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décrypt'art - Page 24

  • L'art aux grands magasins (par Sylvie)

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    Les galeries Lafayette ont choisi une méthode presque classique. "La galerie des Galeries" est un espace spécifique dédié à l'art contemporain, une galerie-grotte située au premier étage du magasin principal, entre mode et chaussures. A l'automne 2007, "Antidote" présentait une dizaine d'artistes français, confirmés ou émergents, appartenant à la collection de Guillaume Houzé, digne héritier du fondateur du magasin. Emballant, en particulier la sculpture aplatie accrochée au mur de Sylvain Rousseau, tableau-objet gai et ludique, trompe-l'oeil évocateur d'espace....Clin d'oeil à Franck Stella.

    Du 21 novembre au 24 janvier 2008, pour la folie de fin d'année en quelque sorte - et l'on en sait l'affluence - va s'y célébrer les 20 ans de création de Christian Lacroix qui a invité trois artistes révélés au festival d'Hyères: David Dubois,Christian Rizzo, danseur chorégraphe et Daniel Firman, pour une histoire de décalages sensé mettre en valeur la transversalité entre mode, arts plastiques et design. On veut bien le croire, mais de là à être convaincue... Personne en tous cas ne semble y gagner. Les mannequins dans des attitudes de la vie dite courante piquent de la tête à côté d'une cocotte minute, sont vêtus de pièces disparates et ne font ni rire ni rêver...Pour Christian Lacroix, préférer l'expo au Musée des Arts Décoratifs plutôt que ce "Hyères encore".

    Au Bon Marché, rue de Sèvres, entre fringues et canapés, escalier roulant et galerie circulaire, sont exposées çà et là des pièces de jeunes et moins jeunes artistes d'aujourd'hui. Ces oeuvres font partie de la collection du Bon Marché, acheteur avisé, qui en fait profiter ses clients. Qui s'en plaindrait! Il y en a au premier étage, au second et elles sont déplacées, remplacées suffisament souvent pour créer surprise ou comparaison. Reste au chaland pressé à repérer ces icônes, deviner le nom de l'artiste ou l'apprendre et constater que l'art accompagne très bien d'autres préoccupations même les plus mercantiles.Aujourd'hui sont présents Alberola, Rouan et, après quelques semaines avec le paysage effiloché de Carole Benzaken (photo de gauche), comme vu par la fenêtre d'un véhicule rapide effaçant les contours, a pris place un autre, définitivement urbain cette fois, noir et blanc, de Philippe Cognée (photo de droite). Le glacis et le floutage renvoient à cette même fragilité-fébrilité citadine.

    Pas de mécénat dans tout cela mais une entreprise de vulgarisation bienvenue dans l'univers de la consomme! 

  • Hommage à Frédéric Benrath (par Régine)

    e38bb2a414f03650cbb2bc4ce2da9288.jpg366e96be9e572519a8da65875ddff6f2.jpgLe peintre Frédéric BENRATH, renversé par une moto début février, est mort à l'hôpital après deux mois de souffrances physiques et morales. A l'occasion de la donation d'une de ses oeuvres, le Musée de Lyon a tenu à le célébrer par une exposition qui se tient jusqu'au 28 janvier dans la salle 200 du Musée et par une soirée hommage qui a eu lieu le samedi 27 octobre.

    Près de 200 personnes, venues de toute la France, avaient voulu être présentes ce soir là en gage de leur admiration pour son oeuvre et de l'attachement à sa personne. L'exposition n'est pas très grande - une douzaine de tableaux choisis avec perspicacité, et quelques aquarelles - mais elle est magnifique. Elle s'ouvre par une toile de 1963 intitulée "Hommage à Gaspard David Friedrich", rappelant dès l'entrée l'attachement de Benrath au romantisme allemand. Elle se poursuit par des oeuvres récentes, échos au superbe triptyque "Le noir de l'étoile" qui a fait l'objet d'une donation au musée. Aux bleux profonds de ce triptyque, d'où sourd une lumière inattendue que l'on retrouve dans la série des "Bougés" ou dans le diptyque "Entre deux détonations d'abîme", répondent des toiles où se dissolvent les jaunes, les roses et les verts". "Il y a un au-delà de la couleur, disait-il, qui rend unique son intensité, sa vibration, sa charge émotionnelle et sa terrible solitude."

    Dans une vitrine sont présentées pour la première fois un choix de ce qu'il appelait "Mes cartes postales détournées". Dans la reproduction d'un tableau ancien, souvent à un endroit imprévu, il introduisait une partie d'une de ses propres oeuvres. Elles montrent avec humour, le lien qu'il entretenait avec la peinture classique.

    Des aquarelles illustrent la vivacité de son geste et la richesse de sa palette. 

    La préoccupation essentielle de ce travail sur la couleur et la lumière qui sous-tend toute son oeuvre et lui donne cette formidable homogénéité, est non pas la recherche d'un équilibre entre l'ombre et la lumière mais celui de leur incessant affrontement. Il est temps de reconnaître que parmi les peintres abstraits de sa génération, cet artiste occupe une place extrêmement originale.

    La soirée d'hommage s'est poursuivie dans l'auditorium du Musée par la projection d'un film sur l'artiste, un concert donné par trois musiciens de l'Ensemble intercontemporain dont il était un familier, et par la lecture de textes de poètes qui l'avaient bien connu (Michel Butor, Bernard Noël, Sylvie Fabre G.).

    Ce fut une soirée exceptionnelle consacrée à un homme qui ne l'était pas moins.

     Musée des Beaux Arts de Lyon, 20 place des Terreaux. Tel 04 72 10 17 40. Ouvert tous les jours, sauf mardi et jours fériés de 10 h à 18 h. Vendredi de 10 h 30 à 18 h

     

  • Carte blanche à Ugo Rondinone au Palais de Tokyo

    1. Stimulée par l'article de Dagen dans le Monde du 12 octobre, je suis allée au Palais de Tokyo voir l'exposition conçue par l'artiste suisse Ugo Rondinoe.
    2. Intitulée "The third mind" - traduisons "le troisième esprit" - elle emprunte son titre à un ouvrage (dont plusieurs pages sont exposées) réalisé par deux romanciers américains de la Beat Generation, William Burroughs et Brion Gysin dans lequel leurs deux écritures, mélangées au hasard, découpées, permutées, débouchent sur un nouveau texte dont l'auteur est invisible et insaisissable, et pour cause.
    3. Sur ce schéma du "cut up", héritage de Tristant Tzara, Rondinone a réuni une trentaine d'artistes qu'il rapproche et confronte.
    4. Convaincue ? Par vraiment, malgré certaines idées fortes issues de ces juxtapositions. Par exemple, l'installation de Sarah Lucas présentant une voiture accidentée se détache sur des photos de parking vide : le ton de la désespérance de l'exposition est donné.
    5. Une gigantesque sculpture abstraite du minimaliste Ronald Bladen, jouant équilibre/déséquilibre (on pense à Richard Serra), poids et envol, occupe l'espace d'une autre salle où est posée une série de têtes habillées de cuir noir de Nancy Grossman. Autant ces masques mystérieux évoquent Sade, le crime, la violence et la sensualité, autant l'oeuvre de Blanden est toute de spiritualité.
    6. Dans les salles suivantes le choix des oeuvres et leur juxtaposition ne m'ont que bien rarement fait ressentir cette 3ème présence si chère à Rondinone.
    7. Deux ou trois salles ont échappées à ma déception. Près des croix de différentes tailles de Valenton Carron figurent deux peintures qui m'ont parues éblouissantes de Jay Defeo. En émane une aspiration, une difficulté à sortir de ce monde fracassé, douloureux, matériel. C'est un éclat de lumière et d'immatériel dans un monde bien noir.
    8. Plus loin, autour de l'atelier du peintre suisse J.F. Schnyer reconstitué, sont alignées au mur de petites toiles représentant les salles d'attente vides de gares suisses. Que de solitude et de mélancolie dans tout cela !
    9. L'exposition se termine par la projection des vidéos qu'Andy Warhol a fait de ses amis, filmés de face, yeux ouverts, galerie de portraits silencieux qui dessinent un univers inaccessible en raisonnance avec les photogrammes fantomatiques de Bruce Conner.
    10.  Comme moi, vous n'apprécierez peut-être pas toutes les oeuvres choisies par Rondinone. Certes, elles ne cherchent pas la beauté mais elles sont toutes déroutantes, et comme dit Dagen "Rien que pour s'affronter à ce bouleversement de nos habitudes visuelles l'exposition vaut le détour".

    "The third mind - Carte blanche à Ugo Rondinone" au Palais de Tokyo - 13, av. du Pt Wilson, 75016-Paris. 01 47 23 38 86. Tous les jours sauf lundi et certains jours fériés. Jusqu'au 3 janvier 2008

  • Les dessins de Tony Cragg

     

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     Tony Cragg, artiste britannique, né en 1949, est connu depuis les années 70 pour ses sculptures faites à partir de rebuts assemblés, alignés ou entassés. Ses dessins le sont moins, dommage. C'est une bonne raison pour aller voir ceux qu'expose la galerie Thaddaeus Ropac à Paris.

    Par exemple, des visages "croqués" sous tous les angles, démultipliés, en une recherche tatonnante de vérité volumétrique et expressive. Ils rappellent les esquisses de Léonard de Vinci.

    Ou encore une série de quatre scènes réunissant des personnages autour d'une table. Il s'agit, semble-t'il d'une conversation qui va crescendo si l'on en juge par l'énergie croissante qui émane de ces scènes.

    La sérénité de la première se traduit par la présence, en avant du dessin proprement dit, d' une trame horizontale ponctuée de petits cercles assez régulièrement espacés: c'est une causerie tranquille. Dans la seconde la trame s'épaissit par endroits comme si l'échange s'animait. Dans la troisième, les flux, plus épais, ondulent en strates ascendantes: le ton monte. Dans la dernière, les lignes s'entrecroisent et vibrent d'un débat agité que l'on croit entendre.

     Avec ces quatre dessins ( crayon sur papier, 36,5x 42,2, 2006), c'est toute une histoire en quelques traits, drôle peut-être, en tous cas merveilleusement vivante, car elle capte à la fois les trois dimensions, l'espace qui nous entoure et ce cinquième élément que sont les ondes d'énergie pourtant invisibles.

    Galerie Thaddaeus Ropac, 7 rue de Belleyme, 75003, Paris. Jusqu'au 13 octobre 2007. 


     

  • Encore et toujours Tal Coat

    Si les oeuvres de Tal Coat vous saisissent comme nous d'un enchantement irrésistible, courrez à la Galerie de Michèle et Odile Aittouarès, (29 rue de Seine, 75006-Paris) voir une exposition consacré à cet artiste jusqu'au 27 octobre.

    cfc24bfba2fe39bcd52bb6cf308c0cd1.jpgLes quelques oeuvres exposées montrent avec perspicacité la quête que cet artiste a poursuivi toute sa vie pour saisir toujours au plus prêt, et de plus en plus abstraitement, le mystère de la nature. En voici deux exemples :

    La toile dénommée "silex", ici reproduite, date de 1958. Des éclats de pierres noires et brillantes apparaissent tandis que d'autres disparaissent laissant une trace plus claire. Ils sont immergés dans un espace beige, lumineux et légèrement crémeux. Tout est donné à la fois : la terre, la pierre, la lumière. En ne soustrayant pas la pierre à son milieu, Tal Coat montre que cette masse de cailloux est imprégnée par l'espace qui l'entoure. Pour lui l'objet et son environnement n'existent que l'un par rapport à l'autre. Les isoler par une forme définie est pour lui un contre sens et le contour une frontière que, tout au long de son oeuvre, il cherchera à effacer. L'espace est un milieu qui donne aux choses leur existence.

    Un autre exemple de sa démarche est donné par une toile plus récente, entièrement jaune. En son centre trois ronds légèrement en relief affleurent. Plus question ici de figure, de fond, mais de structure, de milieu, d'un espace où les choses peuvent se mouvoir. Si on prend le temps de regarder un peu longuement ce tableau, on le voit évoluer sous nos yeux, une ombre transparaît sous le jaune. Le tableau, bien que monochrome, est comme le monde une activité. Tal Coat peint des énergies en mouvement dans la nature.

    Dans la deuxième salle de la galerie, au delà de la petite cour, sont exposées quelques aquarelles, merveilleuses de fraîcheur. Cette technique exigeant une exécution immédiate, ne souffrant pas de reprise, lui permettait de rendre compte de ce qu'il y a de plus fugace, de plus fragile dans la nature : une lumière changeante, une ombre sur un champ, la venue de l'orage.

    GALERIE BERTHET-AITOUARES - 29 rue de Seine, 75006-Paris. Ouvert du mardi au samedi de 11 h à 13 h et de 14 h 30 à 19 h

     

  • Ernest Pignon-Ernest à Montauban

    Si vous êtes dans le Sud Ouest, n'hésitez pas à faire un saut au Musée Ingres de Montauban. Jusqu'au 15 octobre s'y tient une exposition Ernest Pignon-Ernest passionnante.

    Elle l'est à plusieurs titres : d'abord par la partie rétrospective où l'on revoit avec bonheur les travaux que l'artiste a inscrit dans plusieurs villes (Naples, Paris, Charleville, Soweto...) ou lieux (cabines téléphoniques, escalier de Montmartre, métro Charonne), ensuite et surtout par celle où il engage un dialogue avec Ingres. Dialogue extrêmement stimulant quand on sait la passion du dessin qui anime ces deux artistes et la place qu'occupe Ingres pour les artistes du XXème siècle. Se mesurer à Ingres était une gageure et les dessins de l'un et de l'autre artiste, exposés côte à côte, permettent de saisir ce qui les réunit et les sépare.

    Cette partie, installée au 1er étage du Musée, et intitulée "Citations" montre le travail qu'Ernest Pignon-Ernest a effectué, à l'occasion de cette exposition, à partir de celui que son aîné avait fait d'après une représentation de l'extase de Ste Catherine de Sienne par Sodoma.

    Les dessins d'Ingres soigneusement élaborés, travaillés, presque parfaits sont assez statiques. Une distance s'établit entre eux et le spectateur. Ceux d'Ernest Pignon-Ernest débordent d'affects ; la situation est vécue de l'intérieur. Avec le premier le spectateur est devant un merveilleux dessin, avec le second il est face à des corps.

    Sur un grand mur sont présentés les études préparatoires pour le dessin final de l'évanouissemnt mystique de Ste Catherine de Sienne, dessins à la pierre noire, effectués sur de grandes feuilles blanches, collées à même le mur ou éparpillées sur le sol. Etude d'une main, d'un visage, d'un buste, d'un corps dont les ombres soulignent seulement quelques fragments d'anatomie : la poitrine et les mains par exemple, le reste étant seulement esquissé. Cette façon de faire et d'exposer projette le spectateur dans le processus créatif.

    Le dessin final montre la sainte dans une position improbable : sur la pointe des pieds, genoux pliés, mains et poitrines offertes, yeux clos, elle penche la tête à gauche et s'absente au monde, tout entière à son extase. C'est si vrai, si senti, que pour un peu on se sentirait gênée d'assister à une scène tellement intime.

    Oui, Ingres et Ernest Pignon-Ernest sont des dessinateurs de génie et aucun des deux n'est perdant dans cette confrontation. cette exposition montre l'expression de deux personnalités bien différentes.

    Exposition Ernest Pignon-Ernest - Situation ingresque

    Musée Ingres - 19, rue de l'Hôtel de Ville - 82000-Montauban. Tél : 05 63 22 12 91. Ouvert tous les jours de 10 à 12 h et de 14 h à 18 h. Jusqu'au 14 octobre.

     

  • les vacances

    Noue reprendrons nos déambulations en septembre, bonnes vacances à tous.

  • manufacture des Gobelins

    8f4b6d50dfcb62abb142a8a947d887d0.jpgLa Manufacture nationale des Gobelins a ouvert sa galerie d'exposition le 12 mai dernier. Y sont exposés les commandes que l'Etat a passé ces 10 dernières années avec des artistes contemporains. Au dessus de meubles créés par l'ARC (Atelier de REcherche et de Création) sont accrochées une vingtaine de tapisseries réalisées d'après le carton d'artistes tels qu'Alechinsky, Buraglio, Philippe Favier, Chillida, Philippe Cognée, etc...

    Celle de Carole Benzaken, une jeune artiste née en 1964, a particulièrement retenu mon attention ; elle est tout simplement magnifique. Elle a pour thème les acteurs et les spectateurs d'un match de football. Elle se présente sous la forme d'un grand tondo oval partagé en trois parties : à gauche la foule, au centre un joueur, à droite le stade. Chaque partie, chaque image semble glisser sur la suivante et vice et versa. Tout se passe comme si le temps était compressé, ralenti, rendu fluide et devenait espace.

    Cette impression de mise au point changeante est renforcée par la technique du tissage : les fils de couleurs différentes se chevauchent, se fondent les uns dans les autres, se stabilisent en un blanc ou un jaune éclatant et reprennent leur enchaînement pour rendre ce flou évocateur de la vitesse et du mouvement.

    La texture et le moelleux de la laine, la matière du tissage, l'équilibre de la chaîne et de la trame rendent de façon probablement plus voluptueuse que la peinture la vitalité qui se dégage de cett oeuvre.

     Manufacture des Gobelins, 42 av. des Gobelins, 75013-Paris. 01 44 08 52 00. Métro Gobelins.

  • Anselm Kiefer au Grand Palais

    Anselm Kiefer au Grand Palais.

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            Toutes les forces telluriques, historiques et cosmiques semblent avoir gouverné les œuvres d’une stupéfiante beauté  qu’ Anselm Kiefer, artiste allemand né en 1945, présente dans la nef transparente et légère du Grand Palais : contraste saisissant entre deux monumentalités, deux siècles, deux façons de voir le monde.  

    Autant le Grand Palais, construit pour l’exposition universelle de 1900 est emblématique d’une période florissante et confiante en l’avenir, autant l’œuvre de Kiefer, dont le terreau est l’histoire et la mémoire, peut paraître austère et empreinte de tragique.

                Oubliée l’échelle humaine, tout est dans la démesure. Sur de gigantesques toiles à la matière épaisse et craquelée s’inscrivent  jusqu’en un lointain horizon la germination probable des champs dévastés; des herbiers géants, comme fossilisés, ou des mini croiseurs de plomb  tapissent bord à bord jusqu’au vertige les murs de « maisons », véritables blockhaus en béton et acier ; des tours ruiniformes, de plusieurs mètres de haut, émergent de décombres ; une bibliothèque de plomb et de verre, semi ravagée, est celle d’un titan et fourmillent d’innombrables constellations matriculées dans l’étendue d’un ciel noir.

                Oubliée, ou presque, la couleur qui sort du tube et se manie au pinceau. Les outils de Kiefer ne peuvent être que couteau, marteau, grues et ingénieries de toutes sortes pour attaquer le plomb, la tôle, le béton, le verre. Il ajoute, sur la surface peinte, de la paille, des branchages pris dans le plâtre et des débris de guerre dégradés, un potentiel de vécu que les intempéries ont achevé de transformer. Ainsi, au-delà du blanc et du noir, les couleurs, nées de ces expositions - le rouge est  rouille - ou  de la matière brute – le brun est  glaise, le gris est plomb,y prennent une profondeur charnelle.

    Le choc visuel est violent. Tant de désordre, de déséquilibre et de symbolique de destruction.

                Ce qui est donné à voir est lyrique, fascinant et d'une intensité émotionnelle et esthétique peu commune. Cela évoque avec une poésie puissante, d’un  romantisme très germanique, la guerre, la shoah, l’histoire naturelle et humaine – en particulier le passé nazi.  D’ailleurs, ces œuvres sont dédiées à deux poètes d’après la shoah, Paul Celan et Ingeborg Bachmann. Certains pourront trouver ce travail  à ne pas s’échapper du réel, écrasant et mortifère.

    Il est vrai que la tour de guingois, éventrée, avec ses étages déboîtés et ses tournesols de ferraille jaillissant des ouvertures béantes, est une vision brutale et poignante faite de densité de matière, de déplacements chaotiques et de lignes exponentielles.  Mais combattant le mal par le mal, elle dénonce avec fracas une occultation éventuelle du passé.

    L’exposition a pour titre « Chute d’étoiles » en référence à la vie et la mort des planètes. Kiefer y voit le destin des civilisations, une histoire du temps.

     

    Monumenta 2007, au Grand Palais, à Paris, Avenue Winston Churchill, 75008, jusqu’au 8 juillet.

  • John Chamberlain, ou le métal peint

    5a77b243a4a9e337c427d4f3462aa41e.jpgec3e9b687da47e187c38232560380153.jpgPour l'anniversaire des 80 ans de John Chamberlain, la Galerie Karsten Greve expose, jusqu'au 30 juin, ses sculptures récentes. Il reste donc une quinzaine de jours pour admirer cette série d'oeuvres et saisir d'un seul regard le lien qui unit l'expressionnisme abstrait des années 50 et le Pop Art des années 60.

    De la spontanéité et de la rapidité apparente d'exécution se dégage une énergie qui apparente Chamberlain à la génération des de Kooning et Pollock. L'utilisation de matériaux de la société de consommation à des fins créatrices le rapproche de celle de Rauschenberg et d'Oldenbourg. Enfin son élégance, son art de la soudure en font un enfant de David Smith.

    Bien qu'exécutées récemment ces oeuvres sont une merveilleuse synthèse des courants majeurs de l'art américain de la 2ème moitié du XXème siècle.

    Des expressionistes on retiendra la rapidité et la spontanéité (apparentes) d'exécution qui donnent aux oeuvres une énergie, une vivacité que renforce la qualité du matériau utilisé. En effet, comme César à la même époque en France, mais de façon bien différente, Chamberlain utilise des carcasses de voitures. Il exploite toutes les ressources de la tôle dont il met en évidence les qualités physiques (facilité de froisage, couleur, brillance) et qu'il transcende.

    Il sait à merveille capter les reflets des tôles colorées qui se tordent sous la pression du pliage. Froissées avec vigueur comme il le ferait d'une feuille de papier, le métal acquiert légèreté, souplesse et une tension se crée entre la force du matériau et la sensualité du pliage. La ligne apparaît et disparaît avec une insaisisable habileté.

    Voyons notamment une oeuvre comme "Whimzee" (photo 1) qui date de 2005, emblématique de l'ensemble. Une impression de grande simplicité et de légèreté s'en dégage. Plusieurs facteurs provoquent cette sensation : l'utilisation de 3 couleurs seulement, (noir, blanc, bleu) ; le fait qu'elle ne repose que sur quelques pointes, l'utilisation du noir de la tôle dans sa partie inférieure et du blanc dans la partie supérieure, la forme triangulaire bordée de bleu qui la coiffe et font penser à des ailes. Légère, elle se tient entre ciel et terre.

    Telle une fleur d'acier, "Ornament of melody"  de 2006 (photo 2)  déploie, dans sa partie supérieure, des couleurs rutilantes (vert, rouge, orange) ; elles coiffent un chiffonage aérien de tôle noire et blanche. Pour exalter et capter au mieux la lumière, Chamberlain revernit genéralement l'ensemble de ses sculptures. cette façon de faire leur donne un incomparable velouté.

    Du très grand art !

    Galerie Karsten Grave - 5, rue Debeylleyme, 75003 (01 42 77 19 37), du mardi au samedi de 11 h à 19 h. Jusqu'au 30 juin.