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  • Béatrice Casadesus (par Régine)

    Intitulée "Pluie d'or" l'exposition de Béatrice Casadesus qui se tient actuellement à la Galerie Dutko dans l'Ile Saint Louis est d'une beauté fascinante. Il est rare aujourd'hui, où le concept de beauté dans l'art n'est plus considéré comme un critère de qualité pertinent, de ressentir une telle émotion esthétique.

    A peine la porte franchie, un somptueux triptyque nommé "Flamboyant" situé sur le mur du fond à gauche happe notre regard (photo 1)_DSC6159.JPG. Peint sur une toile laissée libre, il semble tissé de lumière. La multitude de points or qui s'étagent et structurent sa surface crépitent à travers les roux, les fauves cuivrés, les jaunes qui en organisent la surface. Dans notre esprit se bousculent les références aux artistes qui, au cours des siècles, ont utilisé l'or pour traduire les vibrations et l'immatérialité de la lumière : les peintres d'icônes, ceux de la Renaissance italienne Giotto ou Fra Angelico, les réalisateurs de mosaïques byzantines, les bâtisseurs des temples bouddhistes, notamment ceux de Bagan en Birmanie dont les coupoles dorées flamboient au coucher du soleil. Sa légèreté, le mouvement qui semble l'animer l'apparente aussi à un luxueux et soyeux sari indien. Le support à perdu sa consistance.

    A l'autre extrémité de la galerie lui fait face un autre polyptyque monté sur châssis et intitulé "Plein été" (photo 2)_DSC6365.JPG. Ici la lumière est à son zénith et la fixité des panneaux accentue cette sensation d'un moment suspendu. Une ligne de points sombres occupe le haut de la toile. D'autres lignes et points roux et oranges lui succèdent. Leur flamboyance décroît peu à peu vers le bas pour finir par s'éteindre sous le ruissellement des coulures dont la verticalité stabilise l'ensemble.

    Enfin, difficile de s'arracher au plaisir de contempler le diptyque "Nymphéa zinzolin" qui a servi pour le carton d'invitation (photo 3)20170910_164216 (2).jpg. La lumière jaillit à la jointure des deux panneaux horizontaux qui le compose. Elle disparait en haut sous les rouges zinzolin et les violets qui se font de plus en plus sombres et s'éteint en bas sous de légères coulures et une infinité de petites taches d'une variété inouïe de couleurs.

    Il y a aussi les bleus dont la gamme chez Béatrice Casadesus est infinie. Plusieurs exemples sont ici présentés dont le triptyque "Larmes d'or" où la nuit le dispute au jour (photo 4)14976871_363701750638362_2556367258457647278_o.jpg. La bande noire située en haut du tableau est débordée par d'autres dont le bleu de plus en plus clair se transforme en jaune très pâle à l'extrémité inférieure. Une pluie de coulures bleues, noires ou jaunes en contredit l'horizontalité.

    Les trois panneaux qui composent le triptyques "Nox" sont posés à l'horizontal, ce qui en étire la surface (photo 5)20171108_131504.jpg. Ici les points ont presque disparu pour faire place à une pluie d'un noir velouté qui se transforme en bleu violet comme celui de la nuit. Elle se déverse depuis le haut de la toile pour s'amenuiser dans le deuxième panneau et disparaître dans le troisième en laissant place à un poudroiement de petites taches ou de giclures d'une immense diversité de couleurs, laissant apparaître le gris de la toile de lin. La matérialité des coulures s'oppose et accentue l'immatérialité de la lumière qui sourd de ce tableau.

    Résistons au plaisir de continuer à décrire les oeuvres ici présentées - il faut aller les voir - pour nous demander comment procède Béatrice Casadesus pour donner au spectateur une émotion qui soit à la fois si physique et si métaphysique.

    Comme on a pu le constater ces tableaux sont essentiellement constitués de points. Comme Seurat à son époque, l'entité "point" fascine Béatrice. N'est-ce pas lui qui est à l'origine de toute chose ? l'atome, les cellules qui composent le vivant, les pixels des images et bien sûr les particules de la lumière. Or ce sont bien ces dernières que Béatrice tente de piéger pour en retrouver l'immatérialité et la transcendance. Saisir la lumière et ses vibrations, en révéler les sortilèges qui transfigurent le réel ne sont-ils pas le but de son inlassable quête ?

    Pour rendre palpable cette lumière l'artiste a besoin d'un contact matériel avec son outil. C'est ainsi que, depuis les années 1980, elle utilise le Bull pack, ce matériau d'emballage transparent fait d'une multitude de bulles d'air de différentes grosseurs encapsulées dans des feuilles de plastique et qui sert à emballer les objets fragiles. Cette feuille, elle la plonge dans la peinture et l'applique sur la surface du tableau en impliquant tout son corps (on pense aux anthropométries d'Yves Klein). L'accident, l'aléatoire entrent évidemment en jeu suivant qu'elle applique le bull pack avec plus ou moins de force. C'est de la répétition du geste, effectué presque à l'aveugle et suivant un certain rythme, que va naître l'image. De superposition en superposition les traces se font de plus en plus évanescentes et diffusent cet aura qui nous fascine. Pour les coulures elle utilise un pinceau fortement imbibé de peinture et avec une maîtrise sans pareil, du haut du tableau, elle laisse filer la couleur tout en profitant des aléas du support. C'est aussi de ce pinceau qu'elle fait gicler des myriades de petits points colorés.

    Cet engagement du corps de l'artiste dans la réalisation de ses oeuvres retentit inévitablement sur celui du spectateur qui, dans une sorte de vertige, a le sentiment de se fondre dans l'espace de la toile et sent naître en lui le sentiment d'un face à face avec l'infini.

    Cette exposition exceptionnelle semble marquer une évolution dans l'oeuvre de Béatrice Casadesus. Cependant, malgré les différentes formes qu'a pu prendre sa peinture au long de sa carrière d'artiste on reconnaît au premier coup d'oeil un tableau de Béatrice, ce qui montre bien la permanence de sa recherche.

     Béatrice Casadesus "pluies d'or" - Galerie DUTKO Ile Saint Louis, 4, rue de Bretonvilliers, - 75004-Paris (01 56 24 04 20. Jusqu'au 27 janvier 2018.

    A signaler également :  Deux expositions du 16 décembre 2017 au 4 mars 2018 à RAMBOUILLET : Béatrice Casadesus, Particules de lumières :

    Palais du Roi de Rome - Musée d'art et d'histoire - 52-54 rue de Gaulle - 78420-Rambouillet (01 75 03 44 50)

    La Lanterne - Place André Thome et Jacqueline Thome-Patenôtre - 78120-Rambuillet (01 75 03 44 01)

  • L'art numérique de Claire Malrieux (par Sylvie).

    Après son exposition à la Biennale de Venise, le travail de Claire Malrieux est accueilli au Collège des Bernardins à Paris dans le cadre de sa chaire "L'humain au défi du numérique".

    Sous les ogives médiévales de l'ancienne sacristie se dresse un gigantesque écran blanc sur lequel s'inscrivent des signes légers et multicolores en mouvement. On tourne la tête à la recherche d'un facétieux projectionniste bien caché. Mais non, personne. On reste là, dans la pénombre, comme hypnotisés par la beauté des tracés plus ou moins fins, linéaires ou en aplats, qui apparaissent et disparaissent, la variété de leurs formes - ondulatoires, sismographiques ou brouillonnes - et leurs couleurs primaires. Quel spectacle éblouissant et mystérieux !  N'oubliez pas de cliquer sur l'image ci-dessous pour l'agrandir !                                               

    Claire Malrieux.jpg

    A suivre de part en part le cheminement des inscriptions, on a l'impression de tenir soi-même la plume. Ces motifs, qu'ils soient à caractère scientifique, des gribouillis ou des taches, toutes formes abstraites, s'enchainent ou se chevauchent en un flux continu et hétéroclite. Ils rappellent le jeu des cadavres exquis cher aux Surréalistes. S'ils étaient eux guidés par leur inconscient, qui, ici, mène la ronde ?

    L'espace de "Climat général" est un environnement numérique en perpétuelle mutation. Il repose sur une représentation graphique en temps réel,  une transmission sur ordinateur, par un technicien probablement, selon le vocabulaire très personnel de l'artiste, de données météorologiques précises comme l'ensoleillement ou les précipitations, ainsi que les activités humaines, toutes données habituellement invisibles.                                       

    S'il est clair aujourd'hui que l'accentuation des phénomènes climatiques, auxquels participe l'activité humaine, est un problème majeur, l'intérêt de la démarche de Claire Malrieux est qu'elle met à notre portée une vision simultanée des différents responsables.

    Il y a du flottement dans cette fragile imagerie devenue un écosystème où les plages tranquilles succèdent ou se mêlent à d'inquiétants hiéroglyphes, reflets des perturbations subies par notre univers.  Causes et effets ainsi montrés devraient induire chez l'homme, habitué à penser que tout va continuer comme avant, une remise en question de notre mode de vie.                                                                                                                        

    La bande-son qui accompagne l'oeuvre, mélodieuse ou grondante, se fait ainsi l'écho de l'impact environnemental de l'humanité. Par delà la beauté saisissante du "voyage", léger dans sa forme et grave dans sa signification, cette nouvelle syntaxe du dessin élaborée par des technologies et des algorithmes va-t'elle nous faire prendre conscience des hypothétiques catastrophes avant qu''il ne soit trop tard ? Aussi justifiée qu'elle soit, la question, en empruntant le chemin d'une modernité même esthétiquement réussie, ne nous en facilite pas l'accès. Allez comprendre ce langage!

    "Climat général " de Claire Malrieux au Collège des Bernardins, 20 rue de Poissy 75006 Paris. Tel: 0153107444. Jusqu'au 10 décembre.