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Magdalena Abakanowicz (par Régine)

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Il y a quelques années, de passage à Chicago, je me promenais parmi es sculptures contemporaines qui parsèment "Grant Parc"", immense espace bordant le lac Michigan, quand je découvrir Agora, stupéfiante installation de Magadena Abakanowicz. Ce fut un choc ! Sans bras ni tête, une foule de personnages moulés dans le bronze, réduits à des troncs creux avançaient aveuglement en rang serré dans une allée du parc. Le sentiment contradictoire d'une désolation et d'une force obscure que rien ne pourrait arrêter m'envahit aussitôt.

En visitant dernièrement la belle rétrospective que lui consacre actuellement le Musée Bourdelle je constatais que les œuvres de cette artiste polonaise, née en 1930 et morte en 2017, bien que prenant des formes différentes (pièces textiles, sculptures, installations, dessins...), étaient toute habitées d'une grande puissance organique, spirituelle et même politique.

Au début de sa carrière dans les années 1960, elle expérimente les possibilités sculpturales du tissage et finit par brouiller les frontières entre tapisseries et sculpture. En voici quelques  exemples. Avec Composition de formes blanches (1962) elle se contente de jouer de IMG_4327.JPGl'entrecroisement et du chevauchement des fils de natures et d'épaisseurs variées, de leurs couleurs tantôt naturelles tantôt teintes. Coquillages (1976) (photo 1), œuvre d'une grande beauté, est à la fois une tapisserie et une sculpture. Au centre d'un fond rectangulaire, accroché au mur, se greffe et s'épanouit une forme ronde et ondulante exhibant son intérieur fait de fibres de sisal et de lin, teinte d'uneIMG_4333.JPG magnifique couleur mordorée. Elle fera aussi des pièces monumentales et totalement autonomes qu'elle appellera "Abakan". Abakan rouge (1969) (photo 2)  pièce immense et spectaculaire en est un exemple emblématique qui ne laisse pas indifférent. Suspendue au plafond, elle offre au visiteur la possibilité de tourner autour et ainsi de la voir sous tous ses angles. Les fibres qui la composent sont rouge sang. Elle s'exhibe avec force et diffuse sa présence dans tout le lieu qu'elle occupe. Très provocante, à la fois érotique, viscérale, animale, végétale (gigantesque sexe féminin, crète de coq ou fleur vénéneuse...) elle pointe agressivement un très long dard particulièrement effilé vers le spectateur.

Parallèlement à ce travail l'artiste se tourne vers la sculpture figurative et met au point une technique bien particulière. A partir du moulage d'un corps, elle appose à l'intérieur du moule IMG_4339.JPGdes bandes de toile de jute, solidifiées avec de la résine et de la colle. Elle obtient ainsi une coque dont la texture rappelle la peau et l'écorce. Elle prend soin de varier les plis et les creux de la toile afin d'individualiser ses personnages. Cette pratique prend des formes variées. Dos (photo 3) réalisé entre 1978 et 1980 en est un exemple. Cette installation réunit une douzaine de moulages d'individus vides, sans visage, et sans jambe. Il sont assis les bras le long du corps, le dos rond dans une position de soumission. IMG_4362.JPGFoule V (photo 5), armée de corps sans visage matérialise la force d'une foule décervelée. Ces ensembles évoquent à la fois la perte d'individualité, la force aveugle et la vulnérabilité de la condition humaine. Elles peuvent aussi être vues comme l'illustration des régimes totalitaires dans lesquels l'artiste a vécu. Le rapprochement avec l'armée de terre cuite de Xi'an en Chine est inévitable.

IMG_4360.JPGLa série des Mutants debout (photo 5) fabriquée selon la même technique, est inquiétante et même dérangeante. Elle est composée de quelques êtres hybrides entre l'animal et le végétal. Ils ont quatre pattes, une peau dont la texture est proche de celle de l'écorce d'un arbre, n'ont ni bouche, ni yeux, ni oreilles. Ce sont des animaux vulnérables qui errent à la recherche de quelque chose qu'ils ignorent eux-mêmes, mus par une force primitive qui les dépasse.

IMG_4324.JPGLes Portraits anonymes (1989-1990) (photo 6) sont des empreintes de visages confectionnées avec de la toile de coton imbibée de résine. Fichée sur une tige en bois ces faces couturées aux yeux clos renvoient aux masques mortuaires, au secret que renferme tout être humain, mais aussi à certaines pratiques totémiques.

IMG_4353.JPGPassionnée par la métamorphose et le développement de tout être vivant Magdalena Abakanowicz créa, pour la 39ème biennale de Venise, une installation spectaculaire appelée Embriologie. Elle est ici présentée (photo 7). Constituées d'un grand nombre de pièces oblongues et ventrues recouvertes de toile de jute cousue, posées pêle-mêle sur le sol évoquant de gros tubercules ou des embryons. La vie sourd discrètement de cet amas de cocons dont le format et la texture varient avec chacun d'eux. IMG_4356.JPGEn écho est suspendu à proximité un ensemble de grands dessins exécutés à la gouache, au fusain et à l'encre (photo 8). Fascinée par la vie organique, cette série tente, entre figuration et abstraction, de montrer simultanément l'intérieur et l'extérieur du corps humain, le visible et l'invisible.

IMG_4368.JPGLa monumentale sculpture appelée Pie (photo 9) composée de gros troncs d'arbre liés ente eux par un étui de tôle d'acier fait partie d'une série appelée Machine de guerre. Comme pour toutes les œuvres de Marina Abakanowicz elle ne dicte pas une lecture unique et on peut y voir aussi bien un oiseau aux ailes déployés avec un bec aérodynamique qu'un grand engin de guerre, le tranchant des armes étant évoqué par le manchon d'acier. IMG_4373 - Copie.JPGDans une vitrine proche sont exposées des petites sculptures de membres humains appelés Anatomies (photo 10). Faits de plâtre moulé recouvert de toile de jute figurant l'épiderme, ces démembrements font-ils partie des désastres de la guerre ou sont-ils de simples objet de recherche comme le fit Rodin....

Après avoir circulé autour de ces œuvres on est frappé par l'importance donnée à la texture de chacune d'entre elle. En effet, toutes sont faites de fibres naturelles et de matériaux bruts : le chanvre, le sisal, le jute, le fer, la fonte, le bois.... "Je considère la fibre comme l'élément de base qui construit le monde organique de notre planète" dit-elle, façon de souligner la fragilité du vivant. Même si certains thèmes sont récurrents comme la place de l'individu dans la masse, la perte d'identité, la vulnérabilité de l'être humain ou la force aveugle, son travail, d'une puissance rare, n'offre jamais une lecture unique.

Magdalena Abakanowicz, la trame de l'existence. Jusqu'au 12 avril au Musée Bourdelle, 18 rue Antoine Bourdelle, 75015-Paris (01 49 54 73 73) de 10 à 18 h sauf le lundi.  

 

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