Gregory Markovic (par Sylvie)
Ce n'est probablement pas parce que Soulages et son "outrenoir" sont à la une à la grande exposition de Beaubourg mais le fait est que le noir, de nos jours, se porte bien. Il a acquis toutes les noblesses. Voyez l'uniformité vestimentaire des foules et le col roulé obligatoire de ces messieurs. Mais là n'est pas mon propos. Parlons dessin.
Je viens de voir l'exposition de Gregory Markovic à la Galerie Particulière. Elle m'a enchantée. Surtout le grand triptyque de 2008 dont chacun des éléments atteint 164x282 cm. Il est noir, d'un noir puissant, mat, envahissant, qui laisse entrevoir des espaces blancs, du blanc éclatant au gris sourd, se déployant en nuées. Pourquoi nous emporte t'il ainsi ? Est-ce le mouvement de ces masses vaporeuses ou la profondeur du noir? Avons-nous sous les yeux un tirage photographique ou son négatif ?
Rien de tout cela.Gregory Markovic (né en 1972) utilise la photo comme point de départ certes, pour la mise en place de ces formes aléatoires que sont les nuages mais son objectif est un travail sur la lumière, l'espace, le vide et le silence. Son médium ? Le fusain, ce gros bâton de charbon végétal brut, réputé pour ses qualités de tendresse et de friabilité, avec lequel des milliers d'étudiants en art se sont exercés au modelé des plâtres antiques. On se rappellera que, dans sa recherche des fondus et dégradés qui a culminé avec le pointillisme, Georges Seurat, au XIX ème siècle, s'en est fait un outil de choix.
Markovic le passe et le repasse en grands gestes horizontaux. Accrochant d'abord le grain du papier- celui-ci étant choisi parce que fragile, résistant et porteur de lumière- le fusain se fait de plus en plus couvrant, unifié et lisse avec des plages satinées, presque joyeuses dans des étendues d'une opacité inquiétante. Il y a quelque chose d'opiniâtre à vouloir ainsi tout salir, et dans quelle poussière! Le geste d'un tourmenté s'abîmant dans la noirceur du monde ?
Après cette addition, des soustractions au doigt, au chiffon, à la gomme, au calque, à la paille de fer, au papier de verre à la recherche d'une sorte de salut, patiemment, obstinément. A force de frottements la clarté advient. "Je creuse jusqu'à la lumière". Le noir s'enfonce, le blanc renait de la cendre après l'avoir absorbée. De sa subtilité et de sa richesse vient l'éclat. Les nébulosités prennent chair et avec elles la dynamique du mouvement. Il n'est pas sûr qu'elles soient le résultat d'une observation stricte ou romantique de la nature comme chez les anglais Constable ou Turner. Elles ont plus à voir avec les paysages mentaux des peintres nuagistes des années 50-60, avec la même liberté.
Enveloppé dans le grand format l'oeil se perd, entrainé dans deux dimensions, les gouffres d'un espace sans limites et les méandres des motifs engendrés. De près, les gestes inscrits sur la surface en multiples fines griffures, horizontales ou circulaires, l'animent de façon spectaculaire comme le tramage d'une soierie et participent de la vibration ressentie lorsqu'il s'en éloigne. Rien ne s'arrête, tout flotte, tout est possible. l'imaginaire s'envole.
Gregory Markovic "Dessins", Galerie Particulière, 16 rue du Perche, 75003. Paris. 01 48 74 28 40. Jusqu'au 28 mars 2010.
Commentaires
Ton blog va me plaire, mais me faire aussi regretter toutes les expos que je vais rater n'étant pas parisienne... Mais j'ai passé la journée dans un stage sur l'art contemporain, alors je trouve ta visite chez moi, et la mienne ici fort à propos.