Le Futurisme (par Sylvie)
Retour sur l’exposition « Le Futurisme à Paris », cette avant-garde dite explosive, essentiellement italienne, dont le Centre Pompidou fête les 100 ans.
Bien sûr, l’enthousiasme pour le mouvement, la machine, la vie trépidante et le bruit, des villes et des foules, tout cela se lit clairement. Et, dans le dialogue avec le cubisme, se perçoit bien comment celui-ci, en appréhendant les formes sous leurs différents angles en même temps, a ébranlé avant le futurisme les certitudes anciennes et introduit cette accumulation de sensations visuelles qui nous paraissent aujourd’hui appartenir de façon évidente à la modernité.
Et puis l’exposition nous fait connaitre des futuristes moins connus que les italiens, des russes des britanniques (Christopher Richard Wynne Nevinson ) ; ou des français ( Félix del Marle).
Pourquoi ces œuvres m’ont-elles particulièrement poussée à des rapprochements ? Peut-être parce qu’elles se situent à une période charnière de l’histoire de l’art où l’on porte un regard vers le futur un peu comme nous aujourd’hui. Avec une différence radicale, leur optimisme.
A mes risques et périls, voici quelques unes de mes mises en parallèle.
Devant « les Funérailles de l’anarchiste Galli » (1910, photo 2) de Carlo Carrà s’est superposée « La Bataille de San Romano « de Paolo Uccello (1435, photo 1). Même dynamique progressive, même vitalité, même violence, même héroïsme, mais les vibrations des slogans ont remplacé celles des lances et des arbalètes, le mouvement ouvrier la gloire de Florence.
Le « Nu descendant l’escalier » de Duchamp, (1912 photo 3) m’a projetée devant un des « Violon brisé » d’Arman, (années 70), photo 4) toutes choses morcelées, déconstruites.
« Le Rire » un peu monstrueux d’Umberto Boccioni (1911) m’a rappelé la violence et l’urgence de certaines « Women » (années 50) de l’expressionniste abstrait ’américain Willem de Kooning.
Et devant la façon dont Nathalie Gontcharova traduit le mouvement dans » Le Cycliste »,(1913, photo 5))- des cercles concentriques suggèrent la mécanique des tours de roues et les soulignements celui du travail du corps – j’ai vu un très net rapport
avec les vues floutées de Carole Benzaken « By night III », (2003, photo 6) Celle-ci pointe le passage et la perception des spectateurs, l’autre l’effort individuel de l’acteur, toutes le deux le mouvement inachevé. Deux rapidités de temps différentes.
Et comment ne pas être tenté de confronter« La rue entre dans la maison » (1911, photo 7) de Boccioni à « Plug-in-city Vitry-sur-Seine »(2001, photo 8) d’Alain Bublex ? Dans la perception de la ville en chantier anarchique, tout les oppose. Chez l’un l’espace grouillant d’activité humaine fait l’admiration du spectateur inclus dans l’image ; l’autre campe un espace anonyme, vide d’êtres humains et fait de cellules industrielles modulables : deux façons de vouloir changer le cadre de vie. A 90 ans de distance.
Il est un rapprochement qui n’a rien à voir avec l’histoire de l’art mais qui m’a remplie de joie, c’est la rencontre des gris cubistes, fragmentés, de Braque et de Picasso et, vus à travers la baie du musée, des toits gris, étagés, de Paris dans le brouillard hivernal...
« Le Futurisme à Paris », Centre Pompidou, Paris, jusqu’au 26 janvier 2009.