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  • Tony CRAGG (par Sylvie)

    d8dc1a55dea83a40e2b0e6049055d8e6.jpg-Tony Cragg.jpgSi vous avez quelques jours de liberté, et après vous être informés des règles liées au Covid, faites un saut en Angleterre, dans le Norfolk, au nord est de Londres, pour voir l'exposition du sculpteur britannique Tony Cragg  - né en 1949 - qu'il a lui-même organisée à la Houghton Arts Fondation, un organisme de bienfaisance. Cette information nous a été adressée par la galerie Marian Goodman (Paris et Londres). Dans ce très élégant château et son parc se déploient des oeuvres en acier, en fibre de verre, bronze, bois ou verre, éléments naturels ou industriels. Car Cragg ne cesse d'explorer les possibilités de nouveaux matériaux qui, en retour, l'aident à déterminer la forme de chaque pièce et son registre émotionnel. Ce sont des sculptures monochromes souvent monumentales, abstraites certes mais dont la masse, plissée et fluide,  organique, suffit à évoquer par exemple le bougé et le fugitif des cieux britanniques où elles s'inscrivent., comme sur cette photo. La circularité  leur confère une énergie exubérante. et une sensualité insoupçonnée, en particulier lorsqu'il s'agit de matériaux manufacturés. 

    Tony Cragg, qui vit à Wuppertal en Allemagne, a représenté la Grande Bretagne à la Biennale de Venise en 1988. Il fait partie de la New British Sculpture, groupe d'artistes, sculpteurs et auteurs d'installations qui ont commencé à exposer ensemble au début des années 80. Parmi eux citons Anish Kapoor, Richard Deacon, Barry Flannagan, Anthony Gormley, autant d'artistes dont nous avons souvent parlé ici même sur decrypt-art. 

    Faute de ciel britannique et de demeure du XVIII ème siècle, allez à Pantin à la galerie Thaddeus Ropac où trône en son jardin un marbre de Tony Cragg aussi tourmenté que tournoyant. L'occasion de voir, dans cet ancien  et superbe bâtiment industriel, l'exposition du peintre irlandais Sean Scully qui se tient jusqu'au 19 juin.

    Tony Cragg at Houghton, Houghton Hall, King's Lynn, Norfolk,PE 316UE, UK,  Tel: 44(0) 1485 528569, jusqu'au 26 septembre. 

    Galerie Thaddeus Ropac, 69 av. du Général Leclerc, 93500 Pantin. tel: 33 (1) 55 89 01 10

     

  • Pascal CONVERT et Bamiyan (par Régine)

    Double cliquez sur les images pour les agrandir

    Ne ratez pas l'exposition du Musée Guimet consacrée au site de Bamiyan en Afghanistan. Ce site millénaire, ancien carrefour des civilisations bouddhiste, grecque et indienne, fut sauvagement mutilé par les talibans en mars 2001. Quelques années plus tard, en 2017, l'artiste Pascal Convert réalisa, grâce à des moyens techniques très sophistiqués, un montage photographique de plus de 16 m de longueur de l'immense falaise qui domine Bamiyan et de ce qu'il en reste (photo 1). D'une précision inouïe et d'une grande beauté, cette oeuvre ne fut malheureusement pas retenue pour représenter la France à la Biennale de Venise 2019 mais elle accompagnera la galerie du temps au Louvre Lens jusqu'à l'été 2022. Au Musée Guimet elle encadre l'exposition Des images et des hommes, Bamiyan 20 ans après qui, inaugurée en février, la veille du confinement, ouvre de nouveau ses portes le 19 mai et dure jusqu'à mi-octobre. Vous pouvez d'ores et déjà, en allant sur le site du Musée, suivre la visite guidée très complète de la commissaire de l'exposition, Sophie Makariou et la voir en 3D.

    Extrait panoramique de la falaise de Bâmiyân 1. © Courtesy Pascal Convert, Galerie Eric Dupont.jpg

    Au centre de l'Afghanistan, sur la route de la soie, à près de 3000 m d'altitude, dans une sublime vallée nichée entre deux chaines de montagne et au pied d'une immense et splendide falaise d'environ 1,5 km de longueur, du IIème siècle av. J.C au Xème siècle de notre ère, s'est développée une petite ville. De simple relai de caravanes, elle devint au cours des siècles un haut lieu du bouddhisme et un centre d'échanges culturels. 2 - Le Grand Bouddha de Bamiyan, © Archives photographiques du MNAAG.jpgDes milliers de moines y séjournèrent, bâtissant dans deux alvéoles monumentales, deux bouddhas colossaux l'un de 53 m à l'ouest et l'autre de 35 m à l'Est qui furent à l'époque recouvert de feuilles d'or (photo 2). Entre les deux la multitude de bouches sombres que l'on voit sur la photographie ne sont autres que les ouvertures de plus de 1000 grottes sanctuaires creusées dans le grès, souvent ornées de décors modelés et peints.

    Dans ces montagnes isolées du monde, dans ce paysage d'une beauté à couper le souffle, de la splendeur passée de Bamiyan il ne restait plus qu'un petit village et ses incroyables vestiges lorsque le 11 mars 2001, cinq mois exactement avant l'attentat contre les tours jumelles du World Trade center, les talibans détruisirent avec rage les deux bouddhas géants sculptés dans la falaise,IMG_4861.JPGIMG_4863.JPG saccageant également les décorations des grottes alentour(photos 3 et 4). Ce vandalisme visant à nier toute représentation humaine et à faire table rase du passé, émut le monde entier. L'importante exposition du Musée Guimet est à la fois un hommage au travail de Pascal Convert et à celui du couple d'archéologues Joseph et Aria Hackin qui fouillèrent le site dès 1923. Résistants de la première heure au cours de la 2ème guerre mondiale, ils moururent ensemble en 1941 dans le torpillage du bateau qui les transportait. Ils avaient auparavant fait don au Musée Guimet des nombreux documents, photos et objets ramenés de leurs fouilles en Afghanistan où ils avaient longuement séjourné.

    Pascal Convert, depuis toujours, est fasciné par la complexité de l'histoire. Les questions de la mémoire et de l'oubli sont au coeur de son travail. Pas étonnant qu'il fut ému et subjugué par le site de Bamiyan et sa douloureuse histoire.

    Extrait panoramique de la falaise de Bâmiyân 2. © Courtesy Pascal Convert, Galerie Eric Dupont.jpg

    Pour réaliser ses oeuvres, il choisit toujours la technique la plus à même d'exprimer ce qu'il veut dire. Ici c'est à la photographie qu'il a recours, mais pas n'importe laquelle. Outre un scan 3 D du site au moyen de drones, il prit des milliers de photos. Parmi celles-ci il en choisit 4000 et les réunit entre elles par un système de tuilage pour former une image de la falaise. Pour le tirage de l'ensemble il utilisa le procédé, inventé au début du siècle, du platinotype avec lequel l'image se révèle par contact direct de la pellicule sur un papier enduit d'une émulsion contenant des sels de platine (photo 5). Ce procédé permet à l'image de pénétrer dans le papier. Ainsi les moindres détails des blessures et des failles de l'érosion de la falaise nous apparaissent.IMG_4860.JPG Le panorama photographique de ces 16 panneaux de 16 m de long qui restitue en noir et blanc le site de Bamiyan, fait le tour de la salle d'exposition (photo 6). Devant cette oeuvre d'une douloureuse mélancolie, le spectateur, pris de vertige, a le sentiment d'être devant l'empreinte directe de la falaise. L'émotion la plus forte est paradoxalement provoquée par le vide qui occupe les niches des deux colosses dont le manque acquiert une spectaculaire visibilité. Ce vaste panorama, qui exalte la beauté inouïe du lieu montre avec force la puissance de l'image face à la destruction. Comme Joseph et Aria Hackin résistants au nazisme elle fait acte de résistance face à la barbarie et à l'inhumanité car la destruction n'a pas fait disparaître les bouddhas, ils dominent toujours la vallée de leur majestueuse absence.

    Grotte sanctuaire de Bâmiyân détruite par les Talibans. Tirage Palladium. ©Collections MNAAG.jpgSignalons également la poignante photo que Pascal Convert a prise du plafond d'une grotte sanctuaire dont le décor entièrement modelé et peint fut détruit à coup de chaussures lancées en l'air par les talibans (photo 7). Les Enfants de Bâmiyân 2. ©Courtesy Pascal Convert, Galerie Eric Dupont, Paris.jpgLe joli film Les enfants de Bamiyan (photo 8) tourné pendant les travaux est projeté en continu. Il montre des enfants jouant joyeusement au pied de la falaise. A la fois hommage à la population Hazara qui occupe la région et preuve que c'est toujours la vie qui prend le dessus.

    L'exposition présente aussi une série d'oeuvres archéologiques retrouvées dans cette falaise et ses environs. A voir aussi la reconstitution par Jean Carl, l'assistant fidèle de J. Hackin, des vestiges de la grande fresque de style indien qui couvrait la voûte surplombant le petit bouddha représentant Surya, le dieu indouiste du soleil et ses chevaux blancs. Main d’un bouddha colossal, 5ème-6ème siècle, céramique, Afghanistan, Bamiyan, MG 18549, MNAAG, © photographie RMN-GP.jpgdeux mains des bouddhas monumentaux ayant conservé des restes de feuilles d'or. D'autres objets gardent la trace de destructions anciennes montrant que l'épisode des talibans n'est pas isolé dans le temps, par exemple ce visage de bouddha vandalisé ou ce morceau de tête d'homme avec sa superbe moustache. Les documents photographiques sont nombreux, tout un travail de sélection du fond du musée a été fait pour nous présenter l'histoire de cette falaise et rendre hommage aux Hackin et à la population locale.

    A travers les créations de Pascal Convert, les vestiges de sculptures et de peintures, les photographiques d'époque, l'exposition raconte l'histoire de Bamiyan et de sa vitalité culturelle. Il font écho à l'oeuvre créée à New York en souvenir du 11 septembre 2001 et qui consiste en deux trous noirs dont les bords ruissellent d'eau de façon ininterrompue. Les niches vides de la falaise et cette sculpture en creux de New York expriment par le vide la résilience des images face à la vie.

    Musée Guimet "Des images et des hommes, Bamyan 20 ans après" - 6, place d'Iéna, 750146-Paris (01 42 65 25 44), du mardi au dimanche de 10 à 18 h. Jusqu'au 18 octobre.