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sculpture - Page 2

  • Parcours d'automne (par Sylvie).

    Les couleurs de l'automne donnent au jardin du Palais royal, à Paris, une magnifiscence exceptionnelle. C'est une bonne occasion pour revisiter cet ensemble construit au XVII ème siècle selon la volonté de Richelieu, d'autant plus qu'une série de sculptures en pierre de Volvic s'y déploient pour quelques semaines encore, révélant à la fois la densité de cette matière grise et opaque plus connue comme matériau de construction que comme médium d'artiste et, par contraste, les fines arcades des galeries qui l'entourent et les rondeurs foisonnantes des alignements de tilleuls.                                                                                                      

    Thierry Courtadon est un tailleur de pierre auvergnat, artisan-artiste choisi pour promouvoir cette roche volcanique et faire inscrire la chaine des Puys au patrimoine mondial de l'Unesco. Il a su tirer de cette matière aride une amabilité saisissante en multipliant les contrastes: l'opaque et le transparent, le rugueux et le lisse, le flexible et le rigide, le tranchant et le contondant, la fantaisie et compact...avec des titres évocateurs. Voilà quelques exemples. De gauche à droite:1) Agripper,2) Entrouvrir, 3)Onduler, 4)Gribouiller...

    20151105_163824 Agripper.jpg20151105_163607_resized- Entrouvrir.jpg20151105_164002 Onduler.jpg20151105_163309- Gribouiller.jpg Deux artistes contemporains ont déjà laissé des empreintes durables dans la cour du Palais. Témoins d'une époque pas si lointaine, leurs oeuvres se revoient avec intérêt et plaisir: les 2  fontaines d'art cinétique de Pol Bury, (1985) avec leurs boules d'acier miroitantes qui reflètent l'environnement mais dont manque, hélas aujourd'hui le mouvement originel (5) ;  et, par delà les critiques qu'elles ont suscitées à l'époque de leur installation ( 1986), les  260 20151105_162403 Fontaine.jpg20151105_162122 colonnes Buren.jpgcolonnes noires et blanches de Daniel Buren (6), un travail in situ propre  à transformer le lieu et interroger les passants. Beaucoup s'interrogent encore, mais les enfants adorent.

    A quelques pas de là, au sortir du jardin, place Colette, la station Palais royal a troqué, en 2000, à l'occasion du centenaire du métro de Paris, les volutes Art Nouveau de Guimard pour les guirlandes d'alu et de verre de Murano de Jean Michel Othoniel. (7). Ce "kiosque des noctambules" forme un dôme multicolore comme le bouquet final d'un feu d'artifice.

    Un peu plus loin la pyramide du Louvre de Ming Pei vaut, à elle seule, contemplation. (8) A la nuit tombée, tel un éclair éblouissant, elle est traversée d'un trait de néon rouge incandescent comme de la foudre, oeuvre de Claude Lévèque, en place jusqu'au 25 janvier 2016.

    20151105_162008- Metro Palais royal.jpg20150813_144847.jpgIl ne faudrait pas quitter "le ventre" de la ville sans aller voir l'avancement des travaux du Forum des Halles, le Paris de demain et sa canopée, ou revisiter l'église Saint Eustache, à ses côtés, contemporaine du Palais royal. On y découvre dans un renfoncement à droite, une "vie du Christ", petit triptyque gravé, en bronze et patine or, du peintre américain Keith Haring (1958-1990), proche de la figuration libre, des graffeurs, et connu pour son art pop. Campés d'un trait  sûr dans une composition fourmillante, les petites silhouettes anonymes toutes semblables, cernées d'une ligne souple et continue, caractéristiques de cet artiste, expriment avec fraicheur les grands thèmes de la foi chrétienne et, sans doute, les préoccupations spirituelles d'un homme mort prématurément du sida. (9). Les petits bonshommes évoquent la multitude humaine aussi bien que les participants de la vie du Christ; et le bébé, forme récurrente chez Haring, le petit Jésus.

    N'oubliez pas de cliquer sur sur les images pour les voir en grand.

     

     

     

  • Pablo REINOSO (par Sylvie)

     Entre oeuvre d'art et design, le travail de l'artiste argentin Pablo Reinoso est toujours déroutant. Les pieds dans le réel il nous entraine néanmoins dans un univers poétique et attachant qui fait sourire et réfléchir.  La Maison de l'Amérique latine à Paris en expose un aperçu.  L'utile et le beau, l'humour et le philosophique s'y mêlent pour créer avec des matériaux nobles, un plaisir visuel, sensuel et intellectuel extrêmement stimulant.

    20150609_152007-REINOSO- Retour végétal.jpgIl y a d'abord ce banc, Retour végétal, 2015, bois sculpté et acier, de la série Spaghetti Benches, dont la photo s'affiche en grand à l'entrée, sur le boulevard, comme un pied de nez . A l'intérieur, il est là, en vrai, comme n'importe quel banc de jardin avec ses lattes de bois clair lisses et douces. Sauf qu'au lieu d'être parfaitement rectilignes, elles ondulent et se déploient tout autour en arabesques comme des rubans. Le meuble a perdu sa géométrie et sa fonction première- impossible de s'y asseoir-  mais il a gagné en vitalité par ses lianes indomptables, revenues, dirait-on, à l'état sauvage. L'idée que la matière échappe à ce que la main de l'homme lui a imposé pour son propre usage et retrouve sa liberté organique en proliférant est évidente. Elle induit la notion que le temps est à l'oeuvre. Né sans doute de l'exubérance de la nature locale, ce même type de déploiement immaitrisable se retrouve chez le sculpteur brésilien Henrique Oliveira.

    20150609_150619-REINOSO-Two for tango.jpgAutres objets impraticables de Reinoso, les cadres, contenants prévus pour des contenus. Two for tango, 2014, en est un double en bois sculpté n'encadrant que du vide. 236,5x205x56,5cm. L'artiste renverse les valeurs et fait des contours l'oeuvre elle même. Hommage au double portrait fameux (Ecole de Fontainebleau, vers 1594) de Gabrielle d'Estrée et de sa soeur la duchesse de Villars, les cadres, dans un effet surréaliste, se délitent en entrelacs de bois, se rejoignent, oublieux de leur fonction. Les volumes se répondent délicatement et recréent le dialogue du tableau de référence.

    IMG_0590.JPGReinoso a tant travaillé le bois, qu'il en est devenu allergique, il doit confier la réalisation de ses oeuvres à des ateliers. Mais son goût pour la couleur noire l'a mené vers d'autres réalisations, en particulier pour l'espace publique, tel le Throne beam stool, 2015, un banc auréolé de lianes, en acier peint, et une installation. Paysage d'eau, 1982, en marbre et charbon minéral, 600x90x10cm. Se trouve figé dans le marbre statique l'essence même du mouvement de l'eau et ses reflets que borde de sa fragilité mate le charbon brut. Magnifique paysage et pourtant si minimal.

    IMG_0598- REINOSO- chaise au plafond.JPG20150609_152028-REINOSO- Ashes to Ashes.jpgLa chaise Thonet (1859), en bois tourné noir et cannage, est un symbole du passage à la modernité. Tous les designers le reconnaissent. Reinoso l'utilise avec tendresse et irrévérence dans une installation et une video. La tête en bas, cette pièce fétiche, pratique et élégante, est collée au mur puis au plafond qui finalement s'effondre pour se terminer dans la cheminée, une image de la vie sans doute, et de la métamorphose qui nous fait naitre, évoluer et finir déconstruits et brulés dans la cheminée. Ashes to Ashes, 2002.                      

    Dans l20150628_232409- REINOSO-Bianca Li- bascules.jpga vidéo (2006) la chorégraphe et danseuse Bianca Li manipule la chaise, tenteIMG_0591- Bianca Li- REINOSO- Bianca Li-chaise percée.JPG, avec un sérieux imperturbable que ne renierait pas Buster Keaton, de dialoguer avec elle, de la faire sienne dans des positions les plus improbables comme si cet objet inanimé avait une âme.

    Il est bien connu que les argentins sont friands de psychanalyse. Deux oeuvres en matériaux souples, toile et ventilateurs, s'y réfèrent: le Monochrome respirant, 1999, 300x260cm est constitué d'une série de coussins de toile noire qui gonflent et se dégonflent régulièrement. Ils respirent... comme des êtres humains. Un double de cette oeuvre figure à La Maison rouge dans le cadre de l'exposition Buenos Aires. Quant au huis-clos du Cabinet du Dr Lacan (1998), 200x400x250cm, il se voit à travers la toile-bulle comme si divan et fauteuil gonflables animés d'une respiration participaient du travail analytique.

    Pablo Reinoso, "Un monde renversé", Maison de l'Amérique latine, 217 bd St Germain 75007. Paris. Tel: 01 49 54 75 00. Jusqu'au 31 juillet et du 17 au 22 août 2015.

                                                                

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

  • Antony GORMLEY ( par Sylvie )

    La sculpture contemporaine anglaise est réputée pour sa vitalité. Depuis Henry Moore le pays n'a cessé de produire de grands artistes qui ont ouvert cette sphère à la modernité. L'exposition à la galerie Thaddeus Ropac de Pantin, en région parisienne, en fournit aujourd'hui un exemple. Dans cette ancienne chaudronnerie aux majestueux volumes, les oeuvres d'Antony Gormley ont trouvé un lieu à leur mesure. D'un coup d'oeil un peu rapide, elles pourraient toutes, dans leur noirceur, n'être perçues  que massives, géométriques, raides. Bien qu'elles soient de grandes dimensions, en des matériaux usinés et lourds dont les composants s'empilent de façon, semble t'il, sommaire, elles opèrent sur notre mental comme un  rappel de la forme humaine et de son inscription dans l'environnement. Semi-abstraites, elles ont le pouvoir de figurer, objectiver et d'activer une perception de l'intérieur; conceptuelles, leur sens est à trouver dans ce qu'elles révèlent.

    IMG_0307.JPGDès l'entrée, bien en face, est campée en solitaire Hole, de quatre mètres de haut. Cubes, parallélépipèdes, toutes formes soudées, pleines ou évidées, imbriquées, la composent comme un univers compact perçu et vécu à la fois. Que sont ces cellules, des chambres, des fenêtres, des couloirs, des yeux, un nez ? Elles se confondent, interrogent, et donnent à cette "cabane" isolée dans l'espace qui l'entoure l'illusion d'un être vivant très protecteur par sa masse et très ouvert par ses orifices, un condensé habitacle/habitant.

    IMG_0299.JPG Expansion Field est une installation de soixante sculptures volumineuses en acier Corten gris sombre et poli, réparties en quatre rangées. Elles composent dans la seconde salle un environnement total et minimaliste, sorte de grande armée d'attitudes du corps, silhouettes austères comme des coffre-forts et répétitives qui rappellent les alignements des mégalithes de Carnac ou les grandes silhouettes de l'ile de Pâques. Certaines pourraient faire penser à des architectures fascisantes. Dans leur côtoiement serré - qui occupe toute la pièce - ces troncs verticaux trapus étouffent de promiscuité, comme certaines allées de cimetières. Individuellement fermés sur eux-mêmes et circonscrits dans le cadre de la pièce, ils semblent dans l'incapacité d'avancer, barricadés dans l'étroitesse de leur espace et la défense de leur personne. Point d'esprit d'équipe dans ce rassemblement. Gormley serait-il fasciné par les foules aux individus si semblables et si différents ?

    IMG_0290.JPGIMG_0294.JPG Une forêt totémique a investi la nef principale. Elle nous parle également du corps. Ces 15  Blockworks, composées de parallélépipèdes de fonte, comme des assemblages cubistes,  évoquent dans leur géométrie des attitudes familières qui sont autant de sentiments et de comportements, réflexion, chagrin, joie, fierté... Plus grandes que la taille humaine, espacées, toujours aussi géométriques, elles dégagent néanmoins, portées par leur socle qui les surélèvent et le délié de l'empilement, une impression de légèreté et de liberté. Le revêtement noir et charbonneux, à l'acide tannique, y contribue. Selon la position des blocs on comprend que là est la face, ici la cambrure... Peu d'amorces de mouvement de bras mais les jambes esquissent une avancée, les pieds s'élancent du sol sous la poussée des supports. Ce ne peut être qu'un dignitaire cette silhouette majestueuse et élégante, toute seule, un peu à l'écart.

    IMG_0315.JPGMatrix II se déploie dans le hall suivant en un tricotage de matériau très ordinaire. Des tiges à béton métalliques s'entrecroisent et forment des volumes, architecture virtuelle que l'oeil traverse. Elle rappelle le "Pénétrable" de Soto, fait de filins de plastique - bien qu'ici toute pénétration corporelle soit impossible - et questionne les formes et les structures de l'habitat humain.

    IMG_0308.JPGDernier plaisir, et pas des moindres, la série de petits travaux préparatoires sur papier, accrochés au mur. Dans ces emboitements de formes tout est dit, les volumes, les articulations, tout ce dont le corps et l'habitat sont faits. Gormley, au noir de sa peinture, ajoute du lait pour l'adoucir et lui donner cet aspect gris-brun  lavé, subtil, un enchantement.

    Antony Gormley "Second Body", galerie Thaddeus Ropac, 69 av du Génaral Leclerc, 93500 Pantin. Du mardi au samedi de 10h à 19h, jusqu'au 18 juillet 2015.

  • TAKIS, TELEMAQUE, GEORGES NOËL (par Régine)

    Trois expositions dans trois musées parisiens sont actuellement consacrées à trois artistes des années 1960: Takis au Palais de Tokyo, Georges Noël au M.N.A.M. et Hervé Télémaque à Beaubourg. Aucun de ces artistes discrets n'avait eu les honneurs d'un musée parisien depuis plus de vingt ans. Assisterait-on à un regain d'intérêt pour cette période longtemps éclipsée au profit d'autres formes d'art ?

    A l'époque l'art cinétique, la figuration narrative, l'abstraction lyrique et expressionniste se partageaient les cimaises parisiennes et si par facilité les critiques essayaient de rattacher ces artistes à l'un ou à l'autre de ces mouvements, chacun d'entre eux y était difficilement assimilable. Ces trois expositions d'artistes marginaux quant aux catégories reconnues mettent ainsi et fort heureusement l'accent sur la diversité et la richesse de l'art en France à cette période.

    Takis et Télémaque ont tous deux 24 ans lorsqu'ils arrivent à Paris, le premier d'Athènes en 1954, le second d'Haïti en 1961. Georges Noël, né en 1924 et mort en 2010, quittera Paris en 1968 pour New York où il passera près de quatorze ans. Or tous trois ont commencé à exposer à Paris à peu près en même temps, c'est-à-dire au début des années 1960 et chacun aura connu une éclipse de plusieurs années, Takis et Télémaque de la fin des années 1970 au début des années 1990. Quant à Georges Noël, absent de 1968 à 1982, il sera peu exposé en France, même s'il l'est beaucoup à l'étranger. Un regain d'intérêt pour son travail se fait sentir depuis peu.

    TAKIS

    Au sein de l'art cinétique où l'époque avait vainement tenté de le classer, Takis occupe une place tout à fait à part et il est bien difficile de comparer ses travaux avec ceux de Vasarely, Agam, Soto, Le Parc ou d'autres encore. Si les uns sont illusionnistes et font appel aux sens du spectateur, Takis quant à lui se passionne pour le magnétisme, pour sa force d'attraction naturelle invisible et mystérieuse.

    La belle rétrospective du Palais de Tokyo restitue la magie de la plupart de ses oeuvres. Une grande quantité de ses SignauxIMG_0215.JPG (photo 1) y est rassemblée. Ce sont de longues, flexibles et élégantes tiges de métal complétées à leur extrémité par des éléments mécaniques récupérés (pièces électroniques, balanciers horizontaux, tête de hérisson de ramoneur) ou dotés de lumière colorée et clignotante. A la manière des éoliennes elles sont faites pour exploiter les énergies immatérielles tels que le vent, le son, la lumière. Leur beauté, leur fragilité dégage une grande force poétique. Ses sculptures musicalesIMG_0212.JPG (photo 2) fonctionnent grâce à une petite aiguille qui heurte une corde de métal dont les oscillations déclenchent un son strident, imprévisible, venu de nulle part si ce n'est des profondeurs de la terre ou du lointain cosmos. "Si je pouvais avec un instrument comme le radar capter la musique de l'au-delà" disait-il. Avec "Les murs magnétiques"IMG_0208.JPG (photo 3) des flèches s'agitent sur des toiles de couleur attirées par les aimants posés à leur revers. Avec ses "Télélumières"IMG_0227.JPG (photo 4) ou lampes à vapeur de mercure il provoque une clarté bleu azur, la couleur des sphères, et transforme ces grosses ampoules ventrues de forme anthropomorphe en divinités archaïques. De même en soudant et en soclant des boulons ou des écrous il fait revivre les idoles de ses ancêtres.

    Dans sa quête insatiable de capter l'énergie cosmique Takis nous met à l'écoute des lois secrètes de la nature et nous fait entrevoir l'invisible.

    Takis : champs magnétiques - Palais de Tokyo, 13, av. du Président Wilson, 75016-Paris. Jusqu'au 17 mai 2014. Fermé mardi.

     

    GEORGES NOËL

    Ce n'est pas une grande exposition mais la vingtaine de tableaux réunis dans une salle du Musée National d'Art Moderne permet de se rendre compte du parcours de cet artiste et de son originalité au sein de l'abstraction de son époque.

    Comme Fautrier ou Dubuffet, dès le début il attache une grande importance à la matière picturale. Il fabrique lui-même son médium, broie ses couleurs et ne se servira jamais d'un pinceau mais d'instruments qu'il met lui-même au point. Seul compte pour lui la force, l'énergie, le désir puissant qui anime l'artiste ; l'acte de création se présente comme une expression existentielle, une affirmation de soi en mouvement. La notion de "palimpseste", nom donné à nombre de ses oeuvres, est emblématique de son travail. C'est dire aussi l'importance accordée aux signes et à l'écriture (voir mon article du 2 avril 2012 sur ce blog).

    Si "Palimpsestes organique" de 1959 (photo 1)IMG_0191.JPG, le tableau qui ouvre l'exposition, est d'un expressionnisme proche des premiers Hantaï - la matière y est labourée de circonvolutions viscérales qui s'enchevêtrent pour former un monde proliférant, grouillant et inquiétant -, "Pluie Edo" (photo 2) 9_911601-3[1].jpgde 1990 qui la termine offre une surface d'un extrême raffinement à l'atmosphère pluvieuse et contemplative. Sur un fond beige une pluie de griffures fait affleurer toute une gamme de verts et de violines émergeant des couches sous-jacentes.

    Entre ces deux oeuvres, dans les autres tableaux présentés ici les signes sont soit presque effacés, légers et ariensIMG_0187.JPG ("Ecritoire aux signes en blanc n° 2" de 1963) (photo 3), soit énergiquement raturés ("Palimpseste dessiné" de 1960) soit organisés en bande d'écriture dont le graphisme et la beauté des couleurs n'est pas sans rappeler Paul Klee ("Palimpseste le soir" de 1965) (photo 4)IMG_0198.JPG, soit parfaitement organisés en diagonales s'échappant de la surface de la toile et dont le graphisme évoque la trace fugace laissée sur le sol par des pattes d'oiseau ("The bird walker" de 1970) (photo 5)IMG_0182.JPG.

    Cette exposition montre l'évolution de Georges Noël et permet de se rendre compte que sa matière somptueuse et son écriture de plus en plus maîtrisée sont restées une constante tout au long de sa carrière pour exprimer le passage du temps et la façon dont le passé modifie le présent.

    Georges Noël : La traversée des signes - Musée d'Art Moderne de la Ville de Paris, 11, avenue du Président Wilson, 75016-Paris. Fermé lundi. Jusqu'au 3 Mai.

     

    Hervé TELEMAQUE

    Comme dans les peintures de Chirico qui réunissent sur une même toile des objets n'ayant en apparence aucun lien logique entre eux, les oeuvres de Télémaque sont bien énigmatiques. Elle ne sont pas "narratives" comme celle de ses contemporains qui, comme lui, ont été rassemblés sous le nom de "Figuration narrative"mais elles montrent des objets éclatés et hors contexte. C'est ainsi que canne d'aveugle, portrait de nègre, bouche dentée, sous-vêtements féminins, bandage herniaire, paire de ciseaux, chaise longue, slips d'homme ou trou de serrure, éparpillés et associés à des mots ou à des bribes de phrases, s'envolent ou gravitent dans la plupart de ses toiles des dix premières années ("Ciel de lit, n° 3" de 1962 (photo 1)IMG_0248.JPG, "Convergences" de 1966IMG_0259.JPG (photo 2) ou le très dépouillé "Passages" de 1970)IMG_0261.JPG (photo 3). Télémaque ne figure pas le monde des objets comme dans le pop'art mais porte un regard ironique et distancié sur la société de consommation et le vide qu'elle engendre. Grande liberté est laissée au spectateur pour associer selon sa sensibilité, ses propres références et sa biographie.

    Dans les années 1980 il se renouvelle en faisant de magnifiques diptyques associant dans un même cadre un dessin sur calque et le collage du même motif obtenu par l'assemblage de papiers de couleur ("Utopie n° 4, "Selles comme montagne" de 1979 (photo 4) par exempleIMG_0273.JPG). L'histoire d'Haïti, et sa propre biographie traverse toute son oeuvre "Je fais de la peinture pour me raconter dit-il ; tout ce que je fais mon inconscient le traverse". Le beau tondo intitulé "Charette à bras, le visible" de 1989 (photo 5)IMG_0263.JPG, où sont peints en aplat de couleurs, un peu comme chez Adami à la même époque,  un amoncellement d'objets colorés est une allégorie du tiers monde et "Mère Afrique" l'illustration de la domination des blancs". L'exposition se termine par des oeuvres récentes où avec une grande virtuosité dans l'agencement des formes et un talent de coloriste exceptionnel, Télémaque évoque ses racines africaines et rend hommage aux artistes qui ont compté pour lui "Fond d'actualité n° 1" ou "Le moine comblé (amorces avec Arschile Gorky") de 2014IMG_0274.JPG (photo 6).

    Télémaque regarde le monde avec distance, acuité, ironie et le sens aigu de ce qui se cache derrière les choses.

    Hervé Télémaque - Centre Pompidou, 19, rue Beaubourg, 75004-Paris fermé mardi. Jusqu'au 18 mai.

     Oui, dans les années 1960 il se passait beaucoup de chose en France et bien que nombre d'artistes de cette période aient été occultés par la génération suivante, ces expositions nous rappellent qu'ils n'ont jamais cessé de créer et d'évoluer et que leur talent n'est pas mince.

     

     

     

     

     

  • Mathieu PERNOT (par Régine)

    Par sa beauté, son sujet, la démarche de l'artiste et l'usage qu'il fait de la photographie, l'exposition "Ligne de mire" de Mathieu Pernot à la Galerie Eric Dupont est une belle surprise.

    Les teintes sombres et sourdes, la matité et le velouté des surfaces pourraient faire croire qu'il s'agit de peinture. Mais non, ce sont bien des photographies dont l'étrangeté force le regard tant elles mêlent réel et imaginaire et nous confrontent à un double sentiment d'enfermement et d'évasion.

    Que représentent-elles ? Sur le mur du fond d'un lieu sombre, clos et vide, aux parois de béton brut, apparaissent, mais à l'envers, des paysages de ciel ou de mer, de côte rocheuses et de plages de sable blond.

    Mathieu Pernod a réalisé cette série dans les bunkers que les allemands, craignant un débarquement, avaient installés sur les côtes de la Bretagne Nord. Reprenant le principe de la camera oscura, ancêtre de l'appareil photo, il transforme ces lieux ténébreux et mortifères en chambre noire. Dans l'épaisse muraille extérieure il fore un trou (une vidéo le montre à l'oeuvre) laissant ainsi pénétrer à l'intérieur du blockaus un rayon lumineux qui projette sur le mur du fond de la salle de gué l'image inversée du paysage environnant.

    Sur l'une des photos (photo 1)GEDC0019.JPG on croit voir apparaître un ciel étoilé au fond de cet espace claustral, mais l'image ayant été inversée c'est celle de la mer toute proche sur laquelle vogue quelques voiliers que renvoie le rayon lumineux. Sur une autre photo (photo 2)017.JPG la plage de sable, celle du Palus toute proche, remplace le plafond du bunker tandis que le bleu de la mer envahit l'étroit poste de gué épousant ses formes inhospitalières. Sur une autre encore (photo 3) 013.JPGdes rochers ocres transforment l'étroite pièce en grotte tandis que le reflet de la mer teinte les murs d'un bleu délicat et que le sol garde son aspect noir et brut.

    En superposant des espaces si différents que celui de l'intérieur d'une casemate et d'un paysage de bord de mer, la légèreté d'un reflet avec la lourdeur des matériaux de construction, en faisant se télescoper plusieurs époques, celle de la Renaissance avec l'utilisation de la Camera oscura et celle de l'art d'aujourd'hui avec la photographie, celle de la guerre avec celle de la paix, celle de la nature avec celle de la barbarie, l'artiste libère notre imaginaire et nous embarque ailleurs. C'est à une double lecture documentaire et poétique qu'il nous invite. Chacun peut imaginer en fonction de son expérience ce qu'il ne voit pas.

    Une sculpture intitulée "Le mur" côtoie ces photos (photo 4)015.JPG. Pour la réaliser l'artiste à simplement réuni quelques fragment de mur d'une ancienne baraque du camp d'internement de Rivesaltes dans les Pyrénées. Ce camp servit de centre de transit pour les réfugiés espagnols, de centre de rassemblement des israélites avant leur déportation en Allemagne, de camp d'internement pour les prisonniers de guerre allemands et pour les collaborateurs, de camp de regroupement des harkis et de leur famille. C'est un lieu où le destin d'enfants, de femmes et d'hommes se sont croisés au gré des évènements tragiques entre 1938 et 1970 et dont il ne reste rien. Un projet de Mémorial, conçu par l'architecte Rudy Ricciotti, va y ouvrir ses portes en 2015.

    L'enfermement, l'exploration de la mémoire, la solitude, les traces des oubliés de l'histoire sont les thèmes de prédilection de Mathieu Pernot. Ainsi, au printemps, avec l'historien Ph. Artières et à l'aide de différents médium (albums souvenir, films, cartes postales, photos d'idendité) il a reconstitué à la Maison Rouge l'histoire d'un hôpital psychiatrique du Cotentin aujourd'hui désaffecté.

    Une grande exposition "La traversée" lui a aussi récemment été consacrée au Jeu de Paume. Elle montrait l'envers du décors de notre histoire contemporaine. Le monde des marges, celui des Roms, des déplacés, des migrants sans domicile, des lieux de détention et d'enfermement.

    Son travail est une pensée à l'oeuvre rendue visible dont la qualité et l'inventivité contribuent à nous émouvoir profondément. Mathieu Pernot serait-il le photographe de l'inphotographiable ?

    "Ligne de mire" de Mathieu Pernot - Galerie Eric Dupont - 138, rue du Temple, 75003-Paris (01 44 54 04 14) du mardi au samedi de 11 h à 19. Jusqu'au 23 décembre.

     

  • Pascal Convert (par Régine)

    A la fois écrivain, cinéaste, photographe et sculpteur Pascal Convert ne néglige aucune technique, aucun médium pour exprimer avec force ce qui l'intéresse intensément : la complexité de l'histoire (notamment celle de la dernière guerre mondiale et de la Shoah), les glissements qui s'opèrent entre elle et notre mémoire individuelle et collective, la figure de grands résistants qui, par le don de leur personne, ont permis de changer le cours de l'histoire, la puissance de l'oubli qui engloutit nombre d'innocents... "Je m'intéresse, dit-il, à ce qui est en creux, à l'absence, au silence".

    Son exposition actuelle à la Galerie Eric Dupont, intitulée "Passion", montre plusieurs sculptures en verre, notamment deux Christ magnifiques. L'un (photo 1)GEDC0025.JPG est en croix, présenté horizontalement, un gros clou le maintenant avec violence face contre terre. Bras et jambes ont la transparence du verre opalin, comme des membres où le sang ne circule plus, la partie centrale du corps, noire sous le verre évoque une chair carbonisée GEDC0016.JPG(photo 2). Ce Christ, à la fois dématérialisé mais extrêmement présent nous apparaît criant sa souffrance mais aussi dans le don total de sa personne. L'autre

    GEDC0019.JPG

    (photo 3), plus apaisé, est dans la position du gisant ; tous deux sont posés sur tout ou partie du moule rose pâle qui a servi à la fabriquer.

    Il faut revenir au processus de fabrication de ces oeuvres, véritable rituel, qui produit la transmutation du bois en cristal. La sculpture ancienne en bois qui a servi ce point de départ, Convert l'a d'abord assainie, réparée puis enfermée dans du plâtre réfractaire. L'ensemble est porté à très haute température pour permettre la combustion du bois. Celle-ci terminée l'alimentation en verre, pour laquelle des conduits ont été aménagés, peut commencer et le liquide transparent prendre la place de la statue. Après un lent refroidissement s'ensuit le démoulage, une consolidation éventuelle et un travail de patine. Ce sont les résidus de bois calcinés qui apparaissent dans le verre coulé ; les liens noirs qui maintenaient les statues attachées aux moules et qui bordent ces corps martyrisés accentuent l'impression d'horreur du sacrifice humain, et par delà celle de la cruauté des hommes.

    On peut considérer ces oeuvres comme une réponse à la violence des quatre Christ d'Adel Abdessemed exposés récemment à Beaubourg. Faits de fil de fer barbelé et de lames de rasoir ils étaient plus proches de l'image de kamikazes bardés d'explosif que du sauveur de l'humanité. A la notion de sacrifice tel que le conçoivent les musulmans Pascal Convert a voulu opposer celle des chrétiens. Le martyr musulman est personnel, il se sacrifie pour lui, pour gagner son paradis, le martyr chrétien s'oublie pour sauver la communauté, il se donne par amour pour ses frères humains.

    Une autre oeuvre illustre cette notion de mémoire et d'oubli. Il s'agit d'une souche d'arbre grandeur nature, en verre naturellement GEDC0008.JPG(photo 4). Massive mais transparente, elle renvoie à une existence passée et au souvenir semi effacé.

    Au fond de la galerie sont présentés des pages de livre géantes en verre bleu où sont gravés en yiddish le récit d'un rescapé du camp de TreblinkaGEDC0010.JPG (photo 5) mais d'autres livres m'ont particulièrement émue GEDC0007.JPG(photo 6). Ils font partie d'une série intitulée "Reliques". Soigneusement rangés sur une étagère, la fusion d'un verre opalescent ou bleu profond a définitivement figé leur forme dans la matière ne laissant d'eux qu'une ombre noire, celle du souvenir. On pense à toutes les bibliothèques parties en fumée, celle d'Alexandrie, de Sarajevo et bien sûr aux autodafés nazis.

    L'intensité de l'émotion suscitée par ces oeuvres est à la mesure des questions et pensées qu'elles provoquent sur la mémoire, la disparition, l'oubli, l'impact d'un individu sur le collectif... A l'heure où les oeuvres d'art paraissent souvent trop hermétiques, trop simples, ou fabriqués pour le marché, il est satisfaisant d'en voir une qui allie une conception et une réalisation très élaborées et dont la perception soit aussi claire et bouleversante. Une technique périlleuse pour révéler les ravages de l'humanité. Point n'est besoin d'être savant pour apprécier la force du message de Pascal Convert. Il sait se faire entendre et réveiller les consciences.

    Pascal Convert, "Passion". Galerie Eric Dupont, 138 rue du Temple, 75003-Paris (Tél : 01 44 54 04 14). Jusqu'au 25 mai.

     

     

  • JUDITH SCOTT (par Sylvie)

    Elle était sourde, muette et atteinte de trisomie. Personne n'aurait pu augurer que cette américaine, Judith Scott (1943-2005) serait un jour considérée comme l'une des grandes figures de l'Art Brut.

    Car ce n'est que dans la seconde institution pour handicapés, le Creative Growth Art Center d'Oakland (Californie) où la conduite sa soeur jumelle en 1985 qu'elle a trouvé à s'épanouir à travers la manipulation de textiles. A 40 ans passés.                                                                                                              Foin de tissages traditionnels mais une sorte d'embobinage autour d'objets choisis et assemblés, aussi hétéroclites qu'ils puissent être. Un parapluie ou un skateboard peuvent faire l'affaire. Elle en fait des cocons multicolores plus ou moins ventrus ou étoffés, dont il émane une vie presque animale par la puissance de suggestion. Oeuvres figuratives? pas vraiment, plutôt anthropomorphes ou organiques. Et telles des fétiches elles semblent détenir un secret. 

    Suspendus ou posés au sol, ces chrysalides laissent voir le minutieux, répétitif et pourtant très libre travail de confection. Chaque brin de laine, de ficelle, de cordelette ou de morceau d'étoffe trouve sa justification. La matière même des fibres et leur positionnement, l'enroulement serré ou lâche, avec des noeuds, des raccords, des effilochages, des ruptures sont, diront certains, eminemment féminins. Et de rapprocher ce travail aux frontières de l'art de celui de Louise Bourgeois ou d'Annette Messager. 

    Judith Scott 400_diapositive20-2-19845.jpgVoilà trois "cailloux" qui reflètent les couleurs de la nature, son irrégularité pourtant harmonieuse, une densité de rochers, un plein lourd de sagesse. (photo 1) dont on ne sait pourtant pas de quoi il est fait.

     Ce pourrait être un oiseau en vol, mais plutôt une carcasse d'oiseau (photo 2), un écorché blanc de chair, rouge de sang, presque gai de ces couleurs. Mais sans tête, sans plumage, avec un ventre qui, à la différence des rochers ci-dessus, semble anormalement gonflé, maladif, un plein de vide. Qui est à exorciser?

     

     Judith Scott 002 (2).jpg Judith Scott 002 (1).jpgLe jaune et le noir griffés courent le long de cette tige qui transperce une coque violette et douillette (photo 3). Allusion sexuelle ou instrument à corde?

     Cet art brut me dit que tout est possible, que la création est gouvernée par l'imaginaire, la richesse émotionnelle et une dextérité instinctive éblouissante.

    A voir absolument, et vite.

    Judith Scott "Objets secrets", au Collège des Bernardins, 20 rue de Poissy, 75005, Paris. tel: 01 53 10 74 44. Jusqu'au 18 décembre.

  • Giuseppe Gabellone (par Sylvie)

    Parallèlement à l'exposition de Xavier Veilhan, la galerie Perrotin présente les oeuvres de 2011 d'un autre artiste, italien celui-là, Giuseppe Gabellone, né en 1973, dont la subtilité du travail m'a enthousiasmée.

    A côté de son très médiatique voisin il tient parfaitement la route. La diversité de ses recherches débouche sur un mélange technique aussi bien dans les oeuvres elles-mêmes que dans leur multiplicité. On pourrait croire qu'il se disperse. Il n'en n'est rien. Le rapport sculpture, photographie, sérigraphie est perceptible au premier coup d'oeil, favorise une attention particulière et ouvre sur un univers des premiers âges, pétrifié.

    Fumo 2011 giuseppe-gabellone-21778_1.jpgDes 32 tirages numériques je signalerai en particulier Fumo, en deux couleurs sur papier, cadre verre, 172x132x5cm. Une image extrèmement composée, en strates, qui peut faire penser à la capture d'un instant, dans certaines oeuvres du land-art. Sur le fond, un sol craquelé; posés approximativement aux quatre coins, des briques; par dessus s'étalent trois volutes parallèles de fumées dont on devine à peine qu'elles s'inscrivent sur une plaque de verre posée sur ces appuis. La troisième dimension, très présente,  le contraste des matières et les ombres rendent l'image troublante, à la fois tactile et évanescente.

    Autre technique: les bas-reliefs (il y en a quatorze). Je les ai trouvé sublimes! Ils sont nés de moulages à la cire perdue de carton ondulé et retravaillés en aluminium. Approche surprenante, qui m'a parue assez nouvelle, d'un materiau- papier commun que Gabellone anoblise ainsi.

    Gabellone 0028.jpgGabellone 0029.jpgGabellone OO30.jpgA titre d'exemple, quelques gros plans de Sans titre 2011 vous feront voir la surface métallique, polie, d'une grande douceur, pas du tout uniforme dans sa couleur puisqu'elle laisse apparaitre des opacités et des brillances, des noirs et des gris changeants selon la lumière ou le déplacement du spectateur. Elle est travaillée soit en incisions linéaires dont le graphisme évoque le tracé de constellations, soit en groupes de rayures parallèles aléatoires  comme un dessin au téléphone, ou encore en véritables trous à la noirceur profonde. L'artiste  visiblement aime complexifier les textures, en tirer d'insoupçonnables effets tout en préservant l'âme du support, sa constitution. Ni le métal ni le graphisme ne font oublier les lignes, la volumétrie et la légèreté du carton, ses longues tubulures aérées et son effilochage de bordure. Processus lent et très subtil qui m'a rappelé le travail, sur papier, toile ou bois, de Jean Degottex. ( A voir chez Berthet-Aittouarès à Art Elysées du 20 au 24 octobre)

    Giuseppe Gabellone, galerie Perrotin, 76 rue de Turenne, 75003 Paris. tel: 01 42 16 79 79. Jusqu'au 15 octobre 2011.

  • Bernar Venet (par Régine)

    Cet été Bernar Venet a été présent sur tous les fronts :

    Comme sculpteur il s'est imposé à Versailles avec les deux immenses arcs symétriques encadrant, tels une mandorle, la statut équestre de Louis XIV et dont la simplicité minimale mais grandiose servait magnifiquement la majesté du lieu.

    Comme peintre : ses tabeaux de 2001 à 2011 ont été exposés à l'Hôtel des Arts de Toulon. En inscrivant en noir ou en pourpre sur des fonds de couleur saturée (jaune ou rose vifs, bleu ou or) des formules mathématiques il rendait celles-ci concrètes. Abstraction et figuration se trouvaient réunis et c'était magnifique.

    Deux autres oeuvres sont encore visibles dans le splendide parc de la propriété Caillebotte au sud de Paris devenue Centre d'art et d'expositions et où se tient jusqu'au 23 novembre la biennale de la sculpture (la ferme Ornée, 8 rue de Concy, 91330-Yerres - Tél : 01 69 48 93 93).

    Mais Bernar Venet est également dessinateur, graveur, lithographe, sérigraphe et les travaux qui en résultent sont actuellement exposés à la Galerie Pierre Alain Challier. Plus intimes, elles accompagnent des petites sculptures que le format rend précieuses.

    La liberté des lignes qu'il trace et nomme "indéterminées", leur ouverture à l'espace, leur beauté formelle, leur élégance m'ont subjuguée.

    Je retiens d'abord l'énergie et la sûreté du trait des deux de ces "lignes indéterminées" de 2005 (photos 1 et 2) GEDC0032.JPGGEDC0031.JPGexposées à droite dès l'entrée. Tracées d'un geste précis, enroulées sur elles-mêmes, elles n'ont ni commencement ni fin. Leur sensualité et leur puissance sont rendues par l'utilisation du fusain et d'un papier à fort grain, ce qui a permis à l'artiste de faire jaillir la lumière et de créer un hallo autour d'elles. En dessinant des ombres en perspective où ces lignes semblent reposer sur un sol, Venet agit en sculpteur donnant à les voir dans l'espace.

    Les arcs de la sérigraphies "97,5 arcs" (photo 3)GEDC0041.JPG ne s'achèvent pas. Ils sont en communication avec un espace beaucoup plus vaste. Leur matérialité est rendue palpable par la couleur sanguine du fusain utilisé pour leur dessin. Venet les tient fermement en équilibre sur un sol tracé en noir et sur lequel s'inscrit leurs ombres.

    En écho à la puissance de ce tracé répond l'apparente instabilité de la sculpture en acier Corten, de couleur rouille comme la sanguine, intitulée "Effondrement 216°5" (photo 4)GEDC0033.JPG. Les arcs de cercle gisent renversés sur une plaque de métal. Disposés dans un ordre aléatoire, abandonnés à eux-mêmes ils semblent être dans un équilibre provisoire. Sculpture émouvante par sa disponibilité à l'espace et à l'interprétation.

    Le lien fort que l'artiste établit entre ses oeuvres sur papier et ses sculptures est concrétisé par la réalisation de sculptures présentoirs qu'il appelle ses "originaux multiples". Le coffret sculpture-estampe présenté ici a été réalisé spécialement pour la galerie (photo 5)GEDC0038.JPG. Sur un socle renformant un tiroir contenant six gravures originales de 2011 intitulées "lignes droites/désordre", il a disposé un effondrement de lignes droites. Se trouvent ainsi réunis en un seul objet sculpture et dessins. Les lignes de ces différentes estampes (photos 6 et 7)GEDC0040.JPGGEDC0039.JPG qui pourraient faire penser à des rails de chemin de fer, entraînent le regard à vive allure vers un espace inconnu. Elles contiennent tous les possibles.

    Traversant l'espace vacant de la feuille de papier, le tracé de certaines gravures intitulées"Combinaisons aléatoires de lignes indéterminées "(photo 8)Combinaison aléatoire de lignes indéterminées, 1998, Gravure pointe sèche.JPG possède comme dans certaines oeuvres de Chillida le rythme du travail créateur, sa netteté, sa certitude et sa rigueur. Venet me semble alors plus proche du grand sculpteur basque que des artistes minimalistes tels que Kosuth ou W. Morris dont on l'a souvent rapproché.

    Je terminerai avec une petite sculpture intitulée "9 lignes obliques" de 2009 (photo 9)GEDC0044.JPG également en acier Corten. Elle est toute simple : 9 sveltes bâtons, qui m'ont fait penser à 9 fusains sanguine, scellés sur un socle du même matériau, sont réunis en un faisceau. Sa simplicité a la force et la grâce de l'évidence. Matière et forme y sont miraculeusement mariés.

    "Bernar Venet, Sculptures et estampes" - Galerie Pierre Alain Challier, 8 rue Debelleyme, 75003-Paris. Tél : 01 49 96 63 00. Jusqu'au 5 novembre 2011. 

  • Wim Delvoye au Musée Rodin (par Régine)

    Aussi provocateur que l'oeuvre du sculpteur belge Wim Delvoye était le pari d'exposer quelques unes de ses sculptures au Musée Rodin. Faire se côtoyer ddans le prestigieux cadre XVIIIème de l'hôtel de Biron les oeuvres d'un artiste rendu célèbre pour sa scatologique machine Cloaka reproduisant le processus de la digestion et ses cochons tatoués, était un défi. Non sans ironie, Wim Delvoye le relève avec panache, à travers quatre pièces.

    - Wim Delvoye 014.JPGDans la cour d'honneur une immense tour de 10 m de haut se dresse devant nos yeux, véritable dentelle de métal dans le style gothique le plus flamboyant et dont la complexité des détails a été poussé à l'extrêmeWim Delvoye 017.JPG. Posée sur un socle ajouré, sa sophistication court circuite la simplicité du dôme doré des Invalides et la tour Eifel qui se profilent en toile de fond. Elle forme intentionnellement avec ces deux monuments si typiques du paysage parisien un triangle insolite et en active la présence. Fait en acier Corten, découpé au laser, et non en pierre, matériau noble dont on bâtissait les cathédrales, cette tour jette un pont entre plusieurs époques bien différentes et associe le sacré et le profane.  La rouille qui envahit peu à peu la teinte argent de l'acier souligne la fragilité de toute construction humaine si élaborée soit-elle. Faire une oeuvre très sophistiquée avec un matériau pauvre est typique du travail de Wim Delvoye qui fonctionne sur le télescopage d'objets, de matériaux ou d'idées antagonistes.

    -Wim Delvoye 022.JPG A l'étage l'artiste a installé une réplique en miniature du portail de son atelier, également en acier finement travaillé. Comme Rodin qui déclina à satiété les différents éléments de sa porte de l'Enfer, Wim Delvoye énumére, avec humour, les thèmes de son vocabulaire plastique : la figure virile de M. Propre muni de son intestinWim Delvoye 024.JPG, les logos de MGM et de la Warner... Dans bruit de ferraille les portes s'ouvrent et se ferment sans interruption. Placée face à un miroir ce mouvement invite le visiteur à pénétrer dans la pièce ; ce va et vient aurait-il une connotation sexuelle ? Comme dans l'ensemble de son oeuvre le scatologique et l'esthétique s'y côtoient.

    - Wim Delvoye 026.JPGPlus loin et en écho à la sculpture "Le Christ et Madeleine" de Rodin, deux pièces de bronze patiné appelées "Hélix" ressemblent de loin à une couronne d'épines déroulée. De près ells s'avèrent être une succession de crucifix placés horizontalement, en vrille, longue hélice qui rappelle la structure de l'ADNWim Delvoye 029.JPG. Science et religion auraient-ils partie liée ? Se trouve aussi bousculée notre vision habituelle du Christ en croix, toujours isolé et érigé verticalement.

    -Wim Delvoye 031.JPGLa dernière oeuvre est la plus décapante. Faisant face à des vases grecs à figures rouges sur fond noir ayant appartenu à Rodin, Delvoye a transformé deux bombonnes de gaz en les ornant très soigneusement d'un décor similaire. Reproduction sur des objets triviaux de motifs qui font partie du fond de notre culture. Au milieu de tous ces chefs d'oeuvre le bonbonnes suggèrent sans doute la charge explosive de l'art contemporain, la possibilité d'utiliser toutes sortes de matériaux, le recyclage infini des images, etc..

    Dommage qu'il n'y ait que quatre oeuvres : on reste un peu sur sa faim. L'iconoclasme de Wim Delvoye, qui tient peut être à ses origines belges,  force à une réflexion sur la condition humaine en faisant se heurter la perfection et le dérisoire, la fange et l'or, la religion et la science, les temps anciens et notre monde moderne

    Musée Rodin, 79 rue de Varenne, 75007-Paris (01 44 18 61 10). jusqu'au 22 août 2010. Ouvert du mardi au dimanche de 10 j và 17 h 45.