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Dessin

  • Pierrette BLOCH (par Régine)

    Pourquoi certaines oeuvres comme celles de Pierrette Bloch actuellement exposées à la Galerie Karsten Greve qui, pour certains ne sont que gribouillages, sont pour d'autres profondément émouvantes ? Est-ce parce qu'elles sont ressenties plutôt que comprises, parce qu'on y sent la nécessité pour l'artiste d'exprimer de façon très forte quelque chose d'essentiel pour lui ?

    Que fait Pierrette Bloch ? Sur des feuilles de papier soigneusement choisies, blanches, noires ou calques, d'un geste répétitif, elle trace au pinceau, à la mine de plomb, au fusain, au pastel gras ou sec des bâtonnets, des tâches, des points, des boucles enchaînées les unes aux autres. Ce processus répétitif implique un même geste qui se réitère sur une série d'oeuvres très proches les unes des autres.

    Regardons la longue série accrochée au premier étage de la galerie dont voici deux exemples (photo 1 et 2)IMG_0066.JPGIMG_0073.JPG. Ils sont faits d'un continuum de bâtonnets blanc sur fond noir dont le tracé présente des nuances de blanc dues à l'épuisement de la peinture dans le pinceau et au geste plus ou moins appuyé. Nous saisissons les formes mais aussi les espaces entre elles - à la fois tous semblables et différents - et, comme dans la musique de Philippe Glass, un rythme obsédant se dégage de l'ensemble.

    Dans une autre oeuvre (photo 3)IMG_0064.JPG des lignes bouclées telles les mailles d'un tricot courent sans interruption d'un bout à l'autre d'une feuille de papier calque. La partie supérieure est légèrement occultée par un morceau du même matériau adoucissant la noirceur du tracé des lignes sous-jacentes. Ainsi deux moments coexistent.

    Dans une autre enfin (photo 4) IMG_0063.JPGdes griffonnages énergiques fait au fusain se superposent, ceux du dessous s'effaçant dans un halo charbonneux.

    En déclinant ainsi à l'infini et de façon obsédante le trait, le point, la boucle, plus ou moins espacés, Pierrette Bloch nous signifie que le temps est sa préoccupation essentielle. Elle nous le donne à éprouver dans son être, sa densité, son opacité et donne forme à ce qui n'en a pas. Il ne s'agit ni du temps de l'horloge où les instants se succèdent et s'effacent les uns les autres, ni de celui de souvenir mais d'un temps sans limite, de son flux, rompu seulement par le passage d'une technique à une autre "Chacune ouvre une nouvelle voie, une nouvelle manière de faire et donc de vivre le temps" dit-elle.

    Ces dessins all over nous suggèrent aussi la présence d'un espace infini et les séries celle d'un temps en expansion. Temps et espace, cet écran invisible sur lequel se déroule l'existence, cet axe sous-jacent à toute oeuvre d'art, sont ici intimement liés.

    Au sujet de ce travail, nombreux sont les critiques qui parlent d'écriture. Les dessins faits de bâtonnets blancs crayeux tracés sur fond noir dont nous avons parlé au début ressemblent à ceux que tracerait par exemple un enfant sur un tableau noir ou une ardoise. Pierrette Bloch cherche-t-elle comme Henri Michaux à exprimer le moment intérieur de l'élaboration d'une écriture ? A ces question elle répond par la négative : "Une écriture, dit-elle, cherche à nommer et ce n'est pas ce que je cherche à faire" et elle ajoute "c'est agaçant on finit toujours par me parler des rapports de ce que fais avec l'écriture. Alors,  d'un coup direct, je le dis, il n'y en a pas".

    De quelle nature sont donc ces graphies si élémentaires et pourquoi nous touchent-elles tant ? Parce qu'elle nous parle de notre origine, du temps de l'enfance, mais aussi de celui du surgissement de l'art. Il s'agirait du balbutiement de l'oeuvre et non de celui du langage. Ceci s'applique aux oeuvres présentées ici mais aussi à celles faites avec du crin, matière qu'elle travaille de façon extrêmement subtile et qui font référence au temps du tissage.

    Le travail de Pierrette Bloch est d'une grande austérité et en cela il est proche de celui des artistes de l'art minimal qui lui sont contemporains. Comme eux elle pose la question des limites de l'art.

    PIERRETTE BLOCH Oeuvres récentes - Galerie Karsten Greve, 5 rue Debelleyme, 75003-Paris. Tél 01 42 77 19 37. Jusqu'au 21 février 2015.

     

     

     

     

  • Dessin, sculpture, peinture.... (par Régine et Sylvie)

    Après de longues vacances nous éprouvions le besoin de reprendre contact avec Paris. Nous avons donc fait le tour de quelques galeries du Marais et vu le travail d'artistes que nous connaissions peu, mal ou pas du tout. Voici nos impressions.

    Les oeuvres de Hanns Schimansky, présentés à la Galerie Jaeger Bucher pourraient évoquer une sonate au phrasé léger et sautillant. Elles sont simples par leur technique, l'encre, extrêmement élaborées par la graphieGEDC0222.JPG. Cet autodidacte allemand, ingénieur agronome de formation né en 1949, trace sur le papier une multitude de lignes fines et rythmées, à l'allure spontanée, très distinctes malgré leur nombre, et qui s'entrecroisent, se superposent, formant un treillis, une écriture sismographique oublieuse des bords de l'oeuvre et de sa structure, un papier plié dont la trame se laisse deviner.

    On se prend à suivre du regard avec attention les lignes comme si nous étions pris au piège de ce maillage infini GEDC0223.JPG: images abstraites, certes, mais fortes qui disent par leur sobriété fourmillante aussi bien notre univers de trépidations urbaines que des énergies chorégraphiques avec des ponctuations, des lignes appuyées ou effleurées comme des pulsations de coeur ou des rétentions de souffle.

    GEDC0229.JPGDes aplats de couleurs primaires - jaune, rouge, bleu ou noir - géométrisent les surfaces d'autres oeuvres sans toutefois les rendre ascétiques car ils s'inscrivent à certains endroits en coulées ou en taches concentrées dans les interstices des pliures. Loin de déranger, ces imperfections humanisent.

    Galerie Jaeger Bucher - 5-7, rue de Saintonge, 75003-Paris (o1 42 72 60 42), jusqu'au 15 novembre.

     

    Avec des expositions inédites ou spectaculaire la Galerie Karsten Greve a l'art de surprendre. Celle du sculpteur et peintre allemand Norbert Pragenberg en est l'illustration. Sur le sol de la galerie gisent ou se dressent d'énormes jarres GEDC0241.JPGdont la présence physique et la beauté son saisissantes. Montées avec des colombins d'argile superposés qui portent encore l'empreinte des doigts de l'artiste, leur aspect rudimentaire est contredit par leur taille, la gaité de leurs couleurs et les nombreuses excroissances dont elles sont ornées.GEDC0248.JPG Des fleurs par exemple s'y épanouissent ; le trou qui leur tient lieu de coeur transperce la paroi de la jarre la rendant inutilisable. Ainsi transformées en tonneaux des Danaïdes ces jarres perdent leur fonction utilitaire pour s'imposer comme sculpture qui occupent avec force l'espace environnant.

    C'est le rapport physique de l'artiste avec la matière terre qui s'exprime ici. Sa façon de la soumettre, de la façonner, de la magnifier et de l'imposer dans l'espace. Son agilité à modeler l'argile se manifeste différemment dans une troublante petite oeuvre isolée accrochée sur un murGEDC0242.JPG. S'agit-il d'un plat ? Mais non il s'agit bien d'une sculpture car elle est remplie de volutes bleues. Sous ses doigts la céramique devient légère, vaporeuse comme de l'organdi, contrepoint à la lourdeur des oeuvres précédentes.

    Mort en 2012, Norbert Pragenberg était aussi peintre. Deux très belles toiles de lui accompagnent ces sculptures. Quelques bulles de couleur percent un fond d'un noir épais comme les ténèbresGEDC0247.JPG. Telles des planètes elles semblent migrer. Sensation à la fois légère, dense et puissante qui n'est pas étrangère à celle éprouvée devant ses sculptures.

    Galerie Karsten Greve, 5 rue Debelleyme, 75003-Paris (01 42 77 19 37), jusqu'au 11 octobre.

     

     Laurent Grasso

    Voilà un jeune artiste, né en 72, qui ne craint pas les retours en arrière. Il faut voir, à la galerie Perrotin, les petits tableaux sur bois inspirés de Giotto ou d'Uccello ( XIV et XVème siècles) qu'il a fait peindre. Reconnaissons qu'ils sont très beaux, pleins de charme avec leurs couleurs un peu passées, les petits personnages spectateurs ébahis/impuissants devant une nature en révolteGEDC0258.JPG: éboulements, irruptions volcaniques, tremblements de terre sont là pour rappeler Ephèse,Pompeï et bien d'autres cataclysmes.                                           

    Le primitivisme de la facture en accentue le distance dans le temps mais l'introduction de deux disques solairesGEDC0259.JPG, par ailleurs réalisés en laiton et exposés tout près, donne réalité à une très ancienne et inquiétante prophétie de  catastrophe inéluctable lié au pouvoir créateur et destructeur de cet astre. Il engendre un sentiment d'étrangeté et donne à s'interroger sur le visible et l'invérifiable.

    Dans des cadres de bois sombre, certains de ces petits paysages sont accompagnés d'une figurine, par exemple une tête romaine de Bacchus en marbre blanc du IIème siècle, et d'un chiffre en relief de néon, ici 79, date de l'éruption du Vésuve suivie de la destruction de PompeïGEDC0263.JPG. Le tableau montre évidemment les fumées sortant du volcan et envahissant la plaine. Vrai travail d'ethnologue que la réunion de ces trois pièces.

    D'anciennes photos en noir et blanc de foules scrutant le ciel rappellent le "miracle" de Fatima en 1917,GEDC0262.JPG miracle probablement faux basé sur une projection lumineuse réalisée par l'armée.                              

    Grasso questionne la vérité des phénomènes et tend à nous montrer que la perception que nous en avons est un mélange d''histoire, de  science et de croyances, toutes choses étant elles-mêmes sujettes à nouveau regard selon les époques. Alors, pourquoi ne pas s'amuser à faire un peu de science- fiction, détourner les sources, introduire des outils de notre temps (le néon), télescoper les temporalités ? A l'heure des bouleversements météorologiques et des tensions mondiales, l'imagination n'est pas de trop. Laissons nous entrainer par l'artiste dans son désir de figurer l'instant catastrophique sans envisager la répétition des phénomènes.

    Laurent Grasso "Soleil double", galerie Perrotin, 76 rue de Turenne, 75003. Jusqu'au 31 octobre 2014.

     

     Wim Delvoye est un démiurge.  Pour lui rien n'est impossible et sa volonté de soumettre le monde à son désir se manifeste à nouveau dans les oeuvres qu'il expose actuellement dans l'annexe de la Galerie Perrotin, Passage St Claude. Avec sa détermination habituelle de mêler le savoir faire à la plus grande banalité, de détourner des objets usuels en oeuvres d'art spectaculaires, il sculpte sur des valises en métal de fins motifs persansGEDC0268.JPG, découpe des pneus de voiture en dentelle ouvragéesGEDC0270.JPG et tord des roues de bicyclette pour en faire des sortes d'anneaux de MoebiusGEDC0275.JPG. Rien n'est impossible à cet homme qui reconstitua la digestion  humaine avec sa fameuse machine Cloaca et n'hésita pas à tatouer des cochons. Le monde lui appartient et il le modèle au grès de son imagination.

    GEDC0267.JPGOn ne peut cependant réfreiner son admiration devant la sculpture en marbre d'un blanc immaculé qui aimante le regard dès l'entrée dans la galerie. Sa base est celle d'un arbre dont le tronc s'élève en vrillant sur lui-même se transformant en une tour de style gothique flamboyant dont les détails sont, comme à l'accoutumée, poussés à l'extrême. Nature, culture et sacré sont ici intimement liés.

    Galerie Perrotin, 10 Impasse Saint Claude, 75003-Paris, jusqu'au 31 octobre

     

     

  • Georges NOËL (par Régine)

    La galerie Catherine Putman expose actuellement des oeuvres sur papier de Georges Noël. Cet artiste, disparu en 2010, appartient à la génération, un peu oubliée depuis, des artistes abstraits lyriques et expressionnistes surgie après la guerre. Il est surtout connu pour ses tableaux qualifiés de "Palimpsestes" où, d'un médium épais (comme chez Fautrier ou Dubuffet) émergent des traces, des signes, les traits les plus lisibles en recouvrant d'autres. Comme sur un vieux mur on peut y lire l'effacement ou comment le passé apparaît dans le présent, démarche proche de celle de Twombly.

    Les deux ensembles d'oeuvres, l'une des années 1967/68, l'autre de 1983/84 m'ont fait découvrir avec bonheur un aspect de son oeuvre que j'ignorais.

    Dans la première salle, les séries des cibles et des lettres témoignent de sa formation d'ingénieur et de son métier de dessinateur projeteur qu'il pratiqua dans une entreprise d'aéronautique avant de devenir peintre.

    Dans celle des cibles (photo 1 et 2)GEDC0012.JPGGeorges Noël Sans titre 1967 dessin, technique mixte sur papier,75 x 75 cm.jpg, une série de cercles concentriques tracés au compas est traversée en son milieu par une bande colorée (jaune, verte, pourpre...). Des petits ronds, tels des impacts de balles noirs ou blancs criblent et dansent sur et autour de ces cercles les animant d'une rotation qui fait penser à celle des planètes. Les initiales GN, tracées à la règle en bas au centre ou à gauche sont prises dans ce mouvement. La puissance de la sensation naît de la tension exercée entre le mouvement et la stabilité, la précision et l'aléatoire, la maîtrise supposé du geste du tireur et l'incertitude de l'impact de sa balle. Cette démarche diffère de l'illusionnisme de l'art cinétique dont le but était d'explorer l'infinité des phénomènes visuels.

    L'intérêt de l'artiste pour les lettres et les chiffres, la rigeur de leur tracé, leur beauté formelle est manifeste dans une autre série qu'il leur consacre.

    Délicatement appliquées au pochoir sur un fond maculé de multiples traits à l'encre de Chine, des lettres et quelques chiffres occupent entièrement l'espace d'une petite oeuvre de 1968 (photo 3)parisart-14-CP-Noel-G-53022.jpg. Mises dans un sens ou dans un autre, le rythme naît de leur agencement ; la délicatesse des tons un peu passés, la fragilité de leur contour, le fond hachuré d'obliques, donne à l'ensemble une animation, une tonalité musicale, un charme proche de certaines oeuvres de P. Klee.

    Dans un dessin de la même époque le fond est occupé par un quadrillage précis. Sur son tracé, des caractères colorés apparaissent et disparaissent comme s'ils jouaient à cache-cache en se dissimulant à demi sous des bandes de papier (photo 4)GEDC0014.JPG. Au centre d'un autre encore, lettre et chiffres défilent sur une bande sombre dans des couleurs qui se répondent tandis que d'autres, dessinés en négatif, les encadrent et semblent tourner dans le sens inverse (photo 5)Georges Noel Sans titre 1968, dessin, technique mixte sur papier, 61 x 48 cm.jpg. Enfin cibles et caractères sont réunis dans un dessin intitulé SCORE (photo 6)Georges Noël _Score_ 1968, dessin, technique mixte sur papier épais, 60,5 x 50,5 cm#021C.jpg. Ce mot dont les lettre RE sont à l'envers est inscrit au centre d'une bande colorée dessinée sur une cible elle-même traversée de lignes droites et d'impacts de projectiles. La cible tournoie, la bande avec son inscription défile, tout est à la fois stable et en mouvement. Comme dans les oeuvres précédentes la tension naît de ces contradictions.

    La fascination de Georges Noël pour ces signes est communicative et c'est un vrai bonheur de le voir leur donner vie.

    Un ensemble de collages des années 1983/1984 occupe la deuxième salle de la galerie. Georges Noël revient alors des Etats unis ou il a passé plus de dix ans. il a beaucoup voyagé, notamment au Mexique et au Pérou. Il revient à son langage gestuel à la fois spontané et maîtrisé et aux superpositions de matériaux, ici de papiers.

    Dans le beau dessin intitulé "Cuzco" de 1984 (photo 7)Georges Noël _Cuzco_ 1984, dessin, technique mixte et collage sur papier, 68,5 x 75,5 cm#5CEF.jpg, les trois hautes marches d'escalier collées en surimpression sur un fond gris hâtivement gribouillé indique à la fois la sauvagerie du lieu, sa grandeur et le temps qui s'y est déposé. Dans "sans titre" de 1984 (photo 8)GEDC0005.JPG, deux formes rectangulaires nerveusement maculées se heurtent à un de leurs angles. Elles semblent dériver sur un fond où subsistent quelques traces. Le titre "Ephémère" donné à un grand dessin pourrait peut être résumer le sentiment que l'on ressent devant ces collages, celui du passage du temps qui transforme toute chose. L'idée du palimpseste n'est pas loin.

    Georges Noël - Pochoirs et collages - Galerie Catherine Putman, 40 rue Quincampoix, 75004-Paris. 01 45 55 23 06 - du mardi au samedi de 14 h à 19 h. jusqu'au 28 avril 2012.

     

     

  • Bernar Venet (par Régine)

    Cet été Bernar Venet a été présent sur tous les fronts :

    Comme sculpteur il s'est imposé à Versailles avec les deux immenses arcs symétriques encadrant, tels une mandorle, la statut équestre de Louis XIV et dont la simplicité minimale mais grandiose servait magnifiquement la majesté du lieu.

    Comme peintre : ses tabeaux de 2001 à 2011 ont été exposés à l'Hôtel des Arts de Toulon. En inscrivant en noir ou en pourpre sur des fonds de couleur saturée (jaune ou rose vifs, bleu ou or) des formules mathématiques il rendait celles-ci concrètes. Abstraction et figuration se trouvaient réunis et c'était magnifique.

    Deux autres oeuvres sont encore visibles dans le splendide parc de la propriété Caillebotte au sud de Paris devenue Centre d'art et d'expositions et où se tient jusqu'au 23 novembre la biennale de la sculpture (la ferme Ornée, 8 rue de Concy, 91330-Yerres - Tél : 01 69 48 93 93).

    Mais Bernar Venet est également dessinateur, graveur, lithographe, sérigraphe et les travaux qui en résultent sont actuellement exposés à la Galerie Pierre Alain Challier. Plus intimes, elles accompagnent des petites sculptures que le format rend précieuses.

    La liberté des lignes qu'il trace et nomme "indéterminées", leur ouverture à l'espace, leur beauté formelle, leur élégance m'ont subjuguée.

    Je retiens d'abord l'énergie et la sûreté du trait des deux de ces "lignes indéterminées" de 2005 (photos 1 et 2) GEDC0032.JPGGEDC0031.JPGexposées à droite dès l'entrée. Tracées d'un geste précis, enroulées sur elles-mêmes, elles n'ont ni commencement ni fin. Leur sensualité et leur puissance sont rendues par l'utilisation du fusain et d'un papier à fort grain, ce qui a permis à l'artiste de faire jaillir la lumière et de créer un hallo autour d'elles. En dessinant des ombres en perspective où ces lignes semblent reposer sur un sol, Venet agit en sculpteur donnant à les voir dans l'espace.

    Les arcs de la sérigraphies "97,5 arcs" (photo 3)GEDC0041.JPG ne s'achèvent pas. Ils sont en communication avec un espace beaucoup plus vaste. Leur matérialité est rendue palpable par la couleur sanguine du fusain utilisé pour leur dessin. Venet les tient fermement en équilibre sur un sol tracé en noir et sur lequel s'inscrit leurs ombres.

    En écho à la puissance de ce tracé répond l'apparente instabilité de la sculpture en acier Corten, de couleur rouille comme la sanguine, intitulée "Effondrement 216°5" (photo 4)GEDC0033.JPG. Les arcs de cercle gisent renversés sur une plaque de métal. Disposés dans un ordre aléatoire, abandonnés à eux-mêmes ils semblent être dans un équilibre provisoire. Sculpture émouvante par sa disponibilité à l'espace et à l'interprétation.

    Le lien fort que l'artiste établit entre ses oeuvres sur papier et ses sculptures est concrétisé par la réalisation de sculptures présentoirs qu'il appelle ses "originaux multiples". Le coffret sculpture-estampe présenté ici a été réalisé spécialement pour la galerie (photo 5)GEDC0038.JPG. Sur un socle renformant un tiroir contenant six gravures originales de 2011 intitulées "lignes droites/désordre", il a disposé un effondrement de lignes droites. Se trouvent ainsi réunis en un seul objet sculpture et dessins. Les lignes de ces différentes estampes (photos 6 et 7)GEDC0040.JPGGEDC0039.JPG qui pourraient faire penser à des rails de chemin de fer, entraînent le regard à vive allure vers un espace inconnu. Elles contiennent tous les possibles.

    Traversant l'espace vacant de la feuille de papier, le tracé de certaines gravures intitulées"Combinaisons aléatoires de lignes indéterminées "(photo 8)Combinaison aléatoire de lignes indéterminées, 1998, Gravure pointe sèche.JPG possède comme dans certaines oeuvres de Chillida le rythme du travail créateur, sa netteté, sa certitude et sa rigueur. Venet me semble alors plus proche du grand sculpteur basque que des artistes minimalistes tels que Kosuth ou W. Morris dont on l'a souvent rapproché.

    Je terminerai avec une petite sculpture intitulée "9 lignes obliques" de 2009 (photo 9)GEDC0044.JPG également en acier Corten. Elle est toute simple : 9 sveltes bâtons, qui m'ont fait penser à 9 fusains sanguine, scellés sur un socle du même matériau, sont réunis en un faisceau. Sa simplicité a la force et la grâce de l'évidence. Matière et forme y sont miraculeusement mariés.

    "Bernar Venet, Sculptures et estampes" - Galerie Pierre Alain Challier, 8 rue Debelleyme, 75003-Paris. Tél : 01 49 96 63 00. Jusqu'au 5 novembre 2011. 

  • Ecritures illisibles (par Sylvie)

    L' enclave est dans le pré-carré réservé aux artistes-femmes du Musée de l'Art Moderne, au Centre Pompidou à Paris. Y sont réunies quelques oeuvres de petit format sous le titre "Ecritures illisibles". Dans un premier temps, elles portent à croire qu'il s'agit d'exercices d'écriture ou de quelques codex inconnus. Roland Barthes, dans les années 60, avait eu le mot juste à leur sujet. ce sont effectivement des "écritures illisibles", des simulacres sans contenu linguistique et sémantique mais au fort pouvoir visuel.                  

    Ces graphies minuscules occupent l'espace du papier avec une régularité presque géométrique semblable à la mise en page de journaux ou de livres. Elles font oeuvre de communication sans rien communiquer.  L'organisation propre à l'écriture alphabétique est respecté mais le texte est devenu image, une image abstraite, et le mot, matériau de l'oeuvre. Il y a du jeu dans ces textes à résonnances conceptuelles. Puisque la littérature a laissé la place aux arts plastiques, on ne lit pas , on regarde. C'est très beau, très intimiste et attachant jusqu'à faire oublier le côté parfois provocateur.

    GEDC0022 Dermisache journal.JPG Diario n°1, 1972, de Mirtha Dermisache se présente comme la double page d'un journal en noir et blanc, avec de gros titres , des colonnes de texte, du lache et du serré. Tout est parfaitement organisé et graphiquement équilibré. Pourquoi copier la presse ?  Mirtha Dermisache est argentine (née en 1940) et pratique ce type de travail depuis les années 70. Elle prône la nécessité d'un art-action, art de résistance et d'insubordination mêlant corps et politique. Le pseudo journal renvoie probablement à la désinformation de la presse locale de l'époque. A copier la présentation, l'artiste marque  une volonté d'occulter un contenu et d'entrer elle même en écriture. Le résultat est plus construit que l'écriture automatique des Surréalistes qui donnaient libre cours à leur inconscient (voir Max Ernst ou Dotremont) et, derrière la maquette se profile l'idée de message, celui du refus. Une illisibilité de départ à rapprocher de celle à posteriori de Pierre Buraglio. Dans la page d'agenda de "Now the time" il parait avoir voulu effacer sa vie en rayant son emploi du temps.     

    GEDC0013 Blank.JPGLes 9 pages des "Eigenschriften" (Ecritures pour soi), pastel sur papier, 1969, d'Irma Blank, argentine elle aussi (née en 1934), participent de la même autocensure et de la même volonté d'affirmer sa position." Ecriture du silence et du néant qui nie et accorde tout". Les signes, petits bâtons perçus comme roses bien qu'ils soient faits d'une juxtaposition de rouge et de bleu, sont disposés de façon conventionnelle propre à la temporalité. Serrés, ils s'alignent sans ponctuation, comme une intarrissable logorée ou, peut-être, avec la densité d'un exercice spirituel. Et couvrent 9 pages. On pense à la "Peinture, écriture rose" de Hantaï qui recopiait à l'encre colorée, les uns sur les autres, les textes sacrés  les rendant ainsi illisibles (l'horreur du vide) mais d'une grande beauté plastique. Aussi peu élaborés que des signes primordiaux, d'avant la langue, les écritures d'Irma Blank inscrivent, par le biais du geste, un texte- image, inutile certes mais chargé d'allusions.

    Beaubourg, Ecrit illis 006 P. Bloch.jpgLes écritures de Pierrette Bloch (née à Paris en 1928) nous rappellent davantage celles d'Henri Michaux ou les calligraphies chinoises, on y sent la pression de la main et les signes y sont plus individualisés. Pierrette Bloch décline à l'infini le point ou le trait. Plus ou moins gros, plus ou moins espacés, ces formes simples, abstraites, alignées, débouchent sur une composition à la fois rigoureuse et fantaisiste, un travail sur l'espace, le temps et le mouvement infini, un mystérieux murmure extrèmement poétique. La Ligne de papier, encre sur papier, 2002, qui figure ici, témoigne, dans sa rigueur, d'un attachement aux matériaux pauvres, aux subtiles variations du noir et blanc que permet l'encre de Chine, et au déploiement répétitif du geste qui donne rythme fluidité et légèreté.                                                           GEDC0010 P. Bloch.JPGSi vous avez été comme moi infiniment GEDC0006 P. Block, Crin.JPGséduits par ce travail - et il y a là d'autres exemples -, courrez à la galerie Karsten Greve voir le parcours rétrospectif de l'artiste et, en particulier les lignes en crin de cheval (2002) légères comme des notes de musique sur une portée et un somptueux tissage en lacet de coton (1974). Comme quoi le latin dit vrai:  texte ou texture l'origine est la même.

    Ecritures illisibles, MNAM Centre Pompidou, place Beaubourg,75004 Paris. 01 44 78 12 33. Pierrette Bloch, galerie Karsten Greve, 5 rue Debelleyme, 75003 Paris.01 42 77 19 37, jusqu'au 12 fevrier 2011.

  • Gregory Markovic (par Sylvie)

    nuage2.jpgnuage2 Markovic.jpgCe n'est probablement pas parce que Soulages et son "outrenoir" sont à la une à la grande exposition de Beaubourg mais le fait est que le noir, de nos jours, se porte bien. Il a acquis toutes les noblesses. Voyez l'uniformité vestimentaire des foules et le col roulé obligatoire de ces messieurs. Mais là n'est pas mon propos. Parlons dessin.

    Je viens de voir l'exposition de Gregory Markovic à la Galerie Particulière. Elle m'a enchantée. Surtout le grand triptyque de 2008 dont chacun des éléments atteint 164x282 cm. Il est noir, d'un noir puissant, mat, envahissant, qui laisse entrevoir des espaces blancs, du blanc éclatant au gris sourd, se déployant en nuées. Pourquoi nous emporte t'il ainsi ? Est-ce le mouvement de ces masses vaporeuses ou la profondeur du noir? Avons-nous sous les yeux un tirage photographique ou son négatif ?

    Rien de tout cela.Gregory Markovic (né en 1972) utilise la photo comme point de départ certes, pour la mise en place de ces formes aléatoires que sont les nuages mais son objectif est un travail sur la lumière, l'espace, le vide et le silence. Son médium ? Le fusain, ce gros bâton de charbon végétal brut, réputé pour ses qualités de tendresse et de friabilité, avec lequel des milliers d'étudiants en art se sont exercés au modelé des plâtres antiques. On se rappellera que, dans sa recherche des fondus et dégradés qui a culminé avec le pointillisme, Georges Seurat, au XIX ème siècle, s'en est fait un outil de choix.

    Markovic le passe et le repasse en grands gestes horizontaux. Accrochant d'abord le grain du papier- celui-ci étant choisi parce que fragile, résistant et porteur de lumière- le fusain se fait de plus en plus couvrant, unifié et lisse avec des plages satinées, presque joyeuses dans des étendues d'une opacité inquiétante. Il y a quelque chose d'opiniâtre à vouloir ainsi tout salir, et dans quelle poussière! Le geste d'un tourmenté s'abîmant dans la noirceur du monde ?  

     Après cette addition, des soustractions au doigt, au chiffon, à la gomme, au calque, à la paille de fer, au papier de verre à la recherche d'une sorte de salut, patiemment, obstinément. A force de frottements la clarté advient. "Je creuse jusqu'à la lumière". Le noir s'enfonce, le blanc renait de la cendre après l'avoir absorbée. De sa subtilité et de sa richesse vient l'éclat. Les nébulosités prennent chair et avec elles la dynamique du mouvement. Il n'est pas sûr qu'elles  soient le résultat d'une observation  stricte ou romantique de la nature comme chez les anglais Constable ou Turner. Elles ont plus à voir avec les paysages mentaux des peintres nuagistes des années 50-60, avec la même liberté.

    Enveloppé dans le grand format l'oeil se perd, entrainé dans deux dimensions, les gouffres d'un espace sans limites et les méandres des motifs engendrés. De près, les gestes inscrits sur la surface en multiples fines griffures, horizontales ou circulaires, l'animent de façon spectaculaire comme le tramage d'une soierie et participent de la vibration ressentie lorsqu'il s'en éloigne. Rien ne s'arrête, tout flotte, tout est possible. l'imaginaire s'envole.

    Gregory Markovic "Dessins", Galerie Particulière, 16 rue du Perche, 75003. Paris. 01 48 74 28 40. Jusqu'au 28 mars 2010.

  • Josef Nadj (par Sylvie)

    Josef Nadj, les corbeaux 23012010_006.jpgLes artistes complets sont rares. Josef Nadj en est un. Ses chorégraphies m'enchantent toujours. Les arts plastiques. l'architecture, la matière y sont mêlés comme si le corps seul n'y suffisait pas. Si vous avez vu "Paso doble" vous ne pouvez pas avoir oublié cette performance réalisée avec Miguel Barcelo.

     Allez savoir ce qui l'a le plus marqué, son père charpentier, son grand-père paysan dans sa hongrie natale ou ses études d'histoire de l'art, de théatre et de musique. Nadj n'est pas que chorégraphe même s'il dirige le Centre Chorégraphique National d'Orléans.Il est également photographe et dessinateur. Ceux qui ne connaissent pas cette part de son travail devraient filer très vite à la galerie Vieille du Temple qui en expose des exemples pour quelques jours encore. 

    Ce qui m'a le plus intéressée ? les dessins à la mine de plomb. On y voit guère de "corbeaux" malgré le titre de la série mais une nature vivante, toute frissonnante du vol de ces oiseaux. Ils passent, semble-t'il, groupés en nuage; les arbres plient, leur feuillage se brouille dans le mouvement et leur tronc compact se densifie plus encore. Tout est noir, un noir puissant, riche de valeurs et de matière, opaque ou brillant d'un reflet de lumière ou diaphane dans les turbulences. Le dessin est précis, aux traits multiples longuement travaillés en vue d'une surface lisse et pleine ou au contraire alvéolée ou ramifiée. La nature balayée, acculée, dit sa force en touffes et en mailles serrées et sa souplesse en enchevêtrements savants déliés et suaves. Il en émane une douceur et une sensualité qui va bien au delà de la simple représentation. Nadj fait corps avec son crayon: "je suis à la fois l'observateur, le pinceau, la peinture et le danseur".

    Josef Nadj, galerie Vieille du Temple, 23 rue Vieille du Temple, 75004 Paris. Jusqu'au 30 janvier 2010.

  • Picasso...encore (par Sylvie)

    Les expositions "Picasso et les maitres" au Grand Palais et "Picasso/Manet" au Musée d'Orsay à Paris ferment leurs portes. Sacré farceur ce Picasso, on ne le dira jamais assez. J'en connais, hélas, qui, malgré le passage du temps, continuent à le trouver trop iconoclaste pour être respectable. Respect pour Le Greco, Velasquez, Poussin ou Manet... moue dédaigneuse pour ce sabordeur qui a osé se frotter aux plus grands, piquer 28-01-2009 Manet.jpgleurs sujets et les réinterpréter avec insolence. Ils oublient sans doute que la copie a toujours été une forme d'apprentis27-01-2009 15;52;34 Picasso.jpgsage et une source d'inspiration. Avant lui, Michel-Ange, Rubens, Delacroix par exemple, et bien d'autres encore ont dessiné, copié, interprété les oeuvres de leurs ainés. Près de nous, voyez Bacon  et "Innocent X" de Velasquez; Buraglio  et ses "dessins d'après" ou Alberola  et ses emprunts au Tintoret, à Courbet ou Lenain.

    Avec les variations sur "Le déjeuner sur l'herbe" de Manet, oeuvre manifeste et à scandale en son temps (1863), Picasso nous donne une leçon de savoir voir et de savoir faire, la preuve d'une connaissance de l'histoire de l'art et d'une virtuosité d'exécution hors du commun. Des multiples tableaux (27), dessins, gravures et maquettes , exécutés entre 1961 et 1962, inspirés par la toile et réunis temporairemet au Musée d'Orsay, mon emballement est allé droit aux dessins à la mine de plomb sur cartons découpés (août 1962).

     Voilà un Picasso débarrassé du paysage, qui ne s'intéresse qu'au corps, à la chair, un Picasso antiquisant qui nous rappelle  par la blancheur du carton la sculpure gréco-romaine, assez loin quand même de l'esprit"retour à l'ordre" bien vu dans les années 20/30. Affranchi des gracieusetés formelles et des vêtures idéalistes, il campe en quelques traits succincts les silhouettes du "déjeuner". Assis, debouts, couchés, ces nus ont une amplitude sereine qui contraste avec la dimension plus que modeste de leur support (entre 20 et 30 cm). Pliés, ils tiennent debout comme dans un théatre miniature. Et ces pliures, en disloquant les arabesques linéaires, laissent parler la gestuelle.Tout y est, juste ce qu'il faut là où il faut, et la vitalité , une impudeur naturelle et ce "nouage des forces contradictoires" selon l'expression de François Rouan, qui dit toute la vérité des corps. Ne restait plus à Picasso qu'à les remettre dans la nature, la vraie. Il les a fait réaliser en sculptures monumentales par Carl Nesjar et elles trônent depuis 1964 dans les jardins du Moderna Museet à Stockholm. En attendant une escapade au nord, on peut aller voir les maquettes au Musée Picasso, à Paris. Certes ce n'est pas contemporain, mais c'est tellement moderne. Un régal.

    Musée Picasso, Hôtel Sallé, 5 rue de Thorigny, 75003. Paris. 01 42 71 25 21. Tous les jours sauf mardi de 9h30 à 17h30.

  • Antony Gormley (par Sylvie)

    995915741.JPG49232375.JPGElles sont tellement transparentes que l'on croirait des aquarelles, entre sanguines, sépias ou quelques encres fluides. Elles font voir des corps, "le" corps humain dans sa notion la plus générale, plus hommes que femmes, qui se déploient dans l'espace. Ils ne volent pas bien que sans appui mais quelque soit leur position, ils font comprendre la forme et rendent compte du lien entre l'homme et l'univers, l'harmonie entre eux. Antony Gormley est un sculpteur britannique, né en 1950, plus préoccupé du corps comme lieu que comme objet. Ses dessins l'attestent

    Peu de lignes dans ces petits formats, si ce n'est les contours, d'une graphie extrèmement fine, mais des taches qui modèlent les volumes. Et ce qui donne à ces oeuvres un caractère unique ce sont les substances utilisées provenant du corps ou de la terre. Le café, la chicorée, le sang, le noir de fumée, la caséine, l'huile, le lait, le sperme... révèlent  des propriétés bien à elles et réagissent selon la texture et la porosité des supports souvent fabriqués par l'artiste lui-même. 

    Un grand plaisir très subtil. A voir vite, l'exposition se termine bientôt.

    Antony Gormley " Dessins de 1981 à 2001 ". galerie Thaddeus Ropac, 7 rue Debelleyme, 75003, Paris. Du mardi au samedi de 10h à 19h, jusqu'au 7 juin 2008. 

  • Les dessins de Tony Cragg

     

    a1d601bbabb52e667652eb7569949fee.jpgdc8a688ab2a9b475375078d7a569379c.jpg

     Tony Cragg, artiste britannique, né en 1949, est connu depuis les années 70 pour ses sculptures faites à partir de rebuts assemblés, alignés ou entassés. Ses dessins le sont moins, dommage. C'est une bonne raison pour aller voir ceux qu'expose la galerie Thaddaeus Ropac à Paris.

    Par exemple, des visages "croqués" sous tous les angles, démultipliés, en une recherche tatonnante de vérité volumétrique et expressive. Ils rappellent les esquisses de Léonard de Vinci.

    Ou encore une série de quatre scènes réunissant des personnages autour d'une table. Il s'agit, semble-t'il d'une conversation qui va crescendo si l'on en juge par l'énergie croissante qui émane de ces scènes.

    La sérénité de la première se traduit par la présence, en avant du dessin proprement dit, d' une trame horizontale ponctuée de petits cercles assez régulièrement espacés: c'est une causerie tranquille. Dans la seconde la trame s'épaissit par endroits comme si l'échange s'animait. Dans la troisième, les flux, plus épais, ondulent en strates ascendantes: le ton monte. Dans la dernière, les lignes s'entrecroisent et vibrent d'un débat agité que l'on croit entendre.

     Avec ces quatre dessins ( crayon sur papier, 36,5x 42,2, 2006), c'est toute une histoire en quelques traits, drôle peut-être, en tous cas merveilleusement vivante, car elle capte à la fois les trois dimensions, l'espace qui nous entoure et ce cinquième élément que sont les ondes d'énergie pourtant invisibles.

    Galerie Thaddaeus Ropac, 7 rue de Belleyme, 75003, Paris. Jusqu'au 13 octobre 2007.