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L'âme primitive (par Sylvie).

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Le musée Zadkine, à Paris, a gardé le charme d'atelier dans la nature qu'il avait lorsque le sculpteur   Ossip Zadkine y travaillait, au début du XXème siècle. C'est là, dans cette enclave végétale protégée qu'il a inventé un nouveau langage, célébrant la main de l'homme, le geste de l'artisan et le savoir ancestral. Ce néo-primitivisme russe, né dan les années 1910, privilégiait les formes naïves de l'imagerie populaire, des icônes religieuses et des objets de la culture paysanne évocatrices de pureté rurale. d'authenticité et d'expressivité. C'était aussi, dit-on, une façon de lutter contre l'influence de l'art français jugé trop raffiné et trop prépondérant.

L'exposition qui se tient là à deux pas du jardin du Luxembourg, reflète cet engouement des artistes occidentaux de l'époque et de la nôtre aussi aujourd'hui pour les oeuvres d'Afrique, du Pacifique et de toutes les formes de primitivisme. Elle s'articule autour de trois thématiques : la perspective inversée, le corps, la demeure et réunit des oeuvres en rupture avec la cérébralité du modernisme. On chemine donc parmi des réalisations loin des codes académiques, à la recherche d'une vérité profonde.

20211121_151950.jpgL'exposition s'ouvre sur une oeuvre double d'Abraham Poincheval, un performeur né en 1972. un  Eblouissant travail que cet Homme-lion de 2020 (84x64cm) qui fait se côtoyer un dessin sur feuille d'or et d'argent contrecollé sur carton, d'un extrême raffinement et un bronze (31x8,5x8cm) puissant d'expressivité : petite sculpture déchirante et déchirée dans le ventre de laquelle un homme se trouve niché. Poincheval, expert en enfermement, s'est maintes fois muré dans différents éléments, entre autres un ours, l'ours étant reconstitué, pour la sensation de proximité avec l'animal et/ou pour se rapprocher de la pratique méditative des ermites.

Au Marc Chagall (1887-1985) dont les joyeux mariés s'envolent au plafond de l'Opéra  Garnier20211121_151917.jpg on opposera ce Nu en mouvement de 1912, une gouache sur papier d'emballage brun marouflé sur toile (34,7x23,9cm) où se lisent intensité du plaisir, gestuelle efficace, d'une époustouflante vérité.

20211202_164844.jpg20211121_154241_2.jpgOssip Zadkine ( 1890-1967) lui-même, avec Les Vendanges de 1918 (Orme, 97x55x40cm) se joue de la perspective conventionnelle pour signifier, par des moyens de l'art populaire - le geste selon plusieurs points de vue à la fois - sa force expressive. Et le gigantesque et puissant Prométhée de 1955/56 (300x69x68cm) bien que prisonnier enroulé autour d'une colonne,  brandit le feu qu'il a volé aux dieux. il y a là une similitude de brutalité d'exécution avec les sculptures de l'artiste contemporain allemand Baselitz exposées actuellement  au Centre Pompidou.

Les couleurs stridentes du corps féminin représenté par Miriam Cahan  (née en 49) sont20211121_153451.jpg difficiles à appréhender. Il ne s'agit pas de beauté mais d'intense présence. Voilà une guerrière, nue et chauve, (huile sur toile 165x100x1,5cm) avec seins et sexe exhibés, bras écartés prêts à cogner et des yeux qui nous traversent. Femme primitive et étendard féministe !

20211121_152408_3.jpgAuguste Rodin (1840-1917) nous dit-on, était fasciné par la mécanique du corps humain et sa puissance expressive. Ses Mouvements de danse en terre cuite (vers 1911) dégagent énergie, charme et sensualité tels qu'il les a perçus dans les danses d'extrême orient et les arts populaires et folkloriques. " La nature se révèle dans la danse" dixit Nietzsche dans Naissance de la tragédie. Les supports métalliques participent de l'impression d'évolution en apesanteur.

20211121_152500.jpgLe petit nu assis, tel que le montre Louis Fratino (USA 1993) est très parlant. Si le titre Tom's chair (2019), terre cuite et lavis d'oxyde de manganèse  (20x19x13cm) pointe le siège, c'est le corps masculin, tous poils apparents, un peu relâché, qui s'expose avec nonchalance. L'expression du visage est toute naturelle, comme en conversation avec d'autres. Il y a de la rondeur, de la tendresse dans ce corps dénudé qui se prélasse. éminemment sensuel, il traite d'homosexualité.

20211121_152820.jpgL'humour vient de Laurent Le Deunff (1977), sculpteur et dessinateur, et de son micro Totem  de 2021, noix, bois, plume, coquillage, corde et métal (60x8x3cm). Autant de petits visages qui forment un bestiaire entre nature et animalité.

20211121_153044.jpgElle fait l'affiche de l'exposition et accroche le regard. Etrange visage que cette oeuvre de Marisa Merz, une artiste italienne (1926- 2019) qui fut, avec son époux Mario, membre du mouvement très contestataire Arte Povera. Ce portrait Sans titre, sans date, est fait de matériaux mixtes sur papier de riz (45,5x32,5cm). Les composants : la feuille d'or, le fil de cuivre, des matériaux instables qui font des contours fragiles, esquissés, un peu brouillés ou frustres, comme créés maladroitement par un enfant ou quelque femme préhistorique. Ils participent d'une mystérieuse poésie.

Toutes ces oeuvres témoignent d'un désir de retour à la nature, au vrai, dont la nécessité réapparait, aujourd'hui comme hier, dans les périodes d'incertitude.

L'âme primitive, musée Zadkine, 100bis rue d'Assas, 75006 Paris. Jusqu'au 27 février 2022.

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