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décrypt'art

  • Balade avenue Matignon

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    Après avoir souvent parcouru les galeries du Marais, l’envie nous est venue, d’aller explorer celles de l’avenue Matignon. Ce quartier, passage obligé pour les amateurs d’art dans les années 50/60, donne aujourd’hui des signes d’un nouveau souffle, probablement lié à la présence de riches étrangers . Ces galeries, consacrées essentiellement au second marché, s’adressent à des collectionneurs recherchant des œuvres d’un artiste précis et plus classique. Mais quelques nouvelles, installées plus récemment, laissent entrevoir des signes d’un nouveau développement. L’idée d’installer’ un second lieu  prestigieux d’exposition  a séduit quelques grands de la rive gauche venus rejoindre les  anciens.

     

     

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  • Geneviève Asse : carnets (par Régine)

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    Il y a beaucoup de belles et grandes expositions en ce moment à Paris, mais il y en aussi une petite, tout à fait merveilleuse. Intitulée : Geneviève Asse : carnets, elle occupe une seule salle, celle des donateurs, à la BnF François Mitterand. Elle est organisée à l'occasion de la donation, faite par sa compagne Silvia Baron Supervielle, des 25 carnets de l'artiste dont la plupart ont été réalisés entre 1980 et la fin des années 2000. A la jonction de la peinture, du dessin, de la gravure, ils sont ici présentés en résonnance avec une sélection d'estampes et de livres réalisés avec des poètes issus des collections de la BnF.

     

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  • Vitraux , mon beau souci ( par Sylvie)

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    La reconstruction de Notre Dame a fait l'unanimité. La dynamique des entreprises, les images du colossal travail acrobatique du chantier ont suscité un enthousiasme rare pour un bâtiment publique. Mais il s'agit là d'un sanctuaire, de la grande histoire de Paris et de la chrétienté. Il devrait être terminé fin 2026. Et voilà qu'un violent débat a opposé les partisans de vitraux  actuels dans les chapelles sud, aux défenseurs de ceux  mis en place au XIXème siècle par  Violet le Duc : "On ne touche pas au patrimoine" !  Des vitraux ont pourtant été créés au fil des siècles, pourquoi pas aujourd'hui, d'autant plus que depuis la fin des années 80  les commandes publiques sont un précieux soutien financier.

    IMG_20250305_101242_edited.jpgA l'heure où nous écrivons, en principe, ceux de la jeune artiste de 43ans, Claire Tabouret, en collaboration avec l'atelier de maitres verriers Simon-Marq sur le thème de la Pentecôte, ont été choisis, réalisation contemporaine de silhouettes fragiles, presque classiques (photo 1,maquette). Ils figurerons dans le patrimoine de demain. 

    Voici quelques exemples de bonne facture , parmi beaucoup d'autres , pour tous ceux que ça n'effleurait pas de confondre  temps de réalisation et style.

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  • James TURRELL (par Régine)

    James TURRELL

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    Impossible d'oublier les sensations d'immersion dans la couleur, de perte de repères et de flottement dans l'infini, ressenties il y a plusieurs années à la Biennale de Venise en pénétrant dans l'installation de James Turrell à l'Arsenal. Il expose depuis début octobre dans le grand espace de la galerie Gagosian près de l'aéroport du Bourget. Je m'étais bien promise de m'y rendre mais la difficulté d'accès de ce lieu lointain me retenait. Entrainée par Sylvie, nous avons opté, en cette fin du mois de février, de nous y rendre coûte que coûte . Nous ne l'avons pas regretté. Cette exposition unique vaut les difficulté du déplacement (RER B à la gare du Nord, puis bus et marche). Le lieu est immense et les œuvres récentes de Turrell peuvent y déployer toute leur splendeur. Voyons en quelques unes.

     

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  • Béatrice Casadesus par Sylvie et Régine

    Nous suivons depuis longtemps l’œuvre de Béatrice Casadesus. Nous en avons d’ailleurs déjà parlé sur ce blog à plusieurs reprises. L’exposition qui lui est actuellement consacrée à la galerie Dutko, à Paris, nous a de nouveau enthousiasmées. Elle est magnifique !

    Nous n’avons pas résisté au charme de la photo annonciatrice que voilà (photo 1)

    20241012_144957 (1).jpg

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  • Bernard REQUICHOT (par Régine)

    Au gré de mes pérégrinations dans les galeries parisiennes et de mes visites de musées, j'avais vu des œuvres de Bernard Réquichot. Je les trouvais intenses et même inquiétantes sans éprouver le besoin d'en savoir plus. Mais voir une rétrospective de son travail est une toute autre expérience. Appréhendé dans son ensemble son cheminement acquiert une grande cohérence et une incontestable puissance. Une force nous empoigne et nous bouleverse. Il serait donc dommage de rater l'exposition qui se tient actuellement  au Centre Pompidou et qui est remarquablement bien faite.

    Né en 1929, Bernard Réquichot quitte sa Sarthe natale à 17 ans pour monter à Paris où il se forme à l'école des Beaux-Arts. Il se suicide en 1961, la veille d'une exposition que lui consacrait Daniel Cordier. Il avait alors 32 ans. Son œuvre inquiète s'étale donc seulement sur une dizaine d'années. Au cours de sa courte vie, il fut d'abord peintre puis diversifia sa pratique en l'élargissant au dessin, au collage. Il fabriquât aussi de bien étranges reliquaires. 

    Requichot 1.jpgLes premières peintures exposés sont figuratives, de style plutôt cubiste, tels Sans titre ou Le bœuf assis (à la Juan Gris) (photo 1) toutes deux de 1953. Dans les œuvres de cette période l'artiste avait l'habitude de mélanger à son médium de la sciure de plastique récupérée dans une usine et du sable. Cet ajout procure à son travail une sensation tactile proche de celle éprouvée devant une tapisserie. Mais il abandonne rapidement ce style figuratif au profit d'une abstraction gestuelle et matiériste qui lui permet d'exprimer le mal être qui l'habite. Requichot 2.jpgTravaillées au couteau ses œuvres sont alors des jaillissements de tiges de végétaux striés de traces saccadées rouges et noires (photo 4). Ce sont d'inextricables enchevêtrements de cordes, de fils telle cette huile sur toile Sans titre (1956) (photo 2) qui n'est pas sans évoquer un crane en ébullition.Requichot 3.jpg

    Requichot 4.jpgParallèlement Requichot peint des formes biologiques, telluriques ou cosmiques qui se détachent sur des fonds uniformes. Ainsi avec Sans titre de 1956 on assiste à la formation d'un objet qui jaillit d'un magma en ébullition (photo 3).IMG_2994.JPG En 1957 ses tableaux atteignent un paroxisme visuel. A titre d'exemple regardons L'Episode de la guerre des nerfs (1957) (photo 4) où, de formes enchevêtrées de façon très serrée, s'échappent des tiges spiralées, sorte de ressorts, que l'artiste dessine de façon obsessionnelle et où des morceaux déchiquetés de peintures antérieures parsèment la surface. Avec Sans titre (photo 5), exécutée la même année, il nous fait assister  à une déflagration de matières diverses. A des entrecroisements de coups de brosse à l'acrylique se mêlent des illustrations de magazine et des objets puisés dans la nature tels ces plus de paon ou de faisan.

    La belle série des Traces graphiques de 1958 qui entretient, comme son nom l'indique, une relationIRequichot 6.jpg ambigüe avec l'univers du dessins, est d'un tout autre registre. Arachnéa (photo 6) peint en janvier 1958, en est un bel exemple. Une gerbe de lignes constituées de petits ponts noirs, si fins qu'on pense à une toile d'araignée, explose et envahit avec légèreté le fond blanc de la toile.

    Requichot 5bis.jpgParallèlement à son travail picturale Bernard Requichot exécute aussi plusieurs séries de dessins à l'encre où prolifèrent des spirales. Souvent rehaussées de gouache blanche, ils se déploient sur de grandes feuilles de papier blanc et sont à la fois inquiétants, gracieux et tourmentés. Ces dessins très fins évoquent des organismes troublants assez proches de ceux exécutés par son ami Fred Deux (Photo 7). Ces spirales seront prolongées en 3 dimensions avec la sculpture Nekong tanten tank mana (1959-1960) composée de circonvolutions d'anneaux de polystyrène collés les uns aux autres, enfermes dans une vitrine. Créature zoomorphe qui, de son œil de prédateur, guette sa proie.

    A la fin de sa courte vie, Requichot renouvelle en profondeur son art exécutant de grands collages qu'il baptise Papiers choisis. Pour ce faire il prélève dans des revues à grand tirage, dont il se procure plusieurs exemples, des images banales qu'il découpe compulsivement (torchons de cuisine, animaux, gâteaux industriels....) et qu'il rassemble de façon à créer d'inquiétantes formes figuratives. Requichot 8.jpgQuelques exemples de cette façon de procéder sont donnés dans l'exposition, dont La cocarde, le déchet des continents de 1961 (photo 8). Ce collage est constitué de deux motifs antithétiques : une pâtisserie industrielle et un museau de chien collé à l'envers. Répété et associés à d'autres images, ces motifs, rehaussés de peintures, dessinent une sorte de végétation fantastique et inquiétante (photo).

    La fabrication de reliquaires a toujours accompagné son travail. A l'inverse de ceux qu'on trouve dans les églises et qui renferment des fragments de corps sanctifiés, ceux de Réquichot ne contiennent que des débris de la nature ou des rebuts manufacturés qu'l recouvre entièrement et rageusement d'une épaisse couche de peinture et qu'il enferme dans des boîtes en bois recouvertes de tissus. Nappage protecteur ou suc gastrique destructeur qui enduit ou détruit ce qu'il recouvre en le dissimulant. Requichot 9.jpgAinsi Le reliquaire de la forêt (1957-58) (photo 8) contient des ossements d'animaux, morceaux de bois, racines, ficelles.... La maison du manège endormi (1957-58) des ossements d'animaux, chaussures, bois, champignons fragments de toile peintes à l'huile. Le plus monumental est L'armoire de Barbe bleue dont le titre renvoie à celui d'un conte cruel et inquiétant. Il contient des rouleaux de toile enduites de peinture épaisse, serré les uns contre les autres. Figureraient-ils des corps de femmes assassinées ?

    On a souvent rapproché l'œuvre de Bernard Réquichot de celle d'Antonin Artaud. Tous deux en effet expriment leur extrême difficulté d'exister. Mais si le second en traduit la douleur, le premier dévoile avec rage et insistance le dérèglement de son esprit.

    Bernard REQUICHOT. Je n'ai jamais commencé à peindre. Centre Pompidou, Galerie Ouest, 4ème étage. 4 Place Georges Pompidou, 75004-Paris. Jusqu'au 2 septembre. (fermé mardi)

     

  • Robert Ryman (par Régine)

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    Exposer Robert Ryman qui, toute sa vie, n'a peint que des tableaux blancs, à l'Orangerie, à proximité des Nymphéas de Monet  qui ne sont que couleur peut sembler paradoxal ou tout au moins provocateur. Mais il ne faut pas s'arrêter à cette première réaction et essayer d'a bord de comprendre les raisons qui sous-tendent cette démarche.

    L'exposition produit une impressions très particulière. On ne peut nier la beauté de l'ensemble et la somptuosité de la lumière qui s'en dégage. Mais pour apprécier cette œuvre si radicale et très sophistiquée, il faut essayer d'abandonner notre façon habituelle de regarder un tableau pour tenter de comprendre la complexité qui sous-tend cette répétition à l'infini.

    Qui est Robert Ryman ? Né à Nashville dans le Tennessee, Ryman arrive à New York en 1952 et il est saxophoniste. Pour survivre il exerce toute sorte de petits métiers, entre autres celui de gardien du Museum of Modern Art. Dans ce haut lieu de l'art, la peinture l'intrigue et l'attire et il dispose alors de beaucoup de temps pour appréhender avec perspicacité tous ces tableaux qui l'entourent et surtout leur avoir-faire. Peu à peu l'envie lui vient de s'y mettre à son tour.

    Mais il ne veut pas représenter le monde. Ni tels Rothko ou Klein, provoquer une émotion ou un quelconque sentiment de transcendance chez le spectateur, il veut montrer les multiples et infinis aspects de a peinture elle-même et faire de celle-ci son sujet. Il n'y aura donc pas d'image, pas de couleur, seulement du blanc et son infini variété de nuances. Ce qu'il veut mettre en évidence c'est à quel point tout compte pour réaliser un tableau : le grain de la toile, son support, la façon de manier le pinceau et d'entrecroiser les couches, leurs épaisseurs, le rapport du tableau au mur, au sol, l'endroit de la signature, le mode de fixation, et ainsi de suite. "Rien de ce qui est visible n'est indifférent" dit-il. Et si en France, quelques années plus tard, avec le mouvement support-surface, des artistes mettront en évidence les composants du tableau (châssis, toile, encadrement...), Ryman, quant à lui, ne se consacrera qu'à la peinture elle-même et à ce qui l'environne pour la mettre en valeur. Il dira aussi "Je n'estime pas que je peins des tableaux blancs. Le blanc est seulement un moyen d'exposer d'autres éléments de la peinture. Le blanc permet à autre chose de devenir visible".

    Prenons quelques exemples pour mieux saisir cette démarche si singulière. Deux tableaux Untitled de 1962 (photo 1) et Check de 1993 (photo 2)IMG_2889_edited.jpg, de factures très prochesIMG_2906_edited.jpg bien que 30 années les séparent, sont tous deux de même format carré, format qu'affectionne particulièrement l'artiste. Dans le premier les touches, faites avec une peinture assez épaisse, virevoltent sur la toile, recouvrant une couleur sous-jacente. On se sent emporté par la vitalité qui se dégage du grouillement incessant qui envahit l'espace. Elles ne recouvrent pas toute la toile, jouant avec les limites de l'oeuvre en ménageant un cadre, elles s'arrêtent à quelques centimètres du bord laissant la toile de lin nue. Le second tableau, très proche du précédent, est entièrement recouvert de blanc, mais les touches sont plus calmes, plus statiques. là aussi un cadre, peint d'un blanc lisse, a été ménagé.

    En comparant ces deux tableaux et bien d'autres encore, tous proches les uns des autres mais différents quand-même, on prend conscience de l'importance des modalités d'application de la peinture, de son épaisseur, du cadre, de la couleur du fond... Ryman variera à l'infini les supports et les mediums : huile et gesso sur toile de lin pour Chapter (1963),  toile de coton, peinture à l'émail et laque pour General (1970) ; acrylique et laque sur panneau de fibre de verre pour Concert (1987) IMG_2904.JPG(photo 3). Avec cette dernière toile il souligne l'importance de l'accrochage. Les 4 clous qui la maintiennent accrochée sont mis en évidence. Il expérimente en effet différentes façons de présenter ses œuvres afin de les intégrer à leur environnement et mettre en valeur des éléments oubliés de la peinture comme la tranche du tableau qu'il recouvre de bois ou d'aluminium pour la rendre visible : horizontalement IMG_2911_edited.jpget à quelques centimètres du sol (Pair navigation, 1984)IMG_2958_edited.jpg (photo 4) perpendiculairement au mur afin de dévoiler l'importance de l'ombre portée (Pace,1984) (photo 5). Il créera même des systèmes d'accrochage sophistiqué pour détacher l'œuvre du mur et mieux capter la lumière.

    L'exposition se termine sur les derniers tableau de Ryman qui arrêtera définitivement de peindre en 2010. Les fonds colorés, rouge, violet ou vert, sont recouverts de blanc, mais ps entièrement. Leur perception en est évidemment changée. IMG_2947.JPGJouxtant deux cathédrales de Rouen de Monet dont la lumière change imperceptiblement nous prenons conscience de l'incroyable complexité de l'art de peindre. Cet artiste hors du commun qu'était Ryman en peignant la peinture nous donne l'occasion peut-être de renouveler notre regard sur elle.

    Robert Ryman, le regard en acte : Musée de l'Orangerie, jardin des tuileries, Place de la Concorde, jusqu'au 1er juillet.

     

  • Louis Soutter (par Sylvie)

    Non, la peinture au doigt n'est pas seulement une technique pour enfants.

    Louis Soutter, un artiste suisse ( 1871-1942) ,en a laissé une œuvre très particulière et profondément bouleversante exposée aujourd'hui à la galerie Karsten Greve qui nous l'avait fait découvrir en 2020. Régine Lissarrague, ma comparse de ce blog, l'avait brièvement signalée. La nouvelle monstration est composée de 14 peintures réalisées entre 1930 et 1942 et de portraits photographiques du peintre.

    C'est un coup de poing dans notre univers parisien nous faisant oublier la chance que nous avons d'être là, paisibles spectateurs, car la brutalité des images nous rappelle toute la douleur d'exister de certains et l'éternel mystère des grands mythes de l'humanité. Soutter a étudié l'architecture, le violon, la peinture en Suisse, en Belgique, à Paris, avant d'aller vivre aux Etats-Unis, s'y marier, divorcer, une vie déjà bien secouée qui l'a fragilisé, et dégradé sa santé . De retour Il est interné par sa famille dans un hospice ou il mourra une vingtaine d'années plus tard, n'ayant trouvé pour s'exprimer de 1936 à 1942 que son index trempé dans la peinture à l'huile. La force des œuvres exposées reflète son univers mental et sa culture et nous offre une sorte d'art primitif revisité. Dans des tableaux de petit format,  des corps noirs, comme à contrejour, s'animent avec  une frénésie qui pourrait être aussi comique que les contorsions endiablées de Josephine Baker. Elles signent plutôt la folie humaine. Sur un fond  généralement clair qui met en valeur l'expressivité des silhouettes noires rappelant celles des amphores grecques, un rythme est donné par l'insertion de points éparpillés, tels des notes de musique. Sous la patte du peintre vit encore le violoniste.

    Voici quelques exemples de ce théâtre d'ombre.

    20240313_163933.jpgLa foule nue met en scène une cohorte de personnages qui se contorsionnent , agitant leurs membres tentaculaires et leurs mains démesurées comme dans la statuaire africaine. A gauche la silhouette assise semble avoir été poussée à terre par son voisin, les mains de celui-ci en sont la preuve et le personnage de droite, avec son bâton, tire par les cheveux sa voisine...Toute la brutalité du monde est là. Les points , empreintes de l'index sur le fond clair, font vibrer l'air. Comme dans  d'autres œuvres, le titre s'inscrit  de façon aléatoire sur le papier lui-même mais n'éclaire pas toujours le sujet.

    20240313_163725.jpgIl est né écrit au centre, sous la courbe indiquant un espace fermé, se réfère à la naissance du Christ. L'enfant est au centre de ce théâtre d'ombre entre ses deux parents. L'un, à gauche,  bras écartés,  bouche ouverte, semble exprimer la joie. Au dessus de l'enfant plane la croix, symbole brûlant de son avenir ? Il y a toujours une dimension tragique dans les œuvres de Louis Soutter.

    20240313_163235.jpgDans ce dos à dos sans nom il est facile de voir un couple se disant adieu à l'image de Soutter divorcé de son épouse américaine. Deux silhouettes dont les bras disent aurevoir à une terre plutôt sombre  et regardent vers un avenir  autre, plus clair mais blanc d'incertitude. Voilà qui rend visible une réalité invisible.

    20240313_163537.jpgPotentats d'infirmité rassemble les horreurs subies ou à venir, puissances attaquantes, armées, à droite, les accablés, amputés  au centre, à gauche l'emprisonneur et sa pelle pour creuser les tombes. Soutter  était il informé ou prophétique concernant les horreurs de la guerre  qui battait son plein? Le  cercle orange pourrait figurer un soleil rédempteur ou n'être qu'un procédé pour dynamiser la scène.

     Une tête d'homme  à l'huile aux couleurs violentes peint à la même période marque l'appartenance du peintre à20240313_164244.jpg l'expressionisme  de l'époque, sa volonté d'exprimer une réalité subjective et un profond pessimisme. "Je peins avec de l'encre et du sang, je peins vrai, la vérité est terrifiante" disait il.

    Louis Soutter, galerie Karsten Greve, 5 rue Debelleyme 75003, Paris. Jusqu'au 4 mai.

  • Pierre BURAGLIO (par Régine)

    On reconnait entre mille une œuvre de Pierre Buraglio. L'exposition consacrée à cet artiste à la Galerie Ceysson et Bénétière, qui présente jusqu'au 16 mars quelques-uns de ses travaux récentes, en est l'illustration. Si la peinture y est très présente on retrouve avec bonheur la façon si personnelle avec laquelle l'artiste construit lui-même son propre espace pictural en juxtaposant des petites peintures sur tôle ou morceaux de portes creuses, en utilisant des objets ayant déjà servis (cadres de sérigraphies, montant de fenêtres, matériaux divers), en ménageant des espaces vacants, en citant le travail d'autres artistes. L'espace de son travail est donc le résultat d'un va et vient entre la réalité et sa création artistique et un pont se crée ainsi entre lui et celui du spectateur.

    Le titre de l'exposition Mon Ithaque laisse entendre la dimension biographique des œuvres exposées. Buraglio peint son histoire et l'Histoire. Son histoire bien sûr, celle de la banlieue, de Maisons-Alfort notamment, où il a vécu avec ses parents et où il vit encore, l'Histoire, notamment celle de la guerre qu'il connut enfant, et bien sûr l'histoire de l'art. Nul épanchement bien sûr mais allusion à lui-même à peinte visible.

    Prenons deux exemples. Plusieurs petites peintures ont pour titre le nom de rues ou d'avenues de Maisons Alfort ou de personnages qui y ont vécu. IMG_2777_edited.jpgCelle appelée Rue Yannis Ritsos (2021) fait allusion  à un poète grec, résistant pendant la guerre, mort en 1990. De très petite dimension (12 x 22 cm), elle est composée de deux parties clouées de façon apparente sur un morceau de bois cerclé de métal. Sur la partie du bas qui occupe les deux tiers de l'œuvre est peint un mur de briques rouges jointées de noir. Sur la partie du haut, est peinte la cime d'arbres sombres et touffus, laissant entrevoir un morceau de ciel bleu. Le mur enferme, mais au de là l'évasion et la liberté sont possibles.

    Celle appelée IMG_2772_edited.jpgMur mitoyen. A Mireille Miailhe (2022), artiste peintre, également résistante pendant la guerre, offre le même principe avec quelques variantes, mais l'atmosphère qui s'en dégage est différente. Peintes directement sur un morceau de porte creuse partiellement tronquée à droite, les briques du mur sont moins foncées et de couleur plus variées, jointés de gris elles recouvrent entièrement l'œuvre sauf une bande grise à sa base. Une échappée de verdure, d'un vert frais occupe le bout du décrochement à droite et une partie de la base.

    Plusieurs autres œuvres sont dédiées à l'artificier Roger François, également résistant pendant la guerre. Des plaques commémoratives le concernant son appliquées près d'un square à Maisons Alfort. C'est ainsi que Buraglio installe des tensions entre sa peinture, le monde extérieur et l'Histoire. Celles-ci déploient un espace poétique très particulier dans lequel est pris le spectateur.

    IMG_2771_edited.jpgLes limites et les dimensions des œuvres de Buraglio ne sont jamais données d'avance. Elles varient en fonction de son projet et des matériaux utilisés. Un bon exemple de sa façon de procéder est donné par Napalm (avec Braque) (2023) où neuf peintures sur tissus, de taille différentes, sont assemblées par agrafage. S'y côtoient la guerre et la paix. La guerre c'est la bâche de camouflage maculée qui recouvre la majorité des peintures qui composent l'ensemble. La paix c'est le dessin d'après Les oiseaux de Braque exécuté sur un tissus beige légèrement maculé. Cette même idée se retrouve dans le titre : Napalm allusion à la guerre du Vietnam ; (avec Braque), allusion à la colombe, symbole de paix.

    images.jpgAvec Fenêtre-Croix (2019), l'artiste revient à un de ses objets de prédilection : la fenêtre. Objet du quotidien c'est aussi, depuis Alberti, la métaphore de la peinture. Pour cette œuvre de 2019, d'une grande simplicité formelle, l'artiste a gardé tel quel le croisillon d'une fenêtre, en a légèrement taillé les quatre extrémités et garni la croisée d'un nuage de verre transparent et bleuté. Cette œuvre toute simple, très émouvante, fait naître chez le spectateur une multitude d'évocations et un grand sentiment d'espace et de spiritualité.

    IMG_2759_edited.jpgPlusieurs allusions à ses travaux des années 1980 sont ici présentés, telles ce fenêtre tronquées de 2022 et 2023. Objets matériels qui ouvrent sur un ailleurs et fait fonctionner l'imaginaire.

    Le format réduit de la plupart des œuvres présentées, les références nombreuses aux résistants oubliés de la guerre de 1940, au lieu où il habite, aux peintres qui l'ont intéressé, autant de caractéristiques qui relèvent de l'intime, particularisent cette exposition de Pierre Buraglio. Ce n'est pas un discours, ce sont des réflexions personnelles comme si l'artiste se parlait à lui-même et entamait une conversation avec le spectateur.

    Pierre Buraglio "Mon Ithaque", Galerie Ceysson et Bénétière, 23, rue Beaubourg, 75004-Paris. Jusqu'au 16 Mars.