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décrypt'art - Page 2

  • WOLS (par Régine)

    N'hésitez pas à double cliquer sur les phatos pour les agrandir.

    La rétrospective de Wols à la Galerie Karsten Greeve, qui dure jusqu'au 5 Août, est un évènement qu'il ne faut pas rater. Elle célèbre les 110 ans de l'artiste et présente un grand ensemble d'œuvres : huiles sur toile, aquarelles et dessins sur papier, gravures et photographies. Plusieurs ont été prêtées par le Centre Pompidou qui avait organisé une exposition sur son travail au printemps 2020 mais qui a dû fermer ses portes à cause de la Covid et du confinement. Elle n'a duré qu'une semaine et n'a pas pu être décalée. Un beau catalogue en garde heureusement la trace.

    Né à Berlin en 1913 Wols meurt à Paris à 38 ans. Photographe, peintre, dessinateur, graveur, proche du surréalisme, féru de musique et de philosophie Wols est considéré comme l'un des fondateurs de l'abstraction lyrique et de l'art informel en Europe, mais son œuvre est loin de se réduire à cela.

    Il émigre à Paris en 1932 où il rencontre sa future épouse, Greta Dabija, qui l'introduit dans le climat surréaliste de l'époque. Il rencontre Jean Arp, Giacometti, Calder, Fernand Léger. Apatride et sans papier il est contraint de quitter la France et part à Ibiza. Expulsé d'Espagne en 1935 il revient à France, obtient enfin un permis de séjour et vit surtout de ses photos. Après le déclenchement de la 2ème guerre mondiale, en tant qu'Allemand, il est interné au camp des Milles, puis de 1943 à 1945 il s'installe avec sa femme à Dieulefit dans la Drôme. De retour à Paris en 1945 il obtient un permis de séjour. Le galeriste René Drouin lui organise sa première exposition personnelle, suivie d'une autre en 1947. Il rencontre Jean-Paul Sarte dont il illustre deux ouvrages (présentés dans l'exposition ), Ubac, George Mathieu. Hélas, en 1951, il meurt brutalement d'une intoxication alimentaire.

    En regardant les nombreuses aquarelles et les petits dessins accrochés sur les murs de la galerie et dont les formats n'excèdent jamais plus de 22 x 40 c'est l'extrême liberté, la complexité du graphisme alliées au raffinement des couleurs qui fascinent. Instinctivement on les rapproche de celles de Paul Klee que Wols découvrit très jeune. Mais, comme l'écrit Sarte "Klee c'est un ange et Wols un pauvre diable. L'un crée et recrée les merveilles du monde, l'autre en éprouve la merveilleuse horreur". Rien n'est vraiment identifiable dans son travail, mais difficile de s'arracher à ces images mentales figuratives ou abstraites tant elles semblent inépuisables. Leur petitesse nous oblige à nous en approcher au plus près pour découvrir la richesse des formes intriquées. Certaines sont comme des rêves éveillés : ainsi l'aquarelle Sans titre (vers 1940) (photo 1)IMG_1962_edited.jpg : sur un fond d'un bleuté transparent, deux espaces se superposent. Dans celui du haut des constructions sont imbriquées les unes dans les autres. Une maison au centre est pourvue d'une multitude de fenêtres, de fragiles échafaudages s'élèvent au dessus de ces bâtiments et on aperçoit des remparts au loin. Dans l'espace du bas quelques légers traits horizontaux parcourent le fond aquarellé de brun donnant une impression de mouvement. On devine des ponts, des poteaux, une tour, un tout petit bateau. S'agit-il du cours d'une rivière ou de lignes électrifiées, ou est-ce le reflet du dessin d'en haut ? quelques minuscules traits, tels des notes de musique, réunissent les deux espaces.

    Une vision fantomatique et magnifique d'un bateau voguant toute voiles déployées nous est donné par Voilier breton IMG_1946_edited.jpg(1949) (photo 2) image troublante car elle est à la fois statique, la coque cristalline pourrait être celle d'un objet de décoration, et dynamique, le drapeau en haut du mas flotte, la voilure, aux couleurs transparentes, est gonflée. S'y dissimule un visage que l'on ne perçoit qu'après coup. IMG_1936_edited.jpgLe bateau devient presque cauchemardesque avec la pointe sèche et aquarelle intitulée Bateau (1945) (photo 3). Les voiles, de teintes délicates, sont les prisonnières d'un entre-croisement de lignes, nerveuses, presque arachnéennes. La4 coque du navire très fine supportera-t-elle sa charge figurée par un fourmillement de petit points noirs. La juxtaposition de deux univers et le bateau sont des thèmes récurrents dans son œuvre, façon d'exprimer sans doute son désir d'évasion totalement imaginaire.

    IMG_1933.JPGSon trait s'échappe de la réalité pour devenir une sorte de sténographie de ses états intérieurs. Dans l'encre et aquarelle Sans titre (1942) (photo 4) son univers se transforme en un lacis de lignes inquiétantes ponctuées de nœuds noirs et tourbillonnants. IMG_1961_edited.jpgUne déflagration violente et sanglante explose dans l'aquarelle Cataclysme planétaire (1946-1948) (photo 5) image d'une catastrophe. IMG_1987_edited.jpgEnfin Astre proche (Notre terre) (1944) (photo 6) représente-t-il un astre imaginaire, ou un organe qui se dissout en une multitude de paysages où fusionnent le végétal et l'animal. Cellules et cosmogonies, son dessin apparait comme le point d'intersection entre deux infinis et ses formes sont en constante métamorphose.

    IMG_1935_edited.jpgWols n'aIMG_1940_edited.jpg pas peint beaucoup de tableaux, mais on peut en voir quelques uns exposés ici qui sont saisissants et prémonitoires de l'abstraction lyrique des années 1950-1960. "Ses toiles il les faisait soit par terre, soit sur le lit. Avec ses mains, le plat de sa paume pour les fonds et des petits bouts de chiffon. Il travaillait très vite avec une sorte de frénésie". Ainsi s'exprime sa femme en 1953 dans une lettre au peintre Camille Bryen. Dans les tableaux plutôt tachistes ici présentés, se déploie un espace sans horizon. S'y affrontent des formes réelles et imaginaires, images mentales de son monde intérieur mises à la disposition du spectateur, libre à celui-ci de les interpréter comme il l'entent ainsi en est-il du Grand orgasme (1947) et de Sans titre (Composition) (1946-1947) (photos 7 et 8).

    IMG_1937_edited.jpgIl était aussi un excellent graveur et un remarquable photographe. Cette exposition le rappelle en montrant quelques délicates gravures dont le trait est soit proche de ses aquarelles, soit de l'univers de Fred Deux, tel cet être monstrueux  (photo 9) visage ou organe monstrueux, on ne sait mais les règnes s'y mélangent cruellement.

    IMG_1988_edited.jpgQuelques photos soulignent son talent dans ce domaine. Il publia de nombreuses photo dans des magazines de mode tel que Vogue ou Le jardin des modes et fut engagé pour photographier le Pavillon de l'élégance lors de l'Exposition universelle de 1937. Plusieurs d'entre elles, ici exposées, montrent l'acuité de son regard et la qualité de son cadrage. Il savait saisir à la fois la réalité et l'étrangeté d'une situation mais aussi la solitude des êtres (photo 10)

    Les œuvres de Wols mettent à jour ce qui est au cœur des choses et semblent se développer à partir de ce que Klee appelait le point primordial de la création. Par certains aspects, il est un précurseur aujourd'hui encore insuffisamment reconnu. Cette exposition quasi muséale, permet d'en prendre mieux conscience.

    Wols - Galerie Karsten Greve, 5 rue Debelleyme

     

  • Anna Eva Bergman (par Régine)

    La passionnante rétrospective de l'œuvre d'Anna Eva Bergman, qui se tient actuellement au Musée d'Art Moderne de Paris, répare une injustice. En effet, trop longtemps restée dans l'ombre de son mari, le peintre Hans Hartung, dont le travail est totalement différent du sien, elle bénéficie aujourd'hui de l'attention particulière portée aux femmes artistes, à un regain d'intérêt pour les artistes des années 1950-1970 et peut-être aussi à une nouvelle importance accordée à la peinture scandinave.

    Née en 1909 d'une mère norvégienne et d'un père suédois, elle suit des enseignements artistiques successivement à Oslo, Stockholm, Vienne et Paris. En 1929 elle rencontre Hartung qu'elle épouse aussitôt. La misère et la maladie les sépareront et ils divorceront en 1938, mais 20 ans plus tard ils se retrouveront et se remarieront.

    L'exposition est très intéressante car elle ne néglige aucune phase de son évolution. Dans les années 1930 son œuvre est figurative. Elle peint, de façon assez géométrique, de beaux villages blancs, des montagne ou des scènes de la vie. IMG_1509_edited.jpgC'est aussi une épatante caricaturiste au talent proche de celui d'Otto Dix ou de George Grosz. Nombre de ses dessins parurent alors dans la presse. Quelques exemples sont ici présentés, tel ce portrait à charge du generalissimo Franco (photo 1) et quelques caricatures du nazisme. Son trait satirique et très expressif dénote un humour corrosif.

    872201-anna-eva-bergman-nos-photos-de-l-expo-a-paris-img-8972_edited_edited.jpgPuis son travail évolue vers des œuvres délicates et oniriques dans l'esprit de celle de Klee et de Kandinsky. Deux beaux exemples, datés de 1951, sont ici montrés avec deux temperas sur panneau isorel Rêve bleu (photo 2) et Phare. Le raffinement de la couleur, la finesse et l'élégance du trait, invitent à la rêverie et leurs donnent une dimension cosmique.

    Mais c'est la nature qui la fascine et pour la saisir dans sa puissance elle se dégage de la figuration, fait disparaître toute représentation de la figure humaine et bascule dans un autre registre qui ne se situe pas vraiment entre abstraction et figuration mais ailleurs, peut-être dans la tension entre ces deux formes d'expression. Fascinée par la section d'or et par les possibilités offertes par le métal elle va bâtir une œuvre qui ne ressemble à aucune autre. Voici quelques exemples de cette transformation.

    IMG_1528_edited.jpgLes formes biomorphiques d'une tempera sur papier de 1952 proches de celles que l'on trouve chez Arp, fait partie d'une série intitulée Fragments d'îles norvégiennes (photo 3). Ces formes peuvent être des îles, des rochers polis ou tout autre chose. Elles semblent se déplacer doucement sans se toucher et un rythme se dégage de leur cohabitation. Leurs couleurs sont celles de la neige, des lichens ou des mousses de ces régions. IMG_1533_edited.jpgStèle avec lune de 1953 (photo 4) est un tableau saisissant. Sur un fond beige très clair se dresse avec majesté une grande stèle d'un noir intense. Un rond de métal blanc, collé à même la toile, figure la lune. De cette extrême simplicité se dégage une grande présence mystique.

    Plus l'artiste avance dans cette voie, plus l'emploi de feuilles de métaux divers (or, argent étain, cuivre... dont elle a dû puiser l'idée à Vienne en regardant les œuvres de Klimt) s'impose à elle en lui permettant, grâce aux jeux de la lumière sur leur surface, d'exprimer le changement constant qui anime la nature et la vie. Comme souvent en peinture, les reproductions photographiques ne rendent pas vraiment compte de ces aspects.

    IMG_1541_edited.jpgDans Der Hachschwebende (Celui qu surplombe) (photo 5) de 1955 une forme circulaire dorée flotte majestueusement dans l'espace bleu de la toile évoquant une entité spirituelle supérieure. IMG_1549_edited.jpgPour Moïse ou grand arbre (tempera et feuilles de métal sur toile, 1957) (photo 6) l'artiste n'a gardé de l'arbre que l'ampleur du tronc et la force dynamique des branches pour évoquer la puissance des deux entités du titre, la couleur vert bleuté des glacis qui recouvre le métal fait merveilleusement jouer la lumière. IMG_1551_edited.jpgSur le fond entièrement tapissé de feuilles d'or de Grande vallée (photo 7), ce grand tableau de 1960, elle a dessiné une multitude de traits noirs et bleutés qui figurent sans doute la courbe d'une combe, d'un filet, peut-être de tout autre chose. Cette œuvre, comme nombre d'autres, invite à se déplacer pour faire jouer la lumière et créer des effets visuels inédits.IMG_1554_edited.jpg La simplicité géométrique de Pyramide (huile et feuille de métal sur toile de 1960) (photo 8) qui clôt fort heureusement cette décennie de l'œuvre de Bergman, construite avec le nombre d'or, faite de feuilles d'argent, me semble être un symbole de stabilité et d'éternité.

    IMG_1597_edited.jpgA partir des années 1960 A.E. Bergman va abandonner l'huile pour utiliser de plus en plus fréquemment la peinture vinylique, le métal restant toujours présent. Cette façon de faire donnera des œuvres plus austères, plus géométriques, plus dépouillées encore. Ce diptyque de 1968 par exemple, baptisé Paysage jour et Paysage nuit (photo 9)IMG_1602_edited.jpgles trois parties qui divisent de façon très nette chaque toile évoque non pas un paysage, mais les étapes de la lumière qui scandent la nuit et le jour. Avec Grand horizon bleu de 1969 (photo 10) l'extrême simplicité de la toile divisée en deux parties l'une bleu, l'autre en métal argent, séparées par une fine ligne dorée, nous fait vivre la sensation d'inatteignable ressentie devant un horizon. IMG_1607_edited.jpgLe dépouillement le plus extrême est atteint avec Montagne en une ligne de 1978 où une simple ligne noire, légèrement asymétrique, traverse le haut d'une toile blanche. On n'échappe pas à la magie que dégage ce tableau si minimaliste. "Existe-t-il quelque chose de plus beau qu'une ligne pure et sensible ? La ligne est le squelette indispensable de la peinture" dit-elle.

    L'exposition, très complète, et très bien accrochée (les tableaux sont présentés sans cadre ce qui permet de leur donner toute leur ampleur), montre aussi que cette artiste était une excellente graveuse et une très bonne photographe. Elle se servait, dans sa peinture, de photos prises au cours de ses voyages.

    Anna Eva Bergman entretenait avec la nature un rapport quasi spirituel et elle a magnifiquement réussi à en capter la mobilité. Si sa peinture peut être rapprochée de certains artistes américains de son époque tels que Rothko ou Barnet Newman, son rapport au monde est plutôt proche d'artistes du XIXème tels que Turner ou Friedrich.

    Anna Eva Bergman, Voyage vers l'intérieur - Musée d'Art Moderne de Paris, 11, avenue du Président Wilson, 75116-Paris (01 53 67 40 00) jusqu'au 16 juillet 2023

     

  • Gribouillages ( par Sylvie)

    Le gribouillage s'affiche au  Palais des Beaux-arts à ¨Paris et nous plonge au coeur de cette très ancienne  pratique déjà utilisée par les artistes de la Renaissance et dont on croyait tout savoir. Alors qu'en est il ? L'exposition révèle comment ces gestes graphiques plus ou moins barbouillés mais toujours, à l'origine, complémentaires à l'oeuvre elle-même, a évolué dans le temps. Du croquis de détail au revers d'un tableau ou dans  un coin du support, ils sont devenus plus transgressifs, régressifs ou libératoires selon les artistes, leur temps et leur conception de l'art. 

     Introduction légitime,  voilà  deux exemples italiens  des XVIéme- XVIIéme siècles : un dessin préparatoire à la sanguine de Domenico Cresti (1) pour une grande fresque religieuse. Au dessus du personnage agenouillé du premier plan , est représenté un 20230331_154813 (2).jpg20230331_160918.jpgfragment plus détaillé d'un  dos comme si l'artiste avait besoin de comprendre la construction  profonde du corps pour en montrer la surface.  Sur une feuille d'étude d'Annibal Carrache (2) ( 1560-1609 ) figure l'ébauche, d'un trait enlevé et joyeux, d'un ange en vol tenant un calice, et d'un masque antique minutieusement dessiné. Deux captations différentes du réel : le mouvement bouillonnant pour l'un, la perfection du travail pour l'autre.  

    L'exposition a un autre mérite, celui de montrer ce qu'ont fait les artistes20230331_155756.jpg Dubuffet.jpg contemporains de cette nécessité ; deux 20230331_160045.jpg Alechinsky.jpg d'entre eux  sont particulièrement piquants: ils ont "croqué" in situ, comme les architectes font des "crobards" , des profils rencontrés:  arabes moustachus du désert  à Timimoun (1049)  par Dubuffet, théoricien de l'Art Brut - celui des enfants et des malades mentaux- (3), gardien du Louvre endormi sur sa chaise (1984) par Alechinsky (4) dont la rapidité de trait touche à l'instantané photographique.

    20230331_162031.jpg Mandelbaum.jpg20230331_160803.jpgLe dessin mescalien, à l'encre de Chine sur papier, (1959) d' Henri Michaux (6), véritable grouillement de lignes denses et hypnotisantes reflète bien sa "pensée non dirigée". Oeuvre hallucinogène à partir de son expérience des toxiques, elle inscrit sur le papier le trouble linéaire de son subconscient.                                  Le Rimbaud de Stephane Mandelbaum (5 )1980 a la violence du malaise intérieur de l'artiste. Le portrait du poète a beau être tout à fait académique, il est encerclé par une prolifération de gribouillages violents et obscènes dont la masse semble vouloir envahir l'espace. Le médium stylo à bille, un peu visqueux, contribue à la sensation de prolifération.

    20230331_163515~2.jpgBrassaï a photographié Matisse à côté de son portrait exécuté de mémoire ,les yeux fermés. (1939). Caricatural et par là même d'une grande liberté (7) il montre le pouvoir de l'artiste  à capter l'essentiel  comme, parfois le saisissent les enfants, hors de contraintes académiques . Le rendu très personnel nous fait goûter l'essence même du personnage.

    Parmi les très nombreuses autres oeuvres d'artistes contemporains  exposées je n'en citerai que deux: 

    20230331_160214_2.jpg20230331_160502.jpgla "Maille" de Pierrette Bloch (8) 1980 où c'est le geste répété du tressage qui  prend la forme d'un gribouillage, et "Delian, ode 19" (1961) de l'expressionniste abstrait américain Cy Twombly (9)  dans laquelle l' énergie de la volée de griffures  de couleur  en apesanteur participent de l'émotion . 

    Les occasions sont plus ou moins propices au griboullage, mai 68 en a été une, les murs de la capitale en témoignent, preuve à20230331_161115.jpg l'appui dans cette exposition (10).

    Gribouillages, Scarabocchio, de Vinci à Twombly.,  Palais des Beaux Arts, 13 quai Malaquais, 75006 Parsi, jusqu'au 30 avril , puis à la Villa Médicis à Rome jusqu'au 22 mai.

     

     

     

     

     

     

  • S.H. RAZA au Centre Pompidou par Régine et Sylvie

    La rétrospective de S.H. RAZA actuellement en place au Centre Pompidou est une bonne surprise et une belle découverte. Exposer ce peintre d'origine indienne, actuellement peu connu en France, mais où il vécut près d'une cinquantaine d'années, fut sans doute une gageure, mais le musée ne remplit-il pas ici parfaitement son rôle en faisant découvrir au public des oeuvres qui portent la marque de leur époque ? L'accrochage chronologique nous permet en effet non seulement de suivre l'évolution du travail de cet artiste, mais surtout de revisiter l'histoire de la peinture des années 1950 à 1990 sous le prisme d'une autre culture, celle de l'Inde.

    Né en 1922 au coeur de l'Inde, dans l'état de Madya Pradesh, S.H. Raza fait ses études artistiques à Bombay. Il découvre le cubisme, l'art moderne français et crée en 1947 le Progressive Artist Group qui réunit les artistes indiens d'alors, traumatisés par l'indépendance et la partition  de leur pays. Il se rend en France en 1950 où il restera jusqu'en 2011, partageant sa vie avec son épouse française entre Paris et le petit village de Gobio dans le midi. A la fin de sa vie il rentre en Inde et meurt à New Delhi en 2016.

    Les aquarelles peintes en Inde dans les années 1940 qui ouvrent l'exposition sont pleine de charme et révèlent le grand coloriste et la réalité indienne. Dans Sans titre, rue de IMG_1367_edited.jpgBombay (1941) tout se dissout (photo 1). Les bleus, les mauves et les verts se diluent les uns dans les autres, la rue est transformée en rivière et les personnages se hâtent dans une atmosphère liquéfiée par la pluie tropicale. Dans Bénarès (1944)  les couleurs soulignent les variations de la lumière, ses vibrations et la foule  suggérée par des touches enlevées.

    A son arrivée en France, en 1950, il regarde Picasso, Soutine, Nicolas de Staël, Olivier Debré, IMG_1413_edited.jpgdécouvre les peintres de l'Ecole de Paris. Il connait Bernard Buffet dont l'influence est manifeste dans une série assez convenue. Pendant plus de dix ans, à part quelques représentations humaines, ce sera la nature son sujet essentiel . Deux délicieux exemples de sa découverte du midi de la France nous sont données: Paysage provençal. gouache et encre sur carton (photo 2) et Paysage de Cagnes de 1951. Leur simplification formelle et la délicatesse de leurs couleurs apparentent ces oeuvres à celles de Paul Klee.IMG_1376.JPG Réalisé avec la technique de la peinture IMG_1380_edited.jpgappliquée au couteau chère à nombre d'artistes de l'école de Paris et à Nicolas de Staël, il peint plusieurs toiles dont Un village corse, huile sur toile ,1957, (photo 3) où sous un ciel bleu intense, quelques maisons blanches maculées d'inscription colorées émergent d'une végétation luxuriante. Le souvenir de la forêt indienne qui a marqué son enfance fait ici retour et hantera désormais son travail. Au début des années 1960 sa peinture se simplifie. La croix invisible de 1963 (photo 4) nous donne un exemple de cette évolution vers l'abstraction. C'est un tableau très sombre où plane une angoisse métaphysique symbolisée par une nuée noire qui s'élance vers le ciel surplombant un paysage très simplifié, où s'allument quelques lueurs.

    IMG_1390_edited.jpgDès 1968, soit moins de 20 ans après son arrivée en France, bien que toujours inspirée par la nature, sa peinture devient abstraite. La composition s'organise en nuées de taches, les formats IMG_1392_edited.jpgs'agrandissent. De beaux exemples de cette période, très marquées par leur époque, nous sont montrés ici dont Grey landscape (1968), acrylique sur toile, (photo 5) où, sur un fond très minéral, s'affrontent l'ombre et la lumière, Sikri (photo 6) dont les tons bruns rappellent les vestiges de la ville fantôme de Fatehpur Sikri au Rajasthan.

    Avec des couleurs pures et vibrantes, évoquant les Ragas,IMG_1398.JPG cadres mélodiques utilisés dans la musique classique indienne, suivent plusieurs tableaux ayant pour titre La terre ou Zam in, la terre en indien (photo 6) où la couleur devient incandescente ; embrasée par la lumière qui vient du fond de la toile elle irradie les rouges, les jaunes les oranges, les bruns et les verts sombres. 3389.jpg.jpg

    IMG_1394_edited.jpgL'influence de l'art indien se fait de plus en plus prégnante et l'organisation de la surface picturale par bandes ou carrés rappelle celle des miniatures Rajput et des peintures tantriques. Maa de 1981 (photo 7) est un bel exemple de cette évolution qui réunit le cercle noir, harmonie du monde de l'esprit et les carrés rouges, symboles de la matière et du savoir. On retrouve cette même idée dans Bengladesh (1971) (photo 8) qui, scindé en son milieu, évoque probablement la guerre de libération de cette région : les deux univers traduisant la violence des faits.

    A partir des années 1980, Raza oriente sa pratique vers une abstraction géométrique symbolique et radicale. Laissant de côté le contrastes de valeurs opposées, il opte pour des formes élémentaires issues de la méditation. Le noir, couleur "mère" dans la pensée indienne acquiert ici profondeur et densité et le motif du Bindu devient omniprésent. Mais qu'est-ce que le "Bindu" ? ce terme désigne, en sanskrit, la graine, la germination. Dans l'oeuvre de Raza 20230301_160733.jpgil est la figure de l'origine. Le point, le cercle (mandala) renvoient, dans son oeuvre, à la conception cyclique du temps. L'acrylique sur toile intitulée, comme plusieurs autres,  Bindu (1984) (photo 8)   d'un bleu foudroyant, symbolise la puissance séminale de toute vie et la forme visible qui contient toutes les composants plastiques essentielles :cercles, triangles, carrés, rectangles. Tableaux qui sont autant profondément indiens que d'une modernité propre à l'époque.

    IMG_1404_edited.jpgSi les mandalas tibétains sont les supports visuels basés sur la représentation géométrique de la méditation bouddhique, les oeuvres des dernières années de Sayed Haider Raza,  révèlent l'expansion de la création, du centre vers la périphérie. Une philosophie qui ne nous est pas familière mais dont l'expression picturale nous rappelle Rothko pour sa spiritualité.

    En complément vous pouvez voir aussi "Cercle et territoire sacré, le mandala dans l'oeuvre de S.H. Raza" au musée Guimet, place d'Iéna, paris, jusqu'au 15 mai.

    Sayed Haider Raza, au Centre Pompidou, Paris, jusqu'au 15 mai 2023.

     

     

  • Sudobh Gupta au Bon Marché (par Sylvie).

            Temple de la consommation de luxe, le magasin du Bon Marché a depuis longtemps manifesté son intérêt pour l'art contemporain en accrochant de ci de là sur ses murs - on dit cimaises lorsqu'il s'agit de galeries - des toiles d'artistes. Les dames du 7ème arrondissement et les nombreux étrangers qui se pressent à tous le étages, ne les remarquent pas toujours, semble t'il, ainsi accrochées le long des couloirs. Mais depuis 2016, tous les ans, sont organisées ponctuellement des expositions monographiques d'artistes étrangers. Rappelez vous nos pages sur celles du chinois AÏ Weï Weï et de la portugaise Joana Vasconcelos.; Avec le temps les lieux traditionnels d'exposition  ont changé.

    Aujourd'hui, pour quelques semaines encore, c'est au tour de Sudobh Gupta, né en Inde en 1964, dont l'oeuvre principale, gigantesque (photo1), est installée sous la fameuse verrière au centre du magasin, les autres figurant à l'étage ou dans les vitrines de la rue de Sèvres, là où d'habitude prennent place vêtements et objets des plus grands faiseurs de mode et de décoration. Mais, cette fois, il s'agit de casseroles et autres pièces utilitaires en métal. Culotté diront certains, justifié diront les autres qui s'appuient sur l'origine de l'établissement, une mercerie propre à bouleverser les codes commerciaux d'alors. Boucicaut, en 1852, voyait loin.

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    Qu'est ce que ce grand "Sangam" (confLuence) suspendu au centre du magasin?  Un gobelet cliquetant fait d'un assemblage de casseroles d'aluminium qui déverse en cascade un flot éblouissant de plaques d'inox, comme un liquide qui accroche la lumière. La magnifiscence de l'oeuvre fait oublier la banalité du médium, simples outils de toutes les cuisines du monde mais qui portent en eux l'identité indienne et sa pauvreté.   L'artiste compose ainsi depuis 1995, transformant l'ordinaire en art. " J'habite en Inde et j'aime le travail" dit-il. A constater dans les vitrines: ici un landau itinérant dont le matériel de nettoyage est ligoté par des ficelles (2), là une étoffe de brisures d'assiettes sous l'aiguille d'une machine à coudre 20230109_151838 (1).jpg(3), ou encore une botte d'outils dans un tonneau de fortune...20230109_151915.jpg

    20230109_150440.jpgRetour à l'intérieur: L'installation "The Proust effect" se poursuit au deuxième étage, avec une cabane suspendue (4), dont les composants un peu ternis par le passage du temps évoquent un labeur ordinaire si spécifiquement indien, la chaleur communicative des cuisines et des repas. Bien loin de notre société de consommation et la "malbouffe" industrielle..

    GEDC0027.JPG El Anatsui.JPGroad to exile de B. Toguo.jpgCet attachement aux racines, aux difficultés existentielles nées bien souvent de la colonisation, se retrouve chez quelques autres  artistes de par le monde. Quelle émotion devant  "Road to exile" et ses baluchons dérivant sur un canot du camerounais Barthelemy Toguo ou la tapisserie de capsules de coca cola assemblées du ghanéen El Anatsui, ensemble chatoyant qui pourrait bien incarner les rapports Afrique-Occident...Décidément la sculpture contemporaine est entrée dans le champ du vécu et de la communauté. La potentialité des matières la fait sociale, politique..

    SANGAM de Subodh Gupta, au Bon Marché, 24 rue de Sèvres 75007 Paris, jusqu'au 19 fevrier.

     

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  • Biennale de Venise 2022 (par Régine)

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    Fervents amateurs de Venise et de ses Biennales, mon mari et moi attendions avec impatience le plaisir d'arpenter pour la 6ème fois les Giardini et l'Arsenal de cette merveilleuse ville. Décalée d'une année à cause du Covid, cette 59ème Biennale, dont le beau titre "Le lait des rêves" est emprunté à celui d'un ouvrage de la surréaliste Léonora Carrington, est à la fois surprenante, passionnante et décevante.

    Surprenante car la curatrice, Giogia Alemani, a pris le parti de n'exposer aux Giardini que des femmes artistes. A l'Arsenal elles sont présentes à 90%. Les œuvres des 213 heureuses élues, venues de 58 pays différents, sont donc réparties entre ces deux lieux.

    Passionnante car la plupart des artistes exposées sont des inconnues et on va de découverte en découverte. La décision de l'organisatrice de féminiser cette Biennale permet de considérer l'histoire de l'art sous un angle différent comme l'avait magnifiquement montré la belle exposition du Centre Pompidou "Elles font l'abstraction". De se trouver plongée au milieu de cette stupéfiante quantité de créations est extrêmement stimulant et enthousiasmant.

    Décevante enfin car les femmes surréalistes, dont Léonora Carrington qui fournit le titre de cette Biennale, sont bien mal traitées ; plusieurs sont absentes ou représentées par des œuvres mineures souvent mal exposées. Leur lieu d'exposition en sous-sol, censé symboliser l'origine des créations exposées à l'étage supérieur, est mal éclairé. Décevante aussi car les grandes dames de l'abstraction, telles que Viera Da Sylva, Judith Reigl, Joan Mitchell, Geneviève Asse.... sont toutes absentes. Niki de St Phalle n'est représentée que par une seule Nana et pas la meilleure.

    Les angoisses liées à notre époque sont sous-jacentes à la majorité des œuvres présentes. Le corps et ses métamorphoses, les rapports ente les êtres humains et les technologies, l'hybridation du corps et de la nature, le féminisme et la fin de l'anthropocentrisme sont les thèmes récurrents de cette Biennale. Il faut noter enfin que la peinture et la sculpture ont pris cette année le pas sur les vidéos et les installations.

    Une dernière remarque : peu d'artistes ont eu la possibilité d'exposer plus d'une œuvre, encore moins de disposer d'une salle entière. Difficile dans ces conditions de se faire une idée sur l'ensemble de leur travail. Néanmoins, parmi cette avalanche d'oeuvres voici quelques coups de coeur.

    Avant d'entrer dans le pavillon central des Giardini, faites un léger détour par le pavillon belge. Les vidéos tournées aux quatre coins du monde par Francis Alys sont jubilatoires. L'artiste a magnifiquement filmé des enfants la plupart démunis, jouant dans l'espace public, avec des objets trouvés sur place. Leur imagination, leur plaisir, leur vitalité, leur acharnement, exaltent la vie et on sort de là ravis et ragaillardis.

    IMG_1027_edited.jpgOccupant une salle entière du pavillon central, le travail de Cecilia Vicuna, lion d'or de la Biennale, retient et émeut. Cette chilienne, née en 1948, est une artiste engagée. La belle installation suspendue au centre de la pièce qui lui est consacrée est un immense mobile constitué de vieux filets et de détritus glanés sur les plages vénitiennes et dans la lagune. Sur les murs ses peintures sont largement inspirées des cosmologies incas. Ainsi dans celle intitulée Léoparda de ojitos une léoparde au regard humain se tient entre deux arbres, l'un rose, l'autre bleu. Elle est revêtue d'une fourrure rose parsemée d'yeux et de sexes masculins et exhibe ses parties génitales féminines.

    IMG_1011_edited.jpgLes troublantes sculptures en verre d'Andra Ursata, aux couleurs mouvantes et fluides, retiennent l'attention. Le modifications qu'elle fait subir au corps humain en soulignent la vulnérabilité.

    IMG_1047_edited.jpgIMG_1048_edited.jpgUne série de petites œuvres graphiques, réalisées au début du siècle et réunies au sein d'un même lieu intitulé "Corps orbite" sont réjouissantes. Citons par exemple Mirella Bentivoglio (1922-2017) et d'Annalisa Alleati (1926-2000) qui, jouant avec les lettres et leur graphisme, ont cherché une façon de matérialiser le langage. La créativité et la beauté de leur réalisations sont stimulantes. Les façons si inventives dont chacune a visualisé graphiquement le mot "Monument" sont ici exposées. Le poème visuel d'Ilse Garnier (1927-2020), Blason du corps féminin, est une merveille de subtilité et d'intelligence. Tout se joue autour de la lettre O, symbole du corps féminin.

    IMG_1154_edited.jpgTrès différente mais aussi fascinante est la façon de traiter les signes de Carla Accardi (1924-20114). La vitalité qui se dégage du tableau Assedio rosso n° 3 de 1956 est captivante. Peint en rouge sur fond noir une multitude de signes (boucles, vrilles, crochets...) se disputent l'espace semblant vouloir exprimer quelque chose avec impétuosité, mais on ne sait pas quoi.

    IMG_1168_edited.jpgLa perfection avec laquelle Ulla Wiggen suggère l'iris d'un œil me poursuivra longtemps.

    IMG_1115_edited.jpgIMG_1120_edited_edited.jpgIl y a du Goya et plus proche de nous du Lucien Freud ou du Francis Bacon dans l'œuvre de Paula Rego devant laquelle il et difficile de rester indifférent. Cette artiste portugaise née en 1935 à Lisbonne sous Salazar et qui a passé sa vie à Londres, est morte récemment. Comme ses prédécesseurs, elle ne se faisait aucune illusion sur l'humanité. Ce qu'elle peignit magnifiquement ou fabriqua avec dextérité (personnages grotesques ou poupées de chiffon) avec un grand réalisme fascine et répugne à la fois. Ce qui est montré dans la salle qui lui est réservée ici ne sont que scènes de violences envers des enfants ou des femmes.

    IMG_1196.JPGPour clore cette visite des Giardini une surprise vous attend au pavillon danois. L'installation d'Uffe Isolotto est à couper le souffle. Dans la première salle un centaure hyperréaliste s'est pendu au plafond avec une grosse corde. Dans la deuxième salle une centauresse, plus vraie que nature, vient d'accoucher d'un être hybride encore engluée dans son placenta bleuté. L'inquiétante étrangeté qui se dégage de cette œuvre, proche de celles de Berlinde de Bruychkere, est extrêmement ensorcelante et dérangeante.

    IMG_0794_edited.jpgIl se dégage des grandes estampes sombres de la cubaine Belkis Ayon, qui ouvrent l'exposition de l'Arsenal un mystère et une puissance captivante. Réalisées avec la technique de la collagraphie (qui consiste à fixer à la surface d'une place des matières très résistantes qui, à la pression vont retenir l'encre et créer creux et reliefs à la surface du papier au moment de l'impression), inspirés de la culture afro-cubaine des Abakua, société secrète importée du Nigéria par des esclaves africains, elles mettent en scène des scénarios énigmatiques peuplées de silhouettes noires, grises ou blanches. Les yeux grands ouverts mais dépourvues de bouche, elles ne peuvent ni raconter ni ce qu'elles voient, ou ont vu, ni dire ce qu'elles savent.

    La grâce et la légèreté des sculptures suspendues de la japonaise Ruth Asawa IMG_0831_edited.jpgnée en Californie en 1926, morte en 2013, enchantent. Adoptant des techniques artisanales apprises au Mexique où elle séjourna, elle tissa avec des fils métalliques : fer, cuivre ou laiton. IMG_0923_edited.jpgLeurs formes légères et gracieuses évoquent celles de la nature. Les céramiques de sa contemporaine, Toshibo Takaesu, japonaise elle aussi, née en 1922 à Honolulu, morte en 2011, sont très belles et mystérieuses. Ressemblant à des contenants, elles n'offrent cependant aucune ouverture sur l'extérieur et ne peuvent donc rien contenir. Elles se dressent tels des totems symbolisant peut-être l'âme d'un être.

    C'est non seulement par sa taille (4 m x 12) que la tapisserie fabriquée par le sud-africain Igshaan Adams stupéfie mais par sa beauté. IMG_0878_edited.jpgEn voici un détail car impossible de la photographier en entier.Comme le fait l'artiste nigérien El Anatsoui, il l'a réalisée avec de déchets, tissant ensemble des morceaux de bois ou de plastique, de chiffons, des perles, des coquillages, de la corde ou de la ficelle. Né sous l'apartheid, musulman élevé par des grands parents chrétiens, homosexuel, l'artiste entrecroisent probablement dans cette oeuvre les fils de son questionnement sur l'identité et l'hybridation des cultures.

    IMG_0971_edited.jpgAvec ses sculptures biomorphiques, aux formes parfaites et fluides et aux couleurs tendres, inspirées par la science-fiction et les films de Cronenberg et grâce aux nouvelles technologies, Humeau Marguerite donne naissance à des êtres inconnus ou existant dans d'autres mondes. L'artiste, qui travaille avec des scientifiques, en dessine les formes qui sont ensuite traduites en volume dans une version digitale, puis matérialisées en 3D. Le résultat donne des oeuvres imaginaires d'une grandeur fascinante.

    IMG_0989.JPGIMG_0991.JPGDe la magnifique installation Voir la terre avant la fin du monde de la nigérienne Precious Okoyomon, qui termine la visite de l'Arsenal, se dégage une grande poésie. Dans un jaurdin envahi par une végétation rampante et traversé par un ruisseau dont on entend le clapotis, on marche entre des monticules de terre au sommet desquels se dressent des formes sommaires de personnes. Elles dominent la scène, mais façonnées des mêmes matériaux que ce qui les entourent finiront-elles enfouies elle-aussi ? Tout ici exprime le dynamisme de la nature où vie et mort s'entremêlent.

    Les oeuvres sont si nombreuses qu'il est difficile de les apprécier une par une. Je suis sûre d'en voir négligée. Mais cette abondance tient du miracle, en fin de compte. Elle témoigne de la variété apparemment inépuisable de la création contemporaine, et l'on, se demande déjà : Que nous réserve la prochaine Biennale ?

    Biennale de Venise  : Les Giardini et l'Asenal. jusqu'au dimanche 27 novembre.

     

  • Biennale d'art contemporain de Corse ( par Sylvie)

    La période estivale est certes terminée mais la Biennale d'art contemporain de Corse, qui a ouvert ses portes en mai, se tient toujours à Bonifacio jusqu'au 6 novembre.

    Cette heureuse initiative de l'association "De Renava", un groupe de jeunes amis de la région, donne l'occasion de voir des oeuvres, essentiellement d'art vidéo et des nouvelles technologies, d'une quinzaine d'artistes de nationalités diverses. Les thèmes font écho à l'actualité, ses faits et ses sujets de débat, et sont regroupés en "mouvement de la vie", "mouvement du corps", "mouvement de l'esprit", pas toujours très clairs pour les visiteurs.

    Mais pour cette manifestation la ville de Bonifacio a ouvert des lieux patrimoniaux généralement fermés au public. Alors, avant d'aller se restaurer sur le port et contempler les voiliers et les célèbres falaises de craie, visez les hauteurs de la ville et, à pieds si vous êtes en jambes ou en petit train, optez pour l'ascension.

    20220825_163505~2.jpgPremier arrêt, à la minuscule chapelle Saint Roch, toute de blancheur, où se déploie sur un écran une vidéo rouge de mer agitée conçue par Melissa Epaminondi, flots colorés symbolisant les dangers de la mer. La biennale elle même au titre de Rouge Odyssée, est une référence à Ulysse qui, selon Homère, passa par Bonifacio. (photo 1).

    20220825_164628~2.jpg20220825_164500(1).jpgQuelques pas plus haut, un bruit sourd comme le roulement d'une vague se fait entendre. Là, dans le jardin du Bastion, avec en arrière plan les falaises de craie, les hauts murs de la citadelle et les iles Lavezzi, le plasticien britannique Anish Kapoor a installé l'oeuvre la plus emblématique de l'exposition : Descension, véritable trou noir de 3 mètres de diamètre où un liquide sombre tourbillonne et s'enfonce au centre, comme aspiré par un vide. A l'image de la vie ? (2 et 2bis)

    A la Cisterna la fragile graphie de Mat Collishaw 20220825_170009(2).jpgsymbolise l'arbre mythique et poétique de l'Angleterre et porte son nom, Albion, mais preuve de sa difficile préservation, l'artiste l'a encadré de part et d'autres, de piliers pour le soutenir (3).

    La plus grande émotion m'est venue devant le film Le léopard du britannique Isaac Julien projeté dans l'ancien cinéma : c'est une étrange déambulation de migrants à Lampedusa, dans le décor baroque du "Guépard" de Visconti.

    kara-walker__darkytown-rebellion_2001_aware_women-artists_ar.jpgSurprises à la caserne Montlaur, haut lieu de la légion étrangère, aujourd'hui désafecté. L'américaine Kara Walker, au sujet de la création de l'Africain/Américain, fait défiler, comme dans les livres d'enfant, des images dessinées en noir et blanc en  ombres chinoises sur les thèmes hautement féministes de l'exploitation, de l'esclavage, de la domination des 20220825_180129(1).jpgcorps. (4) Et le chinois Mao Tao, dans son installation Fishing the moon interroge le visible et conduit notre oeil au fond d'un couloir vers une lune noire, changeante, tandis que sont diffusées les fréquences émises par la terre et l'esprit humain en méditation.(5)

    Le spectaculaire écrin de bois, en pin corse laricio, réputé pour être parfaitement droit, et qui a été choisi comme matériau d'introduction à chaque oeuvre de la biennale, abrite,  à l'impluvium, celle, bien connue, de l'artiste corse Ange Leccia la mer, une vidéo géante 20220825_181049(5).jpgqui place le spectateur devant le mouvement constant des 20220825_181314.jpgvagues, à la fois souple et violent, vibrant et effervescent, superbe et menaçant. Elle implique perception et mémoire. Si elle rappelle le rendu des peintres impressionnistes, elle nous ramène surtout vers le dérèglement climatique d'aujourd'hui . (6 et 6bis).

    Ces oeuvres et bien d'autres qui ne sont pas citées ici, toutes plus ou moins hypnotiques, nous questionnent sur l'état du monde et notre capacité à l'exprimer avec de nouveaux outils.

    Rouge Odyssée, biennale internationale d'art contemporain, Bonifacio, jusqu'au 6 novembre, du mercredi au samedi de 16h à 21h.

     

     

  • Biennale d'art contemporain de Corse ( par Sylvie)

    La période estivale est certes terminée mais la première Biennale d'art contemporain de Corse, qui a ouvert ses portes en mai, se tient toujours à Bonifacio jusqu'au 6 novembre;

  • Berlinde de Bruyckere à Montpellier (par Régine)

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    Les oeuvres de Berlinde de Bruyckere ne ressemblent à aucune autre. Il suffit d'en voir une pour s'en souvenir à tout jamais tant leur force d'impact est puissante. On ne sort pas indemne de la rétrospective qui lui est consacrée jusqu"au 1er octobre au MOCO de Montpellier, intitulée "Piller/Ekphrasis" et qui se déploie sur 3 étages.

    Intense, douloureuse, perturbante, ses sculptures sont à la fois travaillées par les grands mythes universels, par l'actualité et ses images. Les matériaux qu'elle utilise (notamment la cire colorée qu'elle manie comme une alchimiste et qui lui permet une grande souplesse d'utilisation, la peau de bête, le cuir et le bois) et sa façon de les assembler n'appartiennent qu'à elle.

    Née à Gand en 1964 l'artiste grandit dans le quartier ouvrier de la ville où son père était boucher, détail qui n'est sans doute pas anodin. Elle étudie les arts monumentaux à l'Ecole de St Luc de cette ville. Gand est une ville d'art, c'est là que sont réunis les 24 panneaux de l'Agneau mystique des frères Van Eyck qui ont exercé sur elle un grand attrait mystique. Les natures mortes de la peinture flamande qui montrent souvent des animaux morts l'ont aussi, dit-elle, beaucoup influencée.

    A partir de quelques exemples, essayons de cerner la spécificité et l'originalité de cette œuvre. La première sculpture qui ouvre le parcours a été présentée à la Biennale 2013 de Venise où l'artiste représentait la Belgique. After Grippelwood IMG_0696.JPG(2013-2014) (photo 1) est le moulage à la cire (matériaux privilégié de l'artiste) du tronc d'un gros orme posé sur des pieds métalliques. Sa position allongée suggère un gisant, sa couleur rose violacée : la chair mise à nu, la branche s'élançant vers l'avant pourvu d'un pansement : un membre blessé. Tout la rapproche d'un être vivant avec la fragilité d'un corps torturé et souffrant. Pour Berlinde de Bruyckere végétaux et animaux sont les égaux des êtres humains. Pas de hiérarchie, cet arbre est un corps qui lutte pour rester en vie.

    Le premier grand plateau du musée accueille un groupe envoûtant et exceptionnel de sept Archangelos (2021-2022) (photos 2 et 3). Photo Berlinde de Brughaere - Montpellier 2022.jpgIMG_0717.JPGVisages camouflés, couvertes de peaux de bête ces créatures moulées dans la cire se tiennent sur la pointe des pieds. Leurs jambes sont fines, leurs pieds effleurent à peine le socle en bois qui les supportent. Regroupées par trois, par deux ou isolée que signifient-elles ? Sont-elles des anges qui portent le fardeaux de toute l'humanité ? Viennent elle annoncer ou fuir des malheurs à venir, quémander une aide, consoler l'humanité de ses maux ? Nul ne sait. Comme dans toutes les travaux de l'artiste le sens n'est jamais univoque et les interprétations sont multiples. Ces archanges, dont se dégage un grand élan mystique, font aussi remonter à la mémoire des images d'œuvres d'art plus anciennes telles celle des Pleurants du tombeau du Duc de Bourgogne, ou de La Marie-Madeleine pénitente de Donatello.

    Sur le deuxième plateau No life lost II (2015) (photo 4) montre les corps enchevêtrés de deux magnifiques chevaux naturalisés qui débordent d'une vitrine utilisée ici à contre emploi puisqu'elle ne peut les contenir. IMG_0728.JPGDes images rappelant la guerre et ses champs de bataille viennent aussitôt à l'esprit, celles entre autres si bien décrites par Céline dans Mort à crédit ou par Claude Simon dans La route des Flandres. L'ambiguïté surgit cependant par la position des corps qui évoque autant la mort et la désolation que l'étreinte amoureuse.IMG_0729.JPG Une autre pièce équestre To Zurbaran (2015) (photo 5) a été exécutée en écho à une œuvre de ce peintre représentant un agneau les pattes attachées. Devant la beauté de ce petit poulain, installé sur un coffre, tête bandée, pattes attachées, on ressent à la fois son impuissance et sa fragilité, la cruauté de ceux qui l'ont attaché, l'abandon qui succède à la lutte et l'injustice de la mort d'un être qui n'a pas eu le temps de vivre.

    La dernière salle accueille une grande installation composée de plusieurs sculptures réalisées après la visite d'une peausserie à Anderlecht.IMG_0740.JPG Pour Anderlecht II (2019) (photo 6) il s'agit d'empilements de peaux ou de couvertures moulées dans la cire, pliées en quatre et posées sur des palettes en bois et pour No life lost I (2015-16) (photo 7) de la suspension à des crochets de 17 moulages de peaux combinant cire, poils d'animaux et acier.IMG_0738.JPG L'effet d'ensemble est glaçant, mais ici encore plusieurs niveaux de lecture sont en jeu : il s'agit bien sûr de l'écorchement d'êtres vivants et de la brutalité de leur dépouillement. Outre le mythe de Marsyas, cette vision, difficilement soutenable, évoque bien sûr la guerre et son cortège de scène d'horreur. Mais la fourrure est aussi un matériau doux, robuste, chaud et protecteur. Il diffuse chaleur et bien-être. Ces empilements de peaux (ou de couvertures) suggèrent autant la protection que l'exil ou la fuite, peut-être aussi l'étouffement ou l'excès d'attention. Ces deux installations figurent aussi notre société de consommation et ses gâchis.

    IMG_0702.JPGUn dernier exemple avec la série The Wound (2011-12) (photo 8) dont l'assemblage à base de colliers d'attelage, cire, bois textile, couverture, fer, crée un malaise physique et mental. Ces œuvres qui font penser à des sexes féminins malmenés réveillent en nous des zones inconscientes qu'on préfère ignorer. A la fois tendres et cruelles, sexuelles et torturées, ces sculptures provoquent répulsion et fascination. IMG_0742_edited.jpgEros et Thanatos y sont intimement liés. Les séries d'aquarelles et de collages Met terre Huid (2016) (photo 9) qui les accompagnent sur les murs sont très belles mais leur érotisme cru n'échappe à personne.

    Par sa démesure, sa provocation, l'art de jeter le trouble, on est tenté de rapprocher Berlinde de Bruyckere d'autres artistes belges actuels comme Wim Delvoye ou Yann Fabre, mais Rembrandt et son boeuf écorché n'est pas loin non plus. Son œuvre est intense, elle parle autant du corps et de sa fragilité, de la vie et de la mort, des liens qui unissent l'homme aux autres formes du vivant, de l'hybridation, que des bouleversement de notre monde, elle tisse aussi des liens entre l'art d'hier et d'aujourd'hui. Avec elle la frontière est bien vague entre réel et fantastique.

    Berlinde de Bruyckere : Piller/Ekphrasis exposition jusqu'au 2 octobre - M.O.C.O. 13 rue de la République - 34000-MONTPELLIER - de 12 à 19 h. fermé le lundi.

     

     

     

  • Shirley Jaffe (par Régine)

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    La rétrospective de Shirley Jaffe qui se tient actuellement au 4ème étage de Beaubourg est un vrai bonheur. Un souffle de vie parcourt toute cette œuvre où la couleur est reine.

    Née dans le New Jersey, Shirley Jaffe étudie d'a bord à New York à la Cooper UYnion School. Puis dès 1949, et comme de nombreux artistes américains et canadiens de sa génération (Ellworth Kelly, Sam Francis, Joan Mitchell, Riopelle....) vient à Paris. elle s'installe d'abord à Arcueil, près de son ami Sam Francis, puis à Paris, rue St Victor dans le 5ème arrondissement, où elle restera jusqu'à la fin de sa vie en 2017.

    IMG_0285_edited.jpgLe parcours de l'exposition est chronologique et les premières toiles exposées datent de 1953. Jusqu'au début des années 1960 son travail s'inscrit dans la veine de son époque : l'expressionnisme abstrait. Dès l'entrée de l'exposition un magnifique tableau jaune : Arcueil Yellow, de 1956, donne le ton de cette belle période (photo 1). La tension qui se crée entre les masses blanches ponctuées de rouge et de vert qui ancrent le tableau dans le bas de la toile et celles qui s'échappent dans le haut exalte les jaunes de l'ensemble. Difficile de s'arracher à sa contemplation. Voici quelques autres beaux exemples : IMG_0287_edited.jpgdans la richesse des couleurs utilisées, la liberté de la touche de Sans titre de 1952, on sent l'influence que les Nymphéas de Monet ont exercé sur l'artiste (photo 2). La vigueur du mouvement ascendant de l'ensemble construit par la couleur : brun vert, noir dans le bas du tableau, bleu, jaune, blanc dans le haut rappelle certaines toiles de Joan Mitchell.

    IMG_0299.JPGLe grand tableau horizontal Which in the world de 1957 ne la quittera jamais et demeurera toujours dans son atelier, tournée contre le mur, sous un empilement d'autres tableaux (photo 3). Son titre métaphysique que l'on peut traduire par "Quoi dans le monde" serait-il une célébration dionysiaque de la beauté du monde et la forme jaune qui en occupe le centre au milieu d'un foisonnement de couleurs la représentation de l'artiste elle-même.

    Les grandes masses colorées de Crasy Jane Appomattox de 1956, où dominent les verts et East meets West, circa, de 1962 où les bruns prennent le dessus évoquerait-ils certains paysages grandioses et sauvages des Etats-Unis ? L'Appomattox est en effet le nom d'une rivière située dans l'état de Virginie et celui d'un des peuples algonquins.

    IMG_0299_edited.jpgA partir des années 1965, les formes s'organisent et un semblant de géométrisation se met en place. Deux tableaux, tous deux appelés Sans titre, l'un de 1963-68, l'autre de 1965 en sont de bons exemples. Dans le premier les couleurs remplissent les formes (carrés, rondes ou lignes) et s'emboîtent plus qu'elles ne se mélangent (photo 4).IMG_0301_edited.jpg Dans le second une forme ovale, partagée en 4 parties par un axe fait de deux faisceaux qui se croisent en son centre, occupe toute la toile (photo 5). L'ensemble, vivement coloré, parait animé d'un mouvement giratoire, comme dans une vision kaléidoscopique. Le tout est vibrant, chatoyant, vivant et très organisé.

    IMG_0306_edited.jpgPeu à peu Shirley va redéfinir son approche picturale : abandonnant le lyrisme gestuel elle adopte alors une abstraction géométrique rythmée et colorée qui caractérisera son œuvre jusqu'à la fin. IMG_0336_edited.jpgL'extérieur devient sa source d'inspiration principale "Je crois, disait-elle, que les peintures sont influencés par les choses qu'ils voient au quotidien, même si leurs tableaux n'appartiennent pas à quelques chose de visiblement réel". Boulevard Montparnasse de 1968 est un bon exemple de cette nouvelle manière (photo 6). Des triangles turquoise, marron, bleu ou violet, très aigus s'animent sur un fond rose bonbon ou jaune tandis qu'une bande segmentée par des couleurs variées semble défiler, en sens inverse, dans le bas du tableau. Tout swingue mais harmonieusement. Si dans New York, peint en 2001, le paysage urbain est peu perceptible on y retrouve le quadrillage de la ville, son élan vers le haut et surtout sa vitalité (photo 7).

    IMG_0314_edited.jpgPour elle, le blanc ne constitue pas le fond du tableau sur lequel des formes colorées viennent s'inscrire, c'est une couleur à part entière qui en recouvrent souvent d'autres pour en créer de nouvelles. Dans Sailing (navigation) de 1985 par exemple, des formes variées suggèrent un chaos agité à droite de la toile tandis qu'à gauche, sur une vaste zone blanche, apparaissent de grands objets ondoyants, l'un jaune, l'autre noir. Tout tangue dans cette oeuvre (photo 8). Il en est de même dans de nombreuses toiles des années 1980/90 : citons le joyeux High seas de 1984 ou le lumineux Blue around the center de 1990. Les couleurs sont toujours franches, bien circonscrites dans une forme. L'artiste n'hésite pas à les juxtaposer avec audace et à jouer sur les contrastes du noir et du blanc.

    IMG_0328_edited.jpgEcritures ou signes, les tableaux de Shirley Jaffe se couvent d'idéogrammes qui se combinent et s'entrecroisent. A titre d'exemple notons la série sur papier pour laquelle l'artiste reprend en 1987 des titres des années 1930 : Sans titre, Circa, 1987 (photo 9). Les éléments virevoltent, se bousculent, s'entrecroisent et si ces composition semblent guettées par le chaos, il n'en est rien. Tout se tient.

    Au croisement de plusieurs héritages Shirley Jaffe sut trouver son propre style tonique et coloré "Je ne veux pas d'une beauté lyrique" disait-elle et elle ajoutait : "On pourrait dire que je cherche à saisir une réalité à naître". Vous l'aurez compris, il serait dommage de passer à côté de cette exceptionnelle et vivifiante exposition dont l'accrochage très bien pensé est remarquable.

    Shirley Jaffe, une américaine à Paris - Centre Pompidou - Place Georges Pompidou, 75004-Paris. 4ème étage (monter au 5ème et redescendre par l'escalier intérieur) de 11 à 21h tous les jours sauf mardi. Jusqu'au 29 Août.