Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

S.H. RAZA au Centre Pompidou par Régine et Sylvie

La rétrospective de S.H. RAZA actuellement en place au Centre Pompidou est une bonne surprise et une belle découverte. Exposer ce peintre d'origine indienne, actuellement peu connu en France, mais où il vécut près d'une cinquantaine d'années, fut sans doute une gageure, mais le musée ne remplit-il pas ici parfaitement son rôle en faisant découvrir au public des oeuvres qui portent la marque de leur époque ? L'accrochage chronologique nous permet en effet non seulement de suivre l'évolution du travail de cet artiste, mais surtout de revisiter l'histoire de la peinture des années 1950 à 1990 sous le prisme d'une autre culture, celle de l'Inde.

Né en 1922 au coeur de l'Inde, dans l'état de Madya Pradesh, S.H. Raza fait ses études artistiques à Bombay. Il découvre le cubisme, l'art moderne français et crée en 1947 le Progressive Artist Group qui réunit les artistes indiens d'alors, traumatisés par l'indépendance et la partition  de leur pays. Il se rend en France en 1950 où il restera jusqu'en 2011, partageant sa vie avec son épouse française entre Paris et le petit village de Gobio dans le midi. A la fin de sa vie il rentre en Inde et meurt à New Delhi en 2016.

Les aquarelles peintes en Inde dans les années 1940 qui ouvrent l'exposition sont pleine de charme et révèlent le grand coloriste et la réalité indienne. Dans Sans titre, rue de IMG_1367_edited.jpgBombay (1941) tout se dissout (photo 1). Les bleus, les mauves et les verts se diluent les uns dans les autres, la rue est transformée en rivière et les personnages se hâtent dans une atmosphère liquéfiée par la pluie tropicale. Dans Bénarès (1944)  les couleurs soulignent les variations de la lumière, ses vibrations et la foule  suggérée par des touches enlevées.

A son arrivée en France, en 1950, il regarde Picasso, Soutine, Nicolas de Staël, Olivier Debré, IMG_1413_edited.jpgdécouvre les peintres de l'Ecole de Paris. Il connait Bernard Buffet dont l'influence est manifeste dans une série assez convenue. Pendant plus de dix ans, à part quelques représentations humaines, ce sera la nature son sujet essentiel . Deux délicieux exemples de sa découverte du midi de la France nous sont données: Paysage provençal. gouache et encre sur carton (photo 2) et Paysage de Cagnes de 1951. Leur simplification formelle et la délicatesse de leurs couleurs apparentent ces oeuvres à celles de Paul Klee.IMG_1376.JPG Réalisé avec la technique de la peinture IMG_1380_edited.jpgappliquée au couteau chère à nombre d'artistes de l'école de Paris et à Nicolas de Staël, il peint plusieurs toiles dont Un village corse, huile sur toile ,1957, (photo 3) où sous un ciel bleu intense, quelques maisons blanches maculées d'inscription colorées émergent d'une végétation luxuriante. Le souvenir de la forêt indienne qui a marqué son enfance fait ici retour et hantera désormais son travail. Au début des années 1960 sa peinture se simplifie. La croix invisible de 1963 (photo 4) nous donne un exemple de cette évolution vers l'abstraction. C'est un tableau très sombre où plane une angoisse métaphysique symbolisée par une nuée noire qui s'élance vers le ciel surplombant un paysage très simplifié, où s'allument quelques lueurs.

IMG_1390_edited.jpgDès 1968, soit moins de 20 ans après son arrivée en France, bien que toujours inspirée par la nature, sa peinture devient abstraite. La composition s'organise en nuées de taches, les formats IMG_1392_edited.jpgs'agrandissent. De beaux exemples de cette période, très marquées par leur époque, nous sont montrés ici dont Grey landscape (1968), acrylique sur toile, (photo 5) où, sur un fond très minéral, s'affrontent l'ombre et la lumière, Sikri (photo 6) dont les tons bruns rappellent les vestiges de la ville fantôme de Fatehpur Sikri au Rajasthan.

Avec des couleurs pures et vibrantes, évoquant les Ragas,IMG_1398.JPG cadres mélodiques utilisés dans la musique classique indienne, suivent plusieurs tableaux ayant pour titre La terre ou Zam in, la terre en indien (photo 6) où la couleur devient incandescente ; embrasée par la lumière qui vient du fond de la toile elle irradie les rouges, les jaunes les oranges, les bruns et les verts sombres. 3389.jpg.jpg

IMG_1394_edited.jpgL'influence de l'art indien se fait de plus en plus prégnante et l'organisation de la surface picturale par bandes ou carrés rappelle celle des miniatures Rajput et des peintures tantriques. Maa de 1981 (photo 7) est un bel exemple de cette évolution qui réunit le cercle noir, harmonie du monde de l'esprit et les carrés rouges, symboles de la matière et du savoir. On retrouve cette même idée dans Bengladesh (1971) (photo 8) qui, scindé en son milieu, évoque probablement la guerre de libération de cette région : les deux univers traduisant la violence des faits.

A partir des années 1980, Raza oriente sa pratique vers une abstraction géométrique symbolique et radicale. Laissant de côté le contrastes de valeurs opposées, il opte pour des formes élémentaires issues de la méditation. Le noir, couleur "mère" dans la pensée indienne acquiert ici profondeur et densité et le motif du Bindu devient omniprésent. Mais qu'est-ce que le "Bindu" ? ce terme désigne, en sanskrit, la graine, la germination. Dans l'oeuvre de Raza 20230301_160733.jpgil est la figure de l'origine. Le point, le cercle (mandala) renvoient, dans son oeuvre, à la conception cyclique du temps. L'acrylique sur toile intitulée, comme plusieurs autres,  Bindu (1984) (photo 8)   d'un bleu foudroyant, symbolise la puissance séminale de toute vie et la forme visible qui contient toutes les composants plastiques essentielles :cercles, triangles, carrés, rectangles. Tableaux qui sont autant profondément indiens que d'une modernité propre à l'époque.

IMG_1404_edited.jpgSi les mandalas tibétains sont les supports visuels basés sur la représentation géométrique de la méditation bouddhique, les oeuvres des dernières années de Sayed Haider Raza,  révèlent l'expansion de la création, du centre vers la périphérie. Une philosophie qui ne nous est pas familière mais dont l'expression picturale nous rappelle Rothko pour sa spiritualité.

En complément vous pouvez voir aussi "Cercle et territoire sacré, le mandala dans l'oeuvre de S.H. Raza" au musée Guimet, place d'Iéna, paris, jusqu'au 15 mai.

Sayed Haider Raza, au Centre Pompidou, Paris, jusqu'au 15 mai 2023.

 

 

Les commentaires sont fermés.