Art en campagne (par Sylvie)
Adieu les vacances, vive la rentrée et ses weekends d'automne propices à de courtes virées culturelles. La première est plein sud de Paris, en Seine et Marne, dans deux lieux à parcourir dans la foulée. Réservons pour une autre fois, en hiver, la visite du château de Fontainebleau au profit - jusqu'au 17 septembre - d'un circuit d'une vingtaine de sculptures contemporaines dans son jardin anglais. "Grandeur nature" fait dialoguer avec plus ou moins d'humour, de poésie ou de fantastique, des oeuvres d'aujourd'hui - choisies en collaboration avec le musée de la Chasse et de la Nature - avec le paysage traditionnel. En voilà quelques unes : Carole Chebron a planté de multiples moulins à vent blancs dans la rocaille. Ils bruissent et tournent tels des fleurs dans la brise (photo 1).Françoise Petrovitch fait surgir d'un buisson d'étranges créatures mi animales mi humaines en grès émaillé bleu et vert comme dans un conte fantastique (2). La tortue en aluminium de Yoshikazu Goulven Le Maitre fait l'éloge de la lenteur en accompagnant l'horizontale du fleuve (3). On y rencontre aussi un couple de personnages hybrides, mi êtres humains mi végétaux, d'une élégance toute britannique, de J.F. Fourtou ou un couple de paisibles rhinocéros en inox, semblant brouter l'herbe, une oeuvre de François-Xavier Lalanne (4)
Grandeur Nature, château de Fontainebleau, jardin anglais, jusqu'au 17 septembre 2023.
A quelques encablures de de Fontainebleau, à Milly la foret, a été bâtie une œuvre en béton et métal, recouverte en partie de miroirs réfléchissant la forêt environnante., le"Cyclop" sculpture architecturale géante, époustouflante et rare exemple d'une oeuvre collective, utopie artistique entreprise à la fin des années 60 par les artistes Jean Tinguely, sa femme Niki de Saint Phalle et leurs amis, une" fine équipe" de constructeurs hors-normes et libertaires raillant la société de consommation.
L'étrange profil animal (5) de plus de 20 mètres de haut et de 350 tonnes d'acier, une tête sans corps avec un œil unique, une langue toboggan qui ruisselle d'eau et une oreille d'une tonne (6) est donc une réalisation collective au cœur de la forêt, en pleine nature, autour de grands chêne. Il faut marcher pour y accéder. Dix ans ont été nécessaires pour l'ériger, sans architecte et sans moyens, mais grâce à l'énergie communicative et l'humour de cette bande de "Nouveaux Réalistes" que furent Arman, Cesar, Spoerri et les autres. Machineries complexes elles sont issues de la récupération de barres de fer, d'objets jetés, point de matériaux nobles mais déchets de la société industrielle s'animant dans un bruit de ferraille, de moteurs et de circuits de billes géantes. Sculpture pénétrable, visitable, elle est un véritable musée où les participants, à la recherche de l'acte inutile, ont laissé leur patte : à l'entrée la "jauge" de Raynaud met en parallèle la hauteur de la" bête" et les petits visiteurs que nous sommes. César y a installé une compression. A chaque étage une surprise : ici, un tableau de Larry Rivers en hommage à mai 68, là, sous verre, une accumulation de gants usagers d'Arman, l'oreille géante de Luginbühl (7) la colonne en mosaïque de Nikki de St Phalle ou, référence à l'histoire, le wagon de déportés d'Eva Aeppli.. Cette délirante échappée du réel née de l'imagination fertile du groupe a subit les affres de l'usure, des conditions climatiques et de la situation topographique. Sa conservation est particulièrement complexe. Il a fallu 20 ans pour la remettre en état et un entretien annuel est nécessaire. C'est pourquoi le site est ouvert chaque année du début avril à la fin des vacances de Toussaint.
Le Cyclop, Bois des pauvres, 91490 Milly la Forêt. 01 64 98 95 18. Jusqu'au 5 novembre 2023. Visites guidées de 45 minutes.