Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

  • Monique Frydman (par Régine)

    Le plaisir que procure les oeuvres de Monique Frydman est souvent intense. Le raffinement des couleurs, leur luminosité, leur fragilité, leur poudroiement dû à l'utilisation du pastel, enchantent. Jamais cernées par un trait elles se répartissent généralement l'espace du tableau en taches ou en damiers évanescents. Fréquemment un éclat de couleur clair ou sombre contamine l'ensemble le faisant vibrer pour notre plus grand bonheur. L'aspect poudreux et délicat du pastel et le grain de la toile de coton ou de lin laissée brute procurent un plaisir presque tactile. Cette peinture touche à la fois le corps et l'esprit ; elle nous fait sentir l'aspect fugitif des choses mais aussi l'éblouissement de leur surgissement. L'exposition qui se tient actuellement à la Galerie Dutko, intitulée L'autre rive en est une fois encore la démonstration. "L'autre rive" ce titre évoque à la fois le proche comme l'inaccessible, le familier comme l'incommunicable et aussi l'autre royaume, celui des morts.

    Monique Frydman travaille au sol sur une toile de lin ou de coton, non préparée, non tendue, humidifiée par une colle légère car elle veut que la couleur imbibe la toile. Elle peint directement avec des blocs de pastel car pour elle, le rapport direct de la main avec le matériau est indispensable pour donner à la couleur toute son amplitude. "Quand on travail à l'horizontale, au sol, l'opticalité fait place à la tactilité, l'horizon on l'a sous les doigts", dit-elle. On retrouve ici avec bonheur la façon unique dont cette artiste fait jaillir la lumière par son maniement de la couleur. IMG_2240_edited.jpgAinsi dans L'autre rive 4 la tache d'un rose mauve éblouissant située en bas du tableau accroche immédiatement le regard. Elle fait vibrer la gamme des verts qui tournoient dans l'espace de la toile tandis que le rectangle noir posé au dessus d'elle renforce son impact. L'existant dans sa splendeur et sa fugacité me semble célébré ici avec force.

    IMG_2247_edited.jpgEn voici un autre exemple avec l'autre rive 10 où s'étagent une série de rectangles aux contours flous qui, de bas en haut, déploient toute une gamme de verts inouïs, puis un bleu cobalt lumineux, et en apothéose un rose délicat. Tout est mouvant, en tension et en équilibre fragile. Difficile de s'arracher à la fascination exercée par ces œuvres qui touchent à la fois tous les sens et l'âme.

    Mais l'exposition réserve d'autres surprises, notamment deux tableaux dont les tonalités multiples et très subtiles esquissent peut-être un renouveau. 20230914_182832_edited.jpgIl en est ainsi de L'autre rive 5 - Ophélie dont les couleurs qui se diffusent dans la toile flottent légère sur le fond laissé brut. On peut même deviner un visage fantomatique. Il y a quelque chose de musical au sens de Debussy ou de Webern dans leur répartition, leur harmonie, leur immatérialité. Ce tableau n'illustre pas le poème de Rimbaud, mais fait écho à sa mélancolie et à sa beauté. Il confirme la tonalité quelque nostalgique de cette série.

    20230914_181057_edited.jpgLe second, L'autre rive 3, est particulièrement émouvant. Deux tableaux de format carré sont assemblés pour former un diptyque de 249 cm de large sur 129 cm de hauteur. Sur un fond légèrement brun des taches de tonalités multiples et très subtiles, dont la légèreté et l'élégance rappellent certaines œuvres de Paul Klee, s'organisent en damiers évanescents qui semblent vouloir s'échapper de la toile ou circuler de l'une à l'autre. Il se dégage de cette œuvre un fort sentiment du temps qui passe et une douce mélancolie qui vous entraîne vers un ailleurs du tableau.

    Monique Frydman a toujours aimé travailler le papier. 20230914_181339_edited.jpgL'exposition en présente un certain nombre et c'est une autre belle surprise. Exposés avec soin, presque comme les pages d'une partition, trois groupes de quatre dessins occupent un mur de la galerie. 20230914_181321_edited.jpgLe papier de soie, un japon très fin, est aérien, les couleurs qui nimbent le papier semblent avoir été étalées avec vivacité. Le trait qui a disparu de la toile revient ici comme un griffonnage dans la couleur. Chaque groupe m'apparaît comme le développement d'une idée. Traversés par les affects de l'artiste, ils sont nous seulement très beaux mais extrêmement touchants.

    IMG_2248_edited.jpgL'exposition présente aussi un tableau très sombre, L'autre rive 6, dont la couleur occupe la totalité de la toile. Il est très différent des autres œuvres exposés qui presque toutes laissent apparaître le grain de la toile de coton ou de lin et sont exempts de la moindre ligne de dessin. Ici le fond vert sombre laisse voir ici ou là quelques lueurs tandis que des traits noirs en sillonnent le centre. Ce tableau, d'une grande beauté, qui n'est pas sans rappeler les nymphéas de Monet, dialogue avec l'ensemble de l'œuvre.

    En effet le travail de Monique Frydman ne se structure pas de façon linéaire, mais plutôt en séries qui dialoguent entre elles. Cette exposition en est un très belle démonstration.

    Monique Frydman, "L'autre rive", Galerie Dutko, 17, Quai Voltaire.=, 75007-Paris Jusqu'au 21 octobre.

     

  • Art en campagne (par Sylvie)

    Adieu les vacances, vive la rentrée et ses weekends d'automne propices à de courtes virées culturelles. La première est plein sud de Paris, en Seine et Marne, dans deux lieux à parcourir dans la foulée. Réservons pour une autre fois, en hiver, la visite du château de Fontainebleau au profit  - jusqu'au 17 septembre - d'un circuit d'une vingtaine de sculptures contemporaines dans son jardin anglais. 20230826_145600.jpg "Grandeur nature"  fait dialoguer avec plus ou moins d'humour, de poésie ou de fantastique, des oeuvres d'aujourd'hui - choisies en collaboration avec le musée de la Chasse et de la Nature - avec le paysage traditionnel. En voilà quelques unes : Carole Chebron 20230826_150029.jpga planté de multiples moulins à vent blancs dans la rocaille. Ils bruissent et tournent tels des fleurs dans la brise (photo 1).Françoise Petrovitch  fait surgir d'un buisson d'étranges créatures mi animales 20230826_153250.jpgmi humaines en grès émaillé bleu et vert comme dans un conte fantastique (2). La tortue en aluminium de Yoshikazu Goulven Le Maitre  fait l'éloge de la lenteur en accompagnant l'horizontale du  fleuve (3). On 20230826_155404.jpgy rencontre aussi un couple de personnages hybrides, mi êtres humains mi végétaux, d'une élégance toute britannique, de J.F. Fourtou ou un couple de paisibles rhinocéros  en inox, semblant brouter l'herbe, une oeuvre de François-Xavier Lalanne (4)

    Grandeur Nature, château de Fontainebleau, jardin anglais, jusqu'au 17 septembre 2023.

    20230824_110745~2.jpg20230824_122434 (1).jpg20230824_122317.jpgA quelques encablures de de Fontainebleau, à Milly la foret, a été bâtie une œuvre en béton et métal, recouverte en partie de miroirs réfléchissant la forêt environnante., le"Cyclop"  sculpture architecturale géante, époustouflante et rare exemple d'une oeuvre collective, utopie artistique entreprise à la fin des années 60 par les artistes Jean Tinguely, sa femme Niki de Saint Phalle  et leurs amis, une" fine équipe" de constructeurs hors-normes et libertaires raillant la société de consommation.                   

     L'étrange profil animal (5) de plus de 20 mètres de haut et de 350 tonnes d'acier, une tête sans corps avec un œil unique, une langue toboggan qui ruisselle d'eau et une oreille d'une tonne (6) est donc une réalisation collective au cœur de la forêt, en pleine nature, autour de grands chêne. Il faut marcher pour y accéder.  Dix ans ont été nécessaires pour l'ériger, sans architecte et sans moyens, mais grâce à l'énergie communicative et l'humour de cette bande de "Nouveaux Réalistes" que furent  Arman, Cesar, Spoerri et les autres.   Machineries complexes elles sont issues de la récupération de barres de fer, d'objets jetés, point de matériaux nobles mais déchets de la société industrielle  s'animant dans un bruit de ferraille, de moteurs et de circuits de billes géantes. Sculpture pénétrable, visitable, elle est un véritable musée où les participants, à la recherche de l'acte inutile, ont laissé leur patte : à l'entrée la "jauge" de Raynaud met en parallèle la hauteur de la" bête" et les petits visiteurs que nous sommes. César y a installé une compression. A chaque étage une surprise : ici,  un tableau de Larry Rivers en hommage à mai 68, là, sous verre, une accumulation de gants usagers d'Arman, l'oreille géante de Luginbühl (7) la colonne en  mosaïque de Nikki de St Phalle ou, référence à l'histoire, le wagon de déportés d'Eva Aeppli.. Cette  délirante échappée du réel née de l'imagination fertile du groupe a subit les affres de l'usure, des conditions climatiques et de la situation topographique. Sa conservation est particulièrement complexe. Il a fallu 20 ans pour la remettre en état et un entretien annuel est nécessaire. C'est pourquoi le site est ouvert chaque année du début avril à la fin des vacances de Toussaint. 

    Le Cyclop, Bois des pauvres, 91490 Milly la Forêt. 01 64 98 95 18. Jusqu'au 5 novembre 2023. Visites guidées de 45 minutes.