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Herta Muller ( par Sylvie)

          C'est un plaisir extrême de revoir le travail d'Herta Muller à Paris. La galerie Berthet-Aittouarès présente une trentaine d'oeuvres de 2003 à 2013 de cette artiste allemande née en 1955 qui vit entre Berlin et la Toscane et avoue puiser son inspiration dans la nature. J'en souligne ce positionnement géographique car les traits fougueux et les tons soutenus, presque violents d'une partie des oeuvres en présence côtoient la douceur de fonds clairs  et la souplesse de lignes des autres. Aboutissement abstrait dans les deux cas, qui reflète, me semble t'il, le double jeu de la nature fait de violence et de sérénité, et la double essence de l'artiste, son attachement très germanique à la forêt et son inclination pour le paysage toscan.

J'ai délibérément choisi de ne montrer que deux oeuvres: à elles seules, elles caractérisent la double démarche picturale de l'artiste qui, malgré une forme de contradiction, est un régal de présence au monde.

Herta Muller (6) IMG_3707.jpegDans la première, une huile sur toIle " (Fundamentales Dach (Voutes fondamentales)" - 2010- 170x130cm -  l'inspiration "paysagère" saute aux yeux. Rien d'une traduction sur le motif mais des couleurs saturées, propres à la terre siennoise - bruns, gris, rouges et ocres, alignements verticaux de troncs d'arbres, plages structurées comme des champs labourés, et des traversées d'un blanc rendu scintillant - ensoleillé ?- par le mélange de couleurs claires qui le composent...c'est tout un arrangement vigoureux et frontal qui souligne la matérialité de l'univers et rappelle le travail du peintre norvégien Per Kirkeby.

Une autre perception du monde nous attend dans l'oeuvre suivante. Inutile d'en chercher le nom, Herta Muller en donne rarement. Elle préfère les repères chronologiques. Donc, voici 15.04.12 - 140x100cm, technique mixte sur papier Herta Muller (1) IMG_5196.jpegmarouflé sur toile. Plus proche du dessin que de la peinture, ce qui est figuré par des lignes ondulantes, des couleurs douces sur le fond crémeux de la cire, serait plutôt du domaine du souvenir. En écho au titre de Monet "Impression soleil levant",on serait tenté de baptiser cette composition et les autres oeuvres de la même veine qui sont exposées ici, "sensation Toscane". il s'agit peu du visible mais du sensible et d'un vécu individuel.

De son expérience de graveur l'artiste a gardé le goût et la technique subtile de la ligne. Les traits noirs, fins et longs ou épais et courts, plus ou moins rigides ou linéaires, isolés ou unis à d'autres, forment la colonne vertébrale du tableau, sa dynamique, sa tension et réveillent dans l'oeil du spectateur le souvenir schématique de branches nues, de troncs et peut-être de ronces traversés d'un pas de promeneur. Sous les crayonnages verts et ocres pris dans les rets de lignes enveloppantes, se devine la fraicheur allègre d'une campagne sereine où les taches grasses aux contours flous d'un pastel écrasé , viennent brouiller la netteté des figures, rappeler la volumétrie des collines, les sensations corporelles de l'artiste et peut-être l'inquiétude devant toute beauté. L'air circule dans la blancheur onctueuse du fond, trace invisible mais palpable d'une respiration, un grand vide méditatif et poétique. Le minimalisme d'extrême orient n'est pas loin.                                                  

"Herta Muller, Sillages", galerie Berthet-Aittouarès, 29 rue de Seine, 75006 Paris. Jusqu'au 15 mars.

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