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  • Max Wechsler (par Régine)

    1505588488.jpg1405234232.jpgA la fois ascétiques et énigmatiques, délicates et puissantes les oeuvres de Max Wechsler actuellement exposées à la galerie Guislain - Etats d'art nécessitent de s'y arrêter longuement et de les examiner avec attention. A distance elles sont presque monochromes, de près elles révèlent un travail extraordinairement minutieux.

    Grands formats, aux reflets de métal, et petits papiers marouflés, regroupés par deux, trois ou quatre, développent une gamme de noirs et de gris dont il est difficile de dire le véritable médium : pas d'huile, pas d'acrylique, pas de gouache. Les motifs sont des lettres, des fragments de mots indéchiffrables. Or, ces oeuvres ne sont pas peintes mais faites de morceaux de papier imprimé incroyablement travaillés.

    Le matériel de base : des pages imprimées et déchirées, une photocopieuse noir et blanc, des ciseaux, de la colle et du liant. Pour les grandes toiles, souvent divisées en trois parties, Wechsler chiffonne le papier et le colle librement sur la surface préparée de la toile jusqu'à ce que celle-ci soit complètement et densément recouverte (photo de gauche). Le tout est revêtu d'une couche de colle qui devient un élément plastique de l'oeuvre par sa présence dure et transparente qui favorise l'éclosion d'infinies nuances.

    La photocopie permet aussi toutes sortes de manipulations : reproduire les bribes déchirées, les agrandir ou les réduire, varier les contrastes, flouter le contour des lettres pour arriver à une sédimentation d'images, de mémoires diverses.

    La texture fine et soyeuse des petits formats  non recouverts de colle (photo de droite) , est d'une infinie douceur. Les gris impalpables se nuancent de jaune, de vert ou de rose. Deux, parfois trois bandes horizontales, à motif différent, se recouvrent légèrement et occultent sur quelques centimètres le papier sous-jacent, différent de celui du dessus, comme une liasse d'échantillons.

    On n'est pas dans la peinture, mais dans l'écrit. Les caractères sont souvent méconnaissables. Le texte, impossible à déchiffrer, est plongé dans l'obscur. A l'inverse d'Opalka qui exprime l'anéantissement par un lent processus, Max Wechsler malaxe, enfouit lettres et mots, et en rend la signification inaccessible. 

    Veut-il communiquer ainsi son rapport au langage par l'effacement du sens ? Seul l'univers plastique peut en avoir un quand l'écrit n'en porte plus. Enfant d'une famille juive, né à Berlin en 1925, il est arrivé en France à l'âge de 13 ans dans un pays où parler allemand était une menace mortelle. Seule solution : se taire. Cette expérience traumatique façonne probablement son oeuvre.

    La gamme des noirs calcinés et des gris cendrés évoque la disparition dans les flammes et on ne peut s'empêcher de penser qu'il s'agit d'une référence à un monde englouti et aux évènements mortels qui ont marqué sa jeunesse.

    Cette peinture de murmure et de retenu semble signifier que l'excès d'écrit tue le sens. Devant le déferlement actuel de publications Wechsler nous dit peut-être qu'il est temps de faire taire ce barvardage pour entendre ce qui est important.

    Toujours présentées sans cadre, tissées d'innombrables lettres et mots ces oeuvres sont de bien énigmatiques messages qui laissent au bord du vertige.

    Galerie Etats d'Art - 35, rue Guénégaud, 75006-Paris. Tél : 01 53 10 15 75, du mardi au samedi de 11 h à 13 h et de 14 h à 19 h. Jusqu'au 15 avril. Galerie.guislain@wanadoo.fr

  • Philippe Cognée (par Sylvie)

    1128155432.JPGParce que depuis ses débuts j'ai toujours apprécié son travail, je suis allée avec entrain voir la dernière exposition de Philippe Cognée , chez Templon, à Paris.

    Il y a là 36 tableaux du même petit format (70,5x47cm), accrochés bien régulièrement à hauteur des yeux. Des rouges lie-de vin, des noirs et des blancs puissants et des demi-tons somptueux s'y déploient dans une déclinaison de lignes horizontales et verticales. Le thème ? Des carcasses animales, des sacs d'os et de viande suspendus à des crochets. De près, de loin, en gros plans ou en rangs, tel un reportage. Il est vrai que photos et vidéos servent toujours à Cognée de point de départ, quelque soit le sujet. Projettées sur la toile ou le bois, elles sont peintes à l'encaustique  (cire d'abeille et pigments) et recouvertes d'un film plastique qu'il chauffe au fer à repasser puis arrache. Ce qui a fondu devient écrasé, embué, donnant aux éléments figurés un aspect  fragile, plus vivant et plus abstrait à la fois. Matité des zônes arrachées, vitrification  des fonds vierges, la surface - la peau de la peinture ? - vibre autant que l'image. Toutes ces vues sont des plongées dans la matière animale, pas de bordure pour limiter le champ. Gros plans et alignements dans les abattoirs industriels sont autant  de corridors, de perspectives floues dans lesquelles le regard pénètre comme dans les allées d'un jardin. Non sans un certain 66128057.JPGmalaise, quand même.

    D'autres artistes avant lui se sont penchés sur les "écorchés" et les quartiers de boeuf, Rembrandt , Goya, Soutine, ou encore Bacon. Après avoir traité, avec distance et froideur, des foules, des villes, des étalages de supermarché, l'univers de notre quotidien construit et, par le floutage, donné sur le point de disparaitre, Cognée avait dévoilé plus nettement son angoisse du néant dans des séries de crânes humains. Le regard  qu'il porte ici sur la chair, fut-elle animale, m'a donné le sentiment qu'il abordait, de front cette fois, la question essentielle: qui sommes nous ? et, pour l'artiste qu'il est : qu'est-ce que la peinture?

    Pris individuellement, ces tableaux sont d'une très grande beauté plastique. La série, insecable, est presque trop forte. Personnellement je préfère le Cognée plus distant.

    Philpppe Cognée "Carcasses", galerie daniel templon, 4 impasse Beaubourg, 75003. Paris. Du mardi au samedi, de 10h à 19h. Jusqu'au 5 avril. 

  • Georg Baselitz ( par Sylvie )

    912227716.2.jpg Baselitz.

     Cette forme compacte, à gauche, faite de larges taches de couleurs gaies, brouillonnes, au centre de la gigantesque toile blanche, c’est un coup de poing, une tornade emportée dans un mouvement circulaire.  Il est surmonté d’un motif  de lignes noires entrecroisées, bordées de couleurs primaires, droit sorti d’un tableau de Mondrian. Curieux mélange ! Et puis on voit des jambes, à l’envers.

     Le titre de la série le confirme, il s'agit de l’image d'un couple. En penchant la tête - ce qui devrait faire se dresser les cheveux de l'artiste - aucun doute, la scène représente une femme, rose et jaune, nue, peut-être, sur un fond vert , assise sur les genoux d'un homme vêtu de bleu. Chaussés, chapeautés, un peu clownesques, ils évoquent plus la luxure que la tendresse.  Il y a une fulgurance dans les traces de pinceau en tous sens et les traits griffés qui rappelle l’expressionniste abstrait William de Kooning et ses « women »  des années 50.

    Des personnages la tête en bas, peu de peintres se sont faits une marque de fabrique de cette façon de faire. C'est du Baselitz ! Pied de nez au spectateur,  mépris pour la nature humaine ou difficulté graphique à camper debout nos carcasses de bipèdes ? La question peut se poser devant les toiles de cet artiste allemand né en 1938 exposées à  la galerie Thaddaeus Ropac, à Paris.

    Pourquoi le retournement ? C’est une vieille histoire. Baselitz a pris le parti d'inverser ses motifs à la fin des années 60 en réponse à une interrogation sur la représentation du réel et  la pratique picturale. S’ensuit évidemment un double dérangement: dérangement devant cette mauvaise facture, une peinture à toute vitesse d’une représentation grossière; dérangement face à ce quelque chose de reconnu sans l'être exactement, le sujet,  mais vidé de son sens du fait de l’inversion avec pourtant l’effet tragique du miroir. Je rapprocherais volontiers cette oeuvre de celle, intitulée « souvenir de la galerie des Glaces » peinte dans les années 20 par un autre allemand, Otto Dix, expressionniste de la Nouvelle Objectivité : même  représentation cynique d’une société pourrie, même effet miroir.

    Pour ses 70 ans, Baselitz ne se renie pas. Ce motif du couple il l’a déjà traité (d'où le nom de "Remix" de l'exposition). Il lui donne ici une nouvelle résonance. Représentation et abstraction y chahutent de façon d'autant plus troublante que s’ajoute la référence à la  gaîté géométrique de Mondrian, un artiste attaché à l’utopie d’une société future parfaitement équilibrée. Seulement voilà, les jambes  sont suspendues comme de la viande et  la grille noire, tronquée, réduite à l’état de crocs de boucher, figure une croix gammée. Décidément cette génération de peintres allemands a du mal à surmonter son passé.

    Georg Baselitz "Remix", galerie Thaddaeus Ropac, 7 rue Debelleyme, 75003. Paris. Du mardi au samedi de 14 à 19h. Jusqu'au 29 mars 2008. 

     

  • Claudio PARMIGGIANI (par Régine)

    545215866.jpg1522468378.jpgJe me souviens d'avoir éprouvé un énorme choc en voyant pour la première fois des oeuvres de Claudio Parmiggiani. C'était il y a quelques années à Toulon. Elles me faisaient toucher du doigt le lien entre le monde matériel et le monde spirituel. Ce même sentiment me saisit devant l'installation actuellement visible à la galerie Serge le Borgne.

    Comme à son habitude Parmiggiani a investi et exploité entièrement l'espace mis à sa disposition. Un espace très clair composé de deux longues salles en L bordées sur un côté d'une verrière.

    L'installation occupe les deux salles : elle est composée de deux ensembles de casiers en acier borssé, 115 pour l'une (5 en largeur et 23 en longueur), 185 pour l'autre (5 en largeur et 37 en longueur) ouverts sur le dessus et remplis de cendre.

     Rien de plus, mais l'effet de surprise fait vite place à une multitude de sentiments.

     J'ai d'abord été frappée par la beauté que dégage l'extrême simplicité de l'oeuvre, le rapport entre la dureté de l'acier et la douceur sensuelle de la cendre, entre la couleur argent mat du contenant et celle tantôt grise, tantôt dorée, tantôt légèrment jaune du contenu. J'ai dû me retenir pour ne pas toucher et laisser couleur entre mes doigts cette poudre aux couleurs mordorées qui semble être tombée d'un sablier et que les infinies nuances de la lumière module à l'infini. Oh temps suspend ton vol !

    Les liens avec l'art minimal et l'Arte Povera sont bien sûr évidents : prise en compte de l'espace d'exposition, dépouillement, sollicitation du spectateur pour le premier, simplicité du matériau, mise en évidence d'un processus pour le second, mais cette oeuvre nous entraîne aussi vers d'autres chemins et nous inspire des sentiments bien particuliers.

     Il s'agit de crémation - les casiers font inévitablement penser à des urnes funéraires - et ceci est loin d'être neutre. Avec une extrême simplicité, et avec sérénité, Parmiggini suggère la fragilité des êtres et des choses et leur inéluctable dissolution. La phrase de la Bible nous revient en mémoire " Tu es poussière et du retourneras poussière". Nous sommes devant une Vanité des temps modernes.

    Tout le mystère de l'absence est pointé là. Certes les objets auxquels nous étions attachés ont disparu, les êtres aimés sont morts, mais leur souvenir, leur lumière nous habite. Les boîtes contiennent toutes des cendres, mais chaque tas est imperceptiblement différent, comme si l'aura de ce qui a disparu dans les flammes subsistait. Secrète et émouvante vie des choses !

    En nous confrontant à l'ultime métamorphose, cette oeuvre m'inspire le respect. Elle est à la fois matérielle et spirituelle, physique et mentale, et conduit du simple au sublime, de l'élémentaire au métaphysique.

    Je ne saurais mieux que l'artiste exprimer ce que j'ai ressenti : "Je crois qu'une oeuvre ne peut se dire avec les mots. La parole appartient à une langue, l'image à un autre alphabet et la langue de l'image réside dans l'émotion, première impulsion qui enfante l'art."

    Claudio Parmiggiani : "Cenere", Phénix, 2008, Galerie Serge Le Borgne - 108, rue vieille du temple - 75003-Paris. Du mardi au samedi de 10 à 13 h et de 14 h 30 à 19 h jusqu'au 22 mars 2008

     

  • présentation de notre blog

    Nous, Sylvie et Régine, nous intéressons à l'art de notre époque. Ce blog est destiné à vous faire part de nos coups de coeur lors de balades ou de visites dans des galeries essentiellement parisiennes et à essayer de les faire passer avec des mots simples.

    Les commentaires sont les bienvenus, qu'ils soient critiques ou pas. Portes ouvertes aux  questions et aux suggestions.