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Barbara HEPWORTH (par Régine)

Avez-vous vu l'exposition de Barbara Hepworth au Musée Rodin ? Si tel n'est pas le cas il n'est pas encore trop tard, l'exposition, étonnamment longue puisqu'elle est  en place depuis novembre, dure encore jusqu'au 22 mars et elle vaut vraiment la peine. En effet, le travail de cette grande dame de la sculpture anglaise du XXème siècle, contemporaine et amie d'Henri Moore, très connue dans son pays mais trop peu chez nous, fait depuis novembre, l'objet d'une belle exposition au Musée Rodin. L'endroit choisi n'est pas anodin. Comme le maître des lieux qui bouscula la sculpture de son époque, Barbara Hepworth fit partie de ceux qui, entre les deux guerres, ont transformé les codes de la sculpture et l'ont révolutionnée en inventant de nouvelle formes.

L'exposition s'ouvre sur le récit de la réception, dans les années 1930, de cette artiste à Paris où elle rencontra Brancusi, Naum Gabo, Arp (dont elle sera toute sa vie très proche), Mondrian, Delaunay, Calder... autant d'artistes qui influenceront sont art. On peut y voir nombre de lettres, de Mondrian notamment, des catalogues, des photographies. IMG_7510.JPGY figure également la maquette en cuivre, cordes et base en béton "Winged figure" (figure ailée) (photo 1) dont les formes en tension et les matériaux utilisés rappellent les sculptures de Pevsner et de Gabo.

On entre ensuite dans son atelier, reconstitution fidèle de son lieu de travail à Saint Ives en Cornouailles où elle s'installa en 1939 avec son mari, le peintre Ben Nicholson. Ses instruments de travail : maillets, ciseaux et burins, sont mis en évidence ; l'artiste n'aimait pas le modelage adopté par Rodin, mais elle pratiquera toute sa vie la taille directe éprouvant la nécessité absolue d'un corps à corps avec la matière. Le bronze apparaîtra plus tardivement dans son oeuvre lui permettant par ses qualités propres de concevoir d'autres types de formes, incurvées ou dynamiques, parfois colossales, impossible à réaliser en pierre. Dans ce même espace une belle vidéo montre nombre d'oeuvres in situ dans la nature.IMG_7517.JPG "Toute ma sculpture, dit-elle, sort du paysage : la sensation de la terre quand on marche dessus, la résistance, l'usure, les affleurements, les structures de croissance... aucune sculpture ne vit vraiment tant qu'elle ne retourne pas au paysage". Quelques beaux dessins et peintures ornent les murs. La fascinante huile sur bois de 1966 intitulée "Genesis III" (photo 2) illustre l'aspect cosmique de son oeuvre. Deux astres, l'un rouge, l'autre gris, peut-être le soleil et la lune, tournoient dans le cosmos, entraînant la galaxie qui les entoure dans un incessant mouvement.

On pénètre enfin dans la salle où sous une belle lumière zénithale, sont exposées ses sculptures et c'est magnifique. Si ce dispositif peut déranger par la promiscuité des pièces présentées, il permet d'embrasser d'un seul coup d'oeil l'ensemble de l'oeuvre et d'en saisir la cohérence. La perfection des formes ovoïdes évoque le polissage des galets par la mer et la majesté des pierres dressées, les menhirs du passé lointain de son pays.

Le jeu entre le vide et le plein et la diversité des matériaux utilisés démontrent eux aussi le lien que l'ensemble de l'oeuvre entretient avec les phénomènes naturels et la recherche incessante de l'artiste pour trouver le moyen le plus harmonieux possible d'habiter le monde. Plusieurs sculptures par exemple regroupent sur un même support deux, trois ou même plusieurs éléments indépendants les uns des autres. Ainsi ces deux ensembles, datés de 1935 et intitulés "3 formes" l'un est en albâtre gris IMG_7522.JPG(photo 3), l'autre en marbra blanc (photo 4)IMG_7520.JPG. Leurs formes si rondes et si polies, qu'il est difficile de résister à la tentation de les toucher, l'harmonie des couleurs des matériaux - le blanc immaculé du marbre, le gris brun de l'albâtre - la disposition des pierres sur leur base, tout concourt à créer la sérénité qui se dégage de ces oeuvres et un rapport de complicité entre les différentes formes qui les composent. J'espère, disait-elle, découvrir dans les formes sculpturales une essence absolue qui traduise la qualité des relations humaines. Plus tard, en 1952, elle prolongera cette idée en créant en marbre blanc un groupe composé de 12 formes distinctes occupant chacune une place précise les unes par rapport aux autres IMG_7534.JPG(Groupe I, Rassemblement) (Photo 5) C'est une foule qu'on serait tenté de rapprocher des "Forêts" de Giacometti réalisées, elle aussi, dans les années 1950. Très différentes par la forme et l'esprit, ces ensembles inaugurent un nouveau rapport à la sculpture. Le spectateur n'est plus le seul à dialoguer avec un unique objet mais, des échanges s'effectuant aussi entre le divers éléments qui composent la sculpture, son rapport à l'oeuvre s'en trouve modifié.

IMG_7524.JPGLa forme ovoïde de "oval sculpture" datée de 1943, n'est pas sans rappeler celle de la muse endormie de Brancusi (photo 6). En jouant sur le vide et le plein cette sculpture offre une variété infinie de courbes dont le but est de faire jouer la lumière. Oeuvre biomorphique, proche de celles de Arp dont l'artiste s'est toujours sentie très proche. S'agirait-il ici d'un coquillage usé par le ressac de la mer ? 

IMG_7528.JPGLes percées qu'elle taille souvent dans la pierre ou creuse dans le bronze invitent à regarder autrement le monde et ses formes dressées si intemporelles qui s'élancent vers le ciel (photo 7), qu'elles soient en pierre, en bois, en bronze, subliment le lien que Barbara Hepworth entretient avec sa région et les sculptures archaïques qui, comme à Stonehenge, pars-ment l'Angleterre.

IMG_7513.JPGMais son grand sujet est la nature et la mer si proche d'elle à Saint Yves "Pelagos" (photo 8), qui signifie mer en grec ancien, a été exécuté en 1946 après un voyage en Grèce. Ici la lumière fait la forme. Le jeu entre le contour convexe en bois très chaud et l'intérieur concave peint en blanc, le plein et le creux évoquent le roulement de la mer. Les fils tendus donnent une dimension sonore à l'oeuvre. Elles deviennent disait-elles "la tension que je ressentais entre moi et la mer, le vent ou les collines.  IMG_7530.JPGLes volutes sinueuses de "Sea forme" de 1958 (photo 9) évoquent également une vague qui se déroule sur elle-même dans un mouvement presque sensuel tandis que la surface inégale de sa surface et la patine des couleurs le frémissement de l'eau. IMG_7541.JPGLes deux ailes incurvées de "Trevalgan" (photo 10), oeuvre monumentale de 1956 se déploient comme celles d'une raie manta.

On n'en finirait pas de passer en revue la plupart des sculptures ici présentées, mais il faut déambuler lentement entre elles et laisser venir les associations qu'elles évoquent. Ces sculptures tout en tension et en élan, dégagent une grande sérénité et témoignent du lien puissant entre esthétique et matière.

Barbara Hepworth - Musée Rodin, 77, rue de Varenne, 75007-Paris. Jusqu'au 22 mars 2020.

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