Sudobh Gupta au Bon Marché (par Sylvie).
Temple de la consommation de luxe, le magasin du Bon Marché a depuis longtemps manifesté son intérêt pour l'art contemporain en accrochant de ci de là sur ses murs - on dit cimaises lorsqu'il s'agit de galeries - des toiles d'artistes. Les dames du 7ème arrondissement et les nombreux étrangers qui se pressent à tous le étages, ne les remarquent pas toujours, semble t'il, ainsi accrochées le long des couloirs. Mais depuis 2016, tous les ans, sont organisées ponctuellement des expositions monographiques d'artistes étrangers. Rappelez vous nos pages sur celles du chinois AÏ Weï Weï et de la portugaise Joana Vasconcelos.; Avec le temps les lieux traditionnels d'exposition ont changé.
Aujourd'hui, pour quelques semaines encore, c'est au tour de Sudobh Gupta, né en Inde en 1964, dont l'oeuvre principale, gigantesque (photo1), est installée sous la fameuse verrière au centre du magasin, les autres figurant à l'étage ou dans les vitrines de la rue de Sèvres, là où d'habitude prennent place vêtements et objets des plus grands faiseurs de mode et de décoration. Mais, cette fois, il s'agit de casseroles et autres pièces utilitaires en métal. Culotté diront certains, justifié diront les autres qui s'appuient sur l'origine de l'établissement, une mercerie propre à bouleverser les codes commerciaux d'alors. Boucicaut, en 1852, voyait loin.
Qu'est ce que ce grand "Sangam" (confLuence) suspendu au centre du magasin? Un gobelet cliquetant fait d'un assemblage de casseroles d'aluminium qui déverse en cascade un flot éblouissant de plaques d'inox, comme un liquide qui accroche la lumière. La magnifiscence de l'oeuvre fait oublier la banalité du médium, simples outils de toutes les cuisines du monde mais qui portent en eux l'identité indienne et sa pauvreté. L'artiste compose ainsi depuis 1995, transformant l'ordinaire en art. " J'habite en Inde et j'aime le travail" dit-il. A constater dans les vitrines: ici un landau itinérant dont le matériel de nettoyage est ligoté par des ficelles (2), là une étoffe de brisures d'assiettes sous l'aiguille d'une machine à coudre (3), ou encore une botte d'outils dans un tonneau de fortune...
Retour à l'intérieur: L'installation "The Proust effect" se poursuit au deuxième étage, avec une cabane suspendue (4), dont les composants un peu ternis par le passage du temps évoquent un labeur ordinaire si spécifiquement indien, la chaleur communicative des cuisines et des repas. Bien loin de notre société de consommation et la "malbouffe" industrielle..
Cet attachement aux racines, aux difficultés existentielles nées bien souvent de la colonisation, se retrouve chez quelques autres artistes de par le monde. Quelle émotion devant "Road to exile" et ses baluchons dérivant sur un canot du camerounais Barthelemy Toguo ou la tapisserie de capsules de coca cola assemblées du ghanéen El Anatsui, ensemble chatoyant qui pourrait bien incarner les rapports Afrique-Occident...Décidément la sculpture contemporaine est entrée dans le champ du vécu et de la communauté. La potentialité des matières la fait sociale, politique..
SANGAM de Subodh Gupta, au Bon Marché, 24 rue de Sèvres 75007 Paris, jusqu'au 19 fevrier.
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