Fauves et expressionnistes (par Régine et Sylvie)
L'exposition "Fauves et expressionnistes" a été l'occasion d'un retour au Musée Marmottan, somptueux hôtel particulier du XIXème siècle devenu en quelque sorte "le" musée Monet de Paris.
Malgré l'attrait que représente pour nous la peinture contemporaine, revoir, en passant, ces "Nymphéas" (1917-1919) a été un choc. Nous avions oublié à quel point Monet avait pris de la distance par rapport au réel et retenu la leçon de Turner. Et combien ce tableau,fait de multiples traits horizontaux inscrits en all-over dans un vaste format très horizontal (100x300cm) était abstrait et avait pu influencer les américains dans leur désir d'espace. Jackson Pollock et Joan Mitchell ne sont pas loin.
Mais venons en aux oeuvres expressionnistes de l'exposition temporaire. Il est toujours passionnant de revenir aux sources de la modernité. Là, elles sont représentatives du renouveau artistique en Allemagne avant la 1ère guerre mondiale regroupé autour des mouvements Die Brucke à Dresde et Der Blaue Reiter à MUnich. Bousculant les codes de la peinture, elles traduisent, en harmonies dissonantes, un réel sans fard et le Moi intérieur de l'artiste. Elles ont profondément modifié notre vision du monde.
Une toile nous a parue esquisser cette nouvelle tendance, elle est signée Emile Nolde. "Le pont" (1910) est encore dans la thématique campagnarde chère aux impressionnistes et les roses, les violets, les jaunes et les verts se mêlent en touches enlevées et chatoyantes. Ce pourrait être du Monet, une impression figitive peinte sur le motif, avec déjà quelque chose de fiévreux avant coureur de conflit. Comme les autres membres du mouvement Die Brucke, Node évoluera vers plus de primitivisme et de couleurs fortes.
Nous avons choisi trois portraits pour illustrer l'expressionnisme en ce qu'ils ont de frontal et mettent l'accent sur les yeux. La "jeune fille au chapeau rouge" (1905) d'Edvard Munch (photo n° 2), d'un noir et rouge sur fond jaune saturés, nous fixe de son regard inquiet où passe toute l'angoisse de la destinée humaine. La rapidité de la touche semble vouloir saisir au plus prêt la détresse de l'enfant ; le quadrillage noir de sa robe l'emprisonne dans son mal-être. Avec "Les yeux noirs" (1912) Jawlensky (photo n° 1) cerne les formes d'un trait sombre. Fini le modelé, tout se joue sur le contraste des couleurs chaudes et froides. Dépourvu de tout souci naturaliste, le visage est jaune, vert, rouge, les cheveux sont bleux et la force du regard des immenses yeux noirs ne vous lâche pas. "Léonie" (1923) d'Otto Dix (photo 3)est caricaturale. Sous son grand chapeau peu flatteur, ridiculement ornementé, et ses joues trop peintes, elle a le visage cabossé par la vie. Voilà bien la férocité de la Nouvelle Objectivité. Plusieurs autoportaits figurent dans l'exposition, tel celui de Kokoschka (photo 4) de 1917 dont la nervosité de touches en larges virgules traduit souffrance et instabilité et sont à rapprocher de ceux, sans complaisance, de Lucian Freud. Eric Heckel, quant à lui, nous fait entrevoir Bernard Buffet.
Et la nature dans tout cela? Les expressionnistes la jouent primitiviste, comme le montre le paysage tout en sauvagerie et mystère d'Adolf Erbslöh.(photo 5) Les arbres, traités en larges éventails, dans une gamme de vert et de bleu sombres envahissent une maison mauve dont les fenêtres sont comme deux yeux apeurés.
Au milieu de ces oeuvres tourmentées qui renvoient à l'intériorité et à ce que Kandinsky appelle la "nécessité intérieure", le "Nu de jeune fille " (1906) de Van Dongen (photo 6) a la grâce d'une sensualité assumée. L'audace des couleurs ne fait qu'en confirmer la liberté insolente et souligner la distance qui sépare les Fauves de la douceur de l'impressionnisme d'une part et de la critique sociale et morale de l'expressionnisme de l'autre.
"Fauves et expressionnistes, de Van Dongen à Otto Dix" - Musée Marmottant Monet, 2 rue Louis Boilly, 756016-Paris. 01 44 96 50 33. Tous les jours sauf lundi de 11 à 18 h. Jusqu'au 20 février.
Commentaires
Merci pour cette visite commentée. J'étais allée voir cette exposition et en étais revenue assez frustrée. En effet, j'ai trouvé que les oeuvres étaient très intéressantes mais que la conception même de l'exposition était pauvre par son accrochage, mais aussi à cause de l'absence de textes. J'aime bien qu'on me prenne un peu par la main, qu'on me suggère des pistes de réflexion et ça manquait singulièrement.
Alors, merci les filles ! et félicitations pour votre joli travail, généreux.
Et un salut tout particulier à Régine.