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  • CHICAGO et ses sculptures (par Régine)

    Le mot "Chicago" a quelque chose de magique. A sa seule évocation une série d'associations se déclenche : le grand banditisme et Al Capone, les immenses abattoirs où s'engouffraient jadis des milliers de boeufs et de moutons, le blues et la musique afro-américaine, le lac Michigan, le nom d'Obama qui y est né et bien sûr celui des grands architectes tels Sulivan, Frank Lloyd Wright ou Mies Van der Rohe qui ont fait de cette ville une des plus belle d'Amérique, etc... Mais lors d'un séjour récent j'ai découvert aussi que cette magnifique ville n'est pas seulement un musée d'architecture à ciel ouvert où les hommes de l'art ont eu l'intelligence de respecter l'oeuvre de leurs prédécesseurs, mais qu'elle est jalonnée de sculptures du XXème siècle signées par les plus grands noms.

    Pour les découvrir suivez moi et commençons par une petite balade dans le "Loop", le quartier d'affaire, ainsi nommé à cause de la boucle que forme le métro aérien autour de ses édifices. C'est là qu'a démarré, à la fin des années 1960, cette idée d'installer des sculptures contemporaines au milieu des grattes ciel, sans doute pour en exalter la beauté et peut-être pour en atténuer l'aridité.

    Au pied de l'hôtel de ville de Chicago, aux formes très épurées, trône "The monument with standing beast" de Dubuffet qui fait partie de la fameuse série de l'Hourloupe (photo 1)IMG_1824.JPG. Cette grande sculpture en polystyrène expansé blanche et noire brouille les limites entre réel et imaginaire. Rocher en formation, animal fabuleux, grotte ou quelques SDF trouvent refuge, elle est tout cela et bien autre chose encore. Au milieu de ce quartier dédié aux finances et aux affaires, elle provoque l'imagination du promeneur et crée un univers parallèle et fantasque.

    Tout près, érigée en 1967, "The Picasso" IMG_1829.JPG(photo 2) (ainsi nommée car elle est sans titre) se trouve sur une petite place devant le Daily Center, tour d'acier et de verre teinté noir. Avec ses 17 m de haut et ses 160 tonnes d'acier Corten, elle est impressionnante et énigmatique. Est-ce une femme ? Un chien afghan (comme Picasso l'a suggéré) ? Un oiseau ? Plutôt un sphinx qui interroge le passant. Sur la même place, de l'autre côté de la rue, "The sun, the moon and one star" de Miro, affectueusement appelé "Miss Chicago" lui tend les bras avec humour.

    Un peu plus loin, en continuant la rue Deaborn, en haut des gradins de la Chase Tower Plaza - tel le mur aux 9 dragons de Pékin" - se dresse "Four seasons" un grand mur de mosaïques de Chagall. Il mesure 21 m de long, 4 m de haut, 3 m d'épaisseur, est composé de milliers de mosaïques de plus de 250 couleurs différentes et représente les saisons, bien sûr, mais aussi les quatre âges de la vie (photo 3)fourseasons.jpg. Avec ses poissons, ses fleurs, ses oiseaux, ses amoureux, tout l'univers de Chagall est présent. La variété et la beauté des couleurs célèbrent la vie avec lyrisme et ajoutent une part de rêve dans cet univers de verre et de métal.

    Quelques blocs plus bas, sur la Federal Plaza, au pied d'immeubles conçus par Mies Van der Rohe, se dresse la magnifique "Flamingo", un immense stabile rouge de 16 m de haut d'Alexandre Calder (photo 4)IMG_2085.JPG. Ses élégantes formes courbes, quasi animales (on dirait un immense oiseau en train de picorer), sa couleur d'un rouge éclatant, sa matière un peu rugueuse contrastent de façon saisissante avec l'austérité des grattes ciel qui l'entourent tout en exaltant leur beauté.

    Avant de quitter ce quartier un dernier coup d'oeil à l'intérieur du Federal Building au 77 W Jackson Bd pour s'étonner devant l'extravagance et très baroque sculpture "The town to"s story" de Frank Stella (photo 5)IMG_1864.JPG. Faite d'un invraisemblable enchevêtrement de morceaux d'aluminium et d'acier ne serait-elle pas une ode aux matériaux qui ont contribué à construire cette ville ?

    Maintenant cap sur le Millenium Parc prolongement au Nord de Grant Parc qui longe les rives du lac Michigan. C'est là que fut inauguré en 2004, avec pour toile de fond le splendide sky line de la ville, le spectaculaire amphithéâtre à ciel ouvert, le "Jay Protzker Pavillon", conçu par Frank Ghéry. Avec ses rubans métalliques encadrant l'ouverture de la scène, son treillis de tuyaux d'acier surplombant un amphithéâtre de 4000 places, c'est une monumentale sculpture conçue par cet architecte génial (photo 6)IMG_1837.JPG.

    A cette débauche de métal s'opposent le dépouillement et la pureté de la sculpture d'Anish Kapour, "The cloud gate" (photo 7)IMG_1838.JPG. Telle une immense goutte de mercure déformée en une grande" arche, elle repose avec légèreté sur le sol malgré ses 160 tonnes. Distordant la perception, elle réfléchit et déforme tout le panorama environnant ainsi que les promeneurs, qui, étonnés et admiratifs, jouent avec leur reflet. Près de là se trouve la très ludique "Crown fountain" de l'espagnol Jaume Plensa (photo 8 et 8bis)IMG_1976.JPGIMG_1975.JPG. Se font face deux tours recouvertes de briques de verre sur lesquelles sont projetées en vidéo le visage animé de plus de 1000 habitants de Chicago, d'âge et de sexe différents. L'eau jaillit par intermittence à travers une buse placée au niveau de leur bouche. Cette utilisation de la lumière et de l'eau en interaction avec le peuple de Chicago exerce un irrésistible attrait sur petits et grands.

    Tout près de là, aux abords de l'Art Institute of Chicago, un petit jardin offre une promenade réjouissante parmi des sculpture d'Henri Moore, Alexandre Calder, Davide Smith ou Ulrich Rückreim.

    Pour terminer cet extraordinaire périple, au sud de Grant Parc, vous pourrez vous mêler à la foule des impressionnants personnages en fonte de la polonaise Magdalena Abakanowicz. Sans bras ni jambes, réduits à des troncs creux, ils avancent pacifiquement en rang serré, en tout sens et vous dominent du haut de leur 3 mètres. Appelé "Agora" (photo 9)IMG_2069.JPG cette immense sculpture-installation, où chaque personnage est à la fois semblable et différent, dont la texture de la peau ressemble à celle de l'écorce d'un arbre, serait-elle un écho à la démocratie grecque et suggèrerait-elle la différence et la similitude entre toutes les créatures de la nature ? Près de l'immense aquarium, face au lac, la sculpture de Penone (photo 10)IMG_2071.JPG, cet arbre en bronze recueillant une pierre dans le creux de son branchage, pourrait être un élément de réponse.

    Cette politique consistant à intégrer la sculpture à l'architecture des lieux, menée dans la durée, contribue à faire de Chicago la magnifique ville qu'elle est aujourd'hui. Mais Chicago est une ville récente. Entièrement détruite par un incendie en 1871 sa reconstruction s'est étalée sur tout le XXème siècle et se poursuit encore aujourd'hui. Les sculptures, souvent contemporaines des bâtiments qui les entourent, sont donc parfaitement adaptées au lieu de leur implantation. Une telle politique, qui serait inadaptée au Paris intramuros, se développe activement à la périphérie de la capitale. A la Défense, ce nouveau quartier souvent qualifié de "Petit Chicago", pas moins d'une cinquantaine de sculptures contemporaines dialoguent avec les gratte ciel environnant. D'autres oeuvres, la plupart assez ludiques, jalonnent le parcours du tramway T3 et animent un environnement parfois ingrat. Comme à Chicago, où cet aspect de la ville a été moins souligné que son architecture, cette volonté contribue à animer le Paris d'aujourd'hui.

     

     

  • Stéphane THIDET (par Sylvie).

    Si le Collège des Bernardins, fondé par Michel de Certaux  pour les moines cisterciens, a contribué pendant des siècles, par son pouvoir spirituel et temporel, au rayonnement intellectuel de Paris et de son université, il renait depuis 2001 grâce à son rachat par le Diocèse de Paris et le travail de Rubis Mécénat en faveur de la création contemporaine qui a trouvé là un lieu atypique pour sa mise en valeur.

    Passée l'ancienne nef et sa splendide perspective d'édifice du XIII ème siècle dans le quartier Saint Germain de Paris, on pénètre dans l'ancienne sacristie en léger contrebas comme on descendrait sur une rive. C'est là que se tient l'installation "Solitaire" de Stéphane Thidet ( né en 1974). On croit entrer dans une grotte, l'oeil doit prendre le temps de s'habituer au noir pour comprendre la matière du spectacle, son décor "naturel" de très hautes croisées d'ogives médiévales et mettre un nom sur les formes blanches, presque éblouissantes, qui évoluent dans l'espace, lentement, silencieusement avec une saisissante poésie.

    20160430_145059.jpg20160430_145046.jpgDe la rambarde formant balcon on découvre, sans pouvoir les toucher, que ce sont deux troncs d'arbres centenaires suspendus. D'un blanc laiteux, ils tournent sur eux-mêmes au dessus d'un plan d'eau noire. Celui de gauche, à l'horizontale, semble s'étirer comme le corps tendu d'un danseur en une arabesque parfaite et suggère à son autre extrémité, bosselée,complexe, quelque tête animale fantastique. L'alternance de ces deux visions, dues au mouvement, donne au bois mort un aspect étonnamment vivant qui stimule l'imaginaire (photos 1 et 2).

    20160430_145246.jpgA droite, l'autre tronc, pendu verticalement et maintenu par une poutre métallique volontairement laissée apparente, plonge sa pointe dans l'eau comme une plume dans un encrier. Les deux arbres, en effleurant la surface liquide, surface "dessinable" par excellence, la troublent en de multiples cercles concentriques et éphémères qui disparaissent pour réapparaitre à nouveau au prochain passage. Stéphane Thidet est attaché à l'idée que les situations ne se terminent jamais ou, comme en musique, elles se répètent, fussent elles déformées ou transformées. Les troncs et l'architecture projettent leur ombre sur l'eau et sur les murs. " L'eau est un élément particulièrement intéressant pour ce que je tente de mettre en jeu: il contient tous les paradoxes qui m'intéressent, notamment cette articulation de douceur et de violence, mais aussi ce caractère insaisissable" (photo 3).

    La majesté de l'oeuvre n'empêche pas une légèreté qui invite au rêve et à la contemplation. Le bois, l'eau, la pierre, le mouvant et l'inerte, dialoguent, se traversent, se confrontent en des rapports fugaces, sorte de voyage immobile, magique, vers un ailleurs fantasmé.

    "Solitaire" de Stéphane Thidet, Collège des Bernardins, 20 rue de Poissy, 75005 Paris, tel:01 53 10 74 44. Du lundi au samedi de 10h à 18h, le dimanche et les jours fériés de 14h à 18h.