Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Louis Soutter (par Sylvie)

Non, la peinture au doigt n'est pas seulement une technique pour enfants.

Louis Soutter, un artiste suisse ( 1871-1942) ,en a laissé une œuvre très particulière et profondément bouleversante exposée aujourd'hui à la galerie Karsten Greve qui nous l'avait fait découvrir en 2020. Régine Lissarrague, ma comparse de ce blog, l'avait brièvement signalée. La nouvelle monstration est composée de 14 peintures réalisées entre 1930 et 1942 et de portraits photographiques du peintre.

C'est un coup de poing dans notre univers parisien nous faisant oublier la chance que nous avons d'être là, paisibles spectateurs, car la brutalité des images nous rappelle toute la douleur d'exister de certains et l'éternel mystère des grands mythes de l'humanité. Soutter a étudié l'architecture, le violon, la peinture en Suisse, en Belgique, à Paris, avant d'aller vivre aux Etats-Unis, s'y marier, divorcer, une vie déjà bien secouée qui l'a fragilisé, et dégradé sa santé . De retour Il est interné par sa famille dans un hospice ou il mourra une vingtaine d'années plus tard, n'ayant trouvé pour s'exprimer de 1936 à 1942 que son index trempé dans la peinture à l'huile. La force des œuvres exposées reflète son univers mental et sa culture et nous offre une sorte d'art primitif revisité. Dans des tableaux de petit format,  des corps noirs, comme à contrejour, s'animent avec  une frénésie qui pourrait être aussi comique que les contorsions endiablées de Josephine Baker. Elles signent plutôt la folie humaine. Sur un fond  généralement clair qui met en valeur l'expressivité des silhouettes noires rappelant celles des amphores grecques, un rythme est donné par l'insertion de points éparpillés, tels des notes de musique. Sous la patte du peintre vit encore le violoniste.

Voici quelques exemples de ce théâtre d'ombre.

20240313_163933.jpgLa foule nue met en scène une cohorte de personnages qui se contorsionnent , agitant leurs membres tentaculaires et leurs mains démesurées comme dans la statuaire africaine. A gauche la silhouette assise semble avoir été poussée à terre par son voisin, les mains de celui-ci en sont la preuve et le personnage de droite, avec son bâton, tire par les cheveux sa voisine...Toute la brutalité du monde est là. Les points , empreintes de l'index sur le fond clair, font vibrer l'air. Comme dans  d'autres œuvres, le titre s'inscrit  de façon aléatoire sur le papier lui-même mais n'éclaire pas toujours le sujet.

20240313_163725.jpgIl est né écrit au centre, sous la courbe indiquant un espace fermé, se réfère à la naissance du Christ. L'enfant est au centre de ce théâtre d'ombre entre ses deux parents. L'un, à gauche,  bras écartés,  bouche ouverte, semble exprimer la joie. Au dessus de l'enfant plane la croix, symbole brûlant de son avenir ? Il y a toujours une dimension tragique dans les œuvres de Louis Soutter.

20240313_163235.jpgDans ce dos à dos sans nom il est facile de voir un couple se disant adieu à l'image de Soutter divorcé de son épouse américaine. Deux silhouettes dont les bras disent aurevoir à une terre plutôt sombre  et regardent vers un avenir  autre, plus clair mais blanc d'incertitude. Voilà qui rend visible une réalité invisible.

20240313_163537.jpgPotentats d'infirmité rassemble les horreurs subies ou à venir, puissances attaquantes, armées, à droite, les accablés, amputés  au centre, à gauche l'emprisonneur et sa pelle pour creuser les tombes. Soutter  était il informé ou prophétique concernant les horreurs de la guerre  qui battait son plein? Le  cercle orange pourrait figurer un soleil rédempteur ou n'être qu'un procédé pour dynamiser la scène.

 Une tête d'homme  à l'huile aux couleurs violentes peint à la même période marque l'appartenance du peintre à20240313_164244.jpg l'expressionisme  de l'époque, sa volonté d'exprimer une réalité subjective et un profond pessimisme. "Je peins avec de l'encre et du sang, je peins vrai, la vérité est terrifiante" disait il.

Louis Soutter, galerie Karsten Greve, 5 rue Debelleyme 75003, Paris. Jusqu'au 4 mai.

Écrire un commentaire

Optionnel