STREET-ART (par Sylvie)
Voilà une bonne surprise! Je n'avais pas d'attirance particulière pour le street-art, mais je ne pouvais pas ne pas voir sur certains pignons d'immeubles ou le long de l'A6 à proximité de Paris et me divertir des signatures géantes et colorées qui en couvrent les contreforts. Agressives et rageuses, ou simplement décoratives, elles introduisent la couleur sur du bati souvent terne. Certains diront qu'elles sabotent les efforts des paysagistes ! Les premièrs graffitis sont apparus çà et là dans les années 60 en Europe et aux Etats Unis. Cette appropriation de l'espace public relevait d'une volonté de marquer le territoire par son nom ou une signature visuelle, de délivrer sans contraintes un message, de dire ses inquiétudes face aux problèmes politiques, sociaux et de prendre le monde à témoin. Comme les trublions du rap dénoncent les injustices. Ce mode d'expression, libre, qui accuse et dérange, a si bien collé à notre époque qu'il s'est répandu au delà de toute attente et leurs auteurs, qui travaillent aussi en ateliers, avec des supports et des techniques très divers sont aujourd'hui reconnus comme de vrais artistes. Et gardent leur pseudo, leur "blaze" de graffeurs de rue. L'exposition qui se tient au Musée de la Poste rend compte de cet art éphémère et multiforme, violent, triste et gai à la fois, devenu une culture qui emballe les plus jeunes. et qui est passé du mur à la toile, de l'espace public à celui du musée, du manifeste à l'oeuvre d'art. Pour ce tour d'horizon, six des onze artistes présents ont réalisé une oeuvre spécialement pour l'évènement, à même le mur. Des vidéos montrent les artistes en action et des vitrines présentent le matériel de certaines réalisations.
Question de génération sans doute, les pionniers ont eu mes faveurs. D'Ernest Pignon-Ernest, (France 1942) je me souvenais de certaines de ses interventions:une série napolitaine entre le sacré et le profane, et des sdf peints sur cabine téléphonique, des êtres éplorés sur des supports sinistrés. La photo en noir et blanc des "Expulsés", (1979) (photo1)chargés de leur dérisoire minimum vital, sur le mur d'un immeuble détruit laissant voir des traces de papiers peints, de cloisons, de conduits de cheminées, nous renvoit à des images d'évictions de squats,d'exode et à notre culpabilité.
A peine moins émouvants dans leur simplicité les "Ephémères" de Gérard Zlotykamien (France 1940) sont des visages sommaires tracés à la bombe aérosol, aux bouches porteuses de cri ou de souffrance. Des murs des Halles où ils sont nés, les voilà transposés sur toile ou sur des amalgames souples nés de la modernité.(photo 2)
La renommée de Miss Tic ( France 1956) n'est plus à faire, son nom, ses jeux de mots, sa "manière noire" et son féminisme sont reconnaissables entre toutes.(photo 3). Elle se fait l'écho de la condition des femmes, avec virulence et humour.
A partir du médium ludique qu'est le Rubick's cube Invader ( France 1969) explore l'histoire de l'art (Delacroix) avec une" liberté guidant le peuple" en mosaïque, aussi bien que les possibilités des pixels en forme d'émoticons. (photo 4).
Le pochoiriste Jef Aérosol ( J.F. Perroy, France 1957) a fait sa renommée avec des portraits de personnalités. Sur le marché de l'art ses oeuvres s'arrachent à prix d'or. (photo 5)
Les peintures de Dran (France 1980) semblent tout droit sorties d'une bande dessinée, une bande dessinée à l'ancienne sans agressivité. Mais sous la naïveté apparente de cette "ville propre", la critique de la société est féroce et l'humour noir.(photo 6)
C215 (Christian Guemy France 1973) peint des pochoirs sur le thème de l'enfance ou des laissés pour compte sur les murs et le mobilier urbain. Couleurs chaudes et poésiede de romans de gare pour les uns, filet de rides noires qui disent autant les outrages de la vie que la circulation sanguine pour les autres.(photo 7)
Pour signifier le refus, Rero (France 1983) barre comme s'il mettait un bandeau sur la bouche. On le comprends tout de suite.(photo 8)
Vhils ( Alexandre Farto,Portugal 1987) campe des portraits frappants dont les reliefs émanent d'affiches découpées à la main ou au laser, soit, ( photo 9) de plâtre mural travaillé au gravoir ou au marteau piqueur. Le panneau de brique et de plâtre que voici a été monté spécialement pour l'exposition.
Bansky ( Angleterre 1974) est la figure légendaire du street-art.Il veut rester énigmatique et protège sa figure: on ne la verra pas sur la video le concernant. Mais ses images, comme celle-ci, rassemblent toutes sortes de symboles.(photo 10)
Je ne les citerai pas tous mais tous m'ont accrochée dans ce tour d'horizon essentiellement français de l'art urbain, qui fait état de l' évolution et de la belle dynamique d'une discipline pourtant... illégale mais qui accède à la récupération mercantile.
"Au delà du street-art", L'Adresse Musée de la Poste, 34 bd de Vaugirard, 75015 Paris, tel: 01 42 79 24 24. Du lundi au samedi de 10h à 18h. Jusqu'au 30 mars 2013.