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Fondation Carmignac (par Régine)

Les musées et les fondations d'art contemporain fleurissent un peu partout dans le monde et leurs architectures rivalisent d'audace. A l'opposé de cette débauche d'excentricités la Fondation Carmignac, qui vient d'ouvrir se portes sur l'Ile de Porquerolles, au sein d'un parc national, est d'une discrétion absolue.

Rien n'a été modifié de l'ancien mas provençal racheté il y a quelques années par l'homme d'affaire Edouard Carmignac car les 2000 m2 de salles d'exposition ont été creusés de manière invisible et selon un plan en croix dans le remblai sur lequel la maison avait été construite. Le long des façades, à flanc de colline, de larges ouvertures ont été ménagées ; elles offrent une vue incomparable sur le parc et la campagne environnante. La piscine est transformée en plafond d'eau, belle prouesse architecturale IMG_6401.JPG(photo). Elle filtre et diffuse la lumière du soleil dont les rayons dansent sur les cimaises bleues de l'espace qu'elle surplombe, avant de se propager dans les pièces avoisinantes (photoIMG_6352.JPG & et 1bis)

La visite s'apparente à un cérémonial. Accueilli par le génie de l'Ile : l'Alycaste (photo 2)Barcelo 2.JPG, grande sculpture en bronze de Barcelo, comme dans un temple hindou, on est prié de se déchausser : la visite se fait pieds nus. On descend religieusement le bel escalier de grès qui s'enfonce dans les profondeurs de la terre et dont la rampe en corde s'épanouit en une fragile arborescence bleue au multiples et délicates ramifications IMG_6304.JPG(photo 2bis).

Pas plus de cinquante personnes ne sont admises chaque demi-heure. Ainsi, jamais gêné par les autres visiteurs, on se retrouve parfois seul dans une salle éprouvant le sentiment très agréable d'avoir le musée pour soi.

L'exposition actuelle, signée du commissaire Dieter Buckhart, intitulée "Sea of desire", comporte une bonne soixantaine d'oeuvres puisées dans la collection ou commandées pour l'occasion telles celle de Bruce Nauman qui ouvre la visite et celle de Barcelo qui la clôt, se référant toutes deux à la mer intensément présente.

La première One Hundred Fish Fountain est spectaculaire (photo 3)IMG_6313.JPG. L'artiste a transformé l'antichambre en un immense aquarium. Semble y flotter une multitude de poissons d'espèces et de tailles différentes qui s'agitent ponctuellement au son d'une mer déchaînée et sous un ruissellement d'eau. La seconde est un immense et magnifique triptyque (photo 4)Barcelo 1.jpg qui épouse la forme curviligne de la pièce qu'il occupe et qui représente un fond marin peuplé de méduses et d'ectoplasmes étranges et peu rassurants.

Entre ces deux extrêmes on déambule silencieusement dans ce lieu construit en osmose avec la nature, véritable écrin pour les oeuvres qui y figurent, tout en appréciant sous nos pieds la fraîcheur des belles dalles de grès.

Quelques temps forts : le côtoiement dans une même salle d'une toile de Rothko rouge et rose d'une infinie douceur (photo 5)IMG_6337.JPG et d'une de Gerhard Richter d'un jaune solaire éclatant et magnifique (photo 6)IMG_6343.JPG ; deux oeuvres de Basquiat : le Portrait d'Edouard Carmignac - peint dans les années 1980 lorsqu'il étudiait à l'université de Columbia (photo 7) IMG_6307.JPGqui dégage une énergie farouche et conquérante et l'extravagant Fallen Angel, racheté il y a 10 ans 6,4 millions d'euros (photo 8)IMG_6357.JPG ; IMG_6319.JPGles deux portraits peints par Andy Warhol, celui de Lénine (photo 9) et celui de Mao, le premier, dont les couleurs bleu électrique et noir, font ressortir de façon fascinante la froideur inflexible du personnage ; le face à face plein d'humour de deux portraits de Picasso, l'un de Maurizio Cattelan peint à la manière de LichtensteinIMG_6374.JPG (photo 10), l'autre d'Alexandre CalderIMG_6377.JPG (photo 11) fait de cercles blancs sur fond noir et de lignes noires sur fond blanc à la manière d'un masque africain ; l'aérienne et sophistiquée suspension de Jacob Hashimoto créée pour l'occasion (photo 12)IMG_6395.JPG.

La confrontation entre une Vénus de Botticelli (photo 13)IMG_6325.JPGIMG_6328.JPG prêtée par le musée de Turin et les archétypes féminins de Roy Lichtenstein (photo 14) est plus amusante que convaincante. Cet artiste, l'un des préférés du maître de maison, est par ailleurs très présent dans l'exposition.

Bien d'autres oeuvres mériteraient d'être citées, notamment un important ensemble de photos issu du prix Carmignac du photojournalisme créé en 2009. Parmi celles-ci je citerai celle de Shirin Neshat : Mahdokht (woman knitting)IMG_6379.JPG : au centre d'un sous bois une femme (une sorcière ?) tricote une multitude d'écheveaux et de pelotes de laine jaune qui jonchent le sol (photo 15). Maintient-elle les fils tendus entre les membres d'une foule vêtus de jaune et que l'on aperçoit au loin et qui convergent vers elle ? La photo de Sergey Maximishin Deux Moines portent une icône, RussieIMG_6381.JPG, est toute empreinte de ferveur (photo 16). Enfin Falling sandIMG_6403.JPG d'Ed Ruscka datant de 1989 où trois sabliers mis en parallèle figurent avec rigueur et de façon minimal trois écoulements différents du temps (photo 17).

On ne saurait terminer cette visite sans une grande balade dans le parc tout imprégné de l'odeur du maquis et où ont été disséminées une vingtaine de sculptures monumentales commandées spécialement pour le lieu. On regrette seulement qu'un plan qui permettrait de les retrouver plus facilement ne soit pas fourni.

Tel un jeu de piste, à travers oliviers, vignes et bosquets, on part à la recherche des Quatre Saisons d'Ugo Rondinone (photo 18)Rondinone.jpg, quatre visages grimaçants que l'on tente d'identifier, de l'imposante Lolo en bronze de Wang Keping (photo 19)IMG_6423.JPG image peu avantageuse de la féminité, de La Couvée de Nils UdoNils udo.jpg, cinq oeufs géants en marbre de Carrare (photo 20), des Trois Alchimistes en pleine méditation de Jaume Plensa aux visages concentrés et sereins (photo 21)IMG_6428.JPG ou de La Traversée de Jean DenantIMG_6419.JPG, grande carte miroir de la Méditerranée (photo 22) dans laquelle le visiteur se reflète et s'immerge et de bien d'autres encore.

Dirigée par Charles Carmignac, fils d'Edouard, qui y a insufflé son esprit, ce lieu unique en son genre n'est pas facile d'accès. Il faut prendre le bateau à Hyères puis marcher un bon quart d'heure avant de l'atteindre ; il se mérite. Venir à la fondation dit Charles "c'est entreprendre une démarche initiatique, décrocher du monde réel et reprendre contact avec soi-même".

 "Sea of Desire" du 2 juin au 4 novembre 2018 - Fondation Carmignac - 83400-Porquerolles. 04 89 29 19 73 www.fondationcarmignac.com

 

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