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  • Le Japon à Paris (par Sylvie).

    L'exposition est d'une telle qualité qu'on s'en voudrait de ne pas la signaler. La galerie Dutko présente une quinzaine d'oeuvres,  majoritairement japonaises, auxquelles s'ajoutent quelques françaises aux points communs indéniables, à l'occasion du 160 ème anniversaire des relations diplomatiques entre la France et le Japon. Toutes sont d'un extrême raffinement et traduisent l'esthétique harmonieuse propre à ce pays et l'attachement de ces artistes, dont certains sont devenus internationaux, à perpétrer les traditions de leur pays.

    20180911_172042-1.jpg20180911_172115.jpgDès l'entrée, deux oeuvres manifestent les extrêmes d'une même recherche de perfection propre à la philosophie japonaise, l'une qui se laisse devinée, l'autre qui s'expose:  "Lightscape colors" (Perl White) 2016  d'Akira Kugimachi, 130,3x 89,4 cm, pigments minéraux sur papier, est un tableau presque blanc, le dégradé du blanc au gris est si infime qu'il ne se perçoit pas immédiatement, il faut contempler pour en saisir toutes les nuances au fini soyeux comme la plus délicate des étoffes. C'est une échappée vers l'immensité, vers l'absolu.                                                                    Lui faisant face, posée sur une table basse pour mieux en saisir les entrailles, une majestueuse céramique blanche, voluptueuse, à engobes rouges de Cheiko Katsumata, exhibe ses plis, ses rondeurs et le mystère d'une presque indécente intimité. ( Les engobes sont des revêtements minces à base d'argile délayé et appliqué sur la céramique pour en modifier la couleur naturelle et lui donner un aspect lisse). Quelle fascinante citrouille entrouverte si naturelle dans sa plénitude. Tout aussi charnelle, une autre céramique, "Yellow", 2018, 24x30x22 cm, blanche et engobes jaunes, se tient debout cette fois comme une végétation marine ondulant dans les flots.

    20180911_172156.jpgLauren Collin est française. On retrouve chez elle l'amour du papier et du travail minutieux japonais. Deux oeuvres sur papier Arches à grain fin, l'une blanche et l'autre jaune. "Sans titre" 2016, 80x60 cm. Parfaitement uniformes dans leur couleur, elles se révèlent mouvantes sous les traits du scalpel qui, sous couvert d'une chirurgie plus ou moins anarchique soulève irrégulièrement le papier et décrit un motif répétitif en écailles comme des champignons sur un tronc d'arbre ou une carapace animale que la lumière met en relief.

    takesada-matsutani-in-between_002.jpg20180911_172325-1.jpg"In between" 2013, 195x130 cm, adhésif polyvinyl et graphite, papier japonais sur toile de Takesada Matsutami nous rappelle que la violence et le sexe participent de façon significative de l'art japonais. Ils semblent ici intrinsèquement liés : noir profond et broussailleux, rigidité féroce des diagonales aux reflets bleutés comme du métal.

    Au premier étage de la galerie la main de Yoshimi Futamura a façonné deux amples pièces en grès noir, "Black Hole, 2017, un cratère de 59x56x24 cm et "Rebirth" qui s'élève en tournoyant. La porcelaine blanche qui les habille par touches en une peau brillante et craquelée, caresse en douceur les reliefs, les souligne, les anime. Comme beaucoup de céramistes étrangers Futamura a travaillé avec la Manufacture de Sèvres.

    20180911_172300-1-1.jpg20180911_171913-1-1.jpg20180911_172013-1.jpgLe travail de Béatrice Casadesus  n'est pas étranger à l'orient extrême où elle a beaucoup voyagé. Les oeuvres exposées ici attestent d'une finesse qui s'accorde parfaitement à cet univers par delà une filiation au pointillisme de Seurat. Le paravent tissé par la Manufacture des Gobelins (d'après une peinture de 1984) reprend dans les moindres détails le tableau initial dont  le très subtil éparpillement des touches. Il a fallu dix ans pour réaliser ce chef-d'oeuvre.  Les papiers provenant d'Asie, faits à la main, ont ses faveurs. Leur texture  favorisent une certaine irrégularité et absorbent l'encre qui traverse ainsi le papier.  Le fond de '"Empreinte I", 1990, 99x63 cm, à la fois présent et distant, aérien, est tramé selon un procédé d'application devenu la marque de fabrique de cette artiste. Il porte un demi disque noir - soleil nervalien ? - promis à l'évasion.Tout s'inscrit dans la légèreté. Et sur '"Empreinte II et III 1990, horizontales de 63x93 cm, papier japon et encre de Chine, deux cibles se superposent. Dans la profondeur de l'espace ainsi créé on croit voir une éclipse lunaire. Au Japon comme en Chine la pleine lune est le symbole de l'unité et du rassemblement, de la récolte et du travail. Elle se fête à la mi automne et cette année Tsukimi - contemplation de la lune- a lieu le 24 septembre.

    20180911_174109.jpgles reliefs d'Hitomi Uchikura que la lune obsède, semble t'il, ont une volumétrie  bouillonnante. Ces "Gouttes de lune" 2015, rayonnantes  de cuivre argenté et laqué, nous parlent de l'esprit manga.

    Faute de voyage en Asie, allons trouver la poésie, la beauté, l'utile et  l'inutile dans ce "Japonisme 2018".

    France-Japon, galerie Dutko, 11 rue Bonaparte, 75006 Paris, 01 56 24 04 20, jusqu'au 13 octobre.