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Anselm Kiefer au Grand Palais

Anselm Kiefer au Grand Palais.

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        Toutes les forces telluriques, historiques et cosmiques semblent avoir gouverné les œuvres d’une stupéfiante beauté  qu’ Anselm Kiefer, artiste allemand né en 1945, présente dans la nef transparente et légère du Grand Palais : contraste saisissant entre deux monumentalités, deux siècles, deux façons de voir le monde.  

Autant le Grand Palais, construit pour l’exposition universelle de 1900 est emblématique d’une période florissante et confiante en l’avenir, autant l’œuvre de Kiefer, dont le terreau est l’histoire et la mémoire, peut paraître austère et empreinte de tragique.

            Oubliée l’échelle humaine, tout est dans la démesure. Sur de gigantesques toiles à la matière épaisse et craquelée s’inscrivent  jusqu’en un lointain horizon la germination probable des champs dévastés; des herbiers géants, comme fossilisés, ou des mini croiseurs de plomb  tapissent bord à bord jusqu’au vertige les murs de « maisons », véritables blockhaus en béton et acier ; des tours ruiniformes, de plusieurs mètres de haut, émergent de décombres ; une bibliothèque de plomb et de verre, semi ravagée, est celle d’un titan et fourmillent d’innombrables constellations matriculées dans l’étendue d’un ciel noir.

            Oubliée, ou presque, la couleur qui sort du tube et se manie au pinceau. Les outils de Kiefer ne peuvent être que couteau, marteau, grues et ingénieries de toutes sortes pour attaquer le plomb, la tôle, le béton, le verre. Il ajoute, sur la surface peinte, de la paille, des branchages pris dans le plâtre et des débris de guerre dégradés, un potentiel de vécu que les intempéries ont achevé de transformer. Ainsi, au-delà du blanc et du noir, les couleurs, nées de ces expositions - le rouge est  rouille - ou  de la matière brute – le brun est  glaise, le gris est plomb,y prennent une profondeur charnelle.

Le choc visuel est violent. Tant de désordre, de déséquilibre et de symbolique de destruction.

            Ce qui est donné à voir est lyrique, fascinant et d'une intensité émotionnelle et esthétique peu commune. Cela évoque avec une poésie puissante, d’un  romantisme très germanique, la guerre, la shoah, l’histoire naturelle et humaine – en particulier le passé nazi.  D’ailleurs, ces œuvres sont dédiées à deux poètes d’après la shoah, Paul Celan et Ingeborg Bachmann. Certains pourront trouver ce travail  à ne pas s’échapper du réel, écrasant et mortifère.

Il est vrai que la tour de guingois, éventrée, avec ses étages déboîtés et ses tournesols de ferraille jaillissant des ouvertures béantes, est une vision brutale et poignante faite de densité de matière, de déplacements chaotiques et de lignes exponentielles.  Mais combattant le mal par le mal, elle dénonce avec fracas une occultation éventuelle du passé.

L’exposition a pour titre « Chute d’étoiles » en référence à la vie et la mort des planètes. Kiefer y voit le destin des civilisations, une histoire du temps.

 

Monumenta 2007, au Grand Palais, à Paris, Avenue Winston Churchill, 75008, jusqu’au 8 juillet.

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