Anthony Caro (par Sylvie)
Le moment est propice à un grand saut dans l'oeuvre du sculpteur anglais Anthony Caro. Après une rétrospective au Musée des Beaux-Arts d'Angers, c'est au tour de la galerie Templon, à Paris, de montrer une dizaine d'oeuvres des années 2000 de cet artiste de 84 ans qui a profondément influencé la sculpture de la seconde moitié du XX ème siècle.
D'abord assistant de Henry Moore, sa rencontre avec David Smith aux Etats-Unis, a déterminé son orientation. Il s'attache alors aux objets industriels métalliques. Par soudure, assemblage, parfois peinture, il fait de ces récupérations des constructions abstraites , très petites ou monumentales, où s'allient le convexe et le concave, le plein et le délié, le mat et le poli. Des formes approximatives, des associations d'idées ou des changements d'échelle leur confèrent un humour, une légèreté qui contraste avec leur aspect massif..Chez Templon, "Solo Piano" (2006-2007, acier galvanisé,140x185x79 cm) évoque, avec un médium manufacturé, des travaux d'artisan."Yellow room" (2005-2006, acier et fer moulé, galvanisé et peint, 186x 230x180cm) réunit dans une dimension architecturale des angles, des ouvertures, des chassis et de la couleur, un pan de jaune bouton d'or porteur de chaleur et de vitalité. (photos).
On aurait tort de s'arrêter là puisque l'actualité met Anthony Caro au premier plan. En effet, trois musées du Nord - Calais, Dunkerque, et Gravelines- présentent trois angles de vues complémentaires d'une production de quarante ans. De plus, une oeuvre, répondant à une commande publique, vient d'être inaugurée à l'église Saint Jean Baptiste de Bourbourg, dans la même région.
Cette création, pensée pour un édifice gothique durement touché pendant la dernière guerre, est composée, fait rarissime, d'un ensemble intitulé "choeur de lumière": 15 sculptures en métal réparties en cercle dans les niches de l'abside (photo), sculptures-tours en chêne autour des piles, chaire, cuve baptismale en béton blanc, tout un mobilier lithurgique et, à l'exterieur, faisant la liaison entre espace public et espace sacré, une sculpture en forme de porche circulaire en acier Corten, un alliage à l'aspect corrodé et patiné, d'une très grande résistance aux conditions atmosphériques (photo).
Dans ce sanctuaire religieux, Anthony Caro n'a pas dévié de ses préférences : les matériaux qui en font l'unité, acier ondoyant ou rigide, bois, terre cuite (photo) ou béton sont toujours d'une densité abrupte. Sur le fond de gothique, un faire-valoir respectif et un dialogue architecture, sculpture et art sacré s'établit. Cette oeuvre épurée et expressive, éminemment contemporaine - elle devrait en choquer certains - a une dimension intemporelle.
Depuis les débuts d'Anthony Caro avec le métal dans le années 60 - et avant lui Picasso et Gonzales, d'autres artistes ont délaissé les matériaux traditionnels de la sculpture au profit de ce médium propre à la modernité. Les mathématiques ayant permis l'exploration de ses capacités, l'espagnol Chillida, le Français Bernard Venet ou encore l'américain Richard Serra en ont conçu des oeuvres résolument gigantesques. Il ne s'agit plus d'objets mais d'un rapport à l'espace.
Galerie Daniel Templon, 30 rue Beaubourg, 75003, Paris. Jusqu'au 3 novembre 2008.
"Sculptures d'acier" au LAAC de Dunkerque. "Les barbares" au Musée des Beaux-arts et de la dentelle, Calais. "Papiers et volumes" au Musée de Dessin et de l'Estampe originale, Gravelines. Jusqu'au 23 fécrier 2009.