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  • Jean-Pierre Schneider (par Régine)

    D'abord il y a ce grand tableau blanc qui capte le regard dès l'entrée dans la galerie et qui ne vous lâche plus. Une grande toile entièrement blanche au centre de laquelle un rectangle est esquissé ; de son angle supérieur droit un léger trait noir indiquant une perspective le transforme en boîte sans fond.*

    Le médium utilisé donne au blanc un rayonnement, une matière à la fois palpable et immatérielle. Il est froissé comme un linge par endroit, lisse comme du marbre à d'autres, partout immaculé. On pense à des linceuls, à des champs de neige fraîche, à des draps d'une blancheur parfaite.

    En bas à droite le mot "Falkenau" est à peine esquissé. Falkenau est le nom d'un camp de concentration dans lequel les américains se sont introduits après la guerre. Il y ont découvert des montagnes de cadavres. Ils sont allés trouver tous ceux qui vivaient tranquillement à proximité. Vous saviez, leur ont-ils dit, ce qui se passait, maintenant donnez-nous vos draps pour envelopper ces corps et leur rendre leur dignité.

    L'origine de cette toile est là, les draps blancs, la tombe sans fond, le froid, l'inimaginable absence. Ce tableau, dénué de tout pathos, est beau parce qu'il est juste et vrai.

    schneider 7.jpgJean Pierre Schneider procède ainsi par série autour d'un thème qu'il abandonne puis reprend parfois. Il y a celui de la boîte dont on peut voir plusieurs beaux exemples exposés ici, et parmi d'autres celui des pierres noiresschneider 2.jpg ou de la ligneschneider 5.jpg. Situés, la plupart du temps, dans le tiers supérieur du tableau on pense bien sûr au fil sur lequel marche le funambule, aux rochers posés ici ou là dans le cours d'une rivière permettant de la traverser à gué.  L'artiste nous suggèrerait-il la fragilité de tout passage ? La précarité de tout équilibre ?

    A la différence de Twombly qui efface volontairement les mots inscrits dans ses toiles afin qu'ils en fassent partie intégrante, évoquant ainsi les traces des cultures qui les ont précédées, J.P. Schneider écrit lisiblement des bribes de phrases empruntées à des poètes de notres siècle (René Char, Jean Genet...), des chiffres, une notation personnelle et le spectateur est invité à les lire ; va et vient du regard. Ici encore Jean Pierre Schneider fait une proposition.

    Et il y a également la matière de la peinture. Telle une peau il faut se retenir pour ne pas en caresser la surface. Comme Tal Coat qu'il admirait bdaucoup, Jean Pierre Schneider doit fabriquer lui-même son médium. Qu'ajoute-t-il à la couleur pour qu'elle soit si fluide, si veloutée, si discrètement sensuelle ? Les objets représentés échappent à toutes lourdeur, et semblent souvent prêts à se dissoudre dans la couleur du tableau.

    Le peinture de Jean Pierre Schneider n'est ni abstraite, ni figurative, mais suggestive.

    * Ce tableau est impossible à photographier, il faut aller le voir.

    Galerie Berthet Aitouaeres - 29 rue de Seine, 75006-Paris. Tél : 01 43 26 53 09. Ouvert du mardi au samedi de 11 h à 13 h et de 14 h 30 à 19 h. contact@galerie-ba.com

  • Anthony Caro (par Sylvie)

    IMG_1981.JPGIMG_1982.JPGLe moment est propice à un grand saut dans l'oeuvre du sculpteur anglais Anthony Caro. Après une rétrospective au Musée des Beaux-Arts d'Angers, c'est au tour de la galerie Templon, à Paris, de montrer une dizaine d'oeuvres des années 2000 de cet artiste de 84 ans qui a profondément influencé la sculpture de la seconde moitié du XX ème siècle.

    D'abord assistant de Henry Moore, sa rencontre avec  David Smith aux Etats-Unis, a déterminé son orientation. Il s'attache alors aux objets industriels métalliques. Par soudure, assemblage, parfois peinture, il fait de ces récupérations des constructions abstraites , très petites ou monumentales, où s'allient le convexe et le concave, le plein et le délié, le mat et le poli. Des formes approximatives, des associations d'idées ou des changements d'échelle leur confèrent un humour, une légèreté qui contraste avec leur aspect massif..Chez Templon, "Solo Piano" (2006-2007, acier galvanisé,140x185x79 cm) évoque, avec un médium manufacturé, des travaux d'artisan."Yellow room" (2005-2006, acier et fer moulé, galvanisé et peint, 186x 230x180cm) réunit dans une dimension architecturale des angles, des ouvertures, des chassis et de la couleur, un pan de jaune bouton d'or porteur de chaleur et de vitalité. (photos).

    On aurait tort de s'arrêter là puisque l'actualité met Anthony Caro au premier plan. En effet, trois musées du Nord - Calais, Dunkerque, et Gravelines- présentent trois angles de vues complémentaires d'une production de quarante ans. De plus, une oeuvre, répondant à une commande publique, vient d'être inaugurée à l'église Saint Jean Baptiste  de Bourbourg, dans la même région.

    Cette création,  pensée pour un édifice gothique durement touché pendant la dernière guerre, est composée, fait rarissime, d'un ensemble intitulé "choeur de lumière": 15 sculptures  en métal réparties en cercle dans les niches de l'abside (photo), sculptures-tours en chêne autour des piles, chaire, cuve baptismale en béton blanc, tout un mobilier lithurgique et, à l'exterieur, faisant la liaison entre espace public et espace sacré, une sculpture en forme de porche circulaire en acier Corten,  un alliage à l'aspect corrodé et patiné, d'une très grande résistance aux conditions atmosphériques (photo).

    Dans ce sanctuaire religieux, Anthony Caro  n'a pas dévié de ses préférences : les matériaux qui en font l'unité, acier ondoyant ou rigide,  bois,  terre cuite (photo) ou  béton sont toujours d'une densité abrupte. Sur le fond de gothique, un faire-valoir respectif  et un dialogue architecture, sculpture et art sacré s'établit. Cette oeuvre épurée et expressive, éminemment contemporaine - elle devrait en choquer certains - a une dimension intemporelle.

    Depuis les débuts d'Anthony Caro avec le métal dans le années 60 - et avant lui Picasso et Gonzales, d'autres artistes ont délaissé les matériaux traditionnels de la sculpture au profit de ce médium propre à la modernité. Les mathématiques ayant permis l'exploration de ses capacités, l'espagnol Chillida, le Français Bernard Venet ou  encore l'américain Richard Serra en ont conçu des oeuvres résolument gigantesques. Il ne s'agit plus d'objets mais d'un rapport à l'espace.

    Galerie Daniel Templon, 30 rue Beaubourg, 75003, Paris. Jusqu'au 3 novembre 2008.

    "Sculptures d'acier" au LAAC de Dunkerque. "Les barbares" au Musée des Beaux-arts et de la dentelle, Calais. "Papiers et volumes" au Musée de Dessin et de l'Estampe originale, Gravelines. Jusqu'au 23 fécrier 2009.

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  • Champion Métadier (par Régine)

    metadier01.jpgCe serait se priver d'un grand plaisir en omettant de passer rue Quincampoix, à la galerie Catherine Putman, qui expose, jusqu'au 8 novembre, les oeuvres de Champion Métadier.

    La liberté des formes suspendues au centre de la feuille blanche, leurs couleurs éclatantes sont jubilatoires. Leur biomorphisme nous ramène aux origines de l'espèce, leur aspect ludique et coloré à l'enfance. Elles invitent à la rêverie, aux rapprochements savants, aux associations libres. Un grand plaisir pour les sens et l'intellect.

    Un résultat qui provient en grande partie de la façon de procéder de l'artiste : elle a su mettre au point un medium et une technique adaptées à son propos ; bel exemple de la rencontre heureuse de la matière et de l'esprit.

    Cette série s'appelle "Shellacs", nom emprunté à une résine naturelle dérivée d'excrétions d'insectes vivant dans les arbres. A ce matériau Champion Métadier ajoute des pigments purs. Elle dépose le mélange sur le papier posé à plat, puis le manipule juqu'à faire apparaître une forme qui lui convienne et qui commandera les suivantes. Ainsi un hasard extrêmement maîtrisé préside-t-il à leurs superpositions, emboîtements, juxtapositions ; leurs couleurs ont un éclat, un rayonnement que l'on pourrait qualifier de cathodique tant le fond du papier les rend luminescentes.

    Métadier 2.JPGLes 10 oeuvres exposées au dessus du bureau, face à l'entrée, est une ode à la couleur et à l'imaginaire. Beauté de l'alliance du jaune et du bleu, du vert et du violet, du rouge et de l'orange, du bleu et du noir ; gaîté et inventivité des formes, leur puissance érotique... On se plait à envisager ici une fleur ou un coquillage, là un jouet ou une silhouette féminine toute auréolée d'orange, là encore une amibe ou un être pieds par dessus tête...Les couleurs réagissent entre elles comme si elles étaient vivantes. Tantôt brillantes, tantôt mates, leurs rencontres créent des irisations, des superpositions, des effets d'épaisseur, de grains et de transparence.shellac.jpg

    Autant de figures qui semblent contenir des possibilités infinies de transformation "tels des organismes volatils qui se seraient formés un moment par arrêt sur image avant de disparaître" (Anne Hindry, Art press, oct. 2008, pp.50-52). Elles donnent  le sentiment que naissance et disparition sont intimement liés.

    L'univers de Champion Métadier, qui vit entre Paris et New York est très ancré dans le temps présent. La vitalité, la créativité, l'évolution incessante dont ces villes sont l'objet l'inspirent inévitablement. Elle dit puiser dans le répertoire des images médiatiques qui sollicitent sans cesse notre regard. Elle fait par exemple allusion aux "flyers", sorte de cartes postales publicitaires aux couleurs agressives que l'on distribue partout et qui finissent par voltiger sur le sol new-yorkais, aux nouvelles technologies, aux images virtuelles, à la création en 3 D, au monde des écrans.

    Ce travail s'inscrit aussi dans l'histoire de la peinture. Sa façon de laisser la part belle au hasard fait bien sûr penser aux surréalistes, au biomorphisme de Tanguy, de Arp ou de Miro, cette construction par la couleur à Matisse, ces gros plans et ces contrastes colorés de motifs qui pourraient être végétaux ou vulvaires à la Georgia O'Keefe et le fait de puiser dans l'air du temps et d'en utiliser le chromatisme au pop'art.

    Elle-même se dit en accord avec Fernand Léger par son répertoire de formes simplifiées, son implication dans son époque, sa fascination pour la modernité.

    Vous vous direz que Champion pour un prénom  ce n'est pas courant et qu'il vaut mieux pouvoir l'assumer. Et bien Champion Métadier est une femme, son prénom est Isabelle. On aimerait bien savoir si ne pas l'indiquer est un parti pris de féminisme ou une simplification.

    Galerie Catherine Putman, 40 rue Quncampoix, 75004-Paris, 1er étage. Ouvert de 14 h à 19 h du mardi au samedi. Tél 01 45 55 23 06. Jusqu'au 8 novembre.

  • Jean-Marc Bustamante (par Sylvie)

    Bustamante 006.jpg Jean-Marc Bustamante est à l'honneur à la galerie Thaddaeus Ropac, jusqu'au 16 octobre, avec des sérigraphies sur plexiglass aux couleurs claquantes dans de très grands formats comme il en a l'habitude. Personne, à la galerie,  n'a pu me donner le sens du titre de l'expo "La Chambre des Saintes". Dommage!

    Cet artiste polyvalent, né en 1952 à Toulouse, à la fois photographe, sculpteur, dessinateur, peintre, utilisant des Bustamante 008.jpgmédiums et des techniques diverses, nous avait surpris au début des années 90 par de gigantesques photos de cyprès alignés, formant rideau et rendus presque artificiels par leur densité et leur vision frontale. Paysages, certes, mais frontières envahissantes et énigmatiques.

    Les oeuvres présentées cette fois restent liées à la nature, mais une nature transposée, interprétée, entre figuration et abstraction. La technique en est la sérigraphie et le support du plexi épais monté sur pièces métalliques à distance du mur.  Ce qui n'est pas sans rappeler la notion d'obstacle, de frontière. D'ailleurs un paravent de plexi, lui aussi sérigraphié, obstrue l'entrée. Quant au sofa central, il est habillé de tissu, reprenant le motif Bustamante 003.jpgrépétitif de fond de la série, qui figure en papier peint tout autour de la pièce et en tramage dans chaque oeuvre. Peu importe ce que chacun y voit, vagues de la mer, vibrations de l'air ou simples trainées de couleur, on le retrouve partout. La relation qu'il créé entre les différentes oeuvres, nous conduit à une amusante gymnastique visuelle et mentale, à des allers-retour de l'une à l'autre. L'artiste a investi l'espace dans sa totalité et veut visiblement nous faire participer.

    Et la gymnastique ne s'arrête pas là. Elle implique un va et vient entre fond et formes. La qualité des images ci-dessus vous empêchera sans doute de voir nettement les horizontales irrégulières grises du papier peint, d'autant plus qu'elles sont en partie occultées par celles, imprimées en sérigraphie, qui les recouvrent partiellement. En revanche, vous comprendrez comment elles se laissent voir dans les interstices et comment  les couleurs peuvent se projetter en ombre sur le fond, à quelques centimètres derrière elles. Dans le jeu des pleins et des vides, des transparences, des opacités, et des contrastes colorés s'ajoutent les reflets des  visiteurs et du lieu sur la brillance du plexi. Le brouillage est savant et miroitant et, finalement la frontière perméable.

    De chacun des tableaux émergent des formes, plutôt organiques, de fleurs, de feuillage, de branches  donnant une vision rigidifiée de la nature, comme un travail d'entomologiste ayant épinglé ses papillons. Les couleurs, complémentaires, rappellent les découpages de Matisse, avec une fraicheur comparable, mais une agitation de surface plus ludique et beaucoup moins sereine, me semble-t'il.

    Jean-Marc Bustamante, "La chambre des Saintes", galerie Thaddaeus Ropac, 7 rue Debelleyme, 75003, Paris. 01 42 72 61 66. Jusqu'au 16 octobre.