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décrypt'art - Page 18

  • DADO (par Régine)

    Né en 1933 au Monténégro, Dado est mort il y a quelques mois. Si en France sa disparition est passée presque inaperçue, des funérailles nationales ont été célébrées dans son pays. La galerie Jeanne Bucher répare actuellement cet oubli par une exposition réunissant trois grands triptyques, des dessins et des collages.

    Le lien qui unit la vie et la mort, le rêve (ou plutôt le cauchemar) et la réalité, la fusion des règnes minéral, végétal et animal ont rarement été représentés de façon plus saisissante. Il faut dépasser un premier état de stupéfaction et de choc pour oser regarder ces toiles en face ; en effet, avant de les voir, l'oeil les subit. Certes, le monde qu'on a sous les yeux est irréel, mais il renvoie à toutes les horreurs dont l'hisoitre humaine est jonchée et nous met au coeur d'une humanité tour à tour souffrante et torturante. Passée cette secousse, il ne faut plus cesser de regarder, regarder encore et encore pour ne rien perdre de ce fourmillement de détails, de cet engendrement de formes, de leur agencement, de la finesse des filaments qui enserrent souvent ce monde grouillant. Ces espaces insoutenabls sont paradoxalement exaltés par une palette de couleur raffinées qui, telles une buée, se seraient déposées sur eux.

    Dans le triptyque intitulé Bowery et qui date de 1975 (195 x 450) les deux tiers supérieurs des trois toiles qui le composent sont occupés par un ciel bleu lavande, vide, lavé, tandis que dans le tiers inférieur, baignant dans la même atmosphère, des êtres sont voués à la dévoration, à la transformation et à la décomposition. Dans le panneau de gauche par exemple GEDC0001.JPG(photo 1) un animal, sorte de rat, bouche grande ouverte, accroupi, menace de ses crocs un personnage mi homme mi chien qui lève un bras à moitié rougé. Ce qui pourrait être une tête humaine roule dans le bas de la toile. Dans celui du centreGEDC0003.JPG (photo 2), de l'oreille du personnage plié en deux (vieillard ou singe) jaillit une antenne ou un membre dressé. Dans le panneau de droite, c'est la fuite, deux créatures, yeux écarquillés et terrifiés, bouches hurlantes, se ruent sur la droite laissant derrière eux des corps hybrides et mutilés GEDC0002.JPG(photo 3). Un grillage délabré et des restes de bâtiments servent de fond à cette scène apocalyptique. Son irréalité et le contraste entre la sérénité du ciel et l'horreur de la représentation nous permettent de maintenir une distance tout en renforçanht la force du propos.

    Dans Le Boucher de St NicolasGEDC0009.JPG (photo 4), un immense collage sur toile (207 x 185), des morceaux de corps sont volatilisés dans un espace limité par un plancher orange et un mur gris foncé. Impossible d'échapper au regard à la fois féroce et narquois du pantin allongé au centre. Il nous rend à la fois spectateur et complice de cette scène.

    Du panneau de gauche du triptyque intitulé Boukoko (162 x 454), baignant un univers bleuté, le visage d'un monstre appartenant encore à l'espèce humaine jaillit GEDC0007.JPG(photo 5). Il nous regarde, bouche ouverte ; son nez démesurément allongé, s'est transformé en sexe en érection. Une sexualité brutale et puissante hante la plupart de ces toiles. Mais ces scènes ne sont fragmentées qu'en apparence. Dans ces espaces complexes, unifiés par la couleur, où verticales et horizontales se répondent, chaque détail a son importance et fait partie de l'ensemble. Oui, Dado a une formidable maîtrise de son métier de peintre.

    L'univers de ces toiles s'enracinent clairement dans l'histoire personnelle de Dado qui, enfant, a vécu les atrocités de la dernière guerre dans les Balkans, mais elles sont aussi de magnifiques morceaux de peinture. Nul mieux que Bernard Noël n'a su trouver les mots pour le dire : "Viande picturale tantôt charnue, tantôt aérienne, cette "viande" aux multiples avatars c'est la peinture. La peinture de Dado est viandeuse et non pas esthétique, l'imagze ne dépeint pas du massage du charnel, du pantelan, elle en contient."

    Ce peintre est aussi un visionnaire de la trempe de Gérôme Bosch et sa peinture nous renvoie à tous les massacres contemporains.

    Hommage à Miodrag Djuric, Dado. Galerie Jeanne Bucher, 53 rue de Seine, 75006-Paris (01 44 41 69 65) du mardi au vendredi de 10 h à 12 h 30 et de 14 h 30 à 18 h jusqu'au 14 mai.

  • François MORELLET (par Régine)

    Dans le paysage de l'art contemporain, il est bien rare d'éprouver un plaisir aussi jubilatoire que celui que procure l'exposition de François Morellet au Centre Pompidou. A la fois sensible et concrète, fantaisiste et maîtrisée, rigoureuse et décalée, mentale et physique, elle stimule l'intellect et les sens.

    François Morellet est un jeune homme de 85 ans qui n'a rien perdu de sa créativité et de son ironie. Pour cette exposition, plutôt qu'une grande rétrospective, il a préféré se focaliser sur ses installations et en "réinstaller" un certain nombre créées entre 1960 et aujourd'hui. Prolongeant son travail de peintre elles sont, dit-il "des mises en place éphémères d'éléments légers disposés différemment selon l'architecture de chaque lieu d'exposition". Réinstallées elles s'adaptent chaque fois à leur nouveau lieu et ne renaissent donc jamais de façon absolument identique. Les matériaux qu'utilise Morellet pour les réaliser sont très variés : tubes d'aluminium, poûtres de bois, ruban adhésif, avec une grande prédilection pour les tubes de néon.

    En réaction contre l'Abstraction lyrique française et l'Expressionisme abstrait américain des années 1950/1960, François Morellet alors membres du G.R.A.V. (Groupe de Recherche d'Art Visuel) a éliminé de son oeuvre toute subjectivité. Fort de l'idée duchampienne décrétant "c'est le regardeur qui fait l'oeuvre", il a mis au point des dispositifs qui sollicitent notre participation. Certains mettent en cause nos habitudes de vision. Telle "Répartition aléatoire de 40.000 carrés suivant les chiffres pairs et impairs d'un annuaire de téléphone, 50% de bleu, 50% de rouge" qui nous plonge dans un univers où l'intensité égale des deux couleurs nous fait perdre tout repère et nous amène à confondre fond et forme, base de notre perception de l'art. "Reflets dans l'eau déformés par le spectateur" de 1964GEDC0125.JPG (photo n° 1) est une oeuvre à la fois toute simple et poétique. Une grille orthogonale faite de tubes de néon blanc suspendue au plafond se reflète dans l'eau noire d'un bac posé au sol. Quand l'eau bouge le reflet de la grille se déforme pour donner des figures mouvantes et toujours différentes. Cette instabilité déjoue la perception fixe que nous avons d'ordinaire des oeuvres d'art. Avec "Delacroix défiguré (La mort de Sardanapal)" (1989) GEDC0128.JPG(photo 2) et "Picasso défiguré (Les demoiselles d'Avignon)" (2011)(photo 3)GEDC0110.JPG, l'artiste revisite avec humour ces deux chefs d'oeuvre. En remplaçant les personnage par des toiles blanches qu'il a accrochées sur un mur blanc et en respectant scrupuleusement leur organisation d'origine, il nous offre le plaisir de reconstituer mentalement ces deux tableaux.

    D'autres oeuvres font travailler l'imaginaire, telle celle, faite de rubans adhésifs noirs, installée dès l'entrée et intitulée "2 trames de parallèles inclinées à 30°et 40° sur 3 murs". (1977-2009) (photo 4) GEDC0124.JPGLeur faible différence d'inclination conduit ces lignes tantôt à se croiser, tantôt à être quasiment parallèles. On les suit du regard, on les prolonge mentalement en dehors des murs et on les imagine se croisant sous le plancher, sous le plafond et réapparaître indéfiniment. Varini n'et pas loin. Cet artiste suisse, né en 1952, dont le travail évolue aussi avec l'espace architectural, se différencie cependant de son aîné en définissant un point de vue à partir duquel son travail prend forme.

    Les tubes de néon permettent à Morellet d'utiliser la source lumineuse elle-même comme matériau plastique. Avec eux il va réaliser des oeuvres qui, malgré un semblant de désordre révèle, à qui sait observer, un ordre logique.

    Avec "No end neon" (1990) (photo 5)GEDC0111.JPG dont le titre est un palindrome (forme linguistique chère à Morellet), celui-ci a disposé en quinconce, du sol au plafond, des tubes de néon bleus sur des lignes parallèles dessinées par leurs fils électriques ; dans "Néons by accident" (2003),(photo 6)GEDC0109.JPG il a distribué de façon apparemment aléatoire 16 arcs de tubes de néon rouge sur les murs et le sol. L'impression n'aurait ni cette puissance ni cette beauté si une organisation précise n'orchestrait pas la magnifique et spectaculaire "Avalanche" de 1996 (photo 7)GEDC0112.JPG. 36 tubes de néon bleu de 2m de longueur, suspendus au quadrillage du plafond par leur propre cable électrique se retrouvent plus ou moins inclinés dans toutes les directions à mesure qu'il touchent le sol.

    Les systèmes sous-jacent très élaborés, oébissant à des calculs précis, sont plus ressentis que compris. Ils donnent à ces installations un rythme, une vitalité joyeuse et une grande beauté.

    Morellet adore créer un trouble dans la géométrie. Pour complémentaire"Geometree n° 5 Arc de cercle complémentaire" de 1983, (photo 8)GEDC0108.JPG  il a imaginé la continuité d'une ligne entre une branche d'arbre courbe posée sur le sol et un cercle sur le mur raccordant les deux extrémités de la branche. Hasard et détermination président à cette oeuvre pleine de poésie.

    Il serait possible de continuer ainsi à parler d'autres installations, tout aussi stimulantes, mais il est préférable d'aller les voir sur place. L'exposition est à la fois une fête et une expérience visuelle et intellectuelle ; il serait dommage de se priver de ce plaisir.

     

    François Morellet - "Réinstallation". Centre Pompidou, tous les jour sans mardi de 11 h à 21 h. Nocturne le jeudi jusqu'à 23 h. Jusqu'au 4 juillet.

  • Du Zhenjun et la tour de Babel. (par Sylvie)

    Quelles images cataclysmiques  nous jette à la figure Du Zhenjun, à la galerie RX!  Des photomontages sur le thème mythique de "La tour de Babel" revu et corrigé par un artiste chinois de la cinquantaine, bien de son temps. Un visionnaire pessimiste ?

    Que nous dit la Bible à ce sujet ?  Babylone: première ville construite après le déluge. Dans cet âge d'or de la paix initiale, l'humanité entière louait Dieu en une seule et même langue. Mais Nemrod, descendant de Noé et ambitieux roi de Mésopotamie, voulut se faire un nom et bâtir une tour allant jusqu'au ciel. Pour le punir de sa présomption, Dieu dispersa les hommes sur la terre et leur donna des langages différents afin qu'ils ne se comprennent plus.

    Il existe deux interprétations picturales fameuses, toutes deux flammandes, de ce mythe. L'une de Bruegel l'Ancien  et une autre de Lucas Van Valckenborgh, délicieux petit tableau qu'on aurait tort d'ignorer au Louvre. Elles datent du XVI ème siècle et inspirent plutôt de la sérénité, comme un hommage à la paix terrestre d'avant et au travail des hommes plus que la condamnation de la  folie de l'un d'entre eux dont la figuration  en bas des tableaux  souligne le dérisoire de l'entreprise autant que l'arrogance de l'initiateur.

     Du Zhenjun transpose le mythe à notre époque en photos de grands formats, dans une vision tragique du monde moderne où la surpopulation, l'urbanisation intensive et l'opacité de l'air ont remplacé les paysages pastoraux et limpides. Demeure, par delà le temps, l'image d'un projet jamais définitivement abouti. A moitié construit par les hommes ou à moitié détruit par Dieu ?     Après dessin préparatoire Du Zhenjun travaille en équipe, utilisant les bases de données planétaires de l'internet. Le résultat est un montage d'innombrables fragments d'images hétéroclites, coupées de leur contexte mais reconnaissables, où s'interfèrent les épisodes les plus ordinaires ou les plus dramatiques du monde contemporain offertes par les médias. 

    Old_Europe Du Zhenjun.jpgOld Europe (c.print 160x120cm, 2010) montre une tour hexagonale (un ziggourat) aux arcades empilées comme autant de témoignages du passé et que surplombent un Parthénon et des colonnes antiques, toutes choses bien nostalgiques. Autour, la nature est absente, il n'y a que constructions, monuments, ponts ou immeubles. La tour Eiffel y a sa place, très loin, sous un ciel gris, nuageux. Dans le très vaste premier plan est massée une foule grouillante -elle rappelle les foules chinoises -, arborant toutes sortes de calicots revendicatifs en plusieurs langues, climat, retraites, droits des femmes immigrées...On remarque la police casquée, des fumées et des véhicules en flammes, seule note de couleur chaude par laquelle le regard est aimanté. Partout ailleurs le noir et un blanc fluorescent, le glacis photographique, font vibrer l'atmosphère. La violence de la scène, fait presque oublier l'absurdité de la tour. Comme si la colère des hommes - unis malgré leur différences de langues - avait remplacé la colère de Dieu.

     Du Zhenjun, the accident..jpgAutre image forte, The accident, ( c print,160x120, 2010). C'est tout un monde qui s'écroule sous la folie de l'humanité entière. Les hommes s'entassent  au dépens des uns et des autres. Entrechoc des individus, des véhicules, des constructions, des nuages. Seule reste étale la surface de l'eau. Stagnante, elle ne prédit rien de bon.  L'ambition démesurée d'un seul ou l'abération d'un système n' engendréraient-elles que le malheur de tous?                                                             L'artiste pose la question de l'avenir de notre société. Ses images, issues des technologies nouvelles aux limites encore inconnues, reflètent une peur de la mondialisation et de l'uniformisation des cultures. A reprendre les photos du crash du 11 septembre à New-York, fut-ce dans un rendu ludique, Du Zhenjun semble nous redire la nécessité de se parler, de se comprendre pour réaliser de grands projets.

     Du Zhenjun, "la tour de Babel", galerie RX, 6 avenue delcassé, 75008 Paris. 01 45 63 18 78. Jusqu'au 19 mars 2011.

  • Antoni Tapiès (par Régine)

    Pourquoi, sans en avoir cerné la raison, ai-je toujours été fascinée par les oeuvres de Tapiès ? Leur vitalité souffrante, leur impureté, leur liberté, leur vigueur, leur médium qui s'adresse autant à la main qu'à la vue, en sont les raisons qui me viennent spontanément à l'esprit ; mais encore ?

    L'examen de quelques tableaux figurant dans l'exposition qui se tient actuellement à la Galerie Lelong me permettra peut-être de répondre de façon plus précise à cette interrogation. Tapiès a 87 ans et ne s'en cache pas. La première page du catalogue de l'exposition le montre devant une de ses toiles récentes. Il est assis sur un tabouret, tassé, appuyé sur une canne et nous regarde. Les oeuvres exposées datent des trois dernières années. Impossible donc de voir cette exposition sans avoir à l'esprit qu'elles sont le fait d'un homme âgé. 

    Cos Lligat de 2010 est un collage sur bois de 170 x 200 cm (photo 1)GEDC0041.JPG. Sur un fond sombre dans sa partie inférieure, légèrement beige dans sa partie supérieure, est collé un corps de femme étendu horizontalement. Le matériau dont il est fait - sans doute un mélange de sable, de vernis, de poudre de marbre et de colle - est riche, épais, vivant ; sa couleur est belle et sa douceur invite au toucher. Mais ce corps est aplati et n'a ni tête, ni jambes ; à leur place la matière est labourée, griffée, profondément entaillée. De son cou s'échappe un flot de cheveux rapidement griffonnés, son bras droit est à peine esquissé. Ses seins sont des creux, son thorax est enserré de bandelettes qui s'enfoncent douloureusement dans sa chair et la ligote. Une touffe de cheveux figure le pubis. Deux signes bombés sur le fond la domine : une croix et une sorte de V.

    Offert et interdit, torturé et sensuel, c'est la vision hallucinée d'un corps souffrant. L'artiste le creuse-t-il ainsi pour tenter d'en retrouver la vérité cachée ? "Tout tableau de Tapiès est une plaie : ouverture par laquelle se fait l'expérience du monde " nous dit Pierre Wat dans son introduction au catalogue. L'artiste détruit l'image idéalisée du corps de la femme si présent dans la peinture occidentale et la publicité ; c'est contre cette représentation, filtre qui s'interpose entre nous et la réalité, qu'il construit cette image non médiatisée d'un corps de femme, abîmé par la vie. Les liens qui la ligotent ne seraient-ils pas aussi pour Tapiès, le signe de l'impossibilité pour lui dorénavant d'avoir accès à un corps de femme ?

    Capçal (2010) est une peinture sur toile de 130 x 162 cm (photo 2)GEDC0040.JPG. Directement sur la toile brute est peint frontalement un canapé. Y gisent quelques vestiges difficiles identifier : débris de corps ou vêtements ? Seul un pied qui dépasse à gauche est reconnaissable. Au centre, au dessus du dossier, une croix, signe polysémique cher à Tapiès ; enfin un glaive traverse le siège de part en part, épée de Damoclès prête à trancher la vie et la lumière ? Dans le bas du tableau, quelques signes mathématiques séparés par le signe + ont été hâtivement inscrits en blanc. Sur ce canapé d'un noir brun, sont peints ou plutôt bombés d'un blanc éclatant la croix, le siège et la lance du glaive. Son rayonnement donne une vibration et une grande énergie à l'ensemble.

    L'intensité de la présence de ce "capçal" (canapé en catalan) me rappelle une réflexion de l'artiste qui disait à peu près ceci : lorsque je vois une chaise, je pense à l'arbre qu'il a fallu abatre pour la faire, à l'homme qui en a fait le dessin, à l'artisan qui l'a réalisée et au nombre de personnes qui s'y sont assises.

    La réalité est beaucoup plus complexe que ce que nous voyons et il et impossible d'en rendre compte avec la seule représentation de l'objet. Ainsi, dans ce tableau des signes disparates voisinent : il y a le canapé, un pied, peut-être une jambe, une épée, une croix, des signes mathématiques, et une lumière phosphorescente qui agit comme une aura sur l'ensemble. Autant de rapprochements qui questionnent le spectateur, l'obligent à voir au delà de la réalité et élargissent sa perception. Peint frontalement et sans ombre ce canapé et à la fois reconnaissable et autre chose qu'une représentation.

    Une troisième oeuvre, peut être la plus simple et la plus touchante, s'appelle A.T. C'est un collage qui date de 2010 aussi et mesure 97 x 130 cm. (photo 3)GEDC0046.JPG. Sur un fond figurant une plage dont le medium reprend la couleur et la texture, négligemment abandonnés deux morceaux de tissus bruns encadrent les initiales A T hâtivement tracées dans le sable humide et surmontant quelques signes illisibles. Antoni Tapiès nous parle donc ici de lui, de la fragilité de la vie, de sa fin prochaine ; mais en parlant de lui, il s'adresse à nous et nous interpelle sur notre propre fragilité et sur notre propre fin.

    Peinture d'homme âgé ? Certainement. Mais non peinture d'homme affaibli. Sa peinture ne cherche pas à représenter ce que nous voyons qui n'est souvent que convention et habitude, mais à imposer une réalité bien plus authentique.

    Galerie LELONG - 13, rue de Téhéran, 75008-Paris (01 45 63 13 19) : Antoni Tapiès - Nouvelles peintures. du 3 février au 2 avril. Ouvert du mardi au vendredi de 10 h 30 à 18 h ; le samedi de 14 h à 18 h 30.

     

  • Ecritures illisibles (par Sylvie)

    L' enclave est dans le pré-carré réservé aux artistes-femmes du Musée de l'Art Moderne, au Centre Pompidou à Paris. Y sont réunies quelques oeuvres de petit format sous le titre "Ecritures illisibles". Dans un premier temps, elles portent à croire qu'il s'agit d'exercices d'écriture ou de quelques codex inconnus. Roland Barthes, dans les années 60, avait eu le mot juste à leur sujet. ce sont effectivement des "écritures illisibles", des simulacres sans contenu linguistique et sémantique mais au fort pouvoir visuel.                  

    Ces graphies minuscules occupent l'espace du papier avec une régularité presque géométrique semblable à la mise en page de journaux ou de livres. Elles font oeuvre de communication sans rien communiquer.  L'organisation propre à l'écriture alphabétique est respecté mais le texte est devenu image, une image abstraite, et le mot, matériau de l'oeuvre. Il y a du jeu dans ces textes à résonnances conceptuelles. Puisque la littérature a laissé la place aux arts plastiques, on ne lit pas , on regarde. C'est très beau, très intimiste et attachant jusqu'à faire oublier le côté parfois provocateur.

    GEDC0022 Dermisache journal.JPG Diario n°1, 1972, de Mirtha Dermisache se présente comme la double page d'un journal en noir et blanc, avec de gros titres , des colonnes de texte, du lache et du serré. Tout est parfaitement organisé et graphiquement équilibré. Pourquoi copier la presse ?  Mirtha Dermisache est argentine (née en 1940) et pratique ce type de travail depuis les années 70. Elle prône la nécessité d'un art-action, art de résistance et d'insubordination mêlant corps et politique. Le pseudo journal renvoie probablement à la désinformation de la presse locale de l'époque. A copier la présentation, l'artiste marque  une volonté d'occulter un contenu et d'entrer elle même en écriture. Le résultat est plus construit que l'écriture automatique des Surréalistes qui donnaient libre cours à leur inconscient (voir Max Ernst ou Dotremont) et, derrière la maquette se profile l'idée de message, celui du refus. Une illisibilité de départ à rapprocher de celle à posteriori de Pierre Buraglio. Dans la page d'agenda de "Now the time" il parait avoir voulu effacer sa vie en rayant son emploi du temps.     

    GEDC0013 Blank.JPGLes 9 pages des "Eigenschriften" (Ecritures pour soi), pastel sur papier, 1969, d'Irma Blank, argentine elle aussi (née en 1934), participent de la même autocensure et de la même volonté d'affirmer sa position." Ecriture du silence et du néant qui nie et accorde tout". Les signes, petits bâtons perçus comme roses bien qu'ils soient faits d'une juxtaposition de rouge et de bleu, sont disposés de façon conventionnelle propre à la temporalité. Serrés, ils s'alignent sans ponctuation, comme une intarrissable logorée ou, peut-être, avec la densité d'un exercice spirituel. Et couvrent 9 pages. On pense à la "Peinture, écriture rose" de Hantaï qui recopiait à l'encre colorée, les uns sur les autres, les textes sacrés  les rendant ainsi illisibles (l'horreur du vide) mais d'une grande beauté plastique. Aussi peu élaborés que des signes primordiaux, d'avant la langue, les écritures d'Irma Blank inscrivent, par le biais du geste, un texte- image, inutile certes mais chargé d'allusions.

    Beaubourg, Ecrit illis 006 P. Bloch.jpgLes écritures de Pierrette Bloch (née à Paris en 1928) nous rappellent davantage celles d'Henri Michaux ou les calligraphies chinoises, on y sent la pression de la main et les signes y sont plus individualisés. Pierrette Bloch décline à l'infini le point ou le trait. Plus ou moins gros, plus ou moins espacés, ces formes simples, abstraites, alignées, débouchent sur une composition à la fois rigoureuse et fantaisiste, un travail sur l'espace, le temps et le mouvement infini, un mystérieux murmure extrèmement poétique. La Ligne de papier, encre sur papier, 2002, qui figure ici, témoigne, dans sa rigueur, d'un attachement aux matériaux pauvres, aux subtiles variations du noir et blanc que permet l'encre de Chine, et au déploiement répétitif du geste qui donne rythme fluidité et légèreté.                                                           GEDC0010 P. Bloch.JPGSi vous avez été comme moi infiniment GEDC0006 P. Block, Crin.JPGséduits par ce travail - et il y a là d'autres exemples -, courrez à la galerie Karsten Greve voir le parcours rétrospectif de l'artiste et, en particulier les lignes en crin de cheval (2002) légères comme des notes de musique sur une portée et un somptueux tissage en lacet de coton (1974). Comme quoi le latin dit vrai:  texte ou texture l'origine est la même.

    Ecritures illisibles, MNAM Centre Pompidou, place Beaubourg,75004 Paris. 01 44 78 12 33. Pierrette Bloch, galerie Karsten Greve, 5 rue Debelleyme, 75003 Paris.01 42 77 19 37, jusqu'au 12 fevrier 2011.

  • Alexandre HOLLAN (par Régine)

    En parcourant l'exposition d'Alexandre Hollan actuellement à la Galerie Vieille du Temple, et en observant ses oeuvres si "silencieuses" j'ai été surprise d'entendre le bruissement de la vie.

    Le travail de cet artiste hongrois, installé en France depuis plus de 40 ans, comporte deux facettes bien différentes mais somme toute complémentaires : des natures mortes et des dessins ou peintures d'arbre. Elles le sont par la façon don il aborde les deux sujets : une attention patiente à la vie des objets et de la nature pour capter ce qui échappe au commun des mortels et pour faire sentir ce qui est à peine tangible, attention qu'accompagne une incessante méditation sur la nature, sur la lumière, sur la peinture.

    Il ne parle pas de "Natures mortes" mais de "Vies silencieuses". Qu'essaye-t-il d'y saisir : les échanges imperceptibles qui passent entre quelques objets très simples rassemblés pour l'occasion - pot, cafetière, bouteille - et fruits posés auprès d'eux.

    Les tons assourdis, veloutés, la façon dont ils se fondent les uns dans les autres, dont les contours des objets se dissipent laissent à penser qu'il s'agit de pastel. Or il n'en est rien car c'est bien avec l'aquarelle qu'Hollan parvient à donner une telle sensation tactile à la couleur. On pense alors que le papier lui-même à dû faire l'objet d'une lente préparation pour lui permettre d'absorber des couches et des couches de couleur et faire sourdre une lumière qui émane du coeur même des choses.

    Oui, les objets qui composent ces "Vies silencieuses" communiquent entre eux par la couleur. Ils se fondent autant les uns avec les autres qu'avec le fond. Ils existent individuellement mais aussi comme faisant partie d'un tout. Si chaque objet garde sa couleur dominante (brun, pourpre, violet) un ton sous-jacent unifie l'ensemble, réveillé parfois par la clarté jaune d'un fruit (photo 1)GEDC0019.JPG. Les contours se défont pour laisser passer une seule sonorité. Ici ce sera le brun (photo 2)GEDC0020.JPG, là le bleu (photo 3GEDC0021.JPG) ou encore l'ocre (photo 4).

    GEDC0022.JPG


    Les dimensions de cette dernière (82 x 106) donnent aux choses une extraordinaire présence ; elle est comme un "zoom" des formats plus petits accrochés en face d'elle.

    Dans cette répétition incessante du même motif on pense bien sûr à Morandi - ils ont d'ailleurs été exposés ensemble en 2001 à Vevey en Suisse - mais si on ressent chez ce dernier le sentiment d'anxiété de ne jamais pouvoir saisir véritablement ce qu'il cherche, la mélancolie dans l'oeuvre d'Hollan est d'un autre ordre. Les objets qu'il peint sont usagés ou rouillés, les fruits sont mûrs Il entre en résonance avec eux pour capter la lumière qui surgit de la beauté de leur usure, de leur mûrissement. En nommant "Vies silencieuses" ses natures mortes il nous invite à regarder le temps qui imperceptiblement passe et change toute chose.

    Son attitude n'est pas différente devant les arbres, dont les dessins et les peintures forment la 2ème partie de cette exposition. Les dessins sont rarement isolés (photo 5)GEDC0028.JPG
    , mais réunis par 2, 4 6 ou 8 GEDC0023.JPG
    (photo 6 et 7)GEDC0030.JPG
    . Il nous montre ainsi simultanément les multiples perceptions et sensations qui le traversent devant le même sujet. Cela donne lieu à un tracé qui ressemble à un fin réseau sanguin irriguant les ramures, à un brouillard qui se dissout et frémit dans l'air, ou à un simple signe. Suivre ainsi les étapes qui sont l'image d'une succession d'états intérieurs est extrêmement émouvant.

    Sur le diptyque au mur se déploie avec majesté un grand arbre très noir peint à l'acrylique (photo 8)GEDC0024.JPG
    . Ici, comme à l'accoutumée, Hollan ne peint qu'à partir du haut du tronc, là d'où part la ramure ; c'est le rapport de celle-ci avec l'air environnant qui l'intéresse. Celui-ci circule entre le blanc de la toile et le noir profond des branches imposant à leur déploiement une absolue présence. Pour Hollan "les arbres sont des êtres et il les appréhende comme tel" dit Yves Bonnefoy.

    Une belle vidéo montrant l'artiste au travail permet de visualiser sa démarche et de mieux se rendre compte de ce que j'ai tenté d'expliquer ici.

    Mais laissons lui le dernier mot qu'on trouve dans le joli catalogue réalisé par la Galerie Vieille du Temple et Pagina d'Arte : "Il y a une force franche, immédiate qui s'affirme dans chaque mouvement de feuillage et qui affirme une résistance dans le cosmos où tout le reste bouge. Cette affirmation forte, tendue, je la reconnais, je l'aime (en dessinant au pinceau noir par exemple, ou avec les traits fulgurants au fusain".

    Alexandre Hollan - Arbres - Vies silencieuses - du 2 décembre 2010  au 29 janvier 2011

    Galerie Vieille du Temple 23 rue Vieille du Temple, 75004-Paris (01 40 29 97 52). Du mardi au samedi du 14 h à 19 h.

     

  • Georges Rousse (par Sylvie).

    Dans les gigantesques volumes intérieurs vides photographiés par Georges Rousse le regard est happé et pris de vertige. Et mon impression a été la même cette fois encore devant les oeuvres exposées aux galeries RX et Putman.. Pourquoi ces espaces spectaculaires par leur taille, le déséquilibre qu'ils établissent et le tragique qui émane parfois de leur désolation sont-ils si  envoûtants?  Comment expliquer cette poétique de chantier ? .

    GEDC0024 G. Rousse par Régine.JPGGEDC0025 Rousse par régine 2.JPGGEDC0018 Rousse par Ré 6.JPGLa galerie RX à Paris présente une dizaine d'oeuvres de grand format et quelques aquarelles préparatoires qui font mieux comprendre ce travail complexe sans en enlever le mystère.                                                                                                   Chasse sur Rhône de 2010 (tirage lambda, 125x160 cm, photo de droite) par exemple, montre l'intérieur d'un bâtiment en pierres apparentes, haut et vide. La diagonale de l'escalier indiquant l'accès à un probable ou ancien étage supérieur et le pilier central, partageant l'image en deux hémisphères, rejoignent les lignes des murs en un point focal au centre.  La lumière pénètre harmonieusement par les différentes ouvertures réparties en éventail. L'impression est, comme toujours chez Rousse, d'espace  et de silence. Le carré bleu, éblouissant et transparent, qui s'inscrit au centre de la pièce semble flotter dans l'espace. Il s'emboite dans le format de l'image, apporte une nouvelle profondeur de champ et revigore le lieu par sa forme géométrique et la dynamique de sa couleur pure.. On oublie la solitude sous-jacente initiale, on oublie le destin sans doute funeste du bâtiment pour se laisser pénétrer par le calme qui s'en dégage. Dans Alpilles de 2010 ( Tirage lambda, 125x160cm, au centre) un volume  rond est introduit dans un autre volume-cage construit dans un troisième. L'image de gauche représente l'aquarelle du projet Vitry 2007 (22x30cm).                                                                                                                                               

    Georges Rousse fait oeuvre de photographe plasticien depuis les années 70 (il est né en 1947). En passionné de peinture, de graphisme et surtout d'architecture." L'architecture est la condition première et préalable à mon travail. Sans elle et sans cette mémoire ultime de l'architecture que je souhaite conserver, mon oeuvre n'existerait pas." C'est ainsi qu'il s'exprime. Ajoutons qu'il est, comme les artistes du land art, un grand marcheur aimant découvrir des lieux désafectés, et les donner à voir, transformés.

    Comment donc les transforme t'il ? Quel est le trucage? Aucun. Photoshop est-il passé par là ? Non point. Il s'agit d'un long travail artisanal à partir de territoires insolites découverts : repérage dans l'espace du lieu d'introduction  de formes ou de volumes simples découpés à la scie en les situant préalablement à la craie après avoir peint le décor initial et projeté une diapo que l'objectif met à la dimension voulue. La technique de l'anamorphose sur la chambre photographique permet son positionnement et sa reproduction à des dimensions gigantesques qui déjoue la hiérarchie des plans, et donne une vision fictive des lieux.A l'inverse du kaléidoscope qui morcèle, Rousse rassemble les différents espaces peints en une seule image correspondant à son point de vue. Vient le moment le plus fort, selon lui, celui de la prise de vue. Lorsque la photo est faite, le décor est détruit. Reste pour le spectateur cette mystérieuse illusion d'optique d'un espace théatralisé, agrandi, spiritualisé, qui n'est pas sans faire songer à Malévitch.                                                                                                                                              D'autres oeuvres et plusieurs aquarelles préparatoires exposées chez Catherine Putman, spécialiste d'oeuvres sur papier, complètent cette exploration du travail de Georges Rousse.

    Georges Rousse, "Architectures", galerie RX, 6 avenue Delcassé, 75008 Paris. 01 45 63 18 78. Jusqu'au 15  janvier 2011.                                                                                                                                                     Georges Rousse "Pérégrinations", galerie Catherine Putman, 40 rue Quincampoix, 75004 Paris. 01 45 55 23 06. Jusqu'au 15 janvier 2011.

  • Une oeuvre exceptionnelle de Béatrice Casadesus (par Régine)

    Pour suppléer à l'absence du portrait de Marguerite d'Autriche peint par Bernard Von Orley, conservé dans le Monastère royal de Brou (Bourg en Bresse) et prêté pour l'exposition "France 1500" au Grand Palais, la conservatrice du Musée a eu l'heureuse idée de demander à plusieurs artistes contemporains de marquer à leur façon la présence de Marguerite dans les lieux.

    Béatrice Casadesus prend à bras le corps cet immense espace avec une vision d'architecte et de sculpteur qu'elle fut. En incitant le regardeur à se déplacer pour contempler son oeuvre, elle l'invite à voyager parmi les flots et les nuages d'un paradis de la couleur.

    Fille de l'Empereur Maximilien, petite fille de Charles le Téméraire et tante de Charles Quint, Marguerite d'Autriche faillit être reine de France - elle fut fiancée à 3 ans à Charles VIII qui en avait 13 -. Deux fois veuve, d'abord du roi d'Espagne, puis de Philibert de Savoie, elle décida à 25 ans de se retirer du monde et fit construire le Monastère de Brou afin d'y finir ses jours. L'église, de style gothique flamboyant, est une merveille architecturale, d'une très grande pureté : pas de vitraux, pas de chapelles latérales, pas de décoration, elle s'élance vers le ciel et par beau temps la lumière y entre à flots. C'est dans la nef que Béatrice Casadesus a installé une oeuvre somptueuse.

    GEDC0009.JPGUn flot de voiles vaporeux peints à la main sur un support appelé "intissé", où se mêle toute une palette de couleurs subtiles - on pense à celles des fresques de Fra Angelico, Piero de la Francesca ou Giotto - tombe en cascade de plus de 16 m de haut du balcon adossé à la façade. Béatrice Casadesus qualifie ces voiles de "mues", terme qui lui est cher et qui sont, dit-elle, comme un passage qui s'opère entre l'espace plan du tableau à l'espace de l'architecture. Sur le sol de la nef elle a installé un immense bouillonnement de ces mêmes "mues"GEDC0011.JPG où, comme dans les ciels peints par Le Corrège, se perdent toutes les nuances du bleu. Ce dispositif est encadré de 4 diptyques. Un lien impalpable se tisse entre ces peintures abstraites à dominante bleue rehaussée d'or, le sol, le mur du fond animé par les mues et les enluminures des livres d'heures, les tapisseries dont on ornait les murs de pierre, la richesse des vitraux de l'époque de Marguerite.GEDC0015.JPG

    En rendant proche un temps éloigné ce dispositif totalement contemporain est en parfaite adéquation avec la spiritualité et le raffinement de Marguerite ainsi qu'avec le rayonnement de l'église à son époque.

    D'une ampleur exceptionnelle, cette oeuvre de lumière, à la fois forte et fragile, toute tendue vers l'élévation, l'immatériel a occulté pour moi celles des autres artistes invités à participer à cette aventure : Rahymond Hains, Marie Morel, Jean Xavier Renaud et Gaëlle Foray.

    Visions contemporaines de Marguerite d'Autriche - Monastère royal de Brou à Bourg en Bresse, jusqu'au 24 janvier 2011.

     

  • René Guiffrey (par Sylvie)

    10 septembre 2010 (40) b.jpg10 septembre 2010 (29) b.jpg055.jpgAprès un long silence de deux mois, nous voici à nouveau opérationnelles.      Remontant du sud de la france, j'ai fais un arrêt à l'Isle sur la Sorgue pour voir les dernières oeuvres de René Guiffrey dans un nouveau lieu d'exposition, la galerie DNR, qui s'est installée au Village des Antiquaires de la Gare, un endroit plein de charme.

    Ceux qui connaissent le travail de Guiffrey (voir la note d'avril 2010) ne seront pas étonnés de tant de rigueur. La thématique géométrique demeure, le verre se superpose toujours pour créer des profondeurs dans des transparences colorées;  papier et  miroir restent les mediums de prédilection de cet artiste exigeant.Si le carré a longtemps été chez lui une forme presque obsessionnelle dans une recherche de troisième dimension, l'étirement semble lui devenir une nécéssité. On aurait pu peut-être, l'augurer dans ses poliptyques passés, mais là, avec la colonne "Joyce"en miroir, qui fait voir différentes facettes du monde  et"Cordoba", ces cinq pièces sur papier faisant un circuit fermé, pas de doute. D'ailleurs le titre complet de l'exposition est:" Cordoba, alentours et autres", comme la preuve d'un élargissement de la vision. 

    René Guiffrey, galerie DNR, village des antiquaires de la gare, 2bis rue de l'egalité, 84800 l'Isle sur la Sorgue. 06 20 39 06 69. Jusqu'au 31 décembre 2010.

     

     

  • Gasiorowski (par Sylvie)

    La route des vacances réserve de bonnes surprises. Descendant vers le sud, j'ai fait un arrêt au Carré d'Art, à Nimes. Gérard Gasiorowski occupe la place. L'exposition est passionnante, ne la ratez pas.     Elle met en lumière la variété et la richesse du travail de cet artiste né en 1930 et mort en 1986, son rapport haine-amour avec les maitres du passé, l'histoire de l'Art, et la peinture elle même qu'il n'arrête pas de détruire et de magnifier. Un artiste iconoclaste et tout en contradiction, qui ne s'est pas contenté d'une évolution linéaire. Et quel coloriste!" Recommencer. Commencer de nouveau la peinture" disait-il. Et la formule sert de sous-titre à l'exposition.

    Oeuvre complexe, en renouvellement permanent, faite de revirements, travestissements, dédoublements, recouvrements; oeuvre troublante par son hétérogénéité qui fait se côtoyer ici des peintures d'une figuration hyperréaliste, des barbouilles qu'il appelle "croûtes" ou "régressions"; des séries de motifs comme autant d'exercices techniques, des toiles abstraites et des installations. Son questionnement sur la guerre, la ruralité, l'art Gasiorowski regressions-les-fleurs-1973_1274259011.jpgrupestre ou Cézanne, Rembrandt, le paysage ou la photo est à prendre comme un questionnement sur la peinture et la quête d'une nouvelle expression Gasiorowski Teaureau 021.jpgdivers 025.jpg23082010_004.jpgpicturale. Et chaque oeuvre a une double signification. Epuiser la peinture, la détruirepour la magnifier.           

    Comme une planche d'herbier, des fleurs à la fois très stylisées et très barbouillées. Elles sont à la fois des gammes et des souvenirs. Les fleurs, série "Les régressions", 1973,37x37cm chaque. (photo 1)            Cette drole de forme abstraite est pourtant une partie de taureau en référence à l'art rupestre. Seule la patte arrière est figurée, le taureau est amputé. Il s'agit en quelque sorte d'un reste de préhistoire...avec quand même un sexe. "La vie bat encore" commente l'artiste. Lascaux- Grand Taureau dans le diverticule axial, 1984,  195x195cm,série "Cérémonie.(2)                                                                               Pour se moquer d'un attribut bourgeois comme le chapeau et de toutes les formes d'académisme  Gasiorowski a inventé l'Académie Worosis-Kiga où tous les élèves ont dû faire des chapeaux. Le professeur est un despote et symbolise les carcans de notre époque. Préparation des Classes à Worosis-Kiga, 1975-1976 (3).                                                                                                              Imbrication de lignes rouges, abstraction pure  inspirée de l'art tantrique certes mais surtout tentative de forme sur un grand format et manifeste de simplicité picturale. Aro Gu Rerec, série "Les symptômes", 1983, 250x200cm.(4)

    Gérard Gasiorowski, Carré d'Art-Nîmes, place de la Maison Carrée, 30000 Nîmes. 0466763570. De 10h à 18h, du mardi au dimanche inclus. Prolongée jusqu'au 10 octobre.