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décrypt'art - Page 6

  • Chiharu Shiota (par Régine)

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    Quel plaisir, après ce confinement de deux mois et dans l'attente de la réouverture des Musées, de pouvoir à nouveau arpenter les galeries qui viennent d'ouvrir leurs portes,. Sus à la Galerie Templon de la rue du Grenier Saint Lazare pour l'exposition de l'artiste japonaise Chiharu Shiota !

    J'avais découvert cette artiste en 2011 à la Maison rouge avec son installation "After the dream", où de simples longues robes blanches étaient suspendues, enveloppées d'un immense réseau impénétrable de fils noirs, véritable matérialisation d'une image mentale. Puis ce fut à la Biennale de 2015 de Venise où je fus emportée par la magie et la beauté de son installation "The key in the hand". En suspendant des milliers de vieilles clefs à des fils vermillon elle avait transformé le pavillon japonais en une immense grotte arachnéenne où gisaient des barques remplies de clefs rouillées. Enfin, plus récemment, en 2017, elle avait envahi le Bon Marché avec l' installation "Where are we going" pour laquelle elle avait suspendu au dessus de l'escalier central une multitude de coques de bateaux de toutes tailles et de toutes cultures, tissant autour d'eux une immense vague de fils blancs.

    Avec "Inner universe" (univers interne), titre de son exposition actuelle chez Templon, Chiharu Shiota, née en 1972, nous entraîne, une fois encore, dans son univers poétique et émouvant avec des oeuvres diverses qui, comme à l'accoutumée, restent ouvertes à de multiples questionnements.

    Le fil est la base de son travail plastique. Il lui permet de tisser, autour d'objets évocateurs, des réseaux d'une extrême complexité qui, tels des toiles d'araignée, envahissent tout l'espace environnant pour les installations ou des contenants plus réduits tels les boîtes ici présentées. Sa palette est réduite à trois couleurs de base : le noir, le rouge et le blanc, pour elle hautement symboliques.

    Voyons par exemple la sculpture de la première salle (photo 1)IMG_7585.JPG. Elle consiste en une grande boîte aux parois transparentes. Dressée verticalement, on y entrevoit une longue robe blanche (de mariée ?) maintenue prisonnière d'un réseau dense de fils noirs savamment tissé. Bien que vide du corps de la femme qui l'a portée, cette robe en garde la présence ; elle flotte dans l'espace telle la réminiscence nostalgique d'un souvenir que la mémoire tente vainement de retenir dans ses filets.

    Dans le fond de la galerie, ce sont des cages où dans un réseau inextricable de fils rouge sang, images possibles de nos réseaux neuronaux, sont emprisonnés divers objets. Dans l'une d'elle c'est un crâne (photo 2)IMG_7593.JPG, dans un autre la photo de la coupe d'un cerveau entourée de deux cranes ouverts. L'artiste interroge-t-elle ici ces lieux mystérieux où se loge notre mémoire sans laquelle nous ne pourrions survivre. Certains contenants sont particulièrement émouvants comme celui où sont emprisonnées de vieilles photos jaunies légèrement cornées qui, tels des insectes prisonniers d'une toile d'araignée, tentent d'échapper à ces entrelacs labyrinthiques (photo 3)IMG_7598.JPG. Qu'ils aient été bons ou mauvais, nous somme prisonniers de nos souvenirs qui, telle la circulation du sang dans notre corps, nous nourrissent et nous maintiennent en vie. Ce réseau graphique dont la couleur rouge, pour elle symbole d'intériorité, peut évoquer aussi les liens souvent complexes qui nous rattachent à nos racines, aux autres, au monde. Ces cages fonctionnent comme des autels dédiés aux traces indélébiles et impalpables de notre mémoire.

    Sur les murs de la première salle sont accrochés trois ou quatre tableaux. Il ne sont pas peints mais se trouvent peu à peu envahis par des réseaux inextricables de fils piqués à même la toile ; noirs, couleur qui évoque pour Chiharu Shiota le ciel et l'univers - ils font penser au firmament avec sa multitude de galaxies - (photo 4) IMG_7589.JPG; rouges, les réseaux sanguins dont nos corps sont irrigués et à leur infinie complexité (photo 5)IMG_7601.JPG. Résultat d'un travail d'aiguilles oh combien minutieux et sophistiqué, ces oeuvres sont fascinantes à plus d'un titre et le dialogue qui semble se nouer entre le cosmos et notre propre corps, entre l'infiniment grand et l'infiniment petit exerce une fascination à laquelle il est difficile de s'arracher.

    Même absent, le corps autant physique que psychique IMG_7605.JPGest au centre de sa pratique sculpturale. En effet, le travail de cette artiste requiert du visiteur une implication à la fois mentale et corporelle. Outre le fil textile, elle utilise d'autres matériaux, tels que le verre soufflé, les fils de métal ou la peau pour souligner fragilité de notre condition. Témoin ces dépouilles en cuir découpé qui pendent au centre de la galerie, résidus dérisoires de notre humanité soulignée par cette paire de chaussures ironiquement placée sous l'une d'elle (photo 6).

    IMG_7603.JPGDe ses propres mains moulées en bronze, jointes en un geste d'offrande, jaillit la lumière d'un buisson de fils dorés (photo 7), oeuvre qui ne manque pas de provoquer chez le spectateur une émotion quasi surnaturelle. IMG_7610.JPGDans une attendrissante robe d'enfant tricotée de fils d'acier se dissimule un objet indécelable, un secret ? (photo 8) Un amas de boules de verre de taille et de forme différentes, réunies dans un filet de métal, formellement un très bel objet, évoque un organe, un amas de cellules, ou un tumeur gorgée de sangIMG_7613.JPG (photo 9), oeuvre d'autant plus touchante quand on sait que l'artiste a été atteinte d'un cancer des ovaires il y a quelques années.

    Tout ce travail, qu'on serait tenté de rapprocher par sa thématique de celle de Boltanski, est questionnement autour du souvenir, de la mémoire - ce tissus fragile facilement rompu ou contaminé -, des liens tissés à l'intérieur de l'être humain le reliant au passé et à ses interrogations.

     

    Chiharu shiota "Inner Universe" - Galerie Daniel Templon - 28, rue du Grenier Saijt Lazare, 75003-PARIS. Jusqu'au 25 Juillet.

     

     

  • La collection d'un poète ( par Sylvie).

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    La galerie ETC a ouvert ses portes en 2018. L'exposition en cours aujourd'hui, programmée jusqu'au 20 septembre, est un hommage à Maurice Benhamou, décédé à 90 ans en décembre 2019, père du collectionneur Pierre-Henri Benhamou et grand père du galeriste Thomas Benhamou. Le nom d'ETC résume fort bien la filiation qui unit les 3 générations d'amateurs d'art dans la continuité d'un même goût pour la peinture contemporaine, sous influence Zen, minimaliste, sensible et dominée par une absence du Moi.

    Rappelons que Maurice fut un grand découvreur de talents, critique d'art et poète....L'écouter parler des artistes était passionnant et sa plume a beaucoup fait pour expliquer, faire sentir, comprendre les grands mystères qui se cachent derrière des oeuvres que beaucoup qualifient de difficiles d'accès. Citons, par exemple "L'espace plastique", ed Name, 1999, et, aux éditions L'Harmattan "Le visible et l'imprévisible", 2006, "De la peinture à proprement parlé", 2011...et, bien sûr "La trace du vent",  2004, qui sert de titre à cette exposition représentant une partie de la collection personnelle de Maurice Benhamou. Pour le plaisir, j'en citerai quelques unes.

    Photo Degottex.jpgTrès curieusement, en entrant dans la galerie, l'oeil est attiré par une petite sculpture multicolore trônant au centre de la pièce, sur une sellette. Elle a tout d'une sphère armillaire, symbole de l'univers, dont les anneaux sont en métal peint de différentes couleurs. Oeuvre de l'artiste américain Dennis Oppenheim, invité dans les années 80 par la ville de Thiers, ville de la coutellerie, au Symposium international de sculpture monumentale métallique, elle figurait sur le bureau de Maurice Benhamou, tel un objet familier représentatif de son ouverture sur le monde.

    Du grand tableau de Jean Degottex,  à droite, Lignes-report III, (acrylique et colle sur toile, 205x420cm)1977 (photo 1) qui figurait lui aussi dans le bureau de Maurice -  on ne voit tout d'abord que la couleur, le noir - comme un infini démesuré - et la verticalité des trois panneaux qui forment une sorte de triptyque, puis la multitude de lignes horizontales. Rien d'autre que cette trame devenue texte, dépouillement absolu, aboutissement d'un long travail dont l'artiste lui même dira en 1987, résumant son parcours: " Du signe, je suis passé à l'écriture, de l'écriture à la ligne d'écriture, de la ligne d'écriture à la ligne", mais toujours avec la même précision, la fulgurance du geste, devenues ici pliage, arrachage au coeur de la matière, ainsi exaltée. Car tout participe de l'oeuvre, les lignes tracées en report, reliefs et creux, les taches, les déchirures, les infimes accidents, autant de phénomènes nés de l'intelligence des matériaux auxquels Degottex était attentif, évacuant toute marque de sa présence. Il ira jusqu'à délaisser la peinture traditionnelle au profit d'un découpage de la toile, de la brique et du bois. Une réalité arpentée et transfigurée, ici à la fois tragique et sereine.

    Casadesus.20200520_154827(4).jpgComme Degottex, Béatrice Casadesus s'est trouvé des affinités avec l'extrême orient où elle a séjourné. Ce Printemps, (huile sur toile 100x100cm), 2008, (photo 2) est comme une fenêtre sur l'univers, profond, léger, fragile et vaporeux d'où émergent et s'éparpillent des bulles colorées comme des taches de soleil. Seurat l'avait perçu, Casadesus a trouvé dans ces pastilles à trame semi- transparente, qui sont devenues sa marque de fabrique, un symbole du mouvement du monde, ses vibrations. Architecte de formation, elle sait la puissance créatrice de la lumière, son pouvoir générateur de couleurs, de nuances, qui donne une vision fugitive des choses. Comme s'il n'y avait pas de sujet mais seulement des illusions.

    Sous les noirs secoués de quelque sismographe qui rythment l'oeuvre de Claude 20200520_154950(1).jpgChaussard - dessin d'approche n°9, (gouache et trait de craie, 152x56cm), 1981, (photo 3) se faufile une ligne bleue, comme un instant furtif, aléatoire.. Elle est à peine visible mais elle grimpe, éphémère, imprévisible. Chaussard, lui aussi architecte, déploie une rigueur et une extême sensibilité, il aime s'effacer dans la neutralité des blancs, en pigments à stabilité variable, et dans l'absolu avec le bleu en liserets énergiques. Véritable "aventure intérieure" proche de celle de Degottex, ce bleu intense n'est pas peint ou tracé, mais projeté selon un rituel très précis: claqué au cordeau de carrier, comme au tir à l'arc et qui se dépose en poudre sèche comme une auréole., un très léger flou, vibrant, qui suggère la vie.  

    20200520_154843.jpgMax Wechsler vient de s'éteindre à l'âge de 95  ans. Né à Berlin et installé en France depuis 1939, il est passé de la figuration initiale au Surréalisme avant de s'orienter vers une abstraction affranchie de toute gestualité subjective. Le papier marouflé Sans titre,(collage sur toile, 120x80cm),  1985 (photo 4) allie la peinture à l'huile, et des éléments typographiques collés en surface.  Etrange processus éminemment matiériste qui aboutit à un champ de lettres ou débris de lettres en relief, aux formes variées, disséminées sur un fond aux tons sourds. Les aspérités un peu volcaniques nées de cette accumulation dansent sur le velouté de la couleur. Tableau sans bord ni centre, de format modeste contrairement aux dernières toiles de l'artiste, texte illisible qui renvoie à la culture, à l'histoire indicible, à celle, personnelle et familiale de Wechsler. Des lettres qui signifient "silence, solitude, ombre et lumière.."

     René Guiffrey revendique le qualificatif d'artiste plasticien. S'il oeuvre tojours dans la peinture-peinture, il travaille de longue date avec le papier ou le verre, choix délibéré de transparence ou de blancheur parce que le propGuiffrey.20200520_154708(1).jpgre du blanc, comme la musique, c'est le silence, la neutralité, l'inachevé. Page 181 B, émail, acrylique, miroir sur plaque de verre, 70x70cm, 1994 (photo 5) n'y échappe pas. Elle allie le sensible de la main et l'insensible industriel, le poids du verre et sa fragilité, le brillant et le mat, le terne et le miroitant, autant de données qui font de l'oeuvre tout le contraire d'un tableau immobile que le regardeur perçoit d'autant mieux qu'il se déplace. Dans le format carré, presque austère, l'oeil chemine, se perd dans la profondeur des superpositions et l'instabilité des lignes et reflets qui font vaciller les formes: oeuvre toujours en devenir dont la vie semble monter d'une substance enfouie, comme la germination des lettres chez Wechsler.

     

    La trace du vent, galerie ETC,  28 rue Saint Claude, 75003 Paris. Jusqu'au 20 septembre 2020.

     

  • Art et nature: tous au vert (par Sylvie)

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    Le Covid 19 aura eu au moins un avantage en ce printemps 2020. Il a permis à Paris, et sans doute à d'autres villes, de reverdir, comme si la nature avait enfin, subrepticement, la possibilité de reprendre ses droits, d'emboîter le pas des écologistes et de se faire, à nouveau, sujet pour les artistes et les constructeurs. Petit tour d'horizon.. 

    Une nature libérée: - Des herbes folles recouvrent les fameuses grilles aux pieds des arbres (photo 1); une touffe fait craquer le macadam sous sa poussée printanière et s'installe, incongrue comme salade dans l'assiette (2); des rejets feuillus sortent librement d'un tronc (3), l'ancienne ligne de chemin de fer devient tapis vert plein de douceur (4) et la mousse a recouvert depuis quelques années déjà la fontaine de Salon-de-Provence. Tiens, on dirait du Courbet ! (5)

    Bd Jourdan164055.jpg20200422_154910.jpg

     

    20200428_170657.jpg20200405_165035(1).jpg20200428_145533.jpg
     
     
     
     
     
     
     
     
     
    Une nature domestiquée: là des nids pour les insectes ou des caissons graphiques pour des tomates à venir (6)..20200426_120222.jpg
    Une nature programmée pour lutter contre les désordres climatiques ; les architectes s'en emparent et donnent au végétal une place centrale : voyez le projet de végétalisation de la place de la Nation à Paris (7)20200427_175931.jpg, la tour Occitane à Toulouse (8)20200501_124445.jpg ou la forêt verticale de l'immeuble de Stefano Boeri à Milan 20200501_125039.jpg(9).
    Les artistes sont ils concernés ? La plupart ont intégré l'hypothèse Gaïa selon laquelle les plantes se produisent elles mêmes et produisent la vie. L'arbre est devenu symbole de la vitalité du monde. Ainsi la biologie et l'art s'unissent pour faire naître des oeuvres hybrides qui donnent à réfléchir.
    Les artistes se sentent-ils concernés? La plupart ont intégré l'hypothèse Gaïa selon laquelle les plantes se produisent elles-mêmes et produisent la vie. L'arbre est devenu symbole de la vitalité du monde. Biologie et art s'unissent pour faire naitre des oeuvres hybrides qui interogent.
    0bab5871-9f79-d430-970d2452283e6296.jpgFabrice Hyber (né en 61) a fait sien le concept d'intelligence des plantes et de leur développement cellulaire. Ses oeuvres sont proliférantes comme des rhisomes qui établissent des liens et des échanges menant à d'autres articulations. Les racines de Pétrole sont emprisonnées dans des pots qui leur permettent de flotter tout en étant coupées du liquide qui les porte. Ce pétrole lourd, sombre, dangereux est donc aussi bénéfique. Voilà l'image même du combat que doit mener la nature, entre mutations, proliférations et hybridations, pour se défendre (10).
    20200501_165655.jpgToute aPh. Ramette. Prom.irration..jpgutre est l'oeuvre de Christian Boltanski (né en 44 ), Animitas (11), du nom de monuments que l'on trouve le long des routes chiliennes en souvenir des accidentés. De fines tiges supportent des clochettes qui sonnent au vent et convoquent avec poésie l'âme des morts. La mémoire et l'obsession à conjurer l'oubli, thèmes essentiels de l'artiste, trouvent leur expression dans ce champ de fleurs légères comme les aigrettes de pissenlit : "je sème à tout vent..".
    C'est peut-être parce que notre société a perdu ses repères que Philippe Ramette (né en 61) s'est mis en scène en photo dans cette Promenade irrationnelle, situation improbable où il défie les lois de l'équilibre et nous plonge, avec le plus grand sérieux, dans les troubles de la perception. Son côté pince-sans-rire égale l'humour d'un Buster Keaton tout en évoquant notre inanité face à la puissance de la nature (12).
    Ils ont un regard de botanistes qui surprend à l'heure de l'IA les peintres Philippe Cognée (né en 57) et Patrick Neu(né en 63 ). Cognée a pourtant derrière lui un travail sur le 20200501_190708.jpgbati, les carcasses animales, les portraits et les foules. Alors pourquoi ces gros plans en grand format d' Amaryllis en plein drame de la fanaison, toujours peints à la cire ? Parce que les hommes et leurs oeuvres se dégradent avec le temps. Et pourquoi les coeurs d'iris à l'aquarelle de Patrick Neu? (13) Parce qu'au plus profond d'elles-mêmes et de leur beauté sensuelle, insolente et fragile, ces fleurs renvoient à la métaphore de l' humain .
    20200428_154251.jpgEva Jospin (née en 75) n'oeuvre pas au pinceau. Elle taille dans le carton et vise la forêt. Une forêt où l'on se perdrait aisément tant elle est dense, ensorcelante, dans laquelle s'entrecoit la putréfaction des plantes, leur décomposition. Elle fait un peu peur, de cette peur que nous avions, enfants, en lisant des contes. Les épaisseurs planes et ternes du médium carton, né du bois, mènent le regard dans des profondeurs mystérieuses, étouffantes que l'homme ne pourra peut-être pas dominer (14).
    Rapprocher Nils Udo et Henrique Oliveira est sans doute téméraire. Tout est différent dans leur travail. Pourtant l'un est l'autre créent une ode à la nature en la transformant.20200501_173440.jpg Tous deux lui empruntent ses matériaux pour les arranger de façon inédite. Nils Udo ( né en 37) recréé une nature dans le nature et la photographie pour palier à sa fugacité. Ces installations précaires d'une extrême délicatesse révèlent la poésie et la dimension presque divine de cet environnement. Les oeufs de marbre blanc de La couvée mettent en évidence son pouvoir réconfortant et nourricier. On aurait tort de l'oublier(15)
    Henrique de Oliveira est brésilien (né en 73).Sa gigantesque sculpture installée au Palais de Tokyo en 2013 a frappé tous les esprits. La forme organique de ce Baitogogo couvert d'écailles de bois, semblable à l'enroulement de quelque serpent, évoque à la fois le gigantisme du Brésil, l'exubérance de sa nature, de sa surpopulation et tout ce que l'imagination prête à une certaine faune (16)20200501_125559.jpg.
    Que peu20200501_192204.jpgt bien dire le bouquet de tulipes de Jeff Koons (né en 55) qui s'est imposé dans un jardin parisien ? La réponse viendra peut-être des générations futures. En attendant on se plait à guetter les nouvelles investigations du plasticien argentin Tomàs Saraceno (né en 73) qui nous a surpris et enchantés au Palais de Tokyo par ses recherches sur la vie et les oeuvres des araignées. Le déploiement de leurs fils de soie est une invite à diversifier notre dialogue avec la planète qui compte tant d'autres formes de vie - exemplaires - que la nôtre. La nature n'est pas seulement vegétale..(17).
     
     
     
     
     
     
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  • Pierre Buraglio "Memento 91" par Régine

    P. Buraglio Sérigraphie.JPG

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    Les jours passent et le confinement continue... Que faire pendant ces longues heures où le soleil vous invite à la balade... un besoin impérieux de secouer mes méninges et de ne pas laisser mon esprit vagabonder à vide me pousse à trouver un objet d'étude, pourquoi pas (comme l'a fait Sylvie avec une oeuvre de Tinguely) l'examen minutieux d'une des oeuvres accrochées sur les murs de mon living. Après quelques hésitations je jette mon dévolu sur une oeuvre de Pierre Buraglio achetée sur un coup de foudre il y a plus de 20 ans. Il s'agit d'une sérigraphie tirée sur Rhodoïd intitulée "Memento 91" (cf : www.pierreburaglio.com). Savoir pourquoi cette oeuvre me plait au point de ne pas arriver à la décrocher du mur pour la remplacer par une autre et pourquoi elle continue de provoquer en moi de l'émotion, voilà l'exercice de réflexion auquel je me suis attelée et que je vous livre tel quel.

    Pierre Buraglio est un artiste qui utilise rarement pinceaux et couleurs, mais le plus souvent glane des éléments issus de la vie de tous les jours, auxquels il trouve des qualités plastiques, et qu'il assemble avec soin. Pour cette oeuvre intitulée "Memento 91" il a détachée 9 pages de son agenda 1989 sur lesquelles il avait à l'époque biffé au stabilo noir les obligations et les rendez-vous au fur et à mesure de leur accomplissement. Il les a agencées horizontalement et verticalement par trois de façon à ce que leurs jointures forment des colonnes qui rythment l'ensemble. Le regard vagabonde mais s'arrête sur la petite phrase inscrite au centre en lettres bleues "NOW"'S THE TIME" référence à un air fameux de Charly Parker. Mots qui résonnent particulièrement en cette période de confinement où on aspire à s'entendre dire "Now's is time to leave the house...". Mais cette phrase peut aussi signifier : maintenant est le temps des choses sérieuses.

    Cependant en "caviardant" ces pages au point d'en rendre les inscriptions illisibles, l'artiste en a effacé tout caractère anecdotique. On est au delà du personnel. Il s'agit d'évoquer le déroulement du temps non le passé ou le souvenir mais le passage de la vie. Le temps a laissé ses marques mais n'est pas mesuré. Il est passé et on n'en sait pas plus. Il montre ce que tisse notre vie quotidienne.

    Les diverses orientations des traits de caviardage font palpiter l'ensemble de l'oeuvre et lui insuffle une vibration. Malgré le temps enfui, la vie a été là et beaucoup de choses ont pu avoir lieu.

    Cette évocation est rendue encore plus précise par ce tirage fait sur rhodoïd transparent. En effet les biffures apparaissent en noir sur un fond invisible mais dont on soupçonne la présence. Par cette façon de procéder l'artiste nous fait éprouver simultanément, sur une même surface, deux sensations différentes : l'une le fond transparent, celle d'un contenant aérien sans commencement ni fin, l'autre les rendez-vous noircis, celle d'une évolution, d'un devenir temporel.

    Le titre d'un morceau de Charly Parker "Now"s is time", allusion au jazz dont Pierre Buraglio est un fin connaisseur, les orientations variées des traits de caviardage, les colonnes formées par les jointures des pages, insufflent rythme et pulsation à l'ensemble. Malgré le temps enfui, la vie a été là et beaucoup de choses ont pu avoir lieu. Le bas de l'oeuvre laissé vide de toute inscription sur une certaine hauteur indique-t-il que rien n'est inscrit d'avance et que la vie peut continuer ?

    En regardant cette oeuvre, on pourrait penser qu'il s'agit d'un ready made, et ne voir que des feuilles d'un agenda périmé en un certain ordre assemblé, or curieusement il n'en est rien. Sorties de leur contexte, ces quelques pages ont perdu leur usage et tout le travail de l'artiste a consisté à jouer sur cette contradiction. Non, nous ne sommes pas dans l'univers de Duchamp. Affranchies de leur contexte, ces feuilles d'agenda ont été réactivées dans un nouveau registre. Elles restent reconnaissables certes, mais elles sont comme vidées de leur matérialité et la spectatrice que je suis se trouve prise dans un espace bien particulier situé dans un entre deux.

    Cette tension entre la transparence du support et le caviardage en noir des notes inscrites sur l'agenda, entre l'immatérialité du temps et le poids des choses passées, effacées et présentes, fugaces et pesantes, entre l'espace et le temps, me saisissent encore 20 ans après mon achat.

  • Jean Tinguely (par Sylvie).

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    Etre confiné peut avoir du bon.

    En levant la tête du livre en lecture, l'imbroglio du tableau sur le mur en face me saute aux yeux. Je me rends compte de ce que l'habitude anihile toute capacité d'examen. On ne fait plus attention. Puisque confinement il y a, le moment est propice à y remédier, par exemple devant cette oeuvre de Jean Tinguely  (1925-1991), multicolore et dansante. Peu importe qu'elle ne soit qu'une reproduction sur papier.

    20200326_150548 (1).jpg

    Devant le désordre apparent de la composition abstraite je découvre tout à coup les structures et la rationalité de ce qui, au premier regard, n'a pas de logique : des cercles, comme jetés sur la toile, les uns pâles, les autres soutenus, deux grands à gauche, cinq autres de taille variable à droite; de larges traits impératifs de part et d'autre ; de minces traits en escalier vers le haut ou vers le bas, en diagonale ; d'autres en échelle verticale plus ou moins centrés... autant d'esquisses de montées et de descentes. Voilà, à peu près, pour les lignes, ce qui ressort en clignant des yeux. Allez comprendre quelque chose !

    La couleur crépite dans une gamme de primaires : le chaud et le froid se côtoient, se mélangent. De l' épicentre, un aplat de jaune, rouge et bleu - couleurs dominantes de l'oeuvre -  se déploie en arc de cercles,  comme un bouquet, un feu d'artifice ou un spectacle de jongleur, précédés et suivis d'un trait bleu directif. Tiens, voilà encore de gros traits, barbouillés de brun au centre, qui s'entrecroisent comme des baguettes de Mikado, accentuant par leur orientation, le mouvement tournant général.      

    Rien ici n'est statique. Ce n'est pas surprenant de la part de Tinguely dont on se rappellera l'appartenance aux mouvements des années 60, l'art cinétique et les Nouveaux Réalistes.

    Une ligne de contour clôt l'image tout en ménageant des portes ouvertes : tantôt, elle suit le bord de la toile, bloquant le regard en haut puis s'échappe en zigzag à droite. et se prolonge jusqu'en bas en un trait rouge vertical, une vraie barrière ! Signe qu'elle participe également de son mouvement interne, elle s'évanouit alors en une écriture-signature de moins en moins lisible mais explicative : "Meta maxi pénétrable transversable, Alu Fer, bois, totalement...1987 van Roll Jean Tinguely " Ce n'est pas , à proprement parlé, un titre mais sans doute une sorte de mémo pour une sculpture passée ou à venir dont l'artiste a le secret et qui mêle toutes sortes de matériaux du quotidien animés par une machinerie complexe. Tinguely est le premier artiste a avoir introduit le mouvement dans la sculpture, une manière de s'approprier le réel.

    Au delà de l'explosion de couleurs et de lignes, c'est toute une histoire de liberté, de dynamique, de jeu et de poésie, qui émane de ce tableau, des thématiques qu'il est toujours bon d'avoir en tête, et aujourd'hui plus qu'hier. 

    Passé le confinement, allez au chevet de Beaubourg, voir la malicieuse agitation de la fontaine, oeuvre du couple Jean Tinguely- Niki de Saint Phalle. D'ici là laissez vous porter, comme moi, chez vous, par  le tohubohu d'une oeuvre, celle là ou une autre..

     
     
     
     
  • Unica Zürn (par Régine)

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    Le MAHHSA (Musée d'Art et d'Histoire de l'Hôpital Sainte Anne) ne paie pas de mine. Situé dans l'enceinte de l'hôpital, non loin de l'entrée, on y accède en descendant un escalier, légère sensation de se rendre dans un lieu de relégation. Cette première impression se dissipe rapidement en entrant dans les salles d'expositions, voûtées, vastes, bien éclairées et dans lesquelles la très belle exposition d'Unica Zürn se déploie.

    D'Unica Zürn je savais peu de choses sauf qu'elle était allemande et avait été la compagne d'Hans Bellmer. Je ne connaissais pas ou très peu sa fascinante oeuvre graphique, ses écrits et la multitude d'anagrammes qu'elle avait composées. Cette exposition fut donc une révélation et un choc.

    J'appris donc qu'elle était née à Berlin en 1916 et s'était donnée la mort à Paris en 1970. Femme à la vie tourmentée et à la fin tragique, elle rencontre Bellmer en 1953, quitte mari et enfants pour le suivre à Paris. Elle y rencontre les artistes surréalistes : Jean Arp, Max Ernst, Man Ray, Marcel Duchamp... et les écrivains : André Breton, Mandiargues et surtout Henri Michaux. Elle découvre le surréalisme, l'écriture et le dessin automatique. Mais si son oeuvre est influencée par cet environnement et par le travail de son compagnon elle est éminemment personnelle. Très fragile elle fréquenta à plusieurs reprises hôpitaux et cliniques psychiatriques, notamment l'hôpital Ste Anne (où elle séjourna du 26/09/61 au 23/03/63). Poignante, pathétique, tragique, son oeuvre graphique traduit une douleur psychique aussi bouleversante, bien que très différente dans son expression, que celle d'Artaud.

    Rêve et réalité se confondent dans l'esprit d'Unica Zürn et cette confusion lui permet, en laissant libre cours à son imaginaire, de dessiner, non le monde extérieur, mais son univers mental. Les dessins ici exposés recouvrent une période qui va de 1955 à 1966, soit environ une dizaine d'années et permettent de repérer les caractéristiques qu'on retrouve dans toutes son oeuvre et qui la rendent si fascinante.

    Regardons par exemple ce dessin de 1955 (photo 1)IMG_20200304_0002.tif.jpg. Comme nombre d'autres il est dessiné à l'encre de Chine noire avec une minutie et un foisonnement de détails qui obligent à le regarder de près. Le visage et le corps de ce personnage mi animal mi humain sont partagés en leur milieu par une suture au petit point serré. Ses yeux sont fixes et inquiétants, son abdomen est celui d'un gros insecte mais des manches bouffantes cachent ses bras, de l'une sort une main couverte d'écailles avec de longs doigts très effilés et chevelus aux extrémités. Tout un réseau de filaments, tel celui d'une toile d'araignée dans laquelle seraient retenus prisonniers de tout petits insectes, enserre ce personnage. Un jus de gouache blanche exalte cet être si insolite. IMG_20200304_0003.tif.jpgDans un autre dessin de la même année, plusieurs insectes flottent dans la page (photo 2). Ils sont aussi dessinés à l'encre de Chine avec la même minutie et délicatesse de trait. Leurs pattes se prolongent en longs filaments et un jus brun, blanc par endroits, colore l'ensemble.

    Cette minutie, cette attention aux textures, ces êtres hétéroclites, ces réseaux de filaments qui emprisonnent, se retrouvent dans bien d'autres oeuvres, notamment dans celle de 1957 ici représentée (photo 3la raie.jpg). C'est un poisson, oh combien inquiétant qui occupe tout l'espace. Cette oeuvre exécutée sur fond noir à la gouache et au pastel est d'une délicatesse infinie de trait et de couleur. L'animal, sans doute une raie, malgré son désir fou d'avancer, en est empêchée par tous les filaments qui l'enserrent et qu'il traîne derrière lui ainsi que par le monstre au doigt crochu qui le guette. IMG_20200304_0004.tif.jpgDernier exemple avec ce dessin de 1960 exécuté à l'encre rehaussée d'aquarelle et de gouache (photo 4). La tête d'un monstre émerge de la feuille et l'occupe toute entière. De son nez ou de sa bouche s'échappent de fins serpents mais ses yeux rougis implorent l'indicible.

    Les yeux sont partout dans l'oeuvre d'Unica Zürn. Il se cachent dans les moindres replis de ses animaux fantastiques. Dans les dessins à tendance orientale de 1967 qui forment le recueil d'eaux fortes de l'ouvrage intitulé "Oracles et spectacles" des grappes de visages aux grands yeux évoluent et se déforment avec souplesse sous notre regard IMG_20200304_0007.tif.jpg(photo 5). Yeux multiples, formes ondoyantes et indéterminées, visages monstrueux, le réel est devenu inconsistant et en perpétuel mutation. Voyez encore ce dessins de 1965 (photo 6)IMG_20200304_0008.tif.jpg, légèrement coloré à l'aquarelle, le personnage a deux visages, sorte de Janus mélancolique. Sa chevelure magnifique et flamboyante rappelle les coiffures sophistiqués des danseuses qui ornent les temples d'Anghor, mais dans celle-ci ondulent plumes et serpents. Le personnage est pourvu de plusieurs yeux, nez et bouches. De son coup surgissent des serpents munis d'une multitudes d'yeux ou de vulves, on ne sait pas trop.

    Ces caractéristiques se retrouvent aussi dans des oeuvres plus apaisées mais fantomatiques, telles ces deux petits huiles de 1956 qui entraînent dans des lieux enchantés d'une grande fragilitéIMG_20200304_0006.tif.jpgIMG_20200304_0005.tif.jpg (photos 7 et 8). Le dessin de l'une est exécuté d'un impalpable trait blanc sur fond noir, sorte d'exquis palais de cristal qu'un rien pourrait faire disparaître. L'autre, tout aussi délicat, dessiné finement à l'encre rouge, se dresse dans un halo de couleur jaune et bleu. De la première s'envole un papillon laissant derrière lui une vibrante traînée lumineuse, et sur le flanc de l'autre pousse une rose noire. Wols et Klee ne sont pas loin.

    De plus Unica Zürn n'a pas seulement dessiné, elle a aussi écrit plusieurs livres dont "L'homme jasmin", "Sombre printemps", "Vacances à Maison blanche" et composé des multitudes d'anagrammes qu'elle incluait parfois dans ses dessins. Quand on sait qu'une anagramme consiste à inverser ou à permuter les lettres d'un mot ou d'un groupe de mots pour en extraire un sens ou un mot nouveau on saisit le lien qui réunit ces deux formes d'expression. Les phrases comme les êtres peuvent changer de formes, prendre d'autres significations.

    Pour Unica Zürn, comme pour Gérard de Nerval ou Antonin Artaud, il n'y a pas de différence entre le réel, le rêve ou le délire. Ils créent pour sonder leur propre univers et aussi étrange que cela puisse paraître ils nous touchent profondément, on sent bien qu'ils nous parlent aussi de nous-même.

    Unica Zürn - MAHHSA - Hôpital Ste Anne, 1 rue Cabanis, 75014-Paris. Ouvert du mercredi au dimanche inclus de 14 h à 19 h. Exposition jusqu'au 31 mai 2020.

     

     

     

  • Blanc sur blanc (par Sylvie).

    Un clic sur les images...pour les voir en grand.

    Merci à l'actualité artistique qui nous permet de réviser nos connaissances sur un artiste, un mouvement, une époque. Pour quelques petites semaines encore, la galerie Gagosian propose un panorama d'oeuvres contemporaines sur le thème du blanc qui montre à quel point celle qui fut considérée comme une non-couleur a prouvé sa force d'expression quel que soit le médium utilisé. Si en 1910, Malevitch a révolutionné le monde de l'art avec son "Carré blanc sur fond blanc", peu d'artistes se sont autant consacré au blanc que l'américain Robert Ryman mais nombreux sont ceux qui l'ont exploré, ont questionné la puissance d'expression de ce mystère ouvert à toutes sortes d'interprétations. Entre image parfaite, absolue ou vide, le blanc est à coup sûr un embrayeur d'imaginaire. La preuve par quelques oeuvres ici présentes.

    20200214_151342(1)(1).jpgDès l'entrée, le tableau de Giuseppe Penone saisit par sa brutalité première. "Pelle del monte", (2012, marbre de Carrare). Sous la blancheur froide et lisse du marbre griffé comme une peau, apparait la planche d'agglo brut, telle la chair blessée de l'arbre dont il est issu. En travaillant avec des éléments naturels, Penone, italien né en 1947, associé à l'Arte povera, mène une réflexion sur la relation entre nature et culture, entre corps et oeuvre, entre voir et toucher et nous met sous les yeux une étrange, un peu inquiétante beauté, sensuelle et poétique (photo 1).

    20200214_151459(1).jpgEn pénétrant plus avant, on est ébloui par l'oeuvre de Sheila Hicks. "Le fleuve blanc" (2018, en lin), s'inscrit dans la cage blanche de l'escalier de la galerie. Quelle majesté ! Cette colonne aux impressionnantes dimensions, s'intègre magistralement à l'architecture des lieux. Le tombé en volutes naturelles des fils de lin, à la fois souples et pesants, s'apparente, dans sa blancheur légèrement cassée, aussi bien à une liane qu'à une sculpture minérale. Sheila Hicks, américaine née en 1934, se destinait à la peinture quand elle a découvert les textiles du Pérou précolombien. Si toute son oeuvre est imprégnée du multicolorisme de cette civilisation, elle est aussi profondément ancrée dans la richesse des textures elle-mêmes. La couleur naturelle de ces écheveaux capte la lumière et met l'accent sur le relief et la volumétrie (2).

    Après la quiétude de la demi-teinte, la violence du blanc cisaillé de Lucio Fontana, artiste italo-20200214_151119(1).jpgargentin né en 1899, secoue un peu.: "Concetto spaziale, Attese", (1966, peinture à l'eau sur tissus). En rupture avec la gestualité informelle, Fontana a choisi, dès 1957, le geste net, purifié, central, qui va à l'essentiel et implique une concentration maximale. Monochrome fendu à connotation érotique, ce concept spatiale "Attente" peut également se lire comme image de l'infini. Le blanc n'y est pas pour rien. Il fait d'autant mieux percevoir "la paradoxale présence de l'absence", selon la formule du critique d'art Guido Ballo (3).

    Reconnaissons au travail de Cy Twombly, peintre américain - 1928/2011 - sa poésie, même s'il 20200214_151055(1).jpgest parfois difficilement compréhensible, auréolé d'une sorte d'ésotérisme culturel. A la fois peintre, sculpteur, photographe, il a toujours attaché une grande importance au blanc, que ce soit le papier ou la toile. Et ses sculptures, dont celle-ci, "Untitled (1977, résine synthétique peinte), l'attestent. Pénétré de culture antique - il a longtemps séjourné en Italie et est mort à Rome - ses assemblages d'objets modestes sont peints en blanc en référence au marbre antique: une façon, peut-être, de donner de la noblesse à notre monde moderne (4).

    "Tabula lilas" (1982, acrylique sur toile, 240x270cm), est une oeuvre du peintre 20200214_150857(1).jpgd'origine hongroise Simon Hantaï, l'homme des pliages de la toile froissée, nouée, plongée dans des bains de couleur puis séchée et retendue sur chassis. Seules les zones pliées, restées en surface, sont peintes. Sa formule:" le pliage comme méthode" est restée emblématique. Ces exercices chromatiques participent d'un éloge de la peinture pour elle-même. Le peint et le non-peint cohabitent en une équivalence voulue mais fonctionnent selon l'environnement. Il y a du vampire dans la neutralité du blanc.  "Tabula lilas", sous la lumière, à la lisière de la peinture blanche et du support de lin blanc, laisse apparaitre une couleur de tonalité lilas. La couleur serait elle une illusion ? (5).

    20200214_150824(1).jpgC'est le plus grand des tableaux exposés. Il est là comme un coup de poing déstabilisant et néanmoins jubilatoire, avec ses larges traces blanches de brosse qui, effaçant ce qu'on devine être l'image d'une vitrine de magasin et son aura commerciale, semble vouloir le moquer et s'en débarasser.  "Avenue Montaigne # = 1" (2000, jet d'encre sur toile), est une peinture de Bertrand Lavier, artiste français né en 1949, qui joue avec les catégories, les codes, les genres, sollicitant l'oeil et l'esprit. Le geste provocateur cache, le titre ironise, le blanc se révèle oeuvre :  façon décalée de voir la réalité et de poser la question: qu'est-ce que la peinture ? (6)

    Blanc sur blanc, galerie Gagosian, 4 rue de Ponthieu 75008 Paris, jusqu'au 7 mars.

     

  • Barbara HEPWORTH (par Régine)

    Avez-vous vu l'exposition de Barbara Hepworth au Musée Rodin ? Si tel n'est pas le cas il n'est pas encore trop tard, l'exposition, étonnamment longue puisqu'elle est  en place depuis novembre, dure encore jusqu'au 22 mars et elle vaut vraiment la peine. En effet, le travail de cette grande dame de la sculpture anglaise du XXème siècle, contemporaine et amie d'Henri Moore, très connue dans son pays mais trop peu chez nous, fait depuis novembre, l'objet d'une belle exposition au Musée Rodin. L'endroit choisi n'est pas anodin. Comme le maître des lieux qui bouscula la sculpture de son époque, Barbara Hepworth fit partie de ceux qui, entre les deux guerres, ont transformé les codes de la sculpture et l'ont révolutionnée en inventant de nouvelle formes.

    L'exposition s'ouvre sur le récit de la réception, dans les années 1930, de cette artiste à Paris où elle rencontra Brancusi, Naum Gabo, Arp (dont elle sera toute sa vie très proche), Mondrian, Delaunay, Calder... autant d'artistes qui influenceront sont art. On peut y voir nombre de lettres, de Mondrian notamment, des catalogues, des photographies. IMG_7510.JPGY figure également la maquette en cuivre, cordes et base en béton "Winged figure" (figure ailée) (photo 1) dont les formes en tension et les matériaux utilisés rappellent les sculptures de Pevsner et de Gabo.

    On entre ensuite dans son atelier, reconstitution fidèle de son lieu de travail à Saint Ives en Cornouailles où elle s'installa en 1939 avec son mari, le peintre Ben Nicholson. Ses instruments de travail : maillets, ciseaux et burins, sont mis en évidence ; l'artiste n'aimait pas le modelage adopté par Rodin, mais elle pratiquera toute sa vie la taille directe éprouvant la nécessité absolue d'un corps à corps avec la matière. Le bronze apparaîtra plus tardivement dans son oeuvre lui permettant par ses qualités propres de concevoir d'autres types de formes, incurvées ou dynamiques, parfois colossales, impossible à réaliser en pierre. Dans ce même espace une belle vidéo montre nombre d'oeuvres in situ dans la nature.IMG_7517.JPG "Toute ma sculpture, dit-elle, sort du paysage : la sensation de la terre quand on marche dessus, la résistance, l'usure, les affleurements, les structures de croissance... aucune sculpture ne vit vraiment tant qu'elle ne retourne pas au paysage". Quelques beaux dessins et peintures ornent les murs. La fascinante huile sur bois de 1966 intitulée "Genesis III" (photo 2) illustre l'aspect cosmique de son oeuvre. Deux astres, l'un rouge, l'autre gris, peut-être le soleil et la lune, tournoient dans le cosmos, entraînant la galaxie qui les entoure dans un incessant mouvement.

    On pénètre enfin dans la salle où sous une belle lumière zénithale, sont exposées ses sculptures et c'est magnifique. Si ce dispositif peut déranger par la promiscuité des pièces présentées, il permet d'embrasser d'un seul coup d'oeil l'ensemble de l'oeuvre et d'en saisir la cohérence. La perfection des formes ovoïdes évoque le polissage des galets par la mer et la majesté des pierres dressées, les menhirs du passé lointain de son pays.

    Le jeu entre le vide et le plein et la diversité des matériaux utilisés démontrent eux aussi le lien que l'ensemble de l'oeuvre entretient avec les phénomènes naturels et la recherche incessante de l'artiste pour trouver le moyen le plus harmonieux possible d'habiter le monde. Plusieurs sculptures par exemple regroupent sur un même support deux, trois ou même plusieurs éléments indépendants les uns des autres. Ainsi ces deux ensembles, datés de 1935 et intitulés "3 formes" l'un est en albâtre gris IMG_7522.JPG(photo 3), l'autre en marbra blanc (photo 4)IMG_7520.JPG. Leurs formes si rondes et si polies, qu'il est difficile de résister à la tentation de les toucher, l'harmonie des couleurs des matériaux - le blanc immaculé du marbre, le gris brun de l'albâtre - la disposition des pierres sur leur base, tout concourt à créer la sérénité qui se dégage de ces oeuvres et un rapport de complicité entre les différentes formes qui les composent. J'espère, disait-elle, découvrir dans les formes sculpturales une essence absolue qui traduise la qualité des relations humaines. Plus tard, en 1952, elle prolongera cette idée en créant en marbre blanc un groupe composé de 12 formes distinctes occupant chacune une place précise les unes par rapport aux autres IMG_7534.JPG(Groupe I, Rassemblement) (Photo 5) C'est une foule qu'on serait tenté de rapprocher des "Forêts" de Giacometti réalisées, elle aussi, dans les années 1950. Très différentes par la forme et l'esprit, ces ensembles inaugurent un nouveau rapport à la sculpture. Le spectateur n'est plus le seul à dialoguer avec un unique objet mais, des échanges s'effectuant aussi entre le divers éléments qui composent la sculpture, son rapport à l'oeuvre s'en trouve modifié.

    IMG_7524.JPGLa forme ovoïde de "oval sculpture" datée de 1943, n'est pas sans rappeler celle de la muse endormie de Brancusi (photo 6). En jouant sur le vide et le plein cette sculpture offre une variété infinie de courbes dont le but est de faire jouer la lumière. Oeuvre biomorphique, proche de celles de Arp dont l'artiste s'est toujours sentie très proche. S'agirait-il ici d'un coquillage usé par le ressac de la mer ? 

    IMG_7528.JPGLes percées qu'elle taille souvent dans la pierre ou creuse dans le bronze invitent à regarder autrement le monde et ses formes dressées si intemporelles qui s'élancent vers le ciel (photo 7), qu'elles soient en pierre, en bois, en bronze, subliment le lien que Barbara Hepworth entretient avec sa région et les sculptures archaïques qui, comme à Stonehenge, pars-ment l'Angleterre.

    IMG_7513.JPGMais son grand sujet est la nature et la mer si proche d'elle à Saint Yves "Pelagos" (photo 8), qui signifie mer en grec ancien, a été exécuté en 1946 après un voyage en Grèce. Ici la lumière fait la forme. Le jeu entre le contour convexe en bois très chaud et l'intérieur concave peint en blanc, le plein et le creux évoquent le roulement de la mer. Les fils tendus donnent une dimension sonore à l'oeuvre. Elles deviennent disait-elles "la tension que je ressentais entre moi et la mer, le vent ou les collines.  IMG_7530.JPGLes volutes sinueuses de "Sea forme" de 1958 (photo 9) évoquent également une vague qui se déroule sur elle-même dans un mouvement presque sensuel tandis que la surface inégale de sa surface et la patine des couleurs le frémissement de l'eau. IMG_7541.JPGLes deux ailes incurvées de "Trevalgan" (photo 10), oeuvre monumentale de 1956 se déploient comme celles d'une raie manta.

    On n'en finirait pas de passer en revue la plupart des sculptures ici présentées, mais il faut déambuler lentement entre elles et laisser venir les associations qu'elles évoquent. Ces sculptures tout en tension et en élan, dégagent une grande sérénité et témoignent du lien puissant entre esthétique et matière.

    Barbara Hepworth - Musée Rodin, 77, rue de Varenne, 75007-Paris. Jusqu'au 22 mars 2020.

  • Philippe Cognée (par Sylvie)

    Si la végétalisation des villes est un sujet eminemment contemporain, la représentation de fleurs ne figure pas parmi les préoccupations les plus répandues parmi les artistes du moment, fussent ils abstraits ou figuratifs. On peut s'étonner lorsque l'un d'eux, après avoir représenté  des bâtiments, des routes, des meubles de cuisine, des carcasses animales, des foules anonymes ou des portraits de concitoyens, autant de sujets témoignant de notre art de vivre dans la modernité, s'en vienne à peindre des fleurs. C'est pourtant le cas de Philippe Cognée, un artiste nantais né en 1957.                 Selon une technique très éléborée, il a prouvé ses capacités à rendre mystérieusement présent l'impalpable de la vie, un flou vibrant de puissance suggestive. Partant de photos, il peint à la cire, la revêt d'un film plastique, la repasse au fer pour l'écraser, l'aplatir et en arracher quelques morceaux avec le film plastique: ce floutage du medium est devenu sa marque de fabrique.

    En 2019 il s'est penché sur les fleurs, pas les bouquets, mais des fleurs solitaires, en gros plan et grands formats qui subliment leur opulence magnétique et leur dégradation. Quelques exemples:

    "L'Amarillys rouge" 20200117_145356-1.jpgétale sa magnificence comme une vieille tragédienne sur le retour. Elle ouvre son coeur avec volupté. De ce trou noir comme une gorge émergent les larges pétales rouge sombre striées de blanc. On croit voir une langue tirée, une bouche qui vomit. Voilà de la chair humaine dirait on! La cire, lisse et brillante sous le fer à repasser, offre aux yeux la densité et le velouté d'une peau et là où elle a été arrachée, les imperfections inhérentes au vivant.

    "L'Amarrilys blanc"20200117_150030.jpg est presque animal. Un animal qui s'écroule, foudroyé. Il a perdu sa fierté, son unité. Les corolles s'éparpillent, se ratatinent ; la blancheur éblouissante vire au jaunâtre et au gris en plissés multiples comme un visage qui prend de l'âge. Les pistils tentaculaires pendent mollement. Seul reste dressé, un stigmate central rouge, comme un attribut sexuel. Attesterait'il d'un renouvellement futur ? On est loin de la tradition décorative des peintres flamands ou d'une planche de Redouté.On serait plus près des fleurs vénéneuses de l'anglais Beardesley au XIX ème siècle. Un effondrement visuel comme témoignage de la brièveté de la vie. Tout est vanité !

    "Le Tournesol"IMG_7556.JPG ne tourne pas son visage lunaire vers l'est. Il courbe sa longue tige duveteuse sous le poids de graines assemblées en son coeur et de ses pétales asséchées. Il est encore royal par les couleurs et l'exubérance de ses jupes, mais celles ci ont le tremblé de qui chancelle. Il n'y a pas d'immobilisme définitif chez Cognée, seulement de la mélancolie.

    "La Pivoine"IMG_7550.JPG. Les pétales d'une jeune pivoine forment une boule étoffée, homogène, presque douillette dans sa légèreté. Celle peinte par Cognée est une pauvre hère qui s'étiole. Ses pétales s'affaissent, se frippent - on voit ses rides - et ses couleurs changent. Telle un breuvage qui "tourne" elle se métamorphose. Certaines fleurs fanées restent en gloire, comme celle-ci., malgré tout. La touche onctueuse de la surface n'y est pas pour rien. C'est une autre forme de somptuosité. Mais qu'est-ce que la beauté ?

    Cognée a beau changer de sujet, il veut dire toujours la même chose, que le regard et la peinture évoluent avec la modernité; que le temps passe, que tout vieillit et se dégrade, nous aussi, mais que la beauté est partout, même dans sa décadence. Une oeuvre éminemment matièriste ET philosophique.

    Philippe Cognée "Carne dei fiori", galerie Templon, 28 rue du Grenier Saint Lazare? 75003, Paris. Jusqu'au 7 mars.

  • Le rêveur de la forêt au Musée Zadkine (par Régine)

    N'hésitez pas à cliquer sur les photos pour les agrandir.

    Niché au fond d'une impasse donnant sur la rue d'Assas, le Musée Zadkine et son charmant jardin offrent un espace de liberté où la nature a repris ses droits au coeur de la ville. C'est là que l'artiste russe, dont l'oeuvre s'inscrit dans le courant du primitivisme du début du XXème siècle, poursuivit sa recherche sur la fusion de l'humain et du végétal. Ne disait-il pas "Je pense que les sculpteurs de ma générations tels que.... Archipenko, Brancusi, Lipschitz et moi-même pouvons être considérés comme les continuateurs de l'antique tradition de ces tailleurs de pierre et de bois, qui partis de la forêt, chantaient librement leurs rêves d'oiseaux fantastiques et de grands futs d'arbres". Son atelier était donc bien le lieu idéal pour organiser cette très attachante exposition intitulée "Le rêveur de la forêt".

    La forêt, monde complexe et matrice du vivant, occupe dans notre imaginaire une place à part faite de peur et d'enchantement. C'est un territoire dangereux où tout est sombre et sauvage, un univers mystérieux où se nichent les mythes. Y poussent en nombre les arbres qui relient le monde d'en haut et le monde d'en bas, où s'effectue peut-être le mélange des règnes.

    Face à la montée des préoccupations écologiques, cette exposition montre que ce thème, depuis le début du XXème siècle et jusqu'à aujourd'hui est une source inépuisable d'inspiration pour les artistes, à commencer par Zadkine lui-même. Organisée en trois chapitre "Lisière, "Genèse", Bois sacré, bois dormant", elle offre au visiteur une déambulation extrêmement stimulante.

    La lisière incarne une frontière symbolique et physique entre le monde sauvage et civilisé. Avec la série "Vendanges" (photo 1)IMG_7427.JPG,IMG_7429.JPG totems ici rassemblés au centre de la pièce, le maître des lieux a fait surgir de puissants corps de femmes de troncs d'arbres, exploitant leurs formes et leurs aspérités. "La femme à la madoline" (photo 2), dont le corps taillé dans un arbre au bois très noir, extrêmement poli et gravé d'une mandoline, acquiert une grâce pleine de féminité. IMG_7424.JPGLe lumineux tableau de Natalia Gontcharova "Forêt d'automne" (photo 3), avec ses couleurs flamboyantes et ses diagonales entrecroisées et jaillissantes, force le regard. IMG_7435.JPGEntre autres oeuvres on retrouve avec plaisir les personnages en marche d"'une "Forêt" de Giacometti (photo 4), une matériologie de Dubuffet intitulée "Chaussée boiseuse" ou un "Nu aux bras levés" de Picasso.

    IMG_7437.JPGPuis avec le chapitre "Genèse" on entre dans la forêt où tout est possible. En amalgamant les règnes les artistes ont laissé ici libre cours à leurIMG_7446.JPG imaginaire. En voici quelques exemples : exploitant les formes d'une racine d'arbre et en les peignant de couleurs vives Karel Appel fait surgir un génie à la fois humains, végétal et animal qu'il intitule "La Chouette"(photo 5), figure à la fois inquiétante et pleine d'humour. Empruntant IMG_7421.JPGà l'univers organique, les belles sculpture en plâtre lisse, d'un blanc immaculé, de Jean Arp (photo 6) évoquent une vie à la fois végétale et humaine tandis que les chimères technologiques qui combinent des formes issues des différents règnes du vivant d'Hicham Berrada envahissent les murs de la salle (photo 7). Victor Brauner, quant à lui, n'a pas hésité à réinventer la "Jungle" du Douanier Rousseau en y introduisant un monstre aux multiples IMG_7439.JPGbras faisant face à la charmeuse de serpent. La branche d'arbre remaniée par Laure Prouvost nommée "Parle Ment Branches" (photo 8) est bien impudique mais elle exhibe sa féminité IMG_7462.JPGavec grâce et élégance. Avec sa sculpture en bronze patinée intitulée "Brotes" (photo 9), Javier Perez fait surgir d'un coeur doré ce qui IMG_7456.JPGIMG_7454.JPGpourrait être aussi bien la ramure d'un cerf que celle d'un olivier. Tout ici fusionne sous le regard miroir de Penone et la garde de deux magnifiques sculptures : l'impressionnante "Chauve souris" de Germaine Richier (photo 10) et l'énigmatique "Oiseau d'or" de Brancusi (photo 11).

    IMG_7483.JPGLe troisième chapitre "Bois sacré, bois dormant" se tient dans l'atelier de travail de l'artiste. Autour de la massive statue colonne de "Daphné" de Zadkine (photo 12) se déploie tout un monde de créatures imaginaires. IMG_7470.JPGAinsi celles de Christophe Berdaguer et Marie Péjus dans la série "Arbres" (photo13) ; étranges silhouettes fantomatiques surgies de l'inconscient car réalisées en résine à partir de dessins effectués par des adultes au cours d'un test psychologique.IMG_7478.JPG Le bestiaire ambigüe de Laurie Karp est à la fois fascinant et repoussant avec "Graines de serpentes" et "Salamandres" (photo 14), elle crée, en faïence émaillée ou en porcelaine, tout un monde de créatures aquatiques et terrestres qui grouille en brouillant les frontières entre le végétal, l'animal et l'humain. IMG_7475.JPGLa "Forêt noire" en bronze patiné d'Eva Jospin (photo 15) ne fait pas naître les mêmes sensations que celles que nous éprouvons devant ses grandes oeuvres en carton mais son impénétrabilité se trouve renforcé par la rigidité du matériau.

    De Rodin à Marx Ernst, bien d'autres oeuvres concourent à évoquer ce "Bois sacré, bois dormant" "aussi touffu que celui des rêves et des peurs ancestrales" comme dit le petit catalogue qui accompagne judicieusement la visite.

    "Le rêveur de la forêt" Musée Zadkine - 100bis, rue d'Assas, 75006. (01 55 47 77 20). Ouvert tous les jours sauf lundi et certains jours fériés, jusqu'au 23 février 2020.

    IMG_7486.JPGPour rester dans le même esprit n'hésitez pas à aller, non loin de là, impasse Récamier à Sèvres-Babylone, admirer l'installation "Black Bambou" de Nils Udo. Plongé dans l'obscurité vous découvrirez au milieu d'un espace, lui seul éclairé, une couvée de gros oeufs noirs cerclée d'une forêt d'immenses bambous. Le nid, la couvée sont les thèmes de prédilection de cet artiste qui nous avait habitué à des oeuvres plus intimes. Celle-ci très spectaculaire, mérite le déplacement.

    "Black Bamboo" de Nils Udo - Fondation EDF - 6, rue Juliette Récamier, 75007-Paris. (01 40 42 35 35). Jusqu'au 2 février.