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exposition de groupe

  • Blanc sur blanc (par Sylvie).

    Un clic sur les images...pour les voir en grand.

    Merci à l'actualité artistique qui nous permet de réviser nos connaissances sur un artiste, un mouvement, une époque. Pour quelques petites semaines encore, la galerie Gagosian propose un panorama d'oeuvres contemporaines sur le thème du blanc qui montre à quel point celle qui fut considérée comme une non-couleur a prouvé sa force d'expression quel que soit le médium utilisé. Si en 1910, Malevitch a révolutionné le monde de l'art avec son "Carré blanc sur fond blanc", peu d'artistes se sont autant consacré au blanc que l'américain Robert Ryman mais nombreux sont ceux qui l'ont exploré, ont questionné la puissance d'expression de ce mystère ouvert à toutes sortes d'interprétations. Entre image parfaite, absolue ou vide, le blanc est à coup sûr un embrayeur d'imaginaire. La preuve par quelques oeuvres ici présentes.

    20200214_151342(1)(1).jpgDès l'entrée, le tableau de Giuseppe Penone saisit par sa brutalité première. "Pelle del monte", (2012, marbre de Carrare). Sous la blancheur froide et lisse du marbre griffé comme une peau, apparait la planche d'agglo brut, telle la chair blessée de l'arbre dont il est issu. En travaillant avec des éléments naturels, Penone, italien né en 1947, associé à l'Arte povera, mène une réflexion sur la relation entre nature et culture, entre corps et oeuvre, entre voir et toucher et nous met sous les yeux une étrange, un peu inquiétante beauté, sensuelle et poétique (photo 1).

    20200214_151459(1).jpgEn pénétrant plus avant, on est ébloui par l'oeuvre de Sheila Hicks. "Le fleuve blanc" (2018, en lin), s'inscrit dans la cage blanche de l'escalier de la galerie. Quelle majesté ! Cette colonne aux impressionnantes dimensions, s'intègre magistralement à l'architecture des lieux. Le tombé en volutes naturelles des fils de lin, à la fois souples et pesants, s'apparente, dans sa blancheur légèrement cassée, aussi bien à une liane qu'à une sculpture minérale. Sheila Hicks, américaine née en 1934, se destinait à la peinture quand elle a découvert les textiles du Pérou précolombien. Si toute son oeuvre est imprégnée du multicolorisme de cette civilisation, elle est aussi profondément ancrée dans la richesse des textures elle-mêmes. La couleur naturelle de ces écheveaux capte la lumière et met l'accent sur le relief et la volumétrie (2).

    Après la quiétude de la demi-teinte, la violence du blanc cisaillé de Lucio Fontana, artiste italo-20200214_151119(1).jpgargentin né en 1899, secoue un peu.: "Concetto spaziale, Attese", (1966, peinture à l'eau sur tissus). En rupture avec la gestualité informelle, Fontana a choisi, dès 1957, le geste net, purifié, central, qui va à l'essentiel et implique une concentration maximale. Monochrome fendu à connotation érotique, ce concept spatiale "Attente" peut également se lire comme image de l'infini. Le blanc n'y est pas pour rien. Il fait d'autant mieux percevoir "la paradoxale présence de l'absence", selon la formule du critique d'art Guido Ballo (3).

    Reconnaissons au travail de Cy Twombly, peintre américain - 1928/2011 - sa poésie, même s'il 20200214_151055(1).jpgest parfois difficilement compréhensible, auréolé d'une sorte d'ésotérisme culturel. A la fois peintre, sculpteur, photographe, il a toujours attaché une grande importance au blanc, que ce soit le papier ou la toile. Et ses sculptures, dont celle-ci, "Untitled (1977, résine synthétique peinte), l'attestent. Pénétré de culture antique - il a longtemps séjourné en Italie et est mort à Rome - ses assemblages d'objets modestes sont peints en blanc en référence au marbre antique: une façon, peut-être, de donner de la noblesse à notre monde moderne (4).

    "Tabula lilas" (1982, acrylique sur toile, 240x270cm), est une oeuvre du peintre 20200214_150857(1).jpgd'origine hongroise Simon Hantaï, l'homme des pliages de la toile froissée, nouée, plongée dans des bains de couleur puis séchée et retendue sur chassis. Seules les zones pliées, restées en surface, sont peintes. Sa formule:" le pliage comme méthode" est restée emblématique. Ces exercices chromatiques participent d'un éloge de la peinture pour elle-même. Le peint et le non-peint cohabitent en une équivalence voulue mais fonctionnent selon l'environnement. Il y a du vampire dans la neutralité du blanc.  "Tabula lilas", sous la lumière, à la lisière de la peinture blanche et du support de lin blanc, laisse apparaitre une couleur de tonalité lilas. La couleur serait elle une illusion ? (5).

    20200214_150824(1).jpgC'est le plus grand des tableaux exposés. Il est là comme un coup de poing déstabilisant et néanmoins jubilatoire, avec ses larges traces blanches de brosse qui, effaçant ce qu'on devine être l'image d'une vitrine de magasin et son aura commerciale, semble vouloir le moquer et s'en débarasser.  "Avenue Montaigne # = 1" (2000, jet d'encre sur toile), est une peinture de Bertrand Lavier, artiste français né en 1949, qui joue avec les catégories, les codes, les genres, sollicitant l'oeil et l'esprit. Le geste provocateur cache, le titre ironise, le blanc se révèle oeuvre :  façon décalée de voir la réalité et de poser la question: qu'est-ce que la peinture ? (6)

    Blanc sur blanc, galerie Gagosian, 4 rue de Ponthieu 75008 Paris, jusqu'au 7 mars.

     

  • Matérialité de l'invisible (par Sylvie)

    Le titre un peu intello pourrait en décourager plus d'un. A tort. L'exposition Matérialité de l'invisible, l'archéologie des sens au Centquatre à Paris, est passionnante. Elle traite de points de vue inhabituels sur notre rapport au monde, à l'histoire et à l'environnement. Et les oeuvres sont autant d'expériences scientifiques propres à nous faire prendre conscience de notre univers, son évolution, ses possibles. La dizaine d'artistes contemporains internationaux en présence sous la houlette de José-Manuel Gonçalvès - dans le cadre du projet européen NEARCH - les ont conçues en lien avec des archéologues. Tous ont en commun de rendre visible ce qui ne l'était pas, ou plus. En voici quelques exemples.

    Materialite de l'invisible-Anish-Kapoor.jpgLa mise en bouche est délectable. Ascension est une oeuvre d'Anish Kapoor, artiste britannique d'origine indienne né en 1954, bien connu pour ses réalisations monochromes, monumentales et parfois controversées (cf  Versailles été 2015). Il s'agit ici d'une mystérieuse colonne d'eau blanche et mouvante, propulsée d'en haut. Insaisissable, c'est un espace clos, plein par sa forme, un vide par son impalpabilité. Elle est l'image même d'une matérialité invisible. Hypnotique! (photo 1)

    IMG_1658.JPGIMG_1663.JPGAvec l'installation Mon château, Hicham Berrada, franco-marocain né en 1986, fabrique un vieillissement accéléré. Des triangles d'acier bâtis en château de cartes dans une boite de laboratoire sont soumis, dans l'eau, à une radioactivité intense et des conditions d'environnement particulières. Comme une épave au fond des mers. Du métal rongé, s' échappent  fumées et  déchets poussiéreux qui laissent deviner un probable effondrement, fut il imperceptible. Ils renvoient aux architectures humaines soumises au passage du temps et des climats. L'idée que les hommes sont responsables de leur environnement est encore présente dans la video Présage  Berrada,  bouleversant les formes et les couleurs initiales par adjonction de produits chimiques, active un pullulement d'excroissances multicolores en évolution continue. Que de beauté perverses.(photos 2 et 3)

    IMG_1667.JPGFragments se penche sur la valeur marchande de l'histoire. Ali Cherri, né à Beyrouth en 1976, pose la question de l'authenticité des objets et de leur âge véritable. Soclés, disposés harmonieusement, sont-ils des restes de notre histoire ou le reflet de la société contemporaine avide d'une fortune matérielle ? (photo 4)

    IMG_1681.JPGLes ombres chinoises qui meublent la vidéo Apparitions de Nathalie Joffre forment une chorégraphie poétique qui reproduit la gestuelle de l'archéologie, à la fois précise et répétitive mais finalement insaisissable. Le personnage en premier plan l'atteste en tournant le dos à ces silhouettes.(photo5)

    Il faut s'asseoir et visionner en entier  l'installation de Materialite de l'invisible-Ronny-Trocker.jpgRonny Trocker Estate (summer), italien né en 1978. Sur des photos de plage où les estivants sont figés dans leurs mouvements se greffe la vidéo d'un migrant épuisé. Il est clair que ces deux temporalités ne sont pas les mêmes comme ne sont pas les mêmes les préoccupations des participants. La tragédie vécue par les uns laisse indifférents les autres. Un sujet bien d'actualité à l'heure où la surproduction d'images nous rend passifs. (photo 6)

    IMG_1690.JPGIMG_1688.JPGIMG_1685.JPGJ'ai gardé pour la fin les  installations d'Agapanthe Florent (Konné et Alice Mulliez). Le fil conducteur en est le sucre, denrée liée à la colonisation, à l'industrie agro-alimentaire et aux échanges mondiaux, avec tout ce que cette condition éphémère implique de conservation, d'usure et de traces. Ainsi, dans Réserve, sommes nous mis en présence de pseudo- matériaux de construction, des briques, de la tôle ondulée  ou de pseudo-vestiges antiques d'un patrimoine imaginaire, tous moulés en sucre . Et, presque enfouis sous les cristaux  au devenir fondant, les déchets de notre civilisation, présents dans Amas, évoquent, par delà la magnificence de leur scintillement, l'inévitable altération de nos modes de vies (photos 7,8 et 9).

    "Matérialité de l'invisible, archéologie des sens" au Centquatre, 5 rue Curial, 75019 Paris, jusqu'au 8 mai 2016. Les mercredis, jeudis, samedis et dimanches de 14h à 19h. Vacances scolaires du mardi au dimanche de 14h à 19h.Horaires élargis les week-ends.

     

  • Le Bord des mondes (par Sylvie)

    Ceux que l'art intimide se délecteront de l'exposition "Le Bord des mondes" au Palais de Tokyo.                

    IMG_0245-parapluie de chaussures.JPGIMG_0246- Kawakami-store de visage.JPGLes créations présentées, parfois très élaborées, sont totalement hors des sentiers habituels de ce qui est appelé art. Comment considérer, par exemple, les parapluies de chaussures, les stores de visage, la grenouillère de ménage ou le beurre en tube du japonais Kenji Kawakami ? (photos 1 et 2). Sont-ce seulement d'astucieux canulars, des bricolages humoristiques pointant notre société consommatrice d'inutilités? Après tout, les artistes des années 60 l'ont bien critiquée eux aussi à leur manière et la société d'aujourd'hui n'est pas moins matérialiste. Aurait-on un peu plus le sens de l'absurde?... 

    Le problème est ailleurs. Il ne s'agit pas de remettre en question le contenu des oeuvres mais de savoir si elles ont le droit d'être regardées comme oeuvres "d'art". Selon la commissaire de l'exposition, Rebecca Lamarche-Vadel, qui semble jouer l'appel à témoins, l'imagination, la créativité, l'esprit de recherche peuvent tout. Depuis Marcel Duchamp on l'a compris.

    Cette façon d'élargir le territoire de l'art peut d'abord surprendre bien que les outils, les supports, les médiums se soient profondément renouvelés depuis le début du XXème siècle et que le périmètre de l'art se soit déjà étendu bien au delà de son aire traditionnelle et géographique. Ce qui est nouveau c'est l'ouverture vers d'autres domaines comme la science, le visible, l'émotion, une invite à dépasser la conception statique du monde et des formes, à envisager l'oeuvre d'art comme "un corps en mouvement", selon l'expression de Jean-Marie Schaeffer.

    IMG_0238-topograph des larmes de Rose-Lynn Fisher.JPGParmi les plus attachantes, réunissant poèsie, mystère, émotion et beauté plastique, je citerai d'abord la "Topographie des larmes" de l'américaine Rose-Lynn Fisher, photographies en noir et blanc d'examens au microscope optique de ses larmes, matérialisant ainsi par l'image ses émotions. Graphismes fragiles et arborescents comme certaines traces géologiques (photo 3).

    Tel un gigantesque animal fantomatique, "Le grand simulateur" déploie sur une plage ses voiles blanches, comme un millepatte démesuré ou un robot au pas saccadé. Il est né de l'intérêt d'un hollandais, Théo Jansen, pour des IMG_0241-le grand simulateur de Théo Jansen.JPGtubes de plastique blanc. Assemblés, montés sur roulettes et nantis de pistons,ils jouent les muscles articulés dont un podomètre mesure les pas. Chacune de ces créatures de plage, hybride, simulant la réalité, peut se mouvoir et survivre de façon autonome. Elle a une fiche génétique et, selon son créateur, elle peut se reproduire. Mais pas comme vous le pensez. En revanche sa silhouette légère et ventrue comme une mongolfière prête à s'écrouler, est un enchantement (photo 4).

    L'étude des toiles d'araignée, comme le fut pour Kepler au XVII ème siècle celle du flocon de neige, a fait apparaitre non seulement l'élaboration tomas-saraceno.-andersens-contemporary-danemark-2013.-photo-c-anders-sune-berg-2013.jpgextrèmement complexe de leur système d'expansion dans l'espace mais aussi leur rôle essentiel dans la compréhension de l'univers. Fragiles et mystérieuses elles n'en relient pas moins l'infiniment grand à l'infiniment petit. Tomas Saraceno, un argentin, a procédé à l'examen biologique de leurs structures miniatures afin de les numériser et les reproduire, déchiffrer en quelque sorte le langage de cette géométrie de la nature. D'objet trivial, la toile d'araignée est devenue objet extraordinaire, entre science et art, à contempler ici dans une colonne transparente subtilement éclairée (photo 5).

    IMG_0233-empilement Polk.JPGSes empilements de briques et de pierres sont presque de l'art traditionnel bien que l'américaine Bridget Polk s'en défende. La performance n'est jamais définitivement terminée et l'auteure doit manipuler les pièces maintes et maintes fois afin d'en trouver le point d'équilibre précaire. L'oeuvre est toujours en train de se faire et menacée d'effondrement . Bridget Polke nous offre une leçon de yoga et de méditation: elle use de sa force physique et de sa patience pour faire exprimer à ces matériaux parfois sans grâce une vitalité qui défie pour un temps la gravité. Quitte à s'effondrer dans la seconde qui suit (photo 6). 

    Bien d'autres réalisations figurent dans cette exposition un peu bric à brac,  à la limite de l'art et de l'invention, étonnantes, attachantes, drôles ou émouvantes. J'en citerai deux: le langage sifflé de paysans turcs pour communiquer de vallées en vallées et les vêtements d'Iris Van Herpen à partir de technologies numériques...Autant d'exemples qui témoignent de l'esprit de curiosité qui domine l'ensemble.

    A chacun d'adhérer ou pas, d'accepter que ce soit de l'art ou pas.

    Le Bord des mondes, Palais de Tokyo, 13 av du Président Wilson, 75116 Paris. Tous les jours sauf mardis. Jusqu'au 17 mai 2015.                

  • La Biennale de Venise (par Régine)

    10 GEDC0321.JPG

    Deux ans plus tard et pour mon plus grand bonheur me voici de nouveau à Venise, curieuse de découvrir cette nouvelle Biennale 2013 pour laquelle les avis divergent. Elle est en effet très différente de la brillante et spectaculaire Biennale 2011 qui, par des oeuvres phares d'artistes connus (Thomas Hirschorn, Christian Boltansky, Urs Fischer, Maurizio Catellan, etc...) montrait que l'art d'aujourd'hui loin d'être introspectif, était essentiellement tourné vers le problèmes de notre société (cf. mon article du 22/01/2011).

    Le très personnel projet du commissaire 2013, Massimiliano Gioni, est tout autre. Empruntant son titre "Il Palazzo enciclopedico" au projet fou d'un artiste du début du XXème siècle, Marino Ariti, qui voulait construire à Washington une immense tour contenant toutes les réalisations humaines et dont la maquette trône à l'entrée de l'Arsenal, il ne met pas en évidence un état actuel de la création artistique mais se penche sur le monde intérieur des artistes.

    Mélangeant des travaux du passé récent avec des oeuvres contemporaines, brouillant les lignes entre les artistes professionnels, les amateurs, les philosophes, les illuminés, il nous montre que pour faire de l'art il faut être habité par une force qui vous dépasse, que l'art est un moyen d'accès à la connaissance de soi et que les images extérieures retravaillées par l'imaginaire permettent à l'invisible qui vous habite d'accéder au visible. Beaucoup de dessins donc, peu de peinture aux Giardini et une invasion de vidéos et d'installation à l'Arsenal.

    Ainsi tentant de réconcilier le Moi et l'univers, le personnel et l'universel, certains artistes dans leur quête d'une dimension spirituelle de l'univers, élaborent et mettent en image ou en scène une cosmogonie personnelle, d'autres en faisant des dessins extrêmement minutieux, en collectionnant des merveilles de la nature ou par tout autre moyen tentent de percer le secret du visible, d'autres en faisant des travaux répétitifs et inépuisables veulent capter l'infini et le temps, enfin d'autres encore laissent libre cours à leurs obsessions....

    Dans le pavillon central des Giardini, d'entrée de jeu, le propos est introduit avec la présentation du "Red Book" de jungGEDC0004.JPG, (photo 1) manuscrit enluminé sur lequel le fameux psychologue travailla pendant 60 ans calligraphiant ses théories en lettres gothiques et peignant minutieusement différentes scènes fruit de sa relation avec son inconscient, tout un univers étrange et halluciné qui fait penser à celui des alchimistes ou à celui de William Blake. Les beaux diagrammes sur tableau noir qui servaient au philosophe Rudolf SteinerGEDC0005.JPG (photo 2) à expliquer fiévreusement à son auditoire sa vision de l'univers tapissent entièrement les murs d'une salle. Né en 1876 et mort en 1954, Augustin LesageGEDC0001.JPG (photo 3) fait partie de ces artistes d'art brut (très présents ici) qui conversent avec les esprits et travaillent sous leurs ordres. Son univers, tout imprégné de catholicisme, est kaléidoscopique. La symétrie de ses dessins, leur inventivité et leur extrême minutie fascinent. Avec ses dessins à l'encre, au crayon, au style à bille de couleur, tracés sur de longs rouleaux de Papier, Guo Fenguy (photo 4), guérie d'une arthrite aigue grâce au Qigong, exprime les énergies qui traversent le corps des humains et le relie au cosmos. On peut citer les innombrables graphiques abstraits figurant les concepts de mort, de paradis, de culture qui couvrent l'environnement labyrinthique de Matt Mullican (photo 5) à l'Arsenal, mais c'est dans la simplicité et la beauté de la série des Siva linga

    52 Guo Fengyi.JPG136 Matt Mullican.JPG33 peinture tantriques.JPG(photo 6), peint par des artistes indiens anonymes, que s'exprime de façon la plus forte la transcendance. Une simple forme ovoïde flotte dans un milieu coloré qu'elle irradie. Ce linga n'est pas simple phallus mais la représentation la plus dépouillée et la plus convaincante de l'énergie vitale.

    Modelant dans une terre grise près de 200 petites sculptures représentant une multitude d'événements, d'objets, d'idées, Fischli and Weiss202 Peter Fischli et Davgid Weiss (1).JPG 200 Peter Fischli et Davod Weiss.JPG(photos 7 et 8) 
    avec leur installation "Suddenly huis overvieux (1981-2012), offrent un merveilleux antidote à ces excès romantiques. Ici ce sont les parents d'Einstein se reposant après avoir conçu leur fils, là un rocher dans un jardin zen, là-bas un boulanger enfournant son pain ou une petite souris sortant de son trou. Cette anthologie de situations cocasses, graves, quotidiennes célèbrent avec jubilation le monde dans son incroyable variété.

    La collection, la notation, la photographie d'un minuscule fragment du grand tout de l'univers sont autant de façons d'accéder au secret bien gardé du visible. Ainsi les magnifiques pierres collectionnées par Roger Caillois54 R. Caillois.JPG (photo 9) dont la variété de couleurs enchante offrent une infinité d'étonnants paysages, d'écritures mystérieuses, de formes extravagantes, illustration disait-il de l'existence d'une syntaxe universelle puisée dans la réalité de la matière. Entre 1969 et 1976 Brehmer réalisa sa série des Himmerlfarben en notant au pinceau chaque jour à heure fixe, sur des feilles quadrillées la couleur et la texture du ciel. Avec son appareil de photos, Eliot Porter104 Eliot Porter.JPG, (photo 10) mort en 1990, traqua toute sa vie le vol des oiseaux pour tenter d'en percer le secret, nous révélant la grâce de ces mouvements impossibles à voir à l'oeil nu. Citons aussi les merveilles dessins de coquillage de Stefan Bertalan (photo 11)203 Stefan Bertalam (2).JPG.

    D'autres artistes donnent corps au bestiaire imaginaire issu du fond des âges de l'humanité en s'inspirant d'écrits ou de légendes. Christiana Soulou dessine minutieusement celui décrit par Borges dans son livre "Les êtres imaginaires", Domenico Gnoli57 Domenico Gnoli.JPG (photo 12) puise son inspiration chez les surréalistes ou Jérôme Bosch pour composer des animaux extravagants et troublants de réalisme tel cet énorme escargot qui se prélasse dans un sofa. Citons encore les dragons, démons ou autres créatures fantastiques, hérissés de centaines de petites pointes, modelés dans la glaise par Shinichi Sawada128 Schinich Swada.JPG (photo 13).

    Très présente à l'Arsenal, la vidéo est le médium idéal pour mettre en évidence les transformations incessantes du visible et montrer la façon dont le monde qui nous entoure est constamment modifié. Les 207 vidéos en batterie de Kan Xuan117 Kan Xuan (Chine).JPG (photo 14) en sont une parfaite illustration. Tournant simultanément en boucle à une vitesse difficile à soutenir, elles montrent que le passé de la Chine a rapidement été distancié par la frénésie de la course au développement. La belle vidéo "Grosse fatigue" de Camille Henrot qui a reçu le Lion d'argent de la Biennale, quant à elle, met en scène avec humour et à un rythme effréné les efforts désespérés des services d'archives des musées pour conserver l'ensemble des connaissances humaines.

    Mon propos n'est pas d'embraser la totalité des oeuvres exposées, mais je voudrais encore citer les hiératiques figures de Marina Merz50 Marina Merz.JPG, (photo 15)les cartes mentales de Geta Bratescu (photo 16) 37 Greta Bratescu.JPGet surtout les amples, sauvages et magnifiques marines de Thierry de Cordier47 Thierry de Cordier.JPG (photo 17) ; les sombres océans démontés qu'il peint, à la fois attirant et terrifiant, atteignent au sublime.

    Oui Massimiliano Gioni réussit sa démonstration : les artistes sont habités par une obsession qu'ils déclinent à l'infini sous de multiples formes.

    Avant de quitter la Biennale, bien que l'on soit près de l'épuisement, un petit tour dans les pavillons nationaux, où ne s'exerce plus le choix de ce commissaire, s'impose. Citons par exemple, le pavillon russe avec une mise en scène grandiose et humoristique du mythe de Danaë64 idem.JPG,(photo 18) le pavillon américain avec la proliférante, fascinante et fragile installation de Sarah Sze82 Sarah Sze.JPG, (photo 19) le pavillon belge où l'arbre abattu de Berlinde de Bruyckere exhibe des blessures quasi humaines1 berlinde de Bruyckere deadwood.JPG (photo 20)....

  • STREET-ART (par Sylvie)

    Voilà une bonne surprise! Je n'avais pas d'attirance particulière pour le street-art, mais je ne pouvais pas ne pas voir sur certains pignons d'immeubles ou le long de l'A6 à proximité de Paris et me divertir des signatures géantes et colorées qui en couvrent les contreforts. Agressives et rageuses, ou simplement décoratives, elles  introduisent la couleur sur du bati souvent terne. Certains diront qu'elles sabotent les efforts des paysagistes !                                                                                                               Les premièrs graffitis sont apparus çà et là dans les années 60 en Europe et aux Etats Unis. Cette appropriation de l'espace public  relevait d'une volonté de marquer le territoire par son nom ou une signature visuelle, de délivrer sans contraintes un message, de dire ses inquiétudes face aux problèmes politiques, sociaux et de prendre le monde à témoin. Comme les trublions du rap dénoncent les injustices. Ce mode d'expression, libre, qui accuse et dérange, a si bien collé à notre époque qu'il s'est répandu au delà de toute attente et leurs auteurs, qui travaillent aussi en ateliers, avec des supports et des techniques très divers sont aujourd'hui reconnus comme de vrais artistes. Et gardent leur pseudo, leur "blaze" de graffeurs de rue.                                                                                         L'exposition qui se tient au Musée de la Poste rend compte de cet art éphémère et multiforme, violent, triste et gai à la fois, devenu une culture qui emballe les plus jeunes. et qui est passé du mur à la toile, de  l'espace public à celui du musée, du manifeste à l'oeuvre d'art.  Pour ce tour d'horizon, six des onze artistes présents ont réalisé une oeuvre spécialement pour l'évènement, à même le mur. Des vidéos montrent les artistes en action et des vitrines présentent le matériel de certaines réalisations.

    Ernest Pignon-Ernest- les Expulsés.jpgZlotykamien-double portrat- 2013 234.jpgQuestion de génération sans doute, les pionniers ont eu mes faveurs. D'Ernest Pignon-Ernest,  (France 1942) je me souvenais de certaines de ses interventions:une série napolitaine entre le sacré et le profane, et des sdf peints sur cabine téléphonique, des êtres éplorés sur des supports sinistrés. La photo en noir et blanc des "Expulsés", (1979) (photo1)chargés de leur dérisoire minimum vital, sur le mur d'un immeuble détruit laissant voir des traces de papiers peints, de cloisons, de conduits de cheminées, nous renvoit à des images d'évictions de squats,d'exode et à notre culpabilité.

    A peine moins émouvants dans leur simplicité les "Ephémères" de Gérard Zlotykamien (France 1940) sont des visages sommaires tracés à la bombe aérosol, aux bouches porteuses de cri ou de souffrance. Des murs des Halles où ils sont nés, les voilà transposés sur toile ou sur des amalgames souples nés de la modernité.(photo 2)

    Miss-Tic-au-Musée-1024x768.jpgInvader 2013 249.jpgimage_22 street art-Jeff Aérosol- woody allen.jpegLa renommée de Miss Tic  ( France 1956) n'est plus à faire, son nom, ses jeux de mots, sa "manière noire" et son féminisme sont reconnaissables entre toutes.(photo 3). Elle se fait l'écho de la condition des femmes, avec virulence et humour.

    A partir du médium ludique qu'est le Rubick's cube Invader ( France 1969) explore l'histoire de l'art (Delacroix) avec une" liberté guidant le peuple" en mosaïque, aussi bien que les possibilités des pixels en forme d'émoticons. (photo 4).

    Le pochoiriste Jef Aérosol ( J.F. Perroy, France 1957) a fait sa renommée avec des portraits de personnalités. Sur le marché de l'art ses oeuvres s'arrachent à prix d'or. (photo 5)

    Dran- 2013 -207.jpgstreetart003- C215.jpgLes peintures de Dran (France 1980) semblent tout droit sorties d'une bande dessinée, une bande dessinée à l'ancienne sans agressivité. Mais sous la naïveté apparente de cette "ville propre", la critique de la société est féroce et l'humour noir.(photo 6)

    C215 (Christian Guemy France 1973) peint des pochoirs sur le thème de l'enfance ou des laissés pour compte sur les murs et le mobilier urbain. Couleurs chaudes et poésiede de romans de gare pour les uns, filet de rides noires qui disent autant les outrages de la vie que la circulation sanguine pour les autres.(photo 7)

    1217158efb0ca481cbf1bb8322c5d17e-street art-Rero.jpgPour signifier le refus, Rero (France 1983) barre comme s'il mettait un bandeau sur la bouche.  On le comprends tout de suite.(photo 8)

    image_40 street art- visage-Vhils.jpegstreet-art-Bansky- 2013 216.jpgVhils ( Alexandre Farto,Portugal 1987) campe des portraits frappants dont les reliefs émanent d'affiches découpées à la main ou au laser, soit, ( photo 9) de plâtre mural travaillé au gravoir ou au marteau piqueur. Le panneau de brique et de plâtre que voici a été monté spécialement pour l'exposition.

    Bansky ( Angleterre 1974) est la figure légendaire du street-art.Il veut rester énigmatique et protège sa figure: on ne la verra pas sur la video le concernant. Mais ses images, comme celle-ci, rassemblent toutes sortes de symboles.(photo 10)

    Je ne les citerai pas tous mais tous m'ont accrochée dans ce tour d'horizon essentiellement français de l'art urbain, qui fait état de l' évolution et de la belle dynamique d'une discipline pourtant... illégale mais qui accède à la récupération mercantile.

    "Au delà du street-art", L'Adresse Musée de la Poste, 34 bd de Vaugirard, 75015 Paris, tel: 01 42 79 24 24. Du lundi au samedi de 10h à 18h. Jusqu'au 30 mars 2013.

     

  • Le Néon béatifié. (par Sylvie)

    A t'on encore peur du néon ? La réponse est evidemment non. Et l'exposition qui se tient à la Maison Rouge à Paris l'atteste. C'est la première fois, une première mondiale, que se trouve donnée à voir une synthèse des oeuvres d'art réalisées avec ce médium. Décidemment 2012 aura été propice à sa reconnaissance puisqu'on a pu voir une exposition de Dan Flavin chez Perrotin, une oeuvre de Goude aux Arts Décoratifs et l'an passé une rétrospective Morellet (voir la note de Régine en mars 2011).

     La Maison Rouge célèbre ainsi les 100 ans du premier tube au néon, mis au point par le chimiste Georges Claude, qui a permis l'avènement de l'éclairage industriel, de la publicité lumineuse et les détournements qu'en ont fait les artistes, en propos très divers.                                                

    Ce sont des oeuvres datant du dernier demi-siècle ou des 20 dernières années, de 83 artistes de nationalités et de générations différentes. Les plus anciennes, celles du hongrois Gyula Kosice et de l'italien Lucio Fontana, remontent aux années 40.                                                                             

    Mais que font'ils donc tous avec ces tubes, des tubes si fragiles et, a priori, si ingrats ?

    Delphine Reist propose à la fin de l'exposition une video d'un humour noir, preuve que ce matériau ne décourage en rien les artistes (Averse, 2007): d'un plafond tombe, les uns après les autres, les tubes qui éclairent la pièce; on voit la culbute et, surtout, on entend le son très particulier du verre sur le sol. Absurdité totale.

    Ne  cherchons pas de grands aplats de couleur. Le néon est tubulaire. Il éclaire, créé une ambiance colorée ou trace des lignes.                                                                                                                                            Avec Carlos Cruz Diez, c'est une immersion dans un espace entier coloré (chromosaturation, 1965-2011), annonçant les travaux de James Turrell. C'est magique. (photo 3).                                          

    Le tube lui-même, rigide ou incurvé, est propre à l'écriture ou au dessin. Et les tenants de ces moyens d'expression semblent aussi à l'aise avec ces bâtons de verre qu'avec leurs crayons habituels. Et ils restent fidèles à eux-mêmesl.

    Joseph Kosuth- five fives, 1965_ 028.jpgClairet et Jugnet, A contre courant- 2005- 021.jpgCarlos-Cruz-Diez_ chromosaturation-2011.jpgPour le minimaliste et conceptuel Joseph Kosuth, l'énoncé décrit la matérialité. Alors il aligne des chiffres en lettres rouges (Five fives, 1965). Qui veut voir l'oeuvre doit la lire. Une  raideur austère anime cette succession de majuscules monochromes ! (photo 1)

    Quel charme, au contraire, dégage l'oeuvre poétique de Clairet et Jugnet (A contre-courant, 2005) où le mot, en écriture manuscrite toute en rondeurs, semble lutter contre le courant, poussée d'un côté, tirée de l'autre comme un voilier sur la vague, accompagnant le mouvement.( photo 2)

    Sigalit Landau- go home, 2009- 022.jpgAlain-Sechas_ Maryline-2003.jpgLe langage et son support sont parfois contradictoires. Sigalit Landau a remplacé les resistances de vieux appareils de chauffage par des mots écrits en néon. Elles sont toujours rougeoyantes - et dangereuses? -  mais contredisent la chaleur physique attendue par des mots agressifs (Go home, 2009. photo 4)

    Jean-Michel Alberola poursuit l'introduction de formes tronquées et de mots dans ses oeuvres. En néon comme à l'huile. Nous laissant toujours un peu dans le malaise. Les lettres de" Rien" ( 2011), bleues sur fond bleu hypnotique, dessinent un crâne, comme en 1995 " L'effondrement des enseignes lumineuses".  Le médium fluorescent  appelle une réflexion métaphysique.

    L'humour burlesque d'Alain Séchas trouve à railler notre époque et ses  héroïnes de cinéma avec son chat dont les grands cils battent rythmiquement ... et artificiellement. (Maryline, 2003. photo 5).

    Martial Raysse, about neon (obeliskII) 1964- 002.jpgPierre-Malphettes_la fumée blanche-2010_ 031.jpgmorellet_neon_Rene.jpgJason Rhoades (id)- 024.jpgTenant du Nouveau Réalisme Martial Raysse a fait entrer la société de consommation et le monde des objets dans ses peintures et ses tableaux-objets. Le néon n'y a pas échappé. La sculpture présentée ici (About Néon /Obelisk II, 1964) semble être une ode triomphante à ces "objets du désir" de l'époque. Signes clinquants des trente glorieuses.(photo 6).

    A une société d'abondance répond un foisonnement de mots. L'installation de Jason Rhoades restitue la cacophonie et l'ambiance joyeuse des réunions qu'il organisait chez lui à Los Angeles. (Sans titre, 2004. photo 9).

    Je terminerai par deux oeuvres qui m'ont particulièrement enchantée parmi les 108 qui composent l'exposition. Elles ont en commun de dessiner des trajectoires.

    Phénomène naturel, les lignes ondulatoires lumineuses de Pierre Malphettes évoquent la fugacité des volutes de fumée blanche (La fumée blanche, 2010) malgré la rigidité tubulaire. (photo7)

    Avec trois rectangles verticaux qui s'allument et s'éteignent en déphasage (Néon dans l'espace, 1969/96), François Morellet construit avec la rigueur de l' abstraction géométrique, un volume invisible et mouvant. Laissée dans l'oeil du spectateur par les flashs, l'image résiduelle créé un enchainement des images réelles en un mouvement rotatif. On est complètement désorienté. C'est vertigineux! (photo 8).

     Néon, who's afraid of red, yellow and blue? A la Maison Rouge, fondation Antoine de Galbert, 10  bd de la Bastille, 75012. Paris. Tel:01 40 01 08 81. Du mercredi au dimanche de 11h à 19h. Jusqu'au 20 mai 2012.

     

     

  • Locus Solus (par Sylvie)

    Coup de chapeau à l'exposition de groupe organisée par le galeriste Yvon Lambert sous le titre un peu mystérieux de "Locus Solus": lieu solitaire, en référence au roman de Raymond Roussel.

    Il s'agit d'une bonne vingtaine d'oeuvres récentes de différents artistes, pas tous connus du grand public mais très inventifs. Une exposition réjouissante par la diversité des démarches, des techniques et des effets qui met en lumière l'originalité de chacun.                                 Sans voulo306.JPGir être exhaustive, voilà celles qui m'ont le plus emballée.

    Peu de peinture mais de la photo pour des paysages très épurés où le gris domine.

    Le cliché de Olafsur (ou Olafur) Eliasson, un artiste danois né en 1967, est d'un gris bleuté, comme vu derrière un filtre. (Sans titre, 1996, 22,5x33,5cm, impression couleur). Par delà un vaste plan d'eau vaporeux, tranquille et miroitant, avec baigneurs en premier plan, on aperçoit la côte et une sombre usine dont les cheminées crachent une épaisse fumée blanche. Le temps y est suspendu, certes, mais un trouble nous saisit: le lac parfaitement lisse et les bâtiments sombres et massifs semblent plombés A son regard nostalgique le photographe ajoute un réquisitoire contre l'homme et l'exploitation destructrice qu'il fait de la nature.(1)

    304.JPGGris ouaté, presque blanc, tel est le large espace que nous soumet Tacita Dean, britannique née en 1965. Dans la campagne enneigée, déserte, pleine de mélancolie atmosphérique, se détache, très noire, comme une apparition soudaine, la silhouette d'un homme, probablement ivre, perdu dans l'immensité ( Man with jenevar bottle, 2001, 47,5x 60cm ). En accentuant le contraste, le tirage couleur développe l'impression de solitude.

    Ce sont, il me semble, les vibrations de l'air qui se se font sentir ches la finlandaise, née en 1973, Salla Tykka (White, 2009, 110x135cm). L'image parait très construite ( mais la nature sait le faire): les horizontales du lac, des reflets et de la barque vide défient les verticales des arbres. Le tirage à jets d'encre montre un paysage en négatif, rendu brumeux par tramage. On ne sait plus si c'est le jour ou la nuit, comme dans un rêve éveillé. Silense et mystère règnent. (2)

    Je signale305.JPGrai un tableau tout de même, un tableau coup de poing de Christian Vetter né en 1970,(Framework, Gestel, 2009, 180x200cm). Sur le fond noir de cette huile sur toile, un graphisme blanc et gris fait d'horizontales et de verticales discontinues converge vers le centre, un centre un peu brouillé dans lequel pourraient figurer des silhouettes humaines. De l'interaction architecturée des lignes nait une profondeur. Elle entraine le regard dans une sorte de corridor à la fois balisé et flottant. Tout ce noir sème l'inquiétude, l'angoisse d'être coincé, "coincé dans un présent" selon l'artiste. (3)

    Avec le viennois, né en 1973, Markus Schinwald et son Adornorama(14) de 2009, on s'amuse. Dans une boite (bois, verre, miroir et écran vidéo) se profile, toute blanche, la silhouette d'un petit personnage faisant des contorsions incroyables. C'est magique, très vif, très drôle. Ce n'en n'est pas moins un questionnement sur la 308.JPGmétamorphose du corps. Et le processus participe de la pensée du philosophe Théodore Adorno selon laquelle les sciences de l'information et de la communication entrent dans le champ des industries culturelles.(4)

    A l'appui de la même idée, l'installation de Zilvinas Kempinas, lituanienne née en 1969, est cocasse. Focus 2009photos Y. Lambert 014.jpg se compose au sol d'une bande magnétique en cercle mise en mouvement par le souffle d'un ventilateur. la bande bouge mollement comme un serpent. On sursaute presque...(5)

    Bien d'autres artistes se côtoient dans cette promenade hétéroclite qui induit une réflexion constante. A vous de choisir.

     

    Locus Solus, galerie Yvon Lambert, 108 rue Vieille du Temple 75003, Paris. jusqu'au 23 décembre 2009.