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  • Josef Nadj (par Sylvie)

    Josef Nadj, les corbeaux 23012010_006.jpgLes artistes complets sont rares. Josef Nadj en est un. Ses chorégraphies m'enchantent toujours. Les arts plastiques. l'architecture, la matière y sont mêlés comme si le corps seul n'y suffisait pas. Si vous avez vu "Paso doble" vous ne pouvez pas avoir oublié cette performance réalisée avec Miguel Barcelo.

     Allez savoir ce qui l'a le plus marqué, son père charpentier, son grand-père paysan dans sa hongrie natale ou ses études d'histoire de l'art, de théatre et de musique. Nadj n'est pas que chorégraphe même s'il dirige le Centre Chorégraphique National d'Orléans.Il est également photographe et dessinateur. Ceux qui ne connaissent pas cette part de son travail devraient filer très vite à la galerie Vieille du Temple qui en expose des exemples pour quelques jours encore. 

    Ce qui m'a le plus intéressée ? les dessins à la mine de plomb. On y voit guère de "corbeaux" malgré le titre de la série mais une nature vivante, toute frissonnante du vol de ces oiseaux. Ils passent, semble-t'il, groupés en nuage; les arbres plient, leur feuillage se brouille dans le mouvement et leur tronc compact se densifie plus encore. Tout est noir, un noir puissant, riche de valeurs et de matière, opaque ou brillant d'un reflet de lumière ou diaphane dans les turbulences. Le dessin est précis, aux traits multiples longuement travaillés en vue d'une surface lisse et pleine ou au contraire alvéolée ou ramifiée. La nature balayée, acculée, dit sa force en touffes et en mailles serrées et sa souplesse en enchevêtrements savants déliés et suaves. Il en émane une douceur et une sensualité qui va bien au delà de la simple représentation. Nadj fait corps avec son crayon: "je suis à la fois l'observateur, le pinceau, la peinture et le danseur".

    Josef Nadj, galerie Vieille du Temple, 23 rue Vieille du Temple, 75004 Paris. Jusqu'au 30 janvier 2010.

  • Boltanski au Grand Palais (par Sylvie)

    Boltanski, vue générale 014.jpgSans attendre, craignant les foules qui d'ordinaire forment une queue interminable Boltanski, mur de boites, 15012010_007-001.jpglors des grandes expositions, je suis allée au Grand Palais voir" Personnes" de Christian Boltanski.  La précipitation a parfois du bon. C'était loin d'être la bousculade. Nous verrons dans les semaines à venir si le public a eu envie de se laisser toucher par cet artiste français de renommée mondiale, né en 1944, comme il a été séduit par ses prédécesseurs de Monumenta 2008 et 2009,l'allemand Anselm Kiefer et l'américain Richard Serra. Pas si sûr.

    Passé le mur de boites métalliques, empilées et numérotées comme au crematorium, dont on ne voit pas le contenu mais seulement la magnifique façade grise et rouille, passé ce mur de secrets ou de cendres, réalisé dans les années 60/80, on pénètre au coeur de l'exposition "Personnes". Il s'agit d'une installation, d'une immersion, faite pour être vue à la nuit tombante ou tombée afin que la majesté, la finesse de la coupole disparaisse au profit d'un espace noir, anonyme et sans repaire: des vêtements multicolores, des fripes dirons-nous, sont étalés au sol en groupes quadrilatéraux bornés aux angles par des poutres verticles d'acier noir. Soutenus par des filins, des tubes de néon éclairent assez bas ces natures mortes. Toute la nef centrale est ainsi tapissée, comme une mosquée. Dans un coin, au dessus d'une gigantesque pyramide d'autres vêtements, s'active une redoutable griffe de chantier en métal rouge. Cette grosse araignée descend, empoigne une quantité des étoffes, les soulève et, d'un coup, lâche sur le monticule ses " proies" comme autant de corps de damnés. Tout cela dans un grand vacarme qui tient de battements de coeur ou de trains en mouvement. On est assourdis. "..Au Grand Palais, j'ai..(eu)..la sensation de réaliser un opéra." confie Boltanski.

    Ajoutez qu'il n'y a volontairement pas de chauffage. Il fait glacial, la lumière est froide. On grelotte physiquement et psychiquement. Il y a là tant de tragique que l'indifférence est impossible. Tout ramène à la Shoah, à la brutalité (la griffe), à l'élimination systématique et massive (accumulation et gigantisme), à l'individu perdu dans la masse (innombrables vestiges), à l'absence (vêtements vides), à la mémoire. C'est impressionnant et spectaculaire. La couleur des vêtements est subtilement choisie: au sol, les aplats terreux sont réveillés par des taches vives, comme un tableau de Poliakoff mais ils font figures de corps rigidifiés; et malgré sa polychromie, la pyramide de chiffons mous évoque un charnier. Le visiteur diurne ne peut s'empêcher d'observer la contraste entre la coupole, archétype de civilisation et ce à quoi renvoie l'exposition, la barbarie et la mort.

    On se promène entre ses plate-bandes comme dans un jardin du Moyen Age, un espace de méditation. N'empêche que ce retour sur les catastrophes de l'Histoire et sur notre inexorable finitude, fussent-elles magistralement interprêtées entre oeuvre d'art plastique et oeuvre théatrale, m'a donné la nausée. Il y a si peu d'espoir, de perspectives d'un avenir meilleur, pas d'humour; c'est absolument sans issue et s'inscrit parfaitement dans le climat d'inquiétude générale. Reste à savoir s'il faut rabâcher toujours le même discours mortifère pour tenter d'en sortir. Et que pensent les plus jeunes? Vous me direz que les artistes n'en n'ont rien à faire et que les obsessions font les meilleurs thèmes.

    Monumenta 2010, "Personnes" de Christian Boltanski au Grand Palais, avenue Winston Churchill, 75008 Paris. Tous les jours sauf mardi. Jusqu'au 21 février.