René Guiffrey (par Sylvie)
René Guiffrey est un artiste exigeant. Il ne cherche pas à séduire. Il oeuvre dans le blanc et la transparence, le géométrique et la superposition. Pas facile! Les oeuvres exposées actuellement à la galerie Gimpel et Müller sont l'occasion de constater encore une fois qu'une émotion peut naitre de ces abstractions où l'ego n'a pas de place et la répétition est de mise. N'ayant jamais perdu, depuis ses débuts dans les années 60, le goût de la blancheur du papier (et sa texture) Guiffrey en perpétue l'usage et poursuit avec cette non-couleur, qu'elle soit de peinture acrylique, de verre industriel ou de miroir, sa quête de l'insaisissable.
Il oeuvre par séries, ce qui met en lumière les variations du procédé. Le titre de la première, "La mouche" ( série de trois), acrylique et verre, 80x80 cm, 2005, pourrait trouver son origine dans la légèreté de son apparence, quelque chose de fragile et de délicat comme l'aile d'un d'insecte. Elle est constituée de carrés concentriques en fines plaques de verre transparent, cernées d'un liseret de miroir. Le carré de surface, le plus petit, est peint en blanc. Cette forme carrée et ses emboitements nous rappellent bien sûr l'Abstraction géométrique et l'Art cinétique. Elle en a la forme rassurante et silencieuse, cette carrure qui l'ancre dans le réel. Elle en a les déclinaisons internes qui fractionnent l'espace clos. Mais si tout se jouait par la couleur posée chez Albers ou Vasarely, Guiffrey laisse agir la neutralité du materiau qui, imprévisible, modifie le support par sa seule présence, prend relief et couleur - il devient tout à fait vert - au fil des couches, crée des lignes, accroche et subit la lumière, réfléchit le regardeur et introduit son empreinte éphémère dans l'oeuvre. La bordure de miroir prend sa part de reflets et finalement l'oeuvre, si rigoureuse dans sa construction, si ouverte dans son champ de blanc qui cerne le carré, si plate en surface et si immatérielle dans sa gamme pâle, bouscule sa propre ordonnance par les effets qu'elle suscite.
Avec "Blanc et débords", acrylique et verre, 80x120 cm (série de deux) on comprend mieux la technique chère à Guiffrey des fixés sous verre. La peinture, appliquée au dos du matériau, apparait, par transparence, brillante et subtilement crémeuse dans un grand rectangle où s'en inscrit un autre, séparé par un vide. Dans cette échancrure elle déborde de son périmètre, festonne de façon aléatoire et se profile en ombres changeantes sur le fond selon le cheminement du regardeur, laissant voir en dessous une bande argentée qui fait passer la lumière et un double trait noir, péremptoire comme l' affirmation d'un tangible dans cet " interstice du doute" (in Bernard Privat:" René Guiffrey ou l'effroi du beau").
La plus troublante des oeuvres exposées est pour moi "Retour sur 76". Deux trapèzes blancs, verticaux, peints sous verre, occupent, dans un équilibre parfait, le centre de l'oeuvre et forment un carré brillant de surface et d'une blancheur lustrée qui contraste avec celle du fond. Des traits noirs, tracés à la plume, semble t'il, soulignent, prolongent, encadrent les côtés et portent en eux des notations chiffrées. Ce pourrait être un croquis d'architecte avec ses lignes fugitives, ses doublements, ses orientations flèchées. Un effet de perspective, né du décallage entre forme et lignes, entre verre et fond, entraine le regard, encouragé ici par les reflets obliques de l'éclairage, vers une fenêtre aveugle, une profondeur invisible, un espace de méditation.
René Guiffrey, galerie Gimpel et Müller, 12 rue Guénégaud, 75006 Paris. jusqu'au 10 avril.
Commentaires
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