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Jean DEGOTTEX (par Sylvie).

La peinture abstraite des années 60, qu'elle soit lyrique ou construite, est moins en cours aujourd'hui, dit-on, bien que le succès de Soto et Hantaï au centre Pompidou et du mouvement cynétique (Dynamo au Grand Palais) puissent le contredire. Mais il est des artistes qui font balayer tous les a priori. Jean Degottex est de ceux là. Malgré ou à cause de son minimalisme, de sa spiritualité évidente, de son geste rapide et ample et de son matièrisme ludique, il s'impose, et de plus en plus, comme un des grands, vingt-cinq ans après sa mort.                                                                                                                      

Sans prétendre à une sélection exhaustive la galerie Berthet-Aittouarès présente un judicieux aperçu de son travail. En quelques trente oeuvres - peintures, papiers, bois, briques - plutôt de petit format, il reflète, sans accrochage chronologique, le cheminement, de 1957 à 1988, de cet artiste autodidacte, libre et inventif, qui a résumé lui-même son évolution:" Du signe à l'écriture, de l'écriture à la ligne".

Is (II) - 12.62 - Ecriture noire - 108x75 cm.jpgLe Bec - 1954 - 64x49 cm.jpgL'exposition s'ouvre sur une Ecriture I.S.II de 1962 à l'encre de Chine sur papier (108x75cm) qui affirme avec force l'identité gestuelle de Degottex toute imprégnée de culture Zen. Ce n'est pas une calligraphie au sens propre du terme, il n'y a pas à décrypter des mots mais la vitalité explose sous le geste tendu, dépouillé, ascétique dans un espace  vide qui préfigure les eaux dormantes des fonds futurs. André Breton en avait souligné à l'époque la filiation avec l'écriture automatique.(photo 1)

En face, trois oeuvres sur papier de 1954: Vague (64,5x47,5cm),Le Bec (49x32,5cm). Ce sont des croquis à l'encre de Chine faits en Bretagne, au bord de la mer : frémissements de l'eau, éclaboussures, paysages sans doute, ce qu'il appelle des "faits de nature". On sent le souvenir de ces figures bien que ce soit déjà des  signes? inscrits dans l'immédiateté d'une méditation aboutie. Ce côtoiment d'oeuvres réalisées à quelques années de distance permet de mieux comprendre comment Degottex est parvenu à l'épure avec exigence et économie de moyens. (photo 2)

Suite Rouge (II)- 23.07.64 -106x76 cm.jpgDans la peinture sur papier Suite Rouge II 23/07/64 (106x76cm), faite dix ans plus tard, les signes, extrèmement maitrisés se brouillent par superposition et contraste dans un rapport brutal effacement-affirmation, horizontales-verticales. Cette alternance serait-elle une tentative d'ordonner le chaos ou de conjuguer tous les possibles? Le mouvement, libéré, passe en une grande respiration dans la surface déjà plus travaillée. L'échelle est également plus modeste que les grands formats qui ont fait la renommée de Degottex mais elle porte en elle retenue, rigueur et le désir toujours manifeste de transgression du support. (photo 3)

D'un bout à l'autre de son parcours Degottex n'a cessé d'explorer les possibilités de la peinture, des outils et des supports. Jusqu'à abandonner les plus traditionnels et en créer de nouveaux. L'oeuvre est née de la rencontre du peintre et des supports, pur hasard. Selon la formule de Pierre Wat qui préface le catalogue, l'artiste s'est fait sourcier: "il donne le sentiment qu'il a seulement suscité les oeuvres, comme s'il s'était contenté de rendre le support fécond".

Papier brique IV - poudre, empreinte de brique - 15.03.81 - 30x26 cm.jpgIMG_0673.jpgSans titre, poudre de brique sur papier, 1981.  Degottex aime besogner le papier, l'ouvrir, le couper, l'arracher ou au contraire y créér des reliefs ou des plis. Dans la brique il a trouver une autre matière première de choix, la faisant à la fois outil et support. Il la peint, la frotte, la décrète ustensile à canneler le papier. Et sur le papier ainsi gauffré il projette encore de la brique sous forme de poudre. De subtiles tonalités apparaissent que les nervures du papier absorbent ou rejettent." L'épiderme des choses est à soit seul une écriture" disait-il. Il donne à lire ce que nous n'aurions sans doute pas découvert. (photo 4)

En 1984 il avait encore une curiosité de jeune homme. Deux Bois fendus (20/09/84) figurent ici.Que sont-ils ? Des planches de pin, des morceaux de poutre, trouvailles, rebuts ayant perdu leur usage et que Degottex aimait glaner dans les chantiers ou les décharges, leur trouvant une "intelligence". Il les manipule et suscite leurs réactions. Sans aller jusqu'à la violence des tenants de Support-Surface, son interrogation se porte sur la texture interne et externe des matériaux, à l'affût de la surprise. (photo 5)

Bris-Signe I - 26.08.79 - 20x20,5 cm.jpgPour terminer mon incomplète exploration je citerai une toute petite oeuvre qui m'a ravie. Bris-Signe I 26/08/79 acrylique et plâtre sur brique 20x20,5x2cm, un recyclage comme lui et nous les aimons. Sous l'épaisseur du plâtre et le fine couche d'acrylique sont laissées apparentes les rainures verticales en creux de la brique. De délicates coulures bleues, de ce fameux bleu de Gordes, celui des tailleurs de pierre qu'il a souvent utilisé, s'infiltrent dans le blanc poreux qui en devient éblouissant, pris en tenaille entre des jetés de bleu et de noir en bordure. La métaphore de l'ouvert est toujours au fond du vide. (photo 6)

Un film complète le parcours, avec les interventions de Renée Beslon-Degottex, Maurice Benhamou et, Catherine Thieck de la galerie de France.

Jean Degottex, galerie Berthet-Aittouarès, 29 rue de Seine 75006 Paris. Tel: 01 43 26 53 09; Jusqu'au 29 juin.

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