesse. Il y a de la conquête dans cette affirmation verticale, une douceur conciliante dans ces arabesques. Nous croyons comprendre des branches, du feuillage, de l'eau ou du ciel...l'ossature d'un paysage bien qu'il ne soit pas figuratif. Le pastel écrasé, duveteux, donne aux  traits une sensualité tactile et dans leur fin cheminement erratique - où se reconnait une main de graveur - s'infiltre un soufle léger. Rien n'arrête l'espace dans son déploiement et chaque brindille, dans sa singularité et son isolement, laisse passer la lumière. On respire, on médite dans ce grand vide en action qui touche au minimalisme extrême-oriental et à la conception spirituelle de l'univers. Une peinture du silence qui a quelque chose à voir avec celle  de Nils Udo                                                                                                                                                                                                                            Herta Müller travaille en grande partie en Toscane. Elle y a, semble-t'il, trouvé une paix intérieure. Sa peinture nous élève.

    "Le dessin à l'oeuvre", galerie Vieille du temple, 23 rue Vieille du Temple 75004, Paris. 01 40 29 97 52. Jusqu'au 23 mai 2009. Du mardi au vendredi de 14h à 19h; samedi de 14h30 à 19h30.