Béatrice Casadesus par Sylvie et Régine.
Nous suivons depuis longtemps l'œuvre de Béatrice Casadesus. Nous en avons déjà parlé sur ce blog à plusieurs reprises. L'exposition qui lui est actuellement consacrée à la galerie Dutko à Paris, nous a de nouveau enthousiasmées. Elle est magnifique !
Nous n'avons pas résisté au charme de la photo de l'artiste dans son atelier (1)
Fidèle à elle-même, utilisant la même technique d'empreinte de la couleur à l'aide des alvéoles de papier bulle transparent , elle s'est encore renouvelée dans sa façon si personnelle de tisser ensemble l'ombre et la lumière. En effet, cette exposition marque une inflexion, voire une évolution, et si dans certains tableaux elle porte au paroxysme ses recherches précédentes, dans d'autres elle les remodèle en introduisant une forme ou un élan extrêmement puissant.
Pluie de jaune, orange, rouge, on ne se lasse pas de contempler et de comparer les modulations des trois grands tableaux dont l'ensemble forme Evanescence, (3 acryliques sur toile, 200x140, 2022 dont l'une -photo 2- est montrée) : trois variations sur la lumière qui , de la couleur pleine en haut à l'effilochement du bas, la rendent tangible , vivante et vibrante de ses infinies déclinaisons que le temps ne semble pas arrêter . L'or bleuté de Lazulite ou la douce blancheur de Faded blue, (2022) participent de cette même sérénité.
Ombre portée, diptyque,180x260, 2023, (photo 3) ouvre l’exposition, introduction rare d’une forme anguleuse partageant violemment l’espace du tableau. Sur le fond ocre et jaune de l’ensemble, une multitude de points d’un somptueux bleu violet très sombre, s’étire vers le bas et chute abruptement sur chacun des panneaux du diptyque. La triangulation inscrite par leur rapprochement contredit la verticalité des coulures et dessine une forme nouvelle à mi-hauteur, au point de jonction des deux toiles. On pense à la somptuosité des saris indiens, aux châles que les femmes jettent sur leurs épaules, ou, nous rappelant le passé d'architecte de Béatrice, aux ombres écrasantes de bâtiments sous le soleil.
L’influence de l’orient, que Béatrice connait bien, se fait également sentir dans Persienne, (acrylique sur toile, 140x200, 2024) (photo 4). Les lignes sont ici, de façon inhabituelle, horizontales. Elles modulent la lumière de gauche à droite et vont en s’effaçant. L’artiste y tisse la gamme infinie des couleurs qu’elle utilise. L’ensemble s’organise en un merveilleux damier où se mélangent les noirs, les bleus, les rouges, les jaunes et les mauves. Une image vient à l’esprit , celle du moucharabieh, ce grillage de lames de bois sculpté qui laisse percer la lumière et de voir sans être vu.
Dans la seconde partie de la galerie un mouvement d’ampleur parcourt deux grands diptyques horizontaux (acrylique sur toile, 100 x 200, de 2023). L’un, Golden wind, (photo 5) s’envole de gauche à droite en un immense souffle chargé d’or, de rouge et d’orange ruisselants, à faire "sangloter d’extase" l’univers, tandis que l’autre, Tensions, (photo 5) dont l'or, cerné d’un noir violet velouté, est emporté dans la tourmente, vers les profondeurs de l’univers. Cette irruption brutale de la lumière, nouvelle dans le travail de Casadesus, donne à ces deux œuvres une exceptionnelle vitalité.
Dans une vitrine figurent ses carnets de travail (photo 6). C’est l’occasion de constater que chaque tableau est pensé, élaboré à l’avance, réflexion préalable qui permet à l’artiste de travailler presque à l’aveugle sachant exactement où elle veut aller tout en laissant une marge au hasard.
A l’image de déclinaisons sonores, sont présents également des séries de petits formats, Vibrations, (technique mixte sur carton Arche, 2012) régulièrement encadrées de blanc, qui donnent à voir et sentir dans la multiplicité modulée de leurs points, toute la fragile subtilité du travail (photo 7).
Béatrice Casadesus, "Modulations", galerie Dutko, 17 quai Voltaire, 75007 Paris, jusqu’au 2 novembre 2024.