Herta Muller (par Sylvie)
Les oeuvres de l'artiste allemande, Herta Müller, née en 1955 (à ne pas confondre avec son homonyme, femme de lettres allemande d'origine roumaine) sont peu connues en France et peu montrées, mais elles ont, à chaque fois, accroché mon regard. Par la délicatesse du travail, la subtilité des couleurs et une sorte de quiétude qui en émane. Le travail sur papier reproduit ici (Italien-30 Tage 3 06 06, 2006), 35x31cm, figure dans une exposition consacrée au dessin à la galerie Vieille du Temple, à Paris et qui rassemble six autres artistes : Pierre Buraglio, Philippe Hélénon, Alexandre Hollan, Jeff Kowatch, Denis Martin et Beth Reisman. L'occasion était trop belle de parler de l'enchantement qu'elle procure.
Des lignes essentiellement verticales, noires, sinueuses, de différentes qualité d'épaisseur et de médium - pastel, huile - s'entremèlent au centre de la page, sur un fond blanc ombré çà et là de couleurs terreuses. Elles émergent d'un point de départ plus ou moins groupé au premier plan et que lient en botte trois taches crémeuses de couleur jaune et verte et se dispersent sur la surface du papier comme une fumée qui s'élève. Elles font le dos rond à gauche, se brisent en haut au bord d'une surface bleutée ou retombent mollement vers la droite, comme contrariées dans leur élan. Tout cela laisse supposer la nature, une nature du commencement des origines, forte de son devenir - elles s'orientent de gauche à droite -, fragile de sa jeunesse. Il y a de la conquête dans cette affirmation verticale, une douceur conciliante dans ces arabesques. Nous croyons comprendre des branches, du feuillage, de l'eau ou du ciel...l'ossature d'un paysage bien qu'il ne soit pas figuratif. Le pastel écrasé, duveteux, donne aux traits une sensualité tactile et dans leur fin cheminement erratique - où se reconnait une main de graveur - s'infiltre un soufle léger. Rien n'arrête l'espace dans son déploiement et chaque brindille, dans sa singularité et son isolement, laisse passer la lumière. On respire, on médite dans ce grand vide en action qui touche au minimalisme extrême-oriental et à la conception spirituelle de l'univers. Une peinture du silence qui a quelque chose à voir avec celle de Nils Udo Herta Müller travaille en grande partie en Toscane. Elle y a, semble-t'il, trouvé une paix intérieure. Sa peinture nous élève.
"Le dessin à l'oeuvre", galerie Vieille du temple, 23 rue Vieille du Temple 75004, Paris. 01 40 29 97 52. Jusqu'au 23 mai 2009. Du mardi au vendredi de 14h à 19h; samedi de 14h30 à 19h30.
Commentaires
Commentaire de l'auteur à posteriori: cette interprétation est évidemment très personnelle, j'aurais dû le souligner. Que ceux qui pensent autrement n'hésitent pas à le dire. Merci.
quelle belle maniere de nous faire voir autrement une oeuvre que ce commentaire poétique et informé... Quelle excellente idée que de confronter ce que nous croyons voir avec ce qu'une autre personne a étudié de près et accepté de nous faire partager. Selon Proust, l'art n'est ps une question de technique mais de vision. Il y a aussi un art de la critique d'art qui obéit à ce même principe et que l'on retrouve ici. Combinant analyse de la technique et de la qualité de vision d'Herta Muller, le rapport des mots à l'image enrichit notre appréciation de cette "peinture du silence"