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  • Balade hivernale dans les galeries du Marais (par Régine et Sylvie)

    Après l'effervescence des fêtes de fin d'année et les terribles secousses vécues à Paris, la ville semblait dans un état de torpeur. Nous avons voulu voir si les galeries du Marais dont le dynamisme n'est plus à prouver, étaient elles aussi plongées dans l'engourdissement.

    Point de départ du périple chez Marian Goodman, rue du Temple. Steve Macqueen, cinéaste et artiste britannique reconnu sur la scène internationale, est à l'affiche. La grande salle du rez-de-chaussée est vide, Seul l'un de ses murs est entièrement revêtu d'une installation de 77 néons bleu foncé écrivant inlassablement avec autant d'écritures différentes, la phrase "Remember me"IMG_1497.JPG (photo 1). A l'étage en dessous deux vidéos sont projetées simultanément de part et d'autre d'un même écran. D'un côté Ashes, magnifique jeune homme insouciant et plein de vigueur, se tient, ébloui face au paysage, à la proue d'un bateau orange navigant sur la mer des Caraïbes d'un bleu intense (photo 2)IMG_1506.JPG. De l'autre côté on assiste, dans le cadre d'un joli cimetière antillais à la confection d'une tombe et à la pose d'une plaque commémorative indiquant qu'Ashes est enterré là. Le mur de néon est esthétiquement très beau certes, et les images des vidéos, un peu lassantes par le suivi en temps réel ou presque - lent passage de la truelle et du pinceau - sont, bien sûr, tournées par un cinéaste de talent, mais on peut regretter que le thème nous rappelant que vie et mort se côtoient sans cesse, que nous vivons tous avec de fantômes, soit le rabachage d'une évidence sous une forme qui s'apparente à une démonstration au premier degré. Et que de place perdue dans ce magnifique espace !

    Direction rue de Turenne à la Galerie Perrotin où, sous le titre "Origin", du nom de leur Mouvement, trois peintres coréens se partagent actuellement les cimaises. Changement total d'univers. Ici tout est perfection, calme, sérénité. L'un des trois artistes, Suh Seung-Won,IMG_1534.JPG a particulièrement retenu notre attention. Dans la partie supérieure d'une série de tableaux monochromes, de couleur beige sable ou bleu azur semblent s'envoler et s'échapper des formes géométriques - cubes transparents, boîtes vides, carrés parfaits - d'une grande harmonie de couleur (brun léger, vert émeraude, beige clair), sortes de cerf-volants animés d'un souffle impalpable qui donne un délicieux sentiment de liberté, de sérénité de légèreté et d'espace dilaté à l'infini (photo 3).

    A la galerie Karsten Greeve, rue Debeylleme, sous le titre "Question of forgiveness" le peintre israélien Gidéon Rubin propose une série de portraits sans visage inspirés de clichés d'inconnus figurant dans d'anciens albums photos, journaux ou magazines. C'est une invite à imaginer l'histoire de ces individus, une réflexion sur le temps et la mémoire. Moins sensibles aux grands tableaux figurant des groupes de personnages, nous nous sommes particulièrement attachées à quelques petits formats où sont croqués des fillettes vues de dos (photos 3 et 4)IMG_1527.JPGIMG_1529.JPG. Leurs coiffures (nattes, queue de cheval, coupe au carré), leurs attitudes prêtent à rêveries, incitent à supposer leur caractère, leur façon d'être, leur milieu social et provoquent nos propres souvenirs. La peinture est légère, presque aquarellée. Rubin n'impose pas sa vision et laisse libre cours à l'imaginaire du spectateur. C'est une peinture agréable, un rien nostalgique. Elle n'a pas provoqué pour autant une grande émotion en nous.

    Impossible de ne pas s'arrêter chez Thaddeus Ropac tout proche. La salle du rez-de-chaussée est en plein accrochage, il faudra revenir. Sus à l'étage par le bel escalier de métal pour découvrir quelques sculptures de l'autrichien, Erwin Wurm qui ici, comme à l'accoutumée, et non sans humour, s'attaque à notre cadre de vie pour le perturber. Intitulée "Lost" l'exposition montre la réplique en polyester de quelques meubles de la vie courante style vintage ; d'un blanc immaculé,IMG_1514.JPG ils offrent une surface polie qui invite au toucher. Des empreintes physiques (traces de pas ou de fesses) ont par exemple défoncé le moulage d'un fauteuil ou d'une commode (photo 5)  ; un lit à deux places et une cuvette de WC IMG_1523.JPGont rétréci de façon à les rendre inutilisables (photo 6) ; le moulage d'un réfrigérateur intitulé "Butter" IMG_1517.JPG dont la couleur beurre frais et l'aspect malléable du matériau utilisé transforme sa surface en ce qui est normalement son contenu, à savoir une motte de beurre (photo 7). Ainsi les objets soit révèlent leur usage dans une vie passée, soit sont rendus inutilisables, soit encore sont détournés de leur fonction. Profaner ainsi les objets du quotidien est plaisant, drôle, dérangeant, mais est-ce suffisant ? Cela nous a semblé relever plus du gag que de l'art.

    L'annonce alléchante d'une exposition de l'artiste suisse Thomas Hirschhorn à la galerie Chantal Crousel guide nos pas vers la rue Charlot. Hélas la déception est à la hauteur de l'attente. Reprenant un procédé déjà maintes fois utilisé Hirschhorn associe des photos de cadavres sanglants prises dans la presse ou sur internet, à des publicités de mode de magazines et à des zones pixellisées faites de petits carrés de couleurs juxtaposées, destinées au floutage (photo 8)image_medium.jpg. Tapissant les murs de la galerie, ces immenses collages sous plastique transparent, accrochent la lumière et troublent la vision. Quel malaise devant cette juxtaposition. Elle rappelle la consommation pèle mêle des images propre à notre époque. L'artiste ne cède-t-il pas à la facilité ? Il nous avait habitué à de environnements autrement plus inventifs et efficaces.

    Décidément les vraies découvertes, les coups de foudre sont choses rares et précieuses... Vivement le réveil de Paris en février avec, espérons-le, quelques artistes français au programme.

    Galerie Marian Goodman - 79, rue du Temple, 75003-Paris. Steve Mcqueen (jusqu'au 27 Février)

    Galerie Perrotin - 76, ru de Turenne, 75003-Paris. "ORIGIN" : Choi Myoung-Young, lee Seung-Jio, Suh Seung-Won jusqu'au 27 Février. @galerieperrotin

    Galerie Karsten Greve - 5, rue Debelleyme, 75003-Paris. Gideon Rubin "Question of Forgiveness" jusqu'au 5 mars. @Galerie Karsten Greve

    Galerie Thaddaeus Ropac - 7, rue Debelleyme, 75003-Paris. Erwin Wurm "Lost", jusqu'au 5 mars.

    Galerie Chantal Crousel - 10, rue Charlot, 75003-Paris. Thomas Hirschhorn "Pixel collage", jusqu'au 26 Février. @GChantalCrousel